Cours d’agriculture (Rozier)/HOUBLON

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 501-517).


HOUBLON. Tournefort le place dans la sixième section de la quinzième classe, qui comprend les herbes à fleurs à étamines, ordinairement séparées des fruits sur des pieds différens, & il appelle lupulus mas la plante mâle, & lupulus fæmina, la plante à fleurs femelles. Von-Linné le nomme humulus lupulus, & le classe dans la dioécie pentandrie.

Fleurs, mâles & femelles, sur des pieds différens ; les individus mâles sont disposés en panicules. D, Pl. XX, représente une fleur mâle vue en dessus, la même fleur vue en dessous en E. Elle consiste en cinq étamines, dont une est représentée seule en F ; le calice de la fleur, composé de cinq feuilles égales, alternativement placées avec les étamines. Les individus femelles sont disposés en panicules, ainsi que les mâles, mais rassemblés en cônes écailleux, comme on le voit en G. Chacune des fleurs consiste en une écaille H, qui forme le calice, & en un pistil I. Les fleurs femelles n’ont aucune apparence de corolle, ni les fleurs mâles ; le calice en tient lieu. Les bouquets qui rassemblent les fleurs femelles conservent leur forme jusqu’à la maturité. (Voyez lettre K). C’est dans cet état qu’on recueille le houblon. L représente un fruit séparé du cône écailleux ; l’écaille, qui formoit le calice de la fleur, est devenue une tunique, à la base de laquelle se trouve enveloppée une semence M.

Feuilles, portées sur des pétioles, simples, entières, en forme de cœur, à trois ou à cinq lobes, dentées en manière de scie : la culture fait beaucoup varier leur forme.

Racine C, horizontale, rameuse, & elle pousse un grand nombre de drageons.

Ports, tiges anguleuses, herbacées, rudes au toucher, creuses, grimpantes, & s’entortillant autour de tout ce qu’elles rencontrent. A représente la tige à fleur femelle, & B, la tige à fleur mâle. Les fleurs femelles sont portées par des pédicules ; elles naissent des aisselles des feuilles, rassemblées dans des espèces de cônes écailleux, portées sur des pédicules de la longueur des pétioles ; les feuilles sont opposées.

Lieu ; les terrains sablonneux, un peu humides en dessous, les haies. La plante est vivace par ses racines, & les tiges meurent chaque année.

La culture de cette plante est d’une nécessité première dans les pays où la bière est la boisson commune. La culture du pommier à cidre, (voyez ce mot) ne seroit elle pas plus avantageuse ? On auroit une liqueur vineuse, bien plus agréable que la bière, du bois de chauffage, moins de frais de culture, & une grande diminution dans les engrais que la houblonnière exige. Les réflexions que je présente, sont soumises à l’examen impartial des cultivateurs du houblon, parce que n’ayant jamais cultivé cette plante, je ne puis en parler que d’après les descriptions qu’on en a faites. Il me seroit très-facile de m’approprier le travail des écrivains qui m’ont précédé : mais ce n’est ni ma manière de penser ni d’agir. J’avoue donc que je copie cet article de l’ouvrage anglois de M. Hall, intitulé le Gentilhomme Cultivateur, & traduit en françois, par M. Dupuy d’Emporté.

On distingue ordinairement quatre sortes de houblons ; le sauvage, celui à longues tiges rouges, le houblon blanc, & le houblon court de la même couleur[1].

Le houblon sauvage est petit, & ne mérite guère l’attention du cultivateur ; le houblon long, à tige rouge, est de très-bon goût, mais n’est pas aussi marchand à cause de sa couleur : le blanc long est le plus estimé. Le court est très estimé, & d’une belle couleur ; mais il n’est pas d’un produit aussi considérable que le houblon blanc & long.

Si toute sorte de sol convenoit à cette espèce, elle seroit la seule qui mériteroit les soins & les travaux des cultivateurs ; mais, comme elle demande un sol moelleux, riche, & que celle à tige rouge réussit parfaitement dans un terrain médiocre, il vaut mieux avoir une récolte bien nourrie & bien abondante de cette dernière espèce, qu’une pauvre récolte de la première. C’est pourquoi le cultivateur doit sentir combien il lui importe de choisir, pour la qualité de son sol, le houblon qui peut le mieux y réussir.

Si on a un sol riche, on doit la préférence au houblon blanc : si, au contraire, le sol est mêlé de sable, il faut y planter le houblon blanc & court ; l’un & l’autre réussissent très-bien sur le même sol. Si le terrain abonde beaucoup en argile, ce seroit en vain qu’on y planteroit des houblons quelconques ; ils y périroient : mais si le sol n’est qu’en partie argileux, on peut y planter, avec espérance de succès, le houblon à tige rouge.

Quant à la couleur de la superficie du sol, il ne faut point s’y arrêter, pourvu que le fonds de terre soit léger & riche.

I. Du sol convenable aux houblonnières. Si on excepte les arbres, il n’est point de plante qui plonge plus profondément ses racines que le houblon : c’est pourquoi, en travaillant la terre, il faut renverser le sol, & enterrer sa superficie ; ce qui se fait par le secours des tranchées. Lorsque le sol, dont on a fait choix pour une houblonnière, est trop humide, il convient de le façonner par rangées fort hautes, afin de le bien dessécher, & l’entretenir toujours dans cet état ; autrement les racines périroient pendant l’hiver.

Le houblon avorte toujours dans un sol graveleux & dans un sol argileux, ainsi que dans le pierreux. On peut rétablir dans tout autre sol ; il ne manque jamais, si on a le soin de choisir les espèces moins estimées pour les terrains médiocres.

Comme le houblon plonge ses racines à une grande profondeur, & qu’il les étend beaucoup, il attire une si grande quantité de suc, & épuise tellement le sol, que toute autre plante, que l’on sème après avoir détruit la houblonnière, n’y réussit presque point, excepté les arbres, attendu que leurs racines plongent beaucoup plus bas que celles du houblon ; au lieu, qu’on peut planter le houblon après toute autre production, en exceptant cependant celle du sainfoin ou esparcette, de la luzerne, & de toute plante à racines pivotantes.

