De l’esprit des lois (éd. Nourse)/Livre 11
De l’esprit des lois (éd. Nourse) | ||
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LIVRE XI.
Des loix qui forment la liberté politique, dans son rapport avec la constitution.
CHAPITRE PREMIER.
Idée générale.
JE distingue les loix qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution, d’avec celles qui la forment dans son rapport avec le citoyen. Les premieres seront le sujet de ce livre-ci ; je traiterai des secondes dans le livre suivant.
CHAPITRE II.
Diverses significations données au mot de liberté.
IL n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, & qui ait frappé les esprits de tant de manieres, que celui de liberté. Les uns l’ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avoient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d’élire celui à qui ils devoient obéir ; d’autres, pour le droit d’être armés, & de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilege de n’être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres loix ([1]). Certain peuple a long-temps pris la liberté, pour l’usage de porter une longue barbe[2]. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, & en ont exclu les autres. Ceux qui avoient goûté du gouvernement républicain, l’ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avoient joui du gouvernement monarchique, l’ont placée dans la monarchie[3]. Enfin chacun a appellé liberté le gouvernement qui étoit conforme à ses coutumes ou à ses inclinations. Et comme, dans une république, on n’a pas toujours devant les yeux, & d’une maniere si présente, les instrumens des maux dont on se plaint, & que même les loix paroissent y parler plus, & les exécuteurs de la loi y parler moins ; on la place ordinairement dans les républiques, & on l’a exclue des monarchies. Enfin, comme, dans les démocraties, le peuple paroît à peu près faire ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernemens ; & on a confondu le pouvoir du peuple, avec la liberté du peuple.
CHAPITRE III.
Ce que c’est que la liberté.
IL est vrai que, dans les démocraties, le peuple paroît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un état, c’est-à-dire, dans une société ou il y a des loix, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, & à n’être point contraint de faire ce que l’on ne
doit, pas vouloir.
Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, & ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les loix permettent : &, si un citoyen pouvoit faire ce qu’elles défendent, ils n’auroient plus de liberté, parce que les autres auroient, tout de même ce pouvoir.
CHAPITRE IV.
Continuation du même sujet.
LA démocratie & l’aristocratie ne sont point des
états libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernemens modérés. Mais elle n’est pas toujours dans les états modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir : mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le diroit ! la vertu même a besoin de limites.
Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l’oblige pas, & à ne point faire celles que la loi lui permet.
CHAPITRE V.
De l’objet des états divers.
QUOIQUE tous les états aient, en général, un même objet, qui est de se maintenir, chaque état en a pourtant un qui lui est particulier. L’agrandissement étoit l’objet de Rome ; la guerre, celui de Lacédémone ; la religion, celui des loix Judaïques ; le commerce, celui de Marseille ; la tranquillité publique, celui des loix de la Chine[4] ; la navigation, celui des loix des Rhodiens ; la liberté naturelle, l’objet de la police des sauvages ; en général, les délices du prince, celui des états despotiques ; sa gloire & celle de l’état, celui des monarchies : l’indépendance de chaque particulier est l’objet
des loix de Pologne ; & ce qui en résulte, l’oppression de tous[5].
Il y a aussi une nation dans le monde qui a pour objet direct de sa constitution la liberté politique. Nous allons examiner les principes sur lesquels elle la fonde. S’ils sont bons, la liberté y paroîtra comme dans un miroir.
Pour découvrir la liberté politique dans la constitution, il ne faut pas tant de peine. Si on peut la voir où elle est, si on l’a trouvée, pourquoi la chercher ?
CHAPITRE VI.
De la constitution d’Angleterre.
IL y a, dans chaque état, trois sortes de pouvoirs ; la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, & la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.
Par la premiere, le prince ou le magistrat fait des loix pour un temps ou pour toujours, & corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit, la sûreté, prévient les invasions. Par la troisieme, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette derniere la puissance de juger ; & l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’état.
La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté : &, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel, qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.
Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des loix tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.
Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, & de l’exécutrice. Si elle étoit jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie & la liberté des citoyens seroit arbitraire ; car le juge seroit législateur. Si elle étoit jointe à la puissance exécutrice, le juge pourroit avoir la force d’un oppresseur.
Tout seroit perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçoient ces trois pouvoirs ; celui de faire des loix, celui d’exécuter les résolutions publiques, & celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré ; parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisieme. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il regne un affreux despotisme.
Dans les républiques d’Italie, où ces trois pouvoirs sont réunis, la liberté se trouve moins que dans nos monarchies. Aussi le gouvernement a-t-il besoin, pour se maintenir, de moyens aussi violens que les gouvernemens des Turcs : témoins les inquisiteurs d’états[6], & le tronc où tout délateur peut, à tous les momens, jetter avec un billet son accusation.
Voyez quelle peut être la situation d’un citoyen dans ces républiques. Le même corps de magistrature a, comme exécuteur des loix, toute la puissance qu’il s’est donnée comme législateur. Il peut ravager l’état par ses volontés générales ; &, comme il a encore la puissance de juger, il peut détruire chaque citoyen par ses volontés particulieres.
