Cours d’agriculture (Rozier)/INFLAMMATION

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 649-670).


INFLAMMATION. Médecine rurale. Mot générique employé pour désigner une maladie qui consiste dans une augmentation de chaleur physique dans tout le corps, ou dans quelqu’une de ses parties, & qui est toujours accompagnée de douleur, d’ardeur, de fluxion & d’obstruction. On peut dire en quelque sorte, que ce sont là les quatre elémens qui constituent l’inflammation.

Elle est ou générale, ou particulière ; elle peut être encore interne ou externe.

L’inflammation générale porte le nom de phlogose ; celle qui est particulière ou locale, porte des noms relatifs aux parties qu’elle occupe. Celle du poumon s’appelle peripneumonie, celle de la plèvre, pleurésie, enfin, celle des yeux, ophtalmie, &c. (Voyez chacun de ces mots).

Les signes caractéristiques de toute inflammation, sur-tout externe, sont la rougeur de la partie affectée ; la tension, la chaleur âcre, & la douleur que les malades y ressentent ; enfin, la fièvre locale.

Il faut croire que dans l’inflammation interne, les organes intérieurs sont affectés de la même manière, puisqu’il est démontré par l’ouverture des cadavres, que leurs intestins étoient fort rouges & très-phlogosés. De plus, les malades sont tourmentés par une soif cruelle, par un feu intérieur qui les consume. Ils éprouvent sur toute l’habitude de la peau une chaleur brillante ; leurs urines qui sont rouges & très enflammées, sont peu abondantes, & ne déposent aucun sédiment ; ils les évacuent avec peine & beaucoup de douleur, sur-tout si l’inflammation s’étend jusqu’au col de la vessie. Ils ne peuvent garder aucune situation dans le lit. La plus mince couverture leur est à charge. Leur langue est sèche, âpre, & leur souffle est brûlant ; leurs pouls est plein, serré & tendu, les convulsions & le délire surviennent, & la mort termine leurs souffrances.

Plusieurs causes produisent cette maladie ; nous en admettons deux espèces, les unes internes & les autres externes. Dans les premières seront compris l’engorgement du sang dans les vaisseaux capillaires, sa raréfaction, la pléthore, l’étranglement spasmodique des solides, qui embrassent les parties obstruant es, une disposition innée, le tempérament vif & ardent, une irritabilité & une sensibilité naturelle, l’âcreté du sang & des autres humeurs, l’irritation des houppes nerveuses, les passions fortes, la suppression des évacuations ordinaires.

Les causes externes sont assez fortes pour déterminer l’inflammation, sur-tout si ceux sur lesquels elles agissent y apportent quelque disposition. Quelqu’erreur qui se soit commise dans l’usage de ce qu’on appelle les six choses non naturelles, c’est-à-dire, qui sont nécessaires à la vie, peut la déterminer ; ainsi, l’air froid ou chaud l’excite quelquefois. L’abus des liqueurs spiritueuses, celui du vin qui n’a pas fermenté, les alimens grossiers & difficiles à digérer, tout ce qui est salé, épicé & de haut goût. Les exercices trop violens, les courses précipitées, une fatigue excessive, le défaut de sommeil, des veilles immodérées, un travail forcé, une forte constipation, le défaut d’excrétions naturelles, la transpiration arrêtée, la suppression de quelqu’écoulement artificiel, la colère, la trop grande joie, & enfin tout ce qui peut nous affecter trop agréablement ; du poison pris intérieurement, les coups, les chutes, les brûlures, les frottemens trop longs & trop répétés, les ligatures, & tout ce qui gêne ou ralentit le sang dans sa circulation, sont autant de causes qui l’occasionnent. L’inflammation peut être essentielle, de même que symptomatique. Cette distinction est très-importante dans la pratique, un organe peut être affecté d’inflammation par communication d’un autre organe ; les symptômes qui la caractérisent diffèrent peu de ceux qui accompagnent l’inflammation essentielle, & ne sont pas aussi forts ; la douleur est vague, & change souvent de place, le poulx n’est pas si fréquent ni si tendu, il est plus ondulent & plus mou. Il vaut mieux alors combattre la cause symptomatique par des remèdes appropriés, que de trop insister sur la saignée & sur l’usage des antiphlogistiques.

L’inflammation a plusieurs terminaisons. On en compte ordinairement quatre, qui sont, la résolution, la suppuration, l’induration, & la gangrène.

La résolution a lieu, lorsque la matière qui constitue l’inflammation se dissipe graduellement avant le septième jour sans aucune altération sensible des vaisseaux ; on peut rapporter à la résolution la délitescence qui n’en diffère que par le plus de promptitude.

La suppuration se fait lorsque le sang arrêté, & tes vaisseaux obstrués sont changés en pus. La continuation des accidens au-delà du septième ou huitième jour, & la douleur purgative l’annoncent, & sur-tout l’augmentation des accidens avec tension douleur & pulsation. Elle se termine par induration, lorsqu’elle laisse après elle une tumeur dure, indolente, & d’une nature squirreuse ; ce n’est que lorsqu’il y a engorgement dans quelque glande ; enfin, elle se termine par la gangrène, lorsque la partie enflammée meurt, & les symptômes inflammatoires cessent tout-à-coup : la partie alors devient plombée, noire & livide, & répand une odeur cadavéreuse.

On a sujet de la craindre, quand après les huit ou neuf premiers jours tous les accidens redoublent sans aucune marque de suppuration.

L’inflammation qui intéresse la peau & les parties charnues, est moins dangereuse que celle qui attaque les glandes, les tendons & les nerfs. De même l’inflammation qui a son siège extérieurement, est encore moins à craindre que celle qui se fixe au gosier au poumon, à l’estomac & aux intestins. Il est encore bon d’observer que plus l’inflammation est considérable, plus elle menace d’un plus grand danger. Les indications à remplir dans le traitement de cette maladie, se rapportent aux causes internes ou externes qui la produisent. Celles qui regardent l’intérieur, sont en général, 1°. de diminuer le volume du sang & l’effort avec lequel il aborde à la partie enflammée, & de remédier à l’ardeur & à la douleur, en diminuant l’engorgement & le tiraillement de la partie affectée ; 2°. de détremper le sang trop épais, & de le rendre par-là plus propre à couler dans les vaisseaux de la partie enflammée ; 3°. enfin, de rabattre la trop grande raréfaction du sang.

1°. La saignée est le moyen le plus sûr & le plus efficace pour diminuer le volume du sang, & faire cesser l’effort avec lequel il aborde à la partie enflammée. Elle sera même réitérée plusieurs fois si le pouls ne relâche point, & si les malades éprouvent toujours de l’ardeur & de la douleur.

Lorsque le mode inflammatoire est porté au plus haut degré, il faut diminuer cet excès, & le remède le plus propre à cela, est encore la saignée. C’est toujours dans le commencement & l’augmentation qu’on doit la pratiquer, & jamais dans l’état, à moins qu’il ne survienne de nouvelles affections inflammatoires. Sans cette complication elle seroit pernicieuse, parce qu’elle pourroit causer un engorgement glaireux & épuiser les forces dont la nature a besoin pour résoudre l’inflammation.

D’après cela, il est aisé de voir qu’il ne faut pas toujours insister sur la saignée, jusqu’à ce que la douleur ait entièrement disparu. Elle feroit dégénérer l’inflammation en gangrène.

Outre les saignées, les remèdes antiphlogistiques sont très-propres à diminuer le mode inflammatoire ; tels sont les acides végétaux & le nitre.

Lorsque l’inflammation, ou pour mieux dire, le mode inflammatoire qui doit résoudre l’obstruction est languissant, il faut alors donner des excitans, comme le camphre, le vin, & même les esprits volatils. Les diaphorétiques modérés sont sur-tout indiqués dans le cas d’inflammation languissante, parce que la nature détermine la résolution en excitant les sueurs.

Ces excitans conviennent dans la délitescence, ou fausse résolution de la matière inflammatoire, pour la déterminer à se porter vers les couloirs de la peau.