Un bon sol, qui a été semé en blé, fournira très-bien, pendant huit ans à une houblonnière, la nourriture nécessaire ; un sol vierge la soutient pendant douze ans ; mais, passé ce temps, elle se trouve épuisée. C’est pourquoi nous conseillons de planter des pommiers & des cerisiers dans le même sol où l’on plante des houblons. Ces jeunes arbres n’appauvrissent point le terrain, & au bout de douze ans, les cerisiers portent du fruit, & durent fort aisément vingt-cinq ans. Alors on peut les abattre, & les pommiers se trouvent dans un état vigoureux. Une pièce de terre bien abritée, située dans un bas, à une exposition méridionale, & environnée des autres côtés par des arbres, est la plus avantageusement située pour une houblonnière.

II. De la formation & du placement des monticules pour une houblonnière. Le mois d’octobre est le temps auquel on plante le houblon : il faut préparer la terre au moins un mois auparavant, l’ouvrir à une grande profondeur, la rompre & la bien ameublir. Après cette opération, on procède aux monticules qui, dans un sol peu abondant, doivent être à neuf pieds de distance, & à sept pieds dans un sol riche. Pour parvenir à une disposition régulière des monticules, on met une corde qui prend d’un champ à l’autre, sur laquelle on mesure le nombre de pieds de la distance qu’on veut donner aux monticules ; on fait un nœud à chaque distance déterminée, & à chaque nœud on fiche en terre un petit bâton, pour marquer la place de chaque monticule, laissant en tout sens la même distance. Par ce moyen, on se ménage la facilité de se servir du cultivateur, (voyez le mot Charrue) pendant que les houblons sont sur pied.

Après cette préparation, il seroit très-avantageux de planter les houblons dans le fumier dont on va parler. On ramasse une certaine quantité de terre fine & riche, proportionnée à la quantité des monticules : on y ajoute la quatrième partie de vieux fumier bien pourri, & la dixième partie de sable, & on mêle le tout ensemble ; ensuite on ouvre, à chaque bâton fiché dans la terre, un trou de deux pieds de profondeur, & d’un pied & demi de largeur & en quarré, & on remplit le tout de la composition précédente. Rien ne donne plus de vigueur & de célérité aux plants.

III. Plantation du houblon. Il est important de choisir soi-même les plants, de se transporter dans la houblonnière dont on veut les tirer, d’examiner la qualité du sol & la hauteur des monticules, & l’on verra dans la suite que les nouveaux plantés deviendront plus beaux que n’auront jamais été les premiers ; mais, au contraire, si on tire les plants d’un sol plus riche, pour les transporter dans un sol plus maigre, ils ne feront que languir. On doit préférer les plants des monticules les plus élevés, & choisir les plus gros, d’environ dix pouces de longueur, & qui aient quatre bourgeons. On les enterre ensuite dans un endroit froid & humide, & on les en retire à mesure que les fosses où l’on doit les planter, sont prêtes : on fait ensuite une ouverture d’un pied quarré de profondeur au centre de chaque fosse, que l’on a auparavant remplie de fumier composé. On jette la terre que l’on retire sur les bords du fossé : on met, dans chaque coin de la fosse, un plant perpendiculairement, & on enterre toute sa tige, de façon que son sommet ne passe pas la surface du sol : on remet après cela la terre tirée de la fosse, & on la fixe autour des racines ; on couvre le sommet des plants avec la plus fine partie du terreau, à la hauteur d’environ deux pouces, & l’on continue ainsi la plantation de la houblonnière.

Un acre anglois de terrain, (voyez ce mot) contient environ mille monticules : une houblonnière d’un acre rend au moins douze mille livres par an, pour peu que le sol, la saison, la situation soient favorables.

Il y a plusieurs petites observa ions, desquelles dépend encore le succès. 1°. On doit, en transplantant, ne tenir les plants hors de terre, que le moins de temps qu’il est possible ; 2°. ménager avec le plus grand soin les racines ; 3°. les couper au-dessus de l’endroit endommagé, sans quoi la racine moisiroit soudain, & communiqueroit son infection à toute la plante ; 4°. de supprimer, près de la racine principale, les fibrilles dont la direction se porte vers la superficie du sol.

On met un plant dans chaque angle de la fosse : si l’on veut ajouter un cinquième plant, il faut le placer au centre ; & si, comme quelques cultivateurs le pratiquent, on veut encore en ajouter deux, il faut les placer sur la ligne qui croise le milieu de la fosse, à une distance égale de tous les autres plants.

Les plants ainsi arrangés dans la fosse, on la remplit du mélange ci-dessus indiqué : on comprime avec la main le peu qu’on en met à la fois, pour fixer ce fumier autour du plant ; & quand la fosse est remplie, on comprime doucement avec les pieds, afin que les plants soient bien entourés, prenant cependant bien garde de former une croûte autour des tiges. Quelques cultivateurs arrosent aussitôt après qu’ils ont planté ; opération inutile. Nous recommandons de faire la plantation en automne, saison dans laquelle l’eau ne manque point ordinairement : trop d’humidité pourrit les racines.

Dans l’été qui suit la plantation ; on doit visiter la houblonnière, & marquer les monticules où les plants n’ont pas bien réussi, & ceux qui fournissent les plants les plus vigoureux. L’année suivante, lorsque le temps d’échalasser les plants est venu, on abat les sommités des plants les plus vigoureux, & on ensevelit le reste des tiges dans la terre. Alors cette espèce de marcotte fournit un grand nombre de plants sains & robustes, que l’on peut planter, l’été suivant, à la place de ceux qui ne sont pas de belle venue, ou qui sont foibles. En suivant cette méthode, on améliore tous les ans une houblonnière, qui récompense parfaitement les soins du cultivateur. Détruire les mauvaises herbes, tenir la superficie du sol toujours bien travaillée, bien ameublie, sont des soins essentiels.

IV. De la manière de fixer les êchalas ou perches. Dès que le temps devient doux au printemps, il convient de ficher dans la terre les perches qui doivent soutenir les houblons. On les fait d’aune, de frêne, (voyez ces mots) de la longueur de quinze pieds pour la première année, & de cinq pouces de grosseur. Lorsque le sol est riche, que par conséquent les plants sont vigoureux, il faut de nouvelles perches pour la seconde année, de vingt pieds, & de sept pouces de grosseur. Si les monticules sont à la distance de sept pieds les uns des autres, il faut trois perches pour chaque monticule : si la distance est de huit pieds, il en faut quatre. Si le sol est riche, & la distance de neuf pieds, on met cinq perches par monticule, de sorte que l’on peut compter ordinairement quatre mille perches par arpent.