Toute la puissance y est une ; &, quoiqu’il n’y ait point de pompe extérieure qui découvre un prince despotique, on le sent à chaque instant.
Aussi, les princes qui ont voulu se rendre despotiques ont-ils toujours commencé par réunir en leur personne toutes les magistratures, & plusieurs rois d’Europe toutes les grandes charges de leur état.
Je crois bien que la pure aristocratie héréditaire des républiques d’Italie ne répond pas précisément au despotisme de l’Asie. La multitude des magistrats adoucit quelquefois la magistrature ; tous les nobles ne concourent pas toujours aux mêmes desseins ; on y forme divers tribunaux qui se temperent. Ainsi, à Venise, le grand-conseil a la législation ; le prégady, l’exécution ; les quaranties, le pouvoir de juger. Mais le mal est que ces tribunaux différens sont formés par des magistrats du même corps ; ce qui ne fait gueres qu’une même puissance.
La puissance de juger ne doit pas être donnée à un sénat permanent, mais exercée par des personnes tirées du corps du peuple[7], dans certains temps de l’année, de la maniere prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu’autant que la nécessité le requiert.
De cette façon, la puissance de juger, si terrible parmi les hommes, n’étant attachée ni à un certain état, ni à une certaine profession, devient, pour ainsi dire, invisible & nulle. On n’a point continuellement des juges devant les yeux ; & l’on craint la magistrature, & non pas les magistrats.
Il faut même que, dans les grandes accusations, le criminel, concurremment avec la loi, se choisisse des juges ; ou, du moins, qu’il en puisse récuser un si grand nombre, que ceux qui restent soient censés être de son choix.
Les deux autres pouvoirs pourroient plutôt être donnés à des magistrats ou à des corps permanens, parce qu’ils ne s’exercent sur aucun particulier ; n’étant, l’un, que la volonté générale de l’état ; & l’autre, que l’exécution de cette volonté générale.
Mais, si les tribunaux ne doivent pas être fixes, les jugemens doivent l’être, à un tel point, qu’ils ne soient jamais qu’un texte précis de la loi. S’ils étoient une opinion particuliere du juge, on vivroit dans la société, sans sçavoir précisément les engagemens que l’on y contracte.
Il faut même que les juges soient de la condition de l’accusé, ou ses pairs, pour qu’il ne puisse pas se mettre dans l’esprit qu’il soit tombé entre les mains de gens portés à lui faire violence.
Si la puissance législative laisse à l’exécutrice le droit d’empoisonner des citoyens qui peuvent donner caution de leur conduite, il n’y a plus de liberté ; à moins qu’ils ne soient arrêtés pour répondre, sans délai, à une accusation que la loi a rendue capitale : auquel cas ils sont réellement libres, puisqu’ils ne sont soumis qu’à la puissance de la loi.
Mais, si la puissance législative se croyoit en danger par quelque conjuration secrete contre l’état, ou quelque intelligence avec les ennemis du dehors, elle pourroit, pour un temps court & limité, permettre à la puissance exécutrice de faire arrêter les citoyens suspects, qui ne perdroient leur liberté pour un temps, que pour la conserver pour toujours.
Et c’est le seul moyen conforme à la raison, de suppléer à la tyrannique magistrature des éphores, & aux inquisiteurs d’état de Venise, qui sont aussi despotiques.
Comme, dans un état libre, tout homme qui est censé avoir une ame libre doit être gouverné par lui même, il faudroit que le peuple en corps eût la puissance législative : mais, comme cela est impossible dans les grands états, & est sujet à beaucoup d’inconvéniens dans les petits, il faut que le peuple fasse, par ses représentans, tout ce qu’il ne peut faire par lui-même.
L’on connoît beaucoup mieux les besoins de sa ville, que ceux des autres villes ; & on juge mieux de la capacité de ses voisins, que de celle de ses autres compatriotes. Il ne faut donc pas que les membres du corps législatif soient tirés en général du corps de la nation ; mais il convient que, dans chaque lieu principal, les habitans se choisissent un représentant.
Le grand avantage des représentans, c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n’y est point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvéniens de la démocratie.
Il n’est pas nécessaire que les représentans, qui ont reçu, de ceux qui les ont choisis, une instruction générale, en reçoivent une particuliere sur chaque affaire, comme cela se pratique dans les diettes d’Allemagne. Il est vrai que, de cette maniere, la parole des députés seroit plus l’expression de la voix de la nation : mais cela jetteroit dans des longueurs infinies, rendroit chaque député le maître de tous les autres ; &, dans les occasions les plus pressantes, toute la force de la nation pourroit être arrêtée par un caprice.
Quand les députés, dit très-bien M. Sidney, représentent un corps de peuple, comme en Hollande, ils doivent rendre compte à ceux qui les ont commis : c’est autre chose lorsqu’ils sont députés par des bourgs, comme en Angleterre.