Il ne faut pas confondre la résolution avec la délitescence, ou l’affaissement de la tumeur qui peut se jeter de l’extérieur sur l’intérieur, & sur un organe essentiel à la vie. Il faut alors observer si la fièvre tombe ou si elle se soutient. Dans le premier cas on évacuera promptement par la saignée, on appliquera un vésicatoire, & on employera les diaphorétiques modérés. Il faut encore employer des fortifians pour toute la constitution, tels que les amers, la gentiane, le petit chêne, & sur-tout le quina à grande dose, en faisant boire par-dessus du lait d’amandes douces, ou des émulsions, afin de corriger son activité.

2°. Les malades attaques d’inflammation doivent beaucoup s’humecter, & prendre beaucoup de tisanne raffraîchissante faite avec le chiendent, la réglisse, l’orge, les racines de fraisier, d’oseille & de chicorée, dans laquelle on fera fondre quelques grains de nitre purifié. Le petit lait pris à grande dose, est un excellent remède ; on n’a pas à craindre qu’il se gâte & se corrompe dans l’estomac. L’observation journalière a prouvé le contraire. Je l’ai donné avec succès, & il a toujours produit les effets les plus salutaires.

3°. L’eau de poulet, ou bien émulsionnée, celle de guimauve, sont encore très-propres à rabattre la raréfaction des humeurs. La gomme arabique dissoute dans une certaine quantité de tisanne, est un remède qui ne doit pas être négligé, & qui arrête la fougue & le mouvement précipité du iang.

Quant au régime qui convient dans le temps de l’inflammation, il doit être sévère. On doit donner peu de nourriture dans le principe, & dans l’augmentation de la maladie. Elle aggrave considérablement la fluxion inflammatoire. Galien veut qu’on nourrisse moins dans l’état & dans le principe, parce que la nature qui est occupée à la résolution de la maladie, est distraite par le travail de la digestion, qui influe sur la coction qu’elle veut opérer.

Il n’en est pas de même dans les inflammations qui surviennent aux fractures. Il faut nourrir dans l’état, afin de fournir à la matière du calus, ainsi que dans les petites plaies externes, dans lesquelles le travail de la digestion ne dérange point ou très-peu celui de la cicatrice.

Lorsque le mode inflammatoire a perdu de son intensité, & de son activité, ce qu’on connoît par la diminution de la fièvre & des autres symptômes ; si les premières voies sont embarrassées, & si les malades ont des nausées & de fréquentes envies de vomir, on peut, sans aucune crainte de nuire, donner l’émétique à une dose très-modérée : ce remède est alors très-efficace, & abrège de beaucoup la maladie ; il agit, non-seulement comme évacuant, mais encore comme révulsif du mode inflammatoire.

Les purgatifs sont aussi très-utiles, mais ils n’ont pas l’effet révulsif des émétiques, en ce qu’ils ne secouent pas autant, & que leur opération est lente, qu’ils échauffent. On peut aussi purger, quoique les urines ne soient pas ce qu’on appelle bien cuites ; lorsque la congestion des sucs dépravés est dominante par rapport à l’inflammation.

Lorsque la fluxion est arrêtée, & parvenue à son dernier degré, l’indication principale est la résolution de l’obstruction. On conseille pour cet effet des résolutifs tels que les mixtures salines, de spiritus mendereri, & dans tous les temps de l’inflammation où il y a fluxion & obstruction, il faut toujours employer à la fois des résolutifs & des révulsifs. Mais il faut avoir soin que les révulsifs dominent dans le principe, & les résolutifs dans le déclin.

Dans l’inflammation de cause externe, produite par des fractures, des coups, des contusions & des meurtrissures, il faut user des remèdes émolliens & relâchans, desquels on n’a pas tant à craindre d’exciter la fluxion ; s’il y a plénitude de sang chez le malade, on pratiquera la saignée avant de faire usage des émolliens & des corps gras. Enfin, on doit agir conformément au travail de la nature, & à la tournure que prend l’inflammation. Si elle se termine par la suppuration, on emploiera les remèdes & les suppuratifs nécessaires & convenables dans pareils cas. (Voyez Plaie). Si elle dégénère en induration, on emploiera une méthode de traitement, (qu’on pourra néanmoins modifier) analogue à celle du squirre ; (voyez Squirre) ; enfin, si elle se termine par la gangrène, on la combattra par les remèdes antiseptiques usités en pareil cas. (Voyez Gangrène). M. AMI.

Inflammation. Médecine Vétérinaire. C’est une chaleur contre nature du sang artériel inhérent. Le cheval, le bœuf, &c., n’en sont attaqués qu’autant que leur sang se porte avec plus de vîtesse dans la partie enflammée, & que son retour au cœur se fait avec moins de vîtesse par les veines ; car il est certain que dans l’inflammation la partie enflammée reçoit plus de sang qu’elle n’en transmet dans les veines ; d’où il résulte que celui qu’elle retient, s’accumule dans cette partie, la gonfle, réchauffe & la rougit.

Cette accumulation se fait principalement dans les petites artères & dans le tissu cellulaire, en suintant à travers les pores de ces petites branches artérielles. La cause de cette transsudation dans les cellulosités, est aisée à comprendre. Le sang étant porté avec violence dans les artères de la partie enflammée, & ne trouvant pas une sortie proportionnée aux veines, enfile les pores par lesquels la graisse & la vapeur gélatineuse se répandent naturellement dans les cellules, & suinte par ces pores, parce que la force nouvelle du sang artériel, en dilate le calibre, qui dans son état naturel n’admettroit pas les globules du sang.

Un autre effet non moins certain de l’inflammation, c’est que tout le corps de l’animal qui en est atteint, est en fièvre, ou simplement la partie enflammée ; de sorte que si le mouvement du sang n’est pas accéléré dans tout le corps, on observe toujours que les artères de la partie enflammée battent plus vite & plus fort que dans l’état ordinaire.

Mais comme, parmi les parties qui forment le corps de l’animal, les unes sont internes & les autres externes, nous distinguerons l’inflammation en interne & en externe.

1°. De l’inflammation externe. L’inflammation externe est celle qui a son siège, tantôt dans des parties extérieures fixes & déterminées, comme l’avant-cœur, ou anti-cœur, sur le poitrail du cheval, le talpa ou testudo, sur le sommet de la tête de cet animal, l’ophtalmie, &c.

Tantôt dans des parties indéterminées, comme les coups de pieds, de dents, de cornes, les morsures des bêtes venimeuses, les brûlures, le claveau, l’érysipèle, &c.

Toutes ces diverses espèces d’inflammations extérieures se manifestent de différentes manières. Ici le sang se porte dans les vaisseaux de la conjonctive, les surcharge & les gorge : ailleurs, c’est une tumeur ronde comme le phlegmon, ou elliptique, comme dans le claveau, ou aplatie comme dans l’érysipèle. Chacune de ces affections superficielles est accompagnée de chaleur, de tension, de douleur, de pulsation & de rougeur. Tels sont les symptômes qui caractérisent essentiellement l’inflammation qui affecte extérieurement l’animal ; quoique la rougeur en soit un signe inséparable, elle n’est néanmoins bien sensible que dans l’inflammation de la conjonctive du palais ; &c. ; on l’apperçoit aussi dans les moutons, à la face supérieure & interne de leurs cuisses, ainsi que dans toutes les parties externes du corps des animaux dont le poil est de couleur blanche, ou qui en approche, & dans tous les endroits qui sont dénués de poil.

Le tact indique la chaleur, la tension & la pulsation. La chaleur est d’autant plus forte que le mouvement progressif du sang est plus gêné, & qu’elle est plus aidée par le mouvement intestin.

La tension est l’effet de la pression contre nature du sang qui se porte avec impétuosité dans les vaisseaux de la partie enflammée, & la douleur y existe, tant que la force qui comprime cette partie n’est point ôtée.

Cette force vient de la fréquente pulsation des artères, & celle-ci, du déplacement de ces canaux artériels, au moyen duquel ils sont portés, tant que cette force contre nature a lieu avec force, vers le doigt qui leur est appliqué.