Lorsque nous disons que les perches doivent être plus courtes la première année, que les suivantes, c’est parce que l’accroissement du houblon est, en quelque façon, déterminé par la longueur & la grosseur de la perche qui le soutient ; de sorte que si la perche est longue, & le sol pauvre, toute la nourriture s’épuise en tige & en feuilles, & ne produit presque point de fruit ; au lieu que, lorsque le sol est bon, & que les monticules sont placés à neuf pieds de distance, les racines s’étendent, & puisent leur nourriture dans les intervalles où l’on a l’attention de faire la guerre aux mauvaises herbes avec le cultivateur ; de sorte qu’on peut donner, la première année, des perches de quinze pieds, & la seconde, de vingt pieds de longueur. Malgré cette hauteur, qui paroît énorme, la tige monte jusqu’au sommet de la perche, & la racine est assez forte pour nourrir le fruit.

Il faut placer les perches près de chaque monticule, après que les pousses ont percé la superficie de la terre, & non auparavant. On risqueroit sans cela de blesser le plant, parce qu’on n’est point assuré de l’endroit où il faut les ficher : mais, d’un autre côté, si on reste longtemps sans les ficher, on arrête la naissance des pousses, parce qu’elles ne peuvent s’élever sans appui. Il faut donc la commencer avant que les pousses paroissent, & la finir avant qu’elles aient acquis trois pieds de hauteur.

Plus le sol est riche & les perches longues, plus il faut les ficher en avant dans la terre ; car la perche, qui s’enlève & se renverse, porte plus de préjudice que si elle se cassoit. Chaque perche doit avoir une espèce de fourche à son sommet, afin qu’elle soutienne mieux la tête du houblon. Il faut, en fichant ces perches, avoir l’attention de les faire pencher tant soit peu en dehors des monticules, & éviter de les faire pencher en dedans, parce qu’une telle position fermeroit le passage à l’air ; ce qui seroit absolument contraire à la réussite du plant. On a observé qu’une perche qui penche tant soit peu en dehors vers le midi, supporte un tiers plus de houblon qu’une autre, fichée perpendiculairement.

V. De l’inspection des perches. Lorsque le houblon est parvenu à la hauteur de six à sept pieds, si on voit que la perche, par sa trop grande hauteur, fait trop exhausser la tige ; ce qui l’empêche de produire du fruit, il faut substituer une perche plus courte, & y lier le houblon avec beaucoup de soins ; de même que si on s’aperçoit qu’elle est trop courte pour une plante vigoureuse, on en substitue une plus longue ; enfin, les examiner toutes l’une après l’autre, & raffermir celles qui vacillent. On doit avoir en réserve des échalas de toute longueur, afin de remédier promptement aux accidens qui surviennent.

VI. De la manière de lier les houblons aux échalas. Lorsque les plants sont parvenus à la hauteur de trois pieds, on les lie aux échalas les plus proches, en les tournant avec soin tout autour de cet appui, suivant le cours du soleil. On peut se servir, pour cette opération, du jonc desséché, ou encore mieux de laine : on peut les lier en deux ou trois endroits, sans trop les serrer. Pour peu qu’on endommage les jeunes pousses, on les fait périr. On choisit ordinairement l’heure du midi poux cette opération : le matin, elles sont trop pleines de suc, & trop cassantes le soir.

Après cette opération, il n’y a plus de ligature à faire ; mais, huit à dix jours après, on parcourt la houblonnière, & on redresse avec la main tous les plants qui se dérangent des échalas. Autre visite à faire vers la fin d’avril ; & comme on ne peut plus en ce temps atteindre avec la main aux sommités des plants, il faut rapprocher, avec un bâton fourchu, & long de cinq à six pieds, ceux qui s’écartent des échalas.

À la mi-mai, il est encore essentiel de faire quelques tours dans la houblonnière, dont les plants ont alors acquis une si grande hauteur, qu’on ne peut y atteindre ni avec la main, ni avec un bâton : on se sert, dans ce cas, d’une échelle double, pour redresser avec soin les plants séparés des perches, après quoi on les abandonne à eux-mêmes pendant un mois.

VII. De la formation des monticules. Il faut, au commencement de juin, saisir l’instant de la première pluie, & rompre la terre entre les monticules avec le cultivateur, & on la jette avec soin par-dessus. C’est ainsi qu’on les élargit & exhausse une fois, de trois en trois semaines, pendant tout l’été, afin de détruire les mauvaises herbes, & fournir des sucs aux nouvelles racines.

VIII. Du raccourcissement des plants. Cette opération est importante, puisque, pour avoir de beaux fruits, il ne faut pas que la plante s’élève trop haut en tige, ni qu’elle s’épuise en feuilles. On a laissé tranquilles les plants de houblon, pendant un mois, après les avoir disposés avec régularité dans le mois de mai : après ce temps, les tiges commencent à s’étendre en branches. Il y en a, & c’est le plus grand nombre, qui ont besoin du secours de l’art pour qu’ils s’étendent de même : afin d y parvenir, on en coupe les sommités.

Des cultivateurs prétendent empêcher la tige de s’exhausser, en l’écartant de l’échalas ; cette méthode n’est pas certaine : il vaut mieux, au bout du mois de repos, porter des échelles doubles sur la houblonnière, & casser le bourgeon de la sommité de la tige qui ne s’étend point en branches ; ce qui l’empêche de se prolonger, & lui fait produire des branches qui rendent beaucoup de fruit : mais si ces branches, secourues par des pluies abondantes, deviennent trop longues, il faut abattre les bourgeons qui sont à leurs sommités. Par ce moyen, le suc nourricier se porte directement sur le fruit.

