Cours d’agriculture (Rozier)/VARECH

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 549-551).
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VARECH. Nom générique que l’on donne à toutes les substances végétales ou animales que la mer jette sur ses bords. Dans quelques-unes de nos provinces maritimes, on les appelle goémon. Il est à remarquer que ce que l’on appelle plantes marines ainsi rejetées, sont de vraies productions animales, & non végétales, quoiqu’elles ressemblent beaucoup par la forme à ces dernières. Elles sont ou des débris, ou simplement des logemens d’animaux ; telle est la famille immense & si variée des algues, fucus, coraux, madrépores, &c. qui fournissent par l’analyse chimique, les mêmes produits que les substances animales bien reconnues.

Si on les rassemble en monceaux, si on les laisse se putréfier & se réduire en terreau, opération un peu longue à la vérité, elles fournissent un excellent engrais, principalement du genre des engrais salins, composés d’alkali, & de la partie du sel marin qu’ils retiennent. Cette propriété les rends très-susceptibles d’absorber l’humidité de l’air, & de s’approprier & de contracter sur elle de nouvelles combinaisons salines. De tels engrais ne sont utiles qu’autant qu’on les emploie dans les terrains déjà assez abondamment pourvus de substances graisseuses, animales, avec lesquelles ils se combinent à merveilles, & forment les matériaux de la sève. (Consultez cet article, ainsi que celui engrais.)

Sans cette circonstance favorable, il vaut beaucoup mieux employer le varech en nature, sans être décomposé, c’est-à-dire, après qu’il est séché, tel que la mer l’a rejeté. Dans cet état, il maintient la fraîcheur de la terre, empêche sa trop grande évaporation, & peu à peu, c’est-à-dire après plusieurs années, il est entièrement décomposé ; il agit alors, & par ses parties salines, & par ses parties animales.

Le meilleur parti qu’on puisse en tirer, c’est de mêler le varech par parties égales avec du fumier frais de cheval, de mulet, d’âne, de mouton, ou par quart avec du fumier de bœuf & de vache. On peut encore, après l’avoir fait parfaitement sécher au soleil, s’en servir, au lieu de paille, pour la litière. Lorsque ce mélange sera amoncelé, la fermentation s’y établira promptement ; elle sera très-vive. Il convient donc de visiter de temps à autre la fosse du fumier, d’y faire couler de l’eau, si l’on prévoit que le blanc le gagne. (Consultez l’article fumier.)

Il est étonnant que l’industrie d’un canton reste, pour ainsi dire, concentrée dans le canton, quoiqu’elle s’exerce en présence de tous les habitans, tandis que cet exemple devroit servir de leçon à tous ceux qui sont dans le même cas. Le long des côtes de Normandie, & principalement dans l’amirauté de Cherbourg, on brûle le varech, à l’effet d’en obtenir le salin, & cette préparation, si utile au commerce, répand dans le pays une certaine aisance. Pourquoi négliger cette branche d’industrie sur les bords de la Méditerranée, quoique dans plusieurs cantons de nos provinces méridionales, on y brûle le salicer ou soude, (consultez ces mots) qu’on sème exprès dans les sols trop imprégnés de sel marin pour la culture du blé. Ce surcroît de salin empêcheroit d’en tirer du nord de l’Europe, & conserveroit le numéraire en France, & elle gagneroit en sus la main d’œuvre.

Je vais décrire la manière de brûler du pays de Caux : puisse cette instruction engager quelques propriétaires de nos provinces méridionales à la mettre en pratique. Ils y trouveront un bénéfice assuré, & ils rendront un service signalé à leurs cantons, en détruisant ce varech que la mer accumule dans certaines parties, & dont la putréfaction infecte l’air & le rend mal-sain ; d’ailleurs la multiplication des feux détruiroit en grande partie les miasmes dont est chargé l’atmosphère.

On commence par étendre le varech ou goémon sur la plage, sable ou galet, & à le laisser exactement dessécher. Dans cet état, on le porte & on l’amoncelle près du fourneau… Les fourneaux destinés à cette opération sont fort simples : une cavité de cinq à six pieds d’ouverture, pratiquée dans le galet même ou dans un terrain marneux, formé en cul-de-lampe, & dont la plus grande profondeur a 18 à 20 pouces, devient bientôt un fourneau : un peu de paille qu’on y allume au fond, communique le feu au varech desséché dont on la recouvre légèrement ; d’autre varech s’enflamme à l’aide de celui-ci ; la combustion devient générale dans toute l’étendue du fourneau ; la soude s’y forme à mesure que le varech s’y consume ; & précipitée au fond, lorsque les plantes ont été totalement brûlée, elle y devient fluide, s’y condense en se refroidissant, & y acquiert toute la dureté de la pierre. Consultez dans l’article Soude, les détails de l’opération ; ils s’appliquent à celle du varech.