On peut d’abord mettre au rang des causes qui produisent l’inflammation, celles qui commencent par irriter la partie qu’elles attaquent, & à opérer ensuite la stagnation du sang ; le feu, les caustiques, les vésicatoires, la suppression de la matière de la transpiration, les dépôts de quelqu’humeur extrêmement âcre, les luxations, les fractures, &c, sont de ce nombre.

Il est d’autres causes de l’inflammation qui peuvent se compliquer avec les précédentes ; la différence qui existe entr’elles, c’est que celles-ci commencent par la stagnation du sang, & non par irriter la partie qu’elles affectent. Telles sont celles qui produisent d’abord l’inhérence du sang ou l’obstruction des vaisseaux ; mais pour que le fluide soit inhérent, ou qu’il circule plus difficilement dans les vaisseaux de quelques parties, il faut que sa masse augmente au-delà de ce qu’ils en peuvent contenir, ou que leur diamètre diminue.

Or, les causes qui disposent à l’augmentation du sang, sont les travaux excessifs auxquels on livre les animaux, l’augmentation des excrétions séreuses, la plétore. La masse de leur sang augmentera encore, eu égard à la capacité de ces petites branches artérielles ; car, si plusieurs globules sont poussés avec trop de rapidité, & qu’ils se présentent en même temps à l’embouchure d’un vaisseau qui n’en peut admettre qu’un seul, c’est le cas de la fièvre, & si ces globules sont trop fortement liés les uns aux autres, pour que l’action des petits vaisseaux puisse les désunir, c’est le cas de l’obstruction.

Les causes qui excitent l’inflammation en diminuant le diamètre des vaisseaux, peuvent provenir de la compression des tentes & des tampons que des maréchaux inhabiles placent mal-à-propos dans les plaies, ou de celle qu’éprouvent les vaisseaux qui avoisinent les parties luxées ou fracturées, ou de la compression d’un sang trop abondant qui, en distendant les vaisseaux qui le contiennent, comprime & diminue la capacité de ceux qui les touchent, à mesure qu’ils le distendent.

L’inflammation vient aussi des ligatures trop serrées. On peut citer pour exemple, la manière dont les maréchaux saignent les chevaux à la jugulaire ; en effet, leur routine n’a souvent d’autre issue que de faire naître une nouvelle inflammation, lors même qu’ils ont la meilleure volonté de dissiper par la saignée celle qui existe ; car la plupart serrent si fortement le col du cheval avec leur ficelle, qu’elle comprime & étrangle en même temps toutes les veines qui apportent continuellement le sang dans les troncs qui sont chargés de le verser dans le cœur. Tant que le col du cheval est ainsi jugulé, la plus grande étendue des veines jugulaires, cervicales & vertébrales, se trouvant au-dessous de cette ligature, ne reçoivent que très-peu de sang, & peut-être point ; mais si ces artistes empêchent le sang de couler dans les veines, ils doivent être bien convaincus que le cœur n’attend pas que leur opération soit finie pour faire parvenir à la tête une nouvelle quantité de ce fluide, puisqu’il le fait chaque fois qu’il se contracte, que ses contractions suivent sans interruption chacune de ses dilatations, & que ce mouvement alternatif a lieu tant que l’animal vit.

Il résulte de-là que le sang qui touche la partie supérieure de leur ligature se trouve arrêté dans son trajet par cet obstacle, & jusqu’à ce qu’il soit levé, il est toujours poussé par l’abord continuel de celui qui suit, de sorte qu’à chaque pulsation, les vaisseaux qui se distribuent dans toute la tête, ainsi que dans la portion de l’encolure qui est au-dessus de cette ligature, se distendent de plus en plus, à cause de la trop grande quantité de sang qu’ils reçoivent & de son mouvement trop rapide, ce qui produit la compression du cerveau ; l’inflammation des vaisseaux de la cornée, &c.

Le cheval ainsi étranglé, s’abat & tombe suffoqué, avant que le maréchal inexpert lui ait ouvert la jugulaire. J’ose ajouter qu’il n’est qu’un très-petit nombre de ces artistes, qui n’ait pas été l’auteur ou le témoin d’un pareil accident ; on trouvera à l’article Saignée les moyens de les prévenir.

L’inflammation se termine ordinairement par la résolution, ou par la suppuration, ou par l’induration, ou par la gangrène.

La résolution a lieu lorsque l’inflammation se dissipe graduellement sans aucune altération sensible des vaisseaux. Le sang suit alors ses routes accoutumées, & les vaisseaux restent dans leur entier. Lorsque l’inflammation n’a son siège que dans les extrémités artérielles sanguines, la seule cessation des causes qui l’avoient déterminée, suffit à cet effet ; si c’est une ligature, une compression, un corps étranger, &c., ces causes cessant d’agir, l’inflammation se résout, pourvu que l’obstruction ne soit pas trop forte. L’oscillation modérée des vaisseaux rend le sang plus fluide ; & son mouvement intestin plus développé par la stagnation, concourt aussi admirablement à sa fluidité. La modération du mouvement intestin des humeurs, une certaine souplesse dans les vaisseaux, la qualité d’un sang, ni trop épais, ni trop âcre, mais suffisamment détrempé par la sérosité, favorisent beaucoup la résolution.

L’inflammation se termine par la suppuration, lorsque, le sang arrêté & les vaisseaux obstrués, on observe un battement très-vif & très-sensible, une douleur aiguë & beaucoup de dureté, & que bientôt après la tumeur s’amollit, la douleur cesse, qu’il n’y a plus aucun battement, & qu’au lieu de la tumeur inflammatoire, on trouve un abcès ; puisqu’une ouverture naturelle ou pratiquée par l’art, donne issue à une humeur blanchâtre, épaisse, tenace, égale & sans caractère d’âcreté, que l’on appelle pus.

L’inflammation qui attaque les glandes lymphatiques, produit l’obstruction du sang & celle de la lymphe, s’il n’y a que l’obstruction sanguine de résolue ; alors l’inflammation se termine par l’induration, parce que la lymphe reste accumulée dans les vaisseaux, où elle formera une tumeur dure, indolente, squirreuse.

Mais si l’obstruction est très-considérable, que l’engorgement soit fort grand, que les artères soient distendues au-delà de leur ton, & qu’elles cessent de battre, l’inflammation se terminera par la gangrène, parce que le mouvement progressif du sang, & l’action des vaisseaux, étant totalement suspendus, la vie cessera dans la partie. La fermentation putride, déjà fort développée dans le sang altéré qui fait la base de cette inflammation, n’ayant plus de frein qui la modère, ne tardera pas à avoir son effet, la putréfaction totale aura lieu ; la partie qui est alors gangrenée se couvre de petites ampoules qui sont formées par l’épiderme qui se soulève, & qui renferme une sérosité âcre, séparée du sang & de l’air dégagé par la fermentation putride. La partie qui est alors gangrenée devient brune, livide, noirâtre, perd tout sentiment, & exhale une odeur putride, cadavéreuse ; c’est alors le sphacèle, dernier degré de la mortification.

Pour avoir la connoissance du diagnostic de l’inflammation, il suffit de savoir que la douleur & la chaleur fixées à une partie, sont des signes qui annoncent qu’elle est enflammée. Si cette partie est interne, il survient une fièvre plus ou moins aiguë, & l’on observe un dérangement dans les fonctions propres à cette partie. Si l’inflammation est externe, on voit que la douleur & la chaleur se joignent à la rougeur & à la tumeur de la partie enflammée.

Si les causes sont externes, on peut s’en assurer par le témoignage des personnes qui soignent les animaux ; ainsi, l’inflammation sera occasionnée par le feu, ou par un caustique, ou par une luxation, ou par une compression, &c. : si elle n’est due à aucune de ces causes ou autres extérieures quelconques, il y a tout lieu d’assurer que l’inflammation provient d’une cause interne, telle que d’un vice du sang ou des humeurs : si elle survient à la suite d’une fièvre putride, maligne, pestilentielle, & sur-tout si l’inflammation est accompagnée d’une diminution dans les symptômes, elle est censée critique.