De la récolte du houblon. Il commence à fleurir vers la dernière semaine de juillet (en Angleterre). Le fruit paroît quinze jours après la fleur, &, trois semaines après, il mûrit parfaitement, si la saison est favorable ; de sorte qu’on le cueille vers la fin d’août, ou au commencement ou à la fin de septembre, suivant la saison. Il est essentiel que le cultivateur veille avec soin l’époque de la maturité ; la moindre négligence sur cet article porte un préjudice considérable : il faut, vers la fin du mois d’août, visiter tous les jours la houblonnière. Voici les signes qui indiquent sa maturité : lorsque le houblon change de couleur, preuve certaine qu’il est presqu’au point de maturité. Ensuite il répand une odeur douce & agréable : peu de jours après, le fruit devient brun, & c’est alors qu’il est dans sa parfaite maturité ; peu de temps après, il flétrit & se passe très promptement ; raison qui engage à veiller avec tout le soin possible à la maturité du fruit. À ces signes, on rassemble beaucoup de monde, pour faire très-promptement la récolte : un seul jour de plus sur la plante, après qu’il a acquis sa maturité, il dépérit ; & si, par malheur, il fait un grand vent pendant la nuit, le dommage est très-considérable.

On commence par couper, ras du sol, les tiges des plantes qui croissent sur les quatre monticules qui sont au centre de la houblonnière ; on abat ensuite ces monticules, jusqu’à ce qu’ils soient à niveau du sol d’alentour. On arrose ce nouvel espace, & on le masse avec un maillet, pour affermir le sol & le rendre uni ; on le balaye, & on y fait passer le rouleau pesant. Telle est l’aire destinée à la récolte du houblon, & on en prépare plusieurs semblables, à différentes distances, si la houblonnière a beaucoup d’étendue. Ceux qui sont préposés pour cueillir le fruit, s’asseyent en rond autour de l’aire, & mettent le houblon cueilli dans des paniers. Il faut balayer l’aire toutes les trois ou quatre heures, & l’on continue jusqu’à ce que toute la cueillette soit finie.

Pendant qu’on prépare ces aires, une personne parcourt la houblonnière, ayant en main un long bâton, au bout duquel est fixée une serpe bien aiguisée ; elle s’appelle volant en certains pays. C’est avec cet instrument qu’on coupe doucement les sommités qui se trouvent entortillées autour des bouts des perches qui soutiennent d’autres tiges. Sans cette précaution, il se feroit des tiraillemens entre les tiges, lorsqu’on veut enlever les perches de terre, & ces secousses feroient tomber le fruit. Lorsque l’on a dégagé, vers le sommet, les tiges les unes des autres, il faut les couper à trois pieds de hauteur de terre. Quelques cultivateurs coupent les tiges ras du sol ; méthode pernicieuse. Les plantes, à cette époque, sont pleines de sève, & cette sève s’épanche par une blessure faite si près de la racine, & lui cause beaucoup de dommage. Il faut donc couper les tiges à trois pieds au-dessus du sol, & ne couper à la fois que le nombre de tiges suffisant pour occuper ceux qui dépouillent le fruit, parce que les grandes ardeurs du soleil ou les pluies sont préjudiciables aux tiges coupées, dont le fruit n’est point encore cueilli.

Les tiges débarrassées les unes des autres, & coupées en bas, il ne faut point les détacher de leurs échalas, mais au contraire enlever les perches de terre, & porter le tout ensemble à l’aire, où on leur ôte les fruits avant de les délier.

Voici comment se fait l’enlèvement des perches. On se munit d’un billot & de pincettes à long & fort manche ; elles s’ouvrent de même que les tenailles de serrurier. On ébranle doucement les échalas avec la main, & l’on approche le billot : on enfonce alors les pointes des pincettes dans la terre, pour saisir la perche, en appuyant le manche sur le billot qui est fendu & ouvert par le bout.

Les cueilleurs de houblon doivent avoir l’attention de ne point y mêler d’ordure, car, pour peu qu’on y laisse des échardes, des tiges, ou autre malpropreté, il perd considérablement de sa valeur.

Ceux qui cultivent le houblon ne s’accordent point sur le degré de maturité dans lequel il convient de le cueillir. Lorsqu’on le récolte médiocrement mûr, c’est-à-dire, avant qu’il ait acquis la couleur brune, il est d’une couleur plus belle, conserve cette beauté quand il est sec, & retient toute sa graine ; & c’est dans cette partie que réside sa plus grande vertu. Ces avantages ont une apparence séduisante. Lorsqu’il a acquis sa parfaite maturité, sa couleur n’est pas si belle quand il est sec, & on en perd un peu ; mais aussi dans cet état il a acquis, dans toute sa substance, un avantage que l’autre, cueilli plutôt, n’a point ; & comme il est moins humide, il ne perd pas tant de son poids en séchant. Cinq livres de houblon cueilli avant sa maturité, se réduisent au poids d’une livre quand il est sec, & quatre livres de houblon cueilli dans sa couleur brune, rendent quand il est entièrement sec, le même poids, à moins qu’on ne donne pour le moins mûr un prix plus haut que la différence qui est dans le poids ; l’avantage doit être nécessairement pour ceux qui attendent la maturité pour cueillir.

X. De la dessiccation du houblon. Dès qu’il est cueilli, on le fait sécher dans un fourneau construit exprès, parce que, si on le laisse en tas, il s’échauffe très-promptement, perd sa belle couleur, sa bonne odeur, & diminue de prix en conséquence. Si le fourneau est plein, & qu’il reste du houblon à sécher, on l’étend clair sur un plancher, dans un lieu où il y ait un courant d’air ; il y reste jusqu’à ce qu’il puisse être fournoyé. On doit faire grande attention que la dessiccation dans le four soit égale, & qu’elle n’altère ni la couleur, ni l’odeur. Si en retirant du tour, une partie n’est pas sèche, on la sépare rigoureusement. Une livre de ce houblon est susceptible de dégrader la couleur & l’odeur de cinquante livres d’houblon sec.

La méthode de la dessiccation n’est pas la même par-tout. En Flandre, on bâtit un fourneau de briques, de dix pieds de largeur sur autant de longueur. L’ouverture du fourneau est pratiquée dans un de ses côtés, & le foyer est au centre qui est de la largeur de quinze pouces sur autant de profondeur. Il se termine à la distance de deux pieds & demi de chaque extrémité du fourneau. Le foyer doit être fait sur le pavé du fourneau : quatre pieds au-dessus de la couverture du toit, on fait le lit où l’on étend le houblon que l’on veut sécher ; ce lit doit être entouré d’un mur de trois à quatre pieds de hauteur, pour y retenir le houblon.