Le prognostic. L’événement des différentes espèces d’inflammation dépend du siège qu’elles occupent, de leurs causes, de leur grandeur, de la vivacité de leurs symptômes, de leurs accidens, de leur espèce, de leurs terminaisons, & d’une multitude de circonstances qui peuvent le faire varier à l’infini.

Car si leur siège occupe une partie interne, & qu’elle soit considérable, elles sont plus à craindre que celles qui ont leur siège à l’extérieur, & si celles-ci se trouvoient fixées dans des parties tendineuses, aponévrotiques, glanduleuses, nerveuses, ou dans des membranes tendues, extrêmement sensibles, elles seroient plus fâcheuses que si elles occupoient quelques autres parties externes.

Celles qui proviennent d’un vice du sang, sont plus difficiles à guérir, & plus dangereuses, que celles qui ne tiennent leur existence que d’un dérangement local dans la partie qui en est affectée.

Celles, au contraire, qui sont produites par le feu, les caustiques actifs, les luxations, les fractures, &c. peuvent mettre la vie de l’animal dans le danger le plus éminent.

Ce n’est pas ordinairement leur grande étendue qui les rend plus dangereuses, c’est la vivacité de la douleur, & la violence des accidens qui en peuvent résulter, qui rendent le péril plus ou moins pressant, comme la fièvre, les convulsions, le délire, &c.

La constitution du sujet, son tempérament, son âge, &c., peuvent encore faire varier le pronostic de l’inflammation ; dans un vieux animal, elle se termine rarement par la résolution, elle dégénère plus communément en suppuration ou en gangrène ; dans les jeunes animaux d’un tempéramment vif & sanguin, les accidens sont toujours plus graves, l’inflammation est bientôt terminée en bien ou en mal.

La résolution est pour l’ordinaire la seule terminaison qui soit vraiment curative ; néanmoins il peut se présenter quelques circonstances particulières où la suppuration soit plus salutaire. Si l’une ou l’autre de ces deux terminaisons ne peut avoir lieu dans l’inflammation extérieure, alors il survient des accidens extrêmement violens, qui mettent la vie de l’animal dans le plus grand danger. C’est le cas de désirer que la partie enflammée soit frappée de la gangrène, dans l’espérance que la mort de cette partie sauvera la vie à toutes les autres.

D’ailleurs le praticien doit examiner de près les signes qui présagent la terminaison de l’inflammation. Il doit s’attendre à la résolution, lorsque les signes de l’inflammation sont modérés, que la douleur est légère, lorsqu’il commence à voir une diminution graduée & insensible dans le volume & la dureté de la tumeur, & qu’il observe une humidité autour des poils qui garnissent la partie enflammée.

Si les symptômes augmentent, que la tumeur ait une pointe extrêmement dure, qu’il y sente un battement plus sensible que dans les autres parties de sa surface, il doit s’attendre à la suppuration.

Si la douleur, le volume de la tumeur, & la chaleur diminuent sensiblement, & que la dureté & la résistance deviennent graduellement plus marquées, il doit conclure que cette espèce d’inflammation se transforme en squirre, & que cette terminaison n’a lieu que dans les parties glanduleuses.

Si au contraire, l’augmentation des symptômes est fort considérable, que la tension soit excessive, que la douleur soit extrêmement vive, qu’il ne sente point de battement, que le poil se hérisse & tombe par place, que la peau se flétrisse, qu’elle devienne noirâtre, & que la douleur cesse, pour ainsi dire, entièrement, le praticien peut être assuré que la gangrène est déjà commencée.

La curation. Nous la bornerons à indiquer l’usage de quelques remèdes qu’il est à propos d’employer dans le traitement des inflammations extérieures, telles sont la saignée, les émolliens, anodins, narcotiques, résolutifs, suppuratifs, & anti-gangreneux.

1°. La saignée désemplit les vaisseaux, diminue la quantité de sang ; ce qui produit un relâchement dans le système vasculeux, & une diminution très-marquée dans la force des organes vitaux. La saignée convient donc toutes les fois que la quantité ou le mouvement du sang sont augmentés, que l’irritabilité est trop animée, que la douleur, la chaleur, la fièvre, & les autres accidens pressent un peu trop vivement.

2°. Les émolliens relâchent, détendent, humectent & affoiblissent les solides ; les anodins & narcotiques ont la vertu particulière de diminuer l’irritabilité, soit qu’on les administre intérieurement, soit qu’on les applique à l’extérieur. Ces remèdes conviennent donc dans l’inflammation, lorsqu’elle est accompagnée d’une douleur extrêmement aiguë, d’une tension très-considérable, d’une contractilité excessive ; mais si les narcotiques calment tout de suite les douleurs les plus vives, s’ils étouffent & assoupissent, pour ainsi dire, la sensibilité, s’ils diminuent le mouvement des artères, & par conséquent la vie de la partie, on doit être très-circonspect en les administrant, parce qu’il n’est pas rare de voir des inflammations terminées en gangrène, par l’usage mal entendu des remèdes émolliens, anodins & narcotiques.

3°. Les résolutifs peuvent opérer la résolution d’une inflammation, soit en la ramollissant, soit en la stimulant, soit en calmant les douleurs qu’elle occasionne. Ils ne conviennent néanmoins que dans les cas où les symptômes de l’inflammation ne sont pas violens, où il faut augmenter le ton des vaisseaux relâchés, & ranimer le mouvement des humeurs engourdies ; car, si on les appliquoit avant que la résolution n’eût commencé à se faire, ils fortifieroient, resserroient, & crisperoient davantage les vaisseaux de la partie enflammée, &, bien loin de résoudre l’inflammation, ils la feroient plus sûrement dégénérer en gangrène ; mais on ne doit point les employer dans l’inflammation qui dépend d’une cause interne, parce qu’ils pourroient occasionner quelque transport ou métastase dangereux.

Suppuratifs. Tous les topiques qui ont la propriété d’intercepter la transpiration, accélèrent le mouvement intestin, augmentent l’engorgement, excitent dans le sang un mouvement contre nature, & un dérangement dans l’action des vaisseaux ; de sorte que toutes ces causes peuvent opérer la coction & la suppuration d’une inflammation, qui sans l’emploi de ces topiques, en forme d’emplâtres, d’onguens, de cataplasmes, auroient pu se terminer par la résolution. On pourra en faire usage dans les inflammations critiques, pestilentielles, dans celles qui sont entretenues par quelques causes internes, dans les tumeurs phlegmoneuses, principalement lorsqu’elles s’élèvent en pointe, & que les douleurs & les battemens y aboutissent & y sont plus sensibles.

Les ami-gangreneux. Dans les inflammations qui se terminent en gangrène, à cause de l’excessive irritabilité, de la roideur & de la tension trop considérable des vaisseaux qui les empêchent de réagir & de modérer le mouvement intestin du sang, on peut employer les antiseptiques lorsque le mouvement du sang est ralenti, qu’il est accompagné d’un trop grand relâchement, & d’une espèce d’insensibilité, qui font craindre la gangrène. Ces antiseptiques doivent ranimer plus ou moins le ton, & augmenter le mouvement des vaisseaux : on peut les tirer de la classe des résolutifs & des stimulans les plus actifs ; mais si la gangrène est déjà commencée, que la partie soit un peu ramollie, la sensibilité étant émoussée, les vaisseaux flétris & relâchés, il est bon de les ranimer avec les spiritueux roborans ; il est même encore préférable de les scarifier.

Tous ces secours extérieurs sont insuffisans, si l’inflammation provient d’une cause interne, parce que, dans pareille circonstance, on doit administrer les remèdes internes, suivant que la nature du mal l’exige ; s’il provient de l’épaississement, les apéritifs, incisifs, les salins, les sudorifiques doivent être mis en usage ; si c’est de la raréfaction, les boissons acides, nitreuses ; si le mal est érysipélateux, les fondans, les eaux minérales, acidules, & les hépatiques conviennent. Enfin il faut faire cesser l’action des causes évidentes, soit en rappelant des excrétions supprimées, soit en remettant les parties fracturées ou luxées, &c. »

De l’inflammation interne. L’inflammation interne est caractérisée principalement par une fièvre aiguë, par des signes plus ou moins marqués de l’inflammation, rapportés à une partie qui décide pour l’ordinaire l’espèce & le nom de la maladie inflammatoire.

Pour que l’inflammation soit interne, il suffit que sa cause le soit, & qu’elle agisse sur-tout intérieurement. Néanmoins, par rapport au siège de l’inflammation, on peut établir deux classes de maladies inflammatoires : dans les unes l’inflammation est exanthématique ; dans les autres ; elle occupe une partie interne.

La première classe comprend le claveau, le charbon, &c. On peut rapporter à la seconde l’inflammation du cerveau, de la plèvre, des poumons, du diaphragme, de l’estomac, du foie, des reins, &c. On divise encore l’inflammation en vraie ou légitime, en fausse ou bâtarde ; on en donnera la description dans l’article qui suit l’inflammation interne.

Toutes ces maladies inflammatoires, sont communément précédées d’un état neutre qui dure quelques jours, pendant lesquels la maladie n’est pas encore décidée ; l’animal n’est pas encore malade, il n’est qu’indisposé ; on s’aperçoit qu’il éprouve un mal-être universel ; qu’il ne meut qu’avec peine sa tête & ses extrémités ; si même on lui donne l’aliment qu’il aimoit le mieux avant son indisposition, & qu’il l’accepte, il le tient dans sa bouche, ou lui donne nonchalamment quelques coups de dents ; la mastication, la déglutition, & toutes les fonctions languissent.

La maladie commence le plus souvent par le froid qui s’empare d’abord des extrémités, & se communique dans peu à toute la surface du corps, ce qui s’annonce par un tremblement plus ou moins vif, qui est général, ou qui secoue seulement quelques parties, auquel succède la fièvre ; les temps auxquels les signes de ces diverses espèces d’inflammations commencent à se manifester, sont bien différens : dans l’inflammation des poumons, la difficulté de respirer paroît dès le premier jour de la fièvre ; dans le claveau, l’inflammation pustuleuse se montre le troisième ou le quatrième jour, &c. Le caractère du pouls est proportionné à la douleur ; lorsqu’elle est vive, le pouls est dur, serré, tendu ; si elle l’est moins, il est plus mol & plus souple ; il varie encore, suivant le siège du mal, & le temps de la maladie. Dans l’inflammation du cerveau ou de ses membranes, connue vulgairement sous le nom de vertigo, lorsque le cheval en est atteint, & sous celui de mal de chèvre, si c’est le bœuf, le pouls est plus fort, plus dilaté, plus plein que dans les inflammations qui attaquent les viscères contenus dans la cavité de l’abdomen ; car alors il est plus petit, plus concentré, moins égal. Au commencement de la maladie, dans le temps de l’irritation, que la matière morbifique n’est pas encore cuite, le pouls est dur, serré, fréquent ; sur la fin, quand l’issue est, ou doit être favorable, le pouls se ralentit, se développe, s’amollit, devient plus souple, & prend des modifications propres aux évacuations critiques qui sont sur le point de se faire, qui doivent terminer la maladie.

Les terminaisons des maladies inflammatoires peuvent être les mêmes que celles des inflammations externes ; mais avec cette différence, qu’il n’y a jamais de résolution simple. Lorsque les maladies se terminent par cette voie, on observe que cette terminaison est précédée ou accompagnée de quelqu’évacuation ou dépôt critique. Ces évacuations varient dans les différentes espèces d’inflammations, suivant la partie qu’elles affectent. Si la part qui est enflammée a des vaisseaux excrétoires, la crise s’opère plus souvent, & plus heureusement par cette voie. Dans les inflammations de poitrine, la crise la plus ordinaire & la plus sûre se fait par l’expectoration, quelquefois par les urines, d’autres fois par les sueurs, sur-tout dans le cheval.

Dans l’inflammation du cerveau & des méninges, l’hémorragie des naseaux ou l’excrétion des matières cuites par cette même voie, sont les plus convenables, celles des urines sont aussi fort bonnes.

Dans l’inflammation du foie, des reins, &c., la maladie se termine heureusement par les urines & par le devoiement.

Les inflammations exanthémateuses ne se terminent jamais mieux que par la suppuration. Quelquefois le claveau se dessèche simplement, & ne laisse que de petites pellicules ; mais cette terminaison superficielle est communément suivie de petites fièvres lentes qu’il est très-difficile de dissiper.

Les causes des maladies inflammatoires, non-seulement disposent à l’inflammation pendant long-temps, mais il est encore souvent nécessaire qu’elles soient excitées & mises en jeu par quelqu’autre cause qui survienne.

Celles qui sont contagieuses & épizootiques, peuvent être attribuées aux vices de l’air : la mauvaise nourriture, & les travaux excessifs qu’on exige de certains animaux, peuvent favoriser cette cause, aider à cette disposition, & rendre plus funestes les impressions de ces miasmes contagieux contenus dans l’air.

La suppression des excrétions, & sur-tout de la transpiration, est une cause fréquente des maladies inflammatoires ; car le passage du chaud au froid, arrête, trouble la sueur & la transpiration insensible, & peut par-là, former la disposition inflammatoire, mais elle n’excitera une pleurésie que dans les animaux qui y auront une disposition formée. Dans les autres, elle produira des toux, des rhumes, des catarres, suite fréquente & naturelle de la transpiration pulmonaire arrêtée par le peu d’attention que les hommes ont pour les animaux, & souvent pour eux-mêmes.

Nous observerons encore, que dans une constitution épizootique, les différentes espèces d’animaux ne sont pas toujours attaquées de la même maladie inflammatoire. Les chevaux seront frappés du vertigo, (voyez ce mot) ; les bœufs, de la murie ; les brebis, du claveau.

De sorte que si ceux qui soignent les animaux s’aperçoivent qu’ils éprouvent un mal-aise, qu’ils soient gênés dans quelque partie avant que la maladie soit déclarée, ce sera cette partie qui en sera le plus maltraitée, parce qu’il y aura une disposition antécédente, une foiblesse naturelle qui y détermine le principal effort de la maladie.

Enfin, il y a tout lieu de croire que la disposition inflammatoire qui est dans le sang, poussée à un certain point, ou mise en jeu par quelque cause primitive survenue, réveille son mouvement intestin de putréfaction, augmente sa circulation, anime la contractilité des organes vitaux ; que le sang ainsi enflammé & mû avec rapidité, se porte avec plus d’effort sur les parties qui sont disposées, & s’y déchargera peut-être d’une partie du levain inflammatoire.

Il semble, en effet, que ces inflammations des viscères, ou d’autres parties, soient des espèces de dépôts salutaires, quoiqu’inflammatoires. Ce qui prouve que les viscères, dans ces maladies, sont réellement enflammés, c’est qu’on y observe tous les signes de l’inflammation, les mêmes terminaisons par la suppuration, l’induration & la gangrène, que dans l’inflammation externe.

La partie où se fera l’inflammation décidera le nombre & la qualité des symptômes. Ainsi l’inflammation de la substance du cerveau, connue sous le nom de vertigo, sera accompagnée de foiblesse extrême, de délire continuel, mais sourd, tranquille ; d’abolition dans le sentiment & le mouvement, à l’exception d’une agitation involontaire des extrémités & de la tête. Tous ces symptômes dépendent de la sécrétion troublée & interceptée du fluide nerveux.

Mais si l’inflammation a son siège dans les membranes extrêmement sensibles qui enveloppent le cerveau, elle entraînera, à raison de la sensibilité des symptômes plus aigus, un délire plus violent, &c. Si cette espèce d’inflammation attaque le cheval, on lui donne encore le nom de vertigo ; si c’est le bœuf, celui de mal de chèvre : c’est ainsi que l’on confond l’inflammation des membranes du cerveau, avec celle dont le cerveau est attaqué lui-même. On en fait de même pour l’inflammation des poumons & pour celle de la plèvre, &c. ; car toutes les fois que le bœuf en est atteint, les Francs-Comtois disent qu’il a la murie.