Il y a une chambre joignante au fourneau où l’on dépose le houblon quand il est sec. On y pratique une fenêtre qui s’ouvre de l’endroit où est le lit, par laquelle on passe le houblon séché, avec une pelle, & on le fait entrer dans cette chambre qui doit être de plain-pied avec la fenêtre.

On fait le lit de lates très-unies, qui ont un pouce en quarré, & on les place à un quart de pouce l’une de l’autre, afin que la chaleur puisse s’y porter librement, & que le fruit ne puisse point passer à travers les interstices ; une solive traverse le milieu du lit, & on y assujettit les lates.

On remplit ensuite ce lit de houblons : on les étend également à un pied & demi de profondeur, sans les presser, & on passe légèrement sur la surface un râteau de bois, ensuite on allume le feu. La coutume de Flandre est de se servir d’un bois humide qui communique une mauvaise odeur. On continue le feu jusqu’à ce que le tout soit bien sec, article essentiel, ce que l’on connoît, si en passant un bâton sur la surface, les houblons font du bruit ; s’ils ne le font pas également par-tout, il faut les éclaircir dans l’endroit du lit où ils sont les plus humides, en jettant ceux dont on les décharge dans les endroits les plus secs. Lorsque toute la fournée est bien sèche, on éteint le feu, & l’on pousse avec une pelle les houblons dans la chambre qui est à côté ; on balaye ensuite le fond du lit ; on regarnit le lit, & on allume le feu, ainsi qu’il a été dit.

Voici la manière dont on se sert du fourneau à drêche pour sécher le houblon ; on pratique une espèce d’aire sur laquelle on l’étend à la hauteur de six pouces ; on le tient sur un feu, fait ainsi qu’il a été dit, jusqu’à ce qu’il soit à moitié sec. On renverse alors tout le houblon, c’est-à dire, que ce qui étoit dessous, revient dessus, après quoi on le laisse, en continuant toujours le feu, jusqu’à que le tout soit également sec ; en suivant cette méthode, on épargne la dépense d’un fourneau. Lorsque l’on en a un à drêche, & que l’on n’a qu’une médiocre quantité de houblon a sécher, par la méthode flamande, on continue le feu plus long-temps que par les autres, & on ne retourne pas les houblons ; il y a toujours une partie ou trop desséchée, ou qui ne l’est pas assez. Dans la méthode angloise, c’est un grand inconvénient d’être obligé de retourner le houblon ; opération pendant laquelle on perd beaucoup de graines. M. Hall en propose une qui remédie à ces inconvéniens, & qui est plus économique par la suite ; il n’y a de plus coûteux que la construction du fourneau.

Il faut bâtir le bas d’un fourneau à drêche, & l’on fait un cadre avec des parties de planches bien unies, d’un pouce d’épaisseur, de trois pouces de largeur, & d’une longueur proportionnée au fourneau. On les dispose en échiquier les unes dans les autres, ayant l’attention de faire la surface bien unie ; on couvre le cadre de plaques de fer blanc, bien soudées ensemble, & on y ajoute quatre rebords de planches dont trois y sont fixées. La quatrième doit être montée sur des gonds, pour pouvoir l’ôter quand le houblon est sec, & pour le pousser doucement sans le rompre, avec une pelle, dans la chambre voisine. Le lit étant ainsi fait, on prépare son toit ou ciel, qui doit être exactement de la même longueur & largeur, & fait de planches arrangées en cadres, dont la face intérieure doit être revêtue de fer blanc. il faut suspendre ce ciel à plat sur une hauteur considérable du lit, mais de façon qu’on puisse le hausser ou le baisser à volonté. On pratique ensuite des échappées aux coins & aux côtés du fourneau, pour donner un libre passage à la fumée : tous ces soins pris, le fourneau est prêt. On verse par paniers le houblon dans le lit, & une personne l’étend doucement avec un bâton, jusqu’à l’épaisseur de huit pouces. On allume ensuite le feu, & on l’entretient égal, jusqu’à ce que la grande humidité soit évaporée. On baisse alors le ciel à dix pouces de la surface du houblon ; ce qui fait comme le chapiteau d’un fourneau de réverbère, & qui, par conséquent, réfléchit la chaleur sur le houblon, de sorte que la couche supérieure est aussitôt sèche que l’inférieure. Lorsque toute la tournée est sèche, on enlève la planche montée sur des gonds, & qui ferme un des côtés du lit ; on la fait pencher par le moyen d’un appui qui la soutient ; on pousse dehors le houblon par le secours d’une planchette fixée au bout d’une perche dont on se sert avec beaucoup de légèreté. On remet ensuite cette planche sur les gonds, & l’on continue de la même manière, jusqu’à ce que l’on ait séché toute la récolte.

XI. Façon de mettre les houblons dans les sacs. Il faut que la chambre où l’on met le houblon qui sort du fourneau, soit sèche & très-aérée : le houblon qui est net & entier, produit un très-bon bénéfice. Comme il est toujours très-cassant en sortant du fourneau, il faut le laisser dans cette chambre au moins trois semaines : pendant ce temps, il devient ferme, pour peu que le temps soit tempéré ; mais si le temps est chaud & humide, il faut le couvrir avec des couvertures. Le houblon est délicat & sensible à la température de l’air.

Nous ferons observer que la chambre, où l’on pousse le houblon au sortir du fourneau, doit être à peu près de niveau avec le plancher du lit, afin que le houblon ne tombe point de trop haut : sans cette précaution, il se casseroit. Il faut aussi qu’il y ait une autre chambre au-dessous : on fait une ouverture au milieu de la chambre supérieure qui communique avec l’inférieure : on donne trois pieds & demi de largeur à cette ouverture ; ensuite on prend un sac de quatre pieds de longueur, & l’on attache un cerceau à son embouchure ; on le roule tout autour, & on l’y fixe avec une ficelle. On doit choisir un cerceau assez large pour qu’il ne puisse point entrer dans l’ouverture pratiquée au milieu de la chambre.

Lorsqu’on a ainsi préparé le sac, on fait passer l’autre bout opposé à celui où est le cerceau, par l’ouverture ; l’autre bout est soutenu par le cerceau. Ensuite on verse une certaine quantité de houblon qu’une personne, placée dans la chambre de dessous, rassemble dans les coins du sac, & les y arrête avec une ficelle. Ces coins ressemblent alors assez bien à des pelottes à épingles ; elles sont d’une très-grande commodité dans la suite.

Quand cela est fait, on verse le houblon dans le sac : un homme y entre pour le distribuer également, & pour le fouler aussi vite qu’on le verse, jusqu’à ce que le sac soit rempli. On déroule alors le cerceau, & l’on coud la bouche du sac, observant de faire dans les coins des pelottes, comme celles que l’on a faites dans les deux autres coins inférieurs. On peut alors ouvrir la vente, ou, si l’on aime mieux, attendre une occasion plus favorable, pourvu qu’on mette les sacs dans une chambre sèche.

XII. De la culture d’une houblonnière après qu’on a récolté le houblon. Aussitôt qu’on a fini de cueillir le houblon, on détache les tiges des perches, & l’on met les dernières en tas sous quelque hangar. Dans les grandes houblonnières, on élève un hangar pour la saison de la récolte, & cette même pièce sert à renfermer les échalas jusqu’au printemps. Il ne faut point toucher à une houblonnière jusqu’au printemps ; mais, cette saison arrivée, on lui donne la culture qui suit : On mêle dix charretées de vieux fumier avec deux charretées de terreau de jardin, & une demi-charretée de sable : ce mélange, qui se fait au mois de novembre, se garde jusqu’au printemps. Dans le cours de la dernière semaine du mois de mars, on donne un léger labour ; on apporte les tiges de houblon qu’on a ôtées des perches, l’automne précédent, & on les met en tas en différens endroits du terrain. On jette avec une pelle, sur ces tas, une certaine quantité prise de la superficie du sol ; on y met le feu pour réduire le tout en cendres que l’on laisse en tas, & sur lesquelles on met une certaine quantité du mélange préparé en novembre précédent : on observe sur-tout, autant qu’il est possible, d’en mettre une égale quantité sur chaque tas. Un laboureur mêle alors la terre & les cendres avec cette composition ; ce qui forme un engrais des plus riches ; & des plus favorables à la végétation du houblon.

On ouvre des monticules au commencement d’avril, & l’on examine les racines des plants : on conserve toutes les anciennes, & l’on coupe toutes les nouvelles qui poussent par les côtés. On a l’attention de réserver celles qui plongent perpendiculairement : on distingue les anciennes des nouvelles par la couleur. Les premières sont rougeâtres, les nouvelles sont blanches. On observe la même chose à l’égard des pousses, c’est-à-dire, qu’on ne touche point aux anciennes, & que l’on supprime les nouvelles, excepté celles qui, étant bien placées, sont très vigoureuses, & qu’on peut couper & planter, si l’on veut, dans un nouveau terrain.

Lorsqu’on a rempli toutes ces précautions, on jette dans les intervalles la terre qu’on a ôtée des monticules ouverts, & l’on forme des monticules avec le mélange, les cendres & la terre calcinée par le brûlis. Il faut couper les nouvelles pousses à un pouce de l’ancienne, pour cette fois seulement ; mais, les années suivantes, on les coupe tout ras.

Il arrive souvent que des plants de houblons dégénèrent en sauvageons[2]: il faut alors marquer les monticules dans le temps de la récolte, &, le printemps suivant, les arracher, & leur en substituer d’autres. Il ne convient point, au commencement, de donner beaucoup de hauteur aux monticules, parce qu’ils n’exhaussent assez pendant l’été par la terre que le cultivateur y jette, lorsqu’on laboure les intervalles.

Plusieurs cultivateurs commencent à labourer & à fumer avant le mois d’avril ; mais nous savons, d’après l’expérience, que le temps que nous indiquons est le plus favorable (en Angleterre), parce que le houblon est tardif à pousser, ce qui est très-heureux pour le cultivateur ; car un printemps avancé accélère sa pousse, & le rend par-là sujet à beaucoup d’accidens. Une culture tardive retarde la pousse, & détruit tellement les mauvaises herbes, qu’elles ne reparoissent point de long-temps. Si, par hasard, on trouve quelques pousses au-dessus du sol, on peut hardiment les étêter, sans craindre d’altérer le plant.

XIII. Culture d’une ancienne houblonnière. Le houblon est en pleine vigueur dans sa troisième année, & dure très-long-temps ; mais, à la fin, il s’épuise, & souvent la négligence avec laquelle on le cultive, est cause qu’il dépérit beaucoup plutôt.

Pour prévenir ce dépérissement, il faut labourer les intervalles des monticules, aussi profondément qu’il est possible, avec la charrue à quatre coutres, & préparer une certaine quantité de la composition indiquée ci-dessus ; ensuite on ôte avec la bêche autant de terre des monticules qu’on le peut, en ménageant les plants. Il faut répandre cette terre dans les intervalles, & on la remplace avec le mélange en question. Ce labour profond détruit parfaitement les herbes parasites, & le mélange que l’on substitue à la terre enlevée des monticules, procure aux plants tous les avantages d’un sol nouveau & abondant en principes. En suivant cette méthode, le houblon prend de nouvelles forces, pousse de nouveaux jets forts & vigoureux.

XIV. Du rétablissement d’une houblonnière dépérie. Lorsqu’elle est dans ce fâcheux état, on est dans l’usage commun, mais absurde, de l’abandonner, & de se contenter du produit des arbres qu’on a eu la précaution d’y planter. Il est certain qu’en suivant l’ancienne culture, on n’a point d’autre ressource ; mais aujourd’hui une méthode nouvelle de culture dissipe peu à peu les préjugés de l’ancienne culture.