Quant au diagnostic des maladies inflammatoires, il est facile de s’assurer de leur présence par ce que nous venons d’exposer, d’en distinguer les différentes espèces par les signes qui leur sont propres ; on peut s’instruire des causes qui ont disposé, produit & excité ces maladies, auprès des personnes à qui appartiennent les animaux, auprès de celles qui les ont conduits ; il est même important de savoir si la maladie inflammatoire est épizootique.

Pour ce qui est de l’événement des maladies inflammatoires, il dépend des accidens qui surviennent pendant leur cours. Le dépôt qui se fait dans quelques parties, n’en augmente qu’accidentellement le danger ; quelquefois même il le diminue, en débarrassant le sang d’une partie du levain inflammatoire. Il y a même lieu de croire que la maladie inflammatoire seroit plus dangereuse, s’il n’y avoit point de partie particulièrement affectée ; car, dès que les inflammations extérieures sont formées, on voit que la fougue du sang se ralentit, que la violence des symptômes s’apaise, & dans ce cas, ce seroit exposer la vie de l’animal, si l’on empêchoit la formation de ces sortes de dépôts inflammatoires. Néanmoins, on ne doit pas se conduire de même, si le dépôt se forme dans la substance du cerveau, dans celle des poumons, ou dans quelques autres parties dont les fonctions sont nécessaires à la vie de l’animal ; ce seroit augmenter le danger de ces maladies inflammatoires, qu’on doit s’efforcer de dissiper, en employant tous les moyens que l’art indique pour prévenir la formation du dépôt. Travailler à la résolution de l’humeur morbifique, l’évacuer par les voies les plus convenables, c’est, de toutes les terminaisons, la plus favorable : on a lieu de l’attendre lorsque les symptômes sont assez modérés, & tous appropriée à la maladie, lorsque le quatrième ou le septième jour, on voit paroître des signes de coction, que les urines se chargent d’un sédiment, que le pouls commence à le développer, que le poil est moins hérissé, la peau moins sèche, & que tous les symptômes diminuent. À ces signes succèdent les signes critiques, qui annoncent la dépuration du sang, & l’évacuation des mauvais sucs par les couloirs appropriés ; les plus surs & les plus nécessaires, sont ceux qu’on tire des modifications du pouls.

On doit s’attendre, au contraire, à voir périr l’animal qui est attaqué d’une maladie inflammatoire, si l’on n’observe aucun relâche dans les symptômes, ni le quatrième, ni le cinquième jour, si le pouls conserve toujours un caractère d’irritation. L’on voit alors survenir différens phénomènes qui, par leur gravité, annoncent la mort prochaine. Ces signes varient suivant les maladies. (Voyez-les aux mots Esquinancie, Murie, Vertigo, &c.).

Si c’est toujours un grand bien lorsque les maladies inflammatoires extérieures se terminent par la suppuration, ce n’est pas toujours un grand mal lorsque cette terminaison a lieu dans celles qui attaquent les parties internes ; car, si, parmi les différentes espèces de maladies épizootiques, on observe attentivement les terminaisons de la murie, on se convaincra que cette maladie inflammatoire se termine souvent dans les bœufs, dans les vaches, & dans les veaux qui en sont atteints, par la suppuration sans aucune suite fâcheuse, & qu’il arrive même quelquefois des transports salutaires, des abcès formés dans les poumons, à l’extérieur.

Il est donc bien important pour le médecin vétérinaire, de s’appliquer à connoître les cas où la suppuration doit terminer la murie, le vertigo, &c. Si, dès le commencement de la maladie, les symptômes sont violens, qu’ils ne diminuent que fort peu, durant le temps de la coction, dont il n’aura observé que quelques légers signes, & qu’ils reparoissent avec plus d’activité, que la fièvre se montre avec plus de force, que le pouls, quoiqu’un peu développé, reste toujours dur, qu’il sente une roideur considérable dans l’artère, un battement plus vif & plus répété dans la partie affectée, & que les douleurs que l’animal éprouvé deviennent plus aiguës ; tous ces signes bien constatés, publient hautement que la maladie inflammatoire se termine par la suppuration, & le médecin vétérinaire les ayant exactement observés, doit s’attendre à cette issue.

Tous ces symptômes disparaissent dès que l’abcès est formé ; l’animal fatigué de l’assaut qu’il a soutenu, reste lourd, pesant, & quelquefois il éprouve encore quelques frissons ; mais si, dans ces circonstances, le pouls vient indiquer un mouvement critique du côté de quelques couloirs, le pus s’évacue par les organes dont il annonce l’action, & l’animal reste le vainqueur.

L’induration est encore une terminaison qu’on observe assez fréquemment dans les bœufs qui sont attaqués de l’esquinancie ; alors l’inflammation se dissipe insensiblement, les glandes qui en étoient affectées, deviennent squirreuses, ces animaux ne cessent pas pour cela d’être utiles à l’homme ; mais il doit s’attendre à les voir périr, lorsque les maladies inflammatoires dont ils sont atteints, se terminent par la gangrène.

Enfin, on ne doit pas oublier que les maladies inflammatoires sont des maladies très-aiguës, qu’elles se terminent toujours avant le quatorzième jour, souvent le septième, quelquefois le quatrième, par la résolution, ou par la suppuration, ou par l’induration, ou par la gangrène.

La curation ; les matières qui produisent les maladies inflammatoires, excitent dans le sang une fermentation qui suffit pour les briser, les atténuer, les décomposer & les évacuer ; de sorte que l’art ne fournit contre ces sortes de maladies, que des remèdes qui peuvent diminuer la fièvre, ou même l’augmenter s’il est nécessaire, & aider telle ou telle excrétion critique ; mais il n’y a que la fermentation qui rétablisse & purifie le sang, & qui emporte les engorgemens inflammatoires des viscères.

Ainsi, deux ou trois saignées peuvent très-bien convenir dans le temps de crudité ou d’irritation des maladies inflammatoires, pour diminuer ou calmer la violence de certains symptômes, & pour ralentir impétuosité trop grande des humeurs. La saignée peut donc être très-avantageuse au commencement de ces maladies, sur-tout dans des sujets pléthoriques, lorsque le pouls est oppressé, petit, enfoncé ; mais ayant du corps & une certaine force, la saignée alors élève, développe le pouls, augmente la fièvre, & fait manifester l’inflammation dans quelques parties. Mais les saignées trop multipliées relâchent & affaiblissent considérablement les vaisseaux, troublent & dérangent les évacuations critiques, augmentent la dispotion de la partie affectée, qui ne provient vraisemblablement que d’une foiblesse, & rendent par-là l’engorgement impossible à résoudre. Les lavages, les délayans doivent être mis en usage.

Il est certain cas où les purgatifs peuvent être employés dans les maladies inflammatoires avec fruit, parce qu’il est à propos de balayer les premières voies, lorsqu’elles sont infectées de mauvais sucs, & qu’elles sont comme engourdies sous leur poids. D’ailleurs, par ce moyen, on prépare aux alimens & aux remèdes un chemin pur & facile, qui, sans cette précaution, passeroient dans le sang, changés, altérés & corrompus. Mais cette indication doit être bien examinée ; car les signes ordinaires de putréfaction ne sont souvent que passagers ; un purgatif qui ne seroit indiqué que par eux, seroit souvent hasardé. On connoîtroit plus sûrement si l’estomac & les intestins sont surchargés & infectés de mauvais sucs, si les humeurs se portent vers les premières voies, par les différens caractères du pouls ; (voyez Pouls) ; alors on a tout à espérer d’un purgatif placé dans ce cas. Pour ne pas exciter une superpurgation, il doit être léger ; le développement du pouls succédant à l’évacuation, en désigne la réussite. On l’administre au commencement de la maladie inflammatoire ; mais pour en prévenir les effets, & en faciliter l’opération, il faut qu’il soit précédé d’une ou deux saignées. Si l’on ne purge que vers la fin de la maladie, ce n’est pas lorsque l’humeur morbifique s’échappe par les voies de l’expectoration ou de la transpiration, &c. parce que les purgatifs attirent aux intestins toutes les humeurs, les dérivent des autres couloirs, détournent principalement la matière de la transpiration, & arrêtent l’expectoration, &c. Les purgatifs ne peuvent donc favoriser les évacuations critiques, que lorsqu’elles enfilent les voies des matières fécales.