Elle consiste à substituer à la terre des monticules celle des intervalles, rompue, divisée, bien ameublie avec la charrue à quatre coutres. (Voyez ce mot). À cet effet, il faut, lorsqu’on laboure les intervalles, faire approcher, autant qu’il est possible, cette charrue des monticules, en la faisant plonger autant qu’on le peut. C’est ainsi que l’on coupe l’extrémité de toutes les racines qui ont pénétré jusqu’à cette profondeur, & que la terre rompue par le labour, étant devenue plus fine & plus légère, est propre à l’insertion des nouvelles petites fibres qui poussent des extrémités des racines qu’on a coupées, & qui ont par conséquent la faculté d’y puiser leur nourriture. Il en est de même lorsque l’on défait les monticules avec la bêche : cet instrument coupe les extrémités languissantes ou dépéries des racines plus courtes qui ne sont jamais étendues au-delà du monticule, & on leur donne de la nouvelle terre des intervalles. Il n’y a point de moyen plus assuré que cette pratique.

XV. De l’arrosement d’une houblonnière. L’arrosement dépend des saisons, parce qu’il n’est pas toujours nécessaire, puisque les pluies sont souvent fréquentes dans le printemps. Si elles sont rares, on doit y suppléer ; c’est pourquoi on choisira, autant que faire se pourra, près d’un ruisseau ou d’une rivière, le sol destiné à la houblonnière.

C’est une grande erreur d’arroser une houblonnière de trop bonne heure au printemps, parce qu’on risque beaucoup d’accélérer sa végétation. Il n’y a pas de temps plus propre à l’arrosement que celui dans lequel on rompt & divise la terre des intervalles avec le cultivateur. En suivant cette méthode, on dispose les houblons à pousser vigoureusement, lorsque les monticules sont plus en état de soutenir leur croissance. Voici tout l’arrosement que ce végétal exige lorsque la saison est favorable ; mais si dans le courant du mois suivant, il ne tombe point de pluie, il faut alors répéter les arrosemens, & si la sécheresse continue pendant l’été, il faut encore arroser une fois la houblonnière, vers le temps qu’elle fleurit. Rien en effet ne contribue plus à la perfection du houblon, qu’un degré convenable d’humidité dans les saisons propres. Il faut, chaque fois que l’on arrose, bien détremper la terre, & rompre ensuite le sol des intervalles avec le cultivateur, en jetant une partie sur les monticules, pour y retenir l’humidité, & par conséquent défendre les racines & la partie inférieure des tiges des ardeurs du soleil. » Tel est le Mémoire de M, Hall sur la culture du houblon, & il est étonnant qu’il ne parle pas des maladies ou accidens auxquels il est sujet.

On en connoît trois ; le miellat, (voyez ce mot) vulgairement appelé rosée mielleuse ; la moisissure improprement nommée rosée farineuse enfin les insectes & pucerons.

La mielleuse est une exsudation par les pores de la plante, de la matière de la transpiration, unie à une des substances qui constitue la sève. C’est cette substance sucrée qui attire une multitude de mouches, & sur-tout de pucerons & de fourmis y ainsi ce n’est point ce que nous entendons par le mot de rosée. Ce miellat peut très-bien avoir eu pour cause première une rosée froide qui aura intercepté la transpiration de la plante, & l’humeur excrémentitielles aura formé le miellat. À cet article nous entrerons dans de plus grands détails.

La farineuse est une moisissure qui se manifeste par des taches blanches sur les feuilles & ensuite sur les tiges. Le seul expédient proposé contre ces deux accidens funestes, est d’aller contre le vent, & de jeter en l’air de la cendre de hêtre, afin qu’elle se porte sur les endroits de la plante affectés de la maladie. D’autres enfin conseillent de fumer la houblonnière avec le fumier de porc. Je ne conclus pas sur la valeur de ces deux moyens, puisque je n’ai jamais été à même de les voir mettre en pratique, & de m’assurer de leur efficacité ; cependant s’il m’étoit permis d’avoir un avis sur une matière qui m’est étrangère, je ne craindrois pas de dire que le premier est dangereux, à moins qu’il ne survienne une pluie un ou deux jours après ; enfin que le second me paroît de nulle valeur quant à son objet.

En supposant que l’usage des cendres soit avantageux, il est indifférent qu’elles soient de hêtre ou de telle autre substance combustible, (la plus utile sera celle qui coûtera le moins) elles n’agissent pas ici en raison des sels qu’elles contiennent, mais en qualité de corps secs qui s’approprient l’humidité causée & entretenue à l’extérieur par la transsudation de la plante. Je les croirois moins nuisibles dans la moisissure que dans le miellat. Dans ce dernier cas, elles absorbent son humidité, & forment une croûte par leur adhésion à cette substance sirupeuse ; dès-lors elles bouchent encore plus les pores de la transpiration insensible. Si, comme je l’ai déjà dit, il survient une pluie, l’opération peut être très-utile, & dangereuse si le temps reste sec. Ne pourroit-on pas, si on a de l’eau dans le voisinage, imiter l’exemple des Hollandois qui se servent, pour laver les vitres & l’extérieur de leurs maisons, d’une petite pompe foulante, & par ce moyen on laveroit la plante du houblon depuis le haut jusqu’en bas. L’eau poussée avec assez de force dissoudroit le miellat, entraîneroit avec lui les pucerons & les insectes qui sont accourus pour y prendre leur nourriture, débarrasseroit la plante de cette multitude d’excrémens qui la noircit ; enfin, sa transpiration seroit rétablie. Cette pratique produiroit le même bien que la pluie.

Pour avoir une idée de la pompe des Hollandois, qu’on se figure un cylindre, en étaim, en cuivre, en bois, &c. de deux, trois à quatre pouces de diamètre dans œuvre, sur une longueur de deux à trois pieds. À la partie inférieure est adaptée une canule recourbée, & dont la courbure remonte à la hauteur de cinq à six pouces à peu près de la forme d’un V. La première branche est la canule, & la seconde suppose le corps de pompe ; l’intérieur du cylindre est garni d’un piston fixé au bout d’un manche long de trois à quatre pieds ; enfin l’extrémité supérieure est fermée par une plaque de même métal, & à vis, mais percée dans le milieu pour laisser sortir, mouvoir, monter & descendre le piston lorsqu’on fait aller son manche. En un mot, elle ressemble à la seringue employée par les maréchaux ; la seule différence consiste dans la courbure de la canule. On a un baquet rempli d’eau, ou tel autre vase, ou l’eau d’un ruisseau, &c. & on plonge la seringue dans cette eau, en y inclinant la partie antérieure de la canule, afin qu’en tirant à soi le piston, il aspire l’eau ; ensuite en inclinant vers soi le corps de pompe, la pointe de la canule sort de l’eau ; alors on presse & pousse le piston qui fait jaillir au loin l’eau contenue dans le cylindre. C’est ainsi que j’ai vu laver, avec une adresse singulière, les façades des maisons ; c’est ainsi, ou par un moyen semblable, que M. le Maréchal de Biron fait laver ses arbres, lorsque la poussière du grand chemin s’y attache ; c’est encore ainsi que j’ai vu arroser des jardins. Il ne me paroît donc pas difficile de faire l’application de cette machine aux houblons. La dépense faite pour la plantation & l’entretien d’une houblonnière est considérable, & son dépérissement cause une trop grande perte pour se refuser à un moyen si simple, sur-tout lorsqu’on peut conduire l’eau sur une houblonnière.

Les corps n’agissent les uns sur les autres que par une opération purement mécanique. Il y a longtemps qu’on a abandonné les qualités occultes. Si cela est, comment le fumier de porc peut-il influer sur le miellat, sur les insectes, &c. ? Si on le jette en terre à l’époque indiquée pour les engrais, pourra-t-il empêcher la transpiration arrêtée pendant l’été ? Je conviens, si l’on veut, qu’il échauffera la terre ; mais c’est un courant d’air frais ou froid qui arrête la transpiration ; la chaleur qu’on lui suppose ne peut pas agir à vingt ou à trente pieds au-dessus du sol ; au contraire, plus le sol sera échauffé par lui, & plus il montera de sève pendant le jour au sommet de la plante, & par conséquent elle aura besoin d’une plus grande transpiration pour épurer les sucs qu’elle s’approprie. (Voyez le mot Amendement, le dernier Chapitre du mot Culture & le mot Sève).

Quant à la maladie de moisissure, je ne puis en parler, puisque je ne la connois pas ; cependant, si les cendres sont susceptibles de produire un effet salutaire, il me paroît que c’est dans ce cas, puisqu’elles absorberont la surabondance d’humidité qui cause la moisissure. Au surplus, je m’en rapporte aux cultivateurs.

XVI, Du houblon relativement à la bière[3]. La bonne qualité du houblon est d’être un peu moîte au toucher, d’avoir une odeur agréable, & une couleur bien conservée ; il faut encore qu’il soit abondamment garni de feuilles, de fleurs, & de graines, & qu’il donne une très-grande quantité de matière extractive à l’eau.

Comme il arrive souvent que le houblon manque de quelques-unes de ces qualités, soit parce que la saison ne lui a pas été favorable, soit parce qu’on le fait sécher sans soins, alors on est dans l’usage de l’exposer à la vapeur de soufre qu’on brûle pour lui restituer sa couleur. Il est donc bien essentiel de ne pas s’en tenir à la belle apparence, il faut encore invoquer le secours de l’odorat ; car on ne sauroit être trop circonspect dans le choix du houblon, puisque celui qui est brun & mal léché, est très-préjudiciable à la bière blanche.

On préfère assez ordinairement le houblon nouveau à l’ancien, en les supposant tous deux d’égale qualité ; cependant le houblon de l’année précédente n’est pas à dédaigner lorsqu’il a été bien séché & conservé. Ainsi ceux qui en consomment une très-grande quantité, ne courent aucun risque d’en faire une ample provision, lorsque la récolte a été riche, & le prix modique.

Non-seulement le houblon prévient la tendance naturelle de la bière à l’acescence, mais c’est encore une espèce d’assaisonnement qui rend cette boisson plus agréable, plus digestive, plus salutaire & plus durable. Tous les amers ont en général la propriété de rendre les corps auxquels on les associe, plus susceptibles de se conserver. C’est même un fait connu des brasseurs, qu’on peut substituer avec quelque succès au houblon, la racine de gentiane, la petite centaurée, le chamædris ou petit-chêne ; cependant le houblon mérite la préférence à cause de son agrément. Ils savent encore que le roseau odorant, ou calamus aromaticus est quelquefois employé en Angleterre à la place du houblon ou avec le houblon lui-même, lorsque son prix en est plus haut, & l’expérience a appris qu’on en épargnoit environ un sixième.

La quantité de houblon qu’on a coutume d’employer, varie selon sa force, & celle de la bière que l’on prépare, ainsi que de l’espèce de grain dont on sert, du temps qu’on a intention de garder la liqueur, & du lieu où l’on doit la transporter. Toutes choses égales d’ailleurs, la bière brassée pendant l’été, exige une plus grande quantité de houblon que celle que l’on brasse au printemps & en automne ; il en faut moins en hiver que dans tout autre saison.

On a prétendu qu’il falloit nécessairement faire bouillir le houblon avec le moût, pour extraire plus de principes, & mieux les incorporer. M. le Pileur d’Applìgny, qui vient de publier de bonnes instructions sur l’art de faire la bière, a prouvé que cette boisson étoit infiniment meilleure que lorsqu’on retiroit à part l’extrait du houblon par le moyen de l’infusion dans l’eau, au lieu de la décotion, & que l’on ajoutoit ensuite lorsque la fermentation étoit finie dans les tonneaux. C’est alors que cet extrait contrebalance avec plus de certitude encore, la propension de la bière à l’acescence, sans lui donner de l’âcreté, de la viscosité, & trop de couleur.

Au reste, le houblon n’est pas nécessaire à la composition de la bière, puisque dans certains cantons on n’ajoute aucun préservatif à celle qui est destinée à être bue aussi-tôt qu’elle est faite ; on appelle cette bière aile : elle est vive, spiritueuse, blanche, pétillante, mais elle ne se conserve point.


  1. On doit ranger ces espèces parmi les espèces jardinières ; (voyez ce mot) leur caractère distinctif est trop variable pour constituer une espèce botanique. (Voyez ce mot). Le houblon sauvage est le type de tous les autres. (Note du Rédacteur.)
  2. Note du Rédacteur. Confirmation de ce qui est dit dans la première Note. Cette dégénérescence est expliquée au mot Espèce.
  3. Cet Article nous a été communiqué par M, Parmentier.