Les émétiques ne détournent point la transpiration, ils excitent une secousse générale qui est très-souvent avantageuse. Le cheval, le mulet, le bœuf, &c, ne vomissent point ; néanmoins ces purgatifs peuvent être d’une grande ressource dans les maladies inflammatoires qui attaquent les chiens.

Si la fièvre est trop foible, qu’on aperçoive une langueur, un affaissement dans la machine, il faut avoir recours aux stimulans, aux cordiaux plus ou moins actifs, aux élixirs spiritueux, aromatiques, aux huiles essentielles, &c.

Dans ce cas, les vésicatoires relèvent le pouls, augmentent sa force, sa tension, font cesser les assoupissemens, calment souvent les délires, & aident à la décision des crises. On en obtient de bons effets dans le vertigo, dans la murie, sur-tout lorsqu’on les applique sur la partie affectée, dans le temps que les vaisseaux qui s’y distribuent, & le sang qu’ils contiennent, sont engourdis.

Enfin, dès que le médecin vétérinaire connoît le couloir que la nature destine à l’excrétion critique, il doit aider la crise par des remèdes qui la poussent dehors par ce même couloir. Si c’est par l’expectoration, il administrera les béchiques ; si c’est par la sueur, les sudorifiques ; si c’est par le dévoiement, les purgatifs légers, &c, si la maladie inflammatoire se termine par la suppuration, Voyez Murie, Vertigo.

Supplément à l’article précédent.

L’inflammation interne ainsi que l’externe, dépend en général, d’une obstruction qui arrête les liquides, & d’un mouvement qui les pousse tantôt en avant, tantôt en arrière. L’une & l’autre de ces conditions tendent à pervertir les humeurs, & c’est quelquefois l’une, quelquefois l’autre qui prédomine, ce qui fournit la division de l’inflammation en vraie ou légitime, en fausse ou bâtarde. Dans la vraie, c’est le mouvement ; dans la fausse, c’est l’arrêt ou l’obstruction qui joue le rôle principal ; la vraie s’annonce par la vigueur, l’égalité, la tension du pouls ; on doit en affoiblir les forces par des saignées réitérées, détendre les fibres par des humectons & des émolliens, fondre les humeurs par les savonneux rafraîchissans.

La fausse a pour signes la vacillation, la petitesse, l’inégalité du pouls, signes qui se manifestent dès le début, ou qui surviennent pour peu qu’on excède dans la saignée : il faut soutenir les forces par les cordiaux, s’opposer au relâchement ultérieur des solides, à la dissolution des fluides par les anti-septiques fortifians.

Dans les fièvres malignes, les saignées abattent le pouls, causent un délire dont la cause est souvent l’inflammation & la suppuration du cerveau. La vraie inflammation cause très-souvent un genre de pourriture qui demande l’usage des anti-septiques rafraîchissans. Elle le produit certainement lorsque la phlogose est trop violente pour se résoudre bénignement, ou pour se terminer par la suppuration ; & ses changemens en gangrène sont alors très-prompts ; c’est pourquoi il est essentiel d’aller au devant du mal, de prévenir l’altération putride dont les humeurs & les vaisseaux sont alors menacés, par l’administration des remèdes antiseptiques rafraîchissans ; c’est le moyen de s’opposer à la corruption, de modérer l’agitation intestine des solides & des fluides, & de suspendre les funestes effets de la cause prochaine de la chaleur, en détendant les fibres, en désemplissant les vaisseaux, en macérant leur tissu, en calmant leur irritabilité, en résolvant leurs obstructions, en les délivrant de leurs embarras, ils les préservent de rupture, & rétablissent le cours des humeurs dans les tuyaux. Tels sont les effets qu’il s’agit de produire dans une partie menacée de pourriture par l’inflammation légitime. Puisque cet état de changement en gangrène, n’arrive que parce que l’obstruction est si considérable, qu’elle occupe tous les vaisseaux de la partie affectée, ou que ceux qui sont restés libres, sont tellement comprimés par le volume des autres, que rien ne pouvant passer par cet endroit, ses vaisseaux doivent soutenir la totalité du choc d’une circulation impétueuse qui les rompt tous presque en même temps, & occasionne une effusion d’humeurs à demi-corrompues par la chaleur que ces mouvemens font naître.

Les anti-septiques rafraîchissans sont donc indiqués lorsque l’inflammation est portée à un degré de violence qui fait craindre la gangrène de la partie affectée. Ce danger se manifeste par la chaleur ardente, par la grande tension, par la couleur pourprée, luisante, bleuâtre de la tumeur, par la vivacité de la douleur, la fréquence & l’intensité des élancemens, par la dureté, la plénitude, la grande vitesse du pouls, par l’ardeur du corps, la soif extrême, l’exaltation des urines, &c.

L’ensemble de ces symptômes exige l’usage des rafraîchissans en général ; mais la diversité de leurs causes détermine les cas où il faut préférer ceux d’une espèce plutôt que ceux d’une autre, & l’habileté du médecin vétérinaire dans cette occasion où il est nécessaire d’agir promptement & avec efficacité, consiste à savoir décider quelle est la cause principale du mal, afin de lui opposer le remède qui lui convient de préférence.

Il peut rapporter aux articles suivans les causes qui élèvent l’inflammation au degré de violence capable de briser tous les vaisseaux de la partie intéressée, & de la gangrener.

L’impétuosité de la fièvre qui fait essuyer aux tuyaux des chocs supérieurs à leur cohésion ; la rigidité des fibres, parce que manquant de souplesse, elles ne peuvent s’alonger, & sont obligées de se rompre ; la compression qui, occasionnant une stagnation totale, donnent lieu au mouvement spontané des humeurs, & à l’érosion des vaisseaux.

L’impétuosité de la fièvre a sa cause ou dans le sang trop abondant, trop phlogistique, ou dans les nerfs trop mobiles, trop vivement affectés.

La rapidité des fibres est un vice de tempérament, ou un accident produit par quelques causes étrangères, entre lesquelles le froid doit être spécialement compté.

La compression est l’effet du poids du corps chez les animaux affoiblis ou cacochymes, de l’étranglement dans les maladies externes, de quelques causes éloignées dans certains cas de médecine.

Si la cause consiste dans l’abondance du sang, la saignée est le remède essentiel, & ce seroit en vain qu’on voudroit parer aux accidens par les autres rafraîchissans, pendant que la pléthore subsiste. On sait qu’elle a lieu quand l’animal malade est d’un tempérament sanguin, qu’on lui a prodigué une excellente nourriture, qu’il l’a bien digérée, sans qu’on lui ait fait prendre un exercice convenable ; elle existe chez les animaux à qui on a négligé de faire des saignées auxquelles ils étoient accoutumés ; chez ceux qui ont la tête plus pesante qu’à l’ordinaire, & quelquefois accompagnée de vertige. On la connoît aussi par les lassitudes, les engourdissemens des membres, ce qui se manifeste par la position contre-nature de leurs extrémités, par la peine qu’ils ont de les fléchir & de les étendre, par la difficulté de la respiration, par la plénitude du pouls, par le gonflement des veines, par celui des caroncules lacrymales, &c.

Cependant ces derniers symptômes manquent quelquefois ; il est des cas où le pouls, au lieu d’être gros, est si petit, qu’on a peine à le trouver ; les veines ne paroissent point enflées, les caroncules, l’intérieur de la bouche, &c. sont plus pâles que dans l’état naturel, & néanmoins il y a pléthore ; c’est même parce qu’elle est excessive, que ces indices sont trompeurs ; car l’abondance du sang est si considérable, que les forces du cœur ne suffisent pas pour le chasser en entier. Les ventricules ne pouvant se vider dans les artères trop remplies, il n’y en pousse qu’une très-petite portion, laquelle ne produit qu’une dilatation imperceptible. Le pouls est donc petit, le total de la masse formant une charge trop lourde, le cœur n’a pas la force de faire parvenir le sang jusque dans les capillaires. Ainsi la circulation est comme suffoquée ; & les parties qui ont naturellement de la couleur, en sont absolument privées. C’est dans ce cas que la saignée développe le pouls, & donne lieu à la fièvre d’éclater tout à coup.

Ce cas d’une circulation suffoquée peut se rencontrer avec l’état d’une inflammation particulière très-violente, & qui dégénéreroit bientôt en gangrène, si l’on n’y remédioit ; parce que, c’est lorsque les viscères sont excédés de plénitude, que les plus forts se déchargent sur les plus foibles, & y produisent l’érétisme inflammatoire.

Comment donc savoir alors que la pléthore est la cause principale de l’affection morbifique ? La manière dont on a nourri l’animal, l’embarras qu’on remarque dans sa respiration, la gêne qu’il éprouve lorsqu’il meut ses extrémités, son penchant à dormir, les rêves qui traversent son sommeil, l’absence des causes qui peuvent rendre son pouls si petit, tels que la saburre des premières voies, la vivacité d’une douleur assez aiguë pour affaiblir, des évacuations abondantes, ou une abstinence outrée qui auroit précédé ; presque toutes ces circonstances rapprochées de la dureté du pouls, quelque délié qu’il soit, & de la véhémence de l’inflammation particulière, apprennent que la disposition des veines, la modération de la chaleur générale, la petitesse, la foiblesse du pouls sont des effets d’une circulation suffoquée, & que la bénignité de ces derniers symptômes ne s’oppose point aux saignées qui peuvent seules prévenir le changement de l’inflammation en gangrène.

Or, ce diagnostic est de la plus grande importance dans certains cas où l’on n’a qu’un moment pour empêcher la mortification par des saignées réitérées, & où cependant l’état des choses est si équivoque qu’un praticien peu exercé pourroit douter si le calme dans lequel il trouve son sujet, n’est point l’effet de la mortification déja commencée mortification qu’il ne manqueroit pas d’avancer par la saignée ; mais en combinant tous les symptômes, en les confrontant avec ce qui a précédé la maladie, le médecin vétérinaire instruit saura toujours fixer son indication.

La pléthore n’est pas le seul cas qui demande les saignées répétées, pour obvier à la mortification dont une partie est menacée ; la constitution âcre & phlogistique de la masse du sang, sa déterminaison trop forte vers la partie enflammée, sont d’autres circonstances qui exigent qu’on multiplie également les saignées. La dureté, l’amplitude, la vitesse du pouls, la puanteur des excrémens, l’odeur vireuse des sueurs, & de l’insensible transpiration, l’état lixiviel des urines, leur fétidité, leur transparence jointe à une couleur orangée, la chaleur de la peau, principalement de la partie affectée, sont autant de marques auxquelles on peut reconnoître cet état.

Dans celui-ci, on ouvre les veines des extrémités les plus éloignées du siège du mal, pour produire une diversion qui écarte le sang de la partie affectée, vers laquelle il se porte abondamment, & l’on s’applique particulièrement à corriger la phlogose du sang par l’usage des rafraîchissans du genre des tempérans. Ainsi, on retranche tout aliment solide à l’animal malade ; on le nourrit d’eau blanchie avec le son de froment, ou avec la farine d’orge, de seigle ; d’heure en heure, on lui fait boire de la tisane de pissenlit, adoucie avec le réglisse, & chargée de deux gros de nitre par pinte, les tisanes des feuilles, tiges & racines d’oseille, d’alleluia, auxquelles on ajoute le sirop de nénufar, l’esprit de vitriol, le cristal minéral, ou la crème de tartre.

La différence des circonstances détermine quels sont, entre les rafraîchissans, ceux qu’il faut employer. Si l’animal est constipé, on s’abstient de l’usage des acides minéraux, & l’on se sert de la crème de tartre ; s’il y a disposition aux sueurs, le vinaigre, les fortes infusions de fleurs de sureau doivent être préférées. S’aperçoit-on que les urines ne passent point en proportion de ce que l’animal boit, sans que cette évacuation soit suppléée par quelqu’autre ? on ranime l’action des reins par le nitre dépuré, par son esprit, par celui de sel marin. Si le ventre est trop libre, ou météorisé, le pouls très-lâche, les humeurs fort dissoutes, c’est au suc d’épine-vinette, de grenade, à l’esprit de soufre ou de vitriol, au sel d’alleluia qu’il faut recourir.

On sait que la rigidité naturelle des fibres est la principale cause de l’inflammation. Quand la tumeur inflammatoire, qui est accompagnée des douleurs les plus aiguës, a peu d’enflure, la maigreur de l’animal, la dureté extraordinaire de son pouls, la vivacité de son humeur, aident à former ce diagnostic ; ici on règle le nombre des saignées d’après l’abondance du sang dans l’état de santé, &, sans négliger les rafraîchissans dont nous venons de parler, on agit principalement par tout ce qui peut assouplir les fibres trop roides, les bains tièdes, les fomentations avec la décoction des substances farineuses, les cataplasmes savonneux, les embrocations de vinaigre modérément chaud, sont donc les principaux remèdes après la saignée.

Mais si l’ardeur est causée par le froid, la méthode de remédier à ce vice est bien différente ; en effet, le médecin vétérinaire qui entreprend la cure d’une extrémité menacée de gangrène par cette cause, doit songer que, dans l’état d’inflexibilité où les vaisseaux sont réduits par le grand froid, ils ne pourroient, sans se briser, souffrir l’extension que la chaleur des fomentations les plus tièdes leur procureroit en raréfiant l’air dégagé de leur liquide par la congélation, & redevenu élastique, & par conséquent, il ne peut rétablir la circulation dans une partie gelée, qu’en la faisant passer d’un degré de froidure à un autre qui ne lui soit presque pas inférieur, & de ce second, à un troisième qui ne diffère guère davantage de son antécédent ; ainsi successivement, afin que les molécules glaciales se résolvent sans grande expansion de l’air qu’elles doivent repomper ; que la circulation qui doit les remettre en action, recommence par des mouvemens extrêmement doux, incapables de rompre les vaisseaux roidis, & que ces mouvemens n’augmentent de force, qu’à proportion que ceux-ci recouvrent leur flexibilité, & peuvent en soutenir les chocs, sans danger de rupture.

La manière de dégeler ainsi une partie, consiste à tenir le corps dans une place froide, à appliquer sur la partie gelée, de la neige, ou des linges trempés dans de l’eau prête à geler, jusqu’à ce que la couleur livide, bleuâtre de la partie, soit dissipée. On passe alors dans un lieu chaud, ayant cependant l’attention de ne pas approcher l’animal du feu ; & lorsque la partie refroidie a repris sa chaleur naturelle & sa sensibilité, ce qui est une marque du retour de la flexibilité extensible des fibres, on met l’animal dans sa place ordinaire, on le couvre, & on lui fait avaler quelques chopines d’une infusion de sassafras, ou de quelqu’autre diaphorétique, & l’on fomente la partie malade avec les aromates.

Dans certains animaux, le genre nerveux est d’une sensibilité si exquise, que le danger du changement de l’inflammation en gangrène dépend entièrement de la vivacité du sentiment. La connoissance qu’on a des agitations convulsives & du délire, qui accompagnent l’inflammation, servent à reconnoître cette cause ; dans ce cas, on ne doit pas hésiter d’unir les narcotiques aux autres rafraîchissans ; car les vaisseaux étant suffisamment désemplis par les saignées, & le sang rafraîchi par les remèdes de cette classe, rien n’est plus propre à calmer les accidens, que les anodins pris intérieurement, & appliqués à l’extérieur. Les inflammations du cerveau, des intestins, de la vessie, les pleurésies les plus aiguës, &c., fournissent assez souvent les occasions d’employer ce genre de rafraîchissans. M. B R.