Tous les citoyens, dans les divers districts, doivent avoir droit de donner leur voix pour choisir le représentant ; excepté ceux qui sont dans un tel état de bassesse, qu’ils sont réputés n’avoir point de volonté propre.
Il y avoit un grand vice dans la plupart des anciennes républiques : c’est que le peuple avoit droit d’y prendre des résolutions actives, & qui demandent quelque exécution ; chose dont il est entiérement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentans ; ce qui est très-à sa portée. Car, s’il y a peu de gens qui connoissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est pourtant capable de sçavoir, en général, si celui qu’il choisit est plus éclairé que la plupart des autres.
Le corps représentant ne doit pas être choisi non plus pour prendre quelque résolution active ; chose qu’il ne feroit pas bien : mais pour faire des loix, ou pour voir si l’on a bien exécuté celles qu’il a faites ; chose qu’il peut très-bien faire, & qu’il n’y a même que lui qui puisse bien faire.
Il y a toujours, dans un état, des gens distingués par la naissance, les richesses ou les honneurs : mais, s’ils étoient confondus parmi le peuple, & s’ils n’y avoient qu’une voix comme les autres, la liberté commune seroit leur esclavage, & ils n’auroient aucun intérêt à la défendre ; parce que la plupart des résolutions seroient contre eux. La part qu’ils ont à la législation, doit donc être proportionnée aux autres avantages qu’ils ont dans l’état ; ce qui arrivera, s’ils forment un corps qui ait droit d’arrêter les entreprises du peuple, comme le peuple a droit d’arrêter les leurs.
Ainsi, la puissance législative sera confiée & au corps des nobles, & au corps qui sera choisi pour représenter le peuple, qui auront chacun leurs assemblées & leurs délibérations à part, & des vues & des intérêts séparés.
Des trois puissances dont nous avons parlé, celle de juger est, en quelque façon, nulle. Il n’en reste que deux : &, comme elles ont besoin d’une puissance réglante pour les tempérer, la partie du corps législatif, qui est composé de nobles, est très-propre à produire cet effet.
Le corps des nobles doit être héréditaire. Il l’est premiérement par sa nature ; & d’ailleurs, il faut qu’il ait un très-grand intérêt à conserver ses prérogatives, odieuses par elles-mêmes, & qui, dans un état libre, doivent toujours être en danger.
Mais, comme une puissance héréditaire pourroit être induite à suivre les intérêts particuliers, & à oublier ceux du peuple ; il faut que, dans les choses où l’on a un souverain intérêt à la corrompre, comme dans les loix qui concernent la levée de l’argent, elle n’ait de part à la législation que par sa faculté d’empêcher, & non par la faculté de statuer.
J’appelle faculté de statuer, le droit d’ordonner par soi-même, ou de corriger ce qui a été ordonné par un autre. J’appelle faculté d’empêcher, le droit de rendre nulle une résolution prise par quelque autre ; ce qui étoit la puissance des tribuns de Rome. Et, quoique celui qui a la faculté d’empêcher puisse avoir aussi le droit d’approuver ; pour lors, cette approbation n’est autre chose qu’une déclaration qu’il ne fait point d’usage de sa faculté d’empêcher, & dérive de cette faculté.
La puissance exécutrice doit être entre les mains d’un monarque ; parce que cette partie du gouvernement, qui a presque toujours besoin d’une action momentanée, est mieux administrée par un que par plusieurs ; au lieu que ce qui dépend de la puissance législative, est souvent mieux ordonné par plusieurs que par un seul.
Que s’il n’y a point de monarque, & que la puissance exécutrice fût confiée à un certain nombre de personnes tirées du corps législatif, il n’y auroit plus de liberté ; parce que les deux puissances seroient unies, les mêmes personnes ayant quelquefois, & pouvant toujours avoir part à l’une & à l’autre.
Si le corps législatif étoit un temps considérable sans être assemblé, il n’y auroit plus de liberté. Car il arriveroit de deux choses l’une, ou qu’il n’y auroit plus de résolution législative, & l’état tomberoit dans l’anarchie ; ou que ces résolutions seroient prises par la puissance exécutrice, & elle deviendroit absolue.
Il seroit inutile que le corps législatif fût toujours assemblé. Cela seroit incommode pour les représentans, & d’ailleurs occuperoit trop la puissance exécutrice, qui ne penseroit point à exécuter, mais à défendre ses prérogatives, & le droit qu’elle a d’exécuter.
De plus : si le corps législatif étoit continuellement assemblé, il pourroit arriver que l’on ne feroit que suppléer de nouveaux députés à la place de ceux qui mourroient : &, dans ce cas, si le corps législatif étoit une fois corrompu, le mal seroit sans remede. Lorsque divers législatifs se succedent les uns aux autres, le peuple, qui a mauvaise opinion du corps législatif actuel, porte, avec raison, ses espérances sur celui qui viendra après : mais, si c’étoit toujours le même corps, le peuple, le voyant une fois corrompu, n’espéreroit plus rien de ses loix ; il deviendroit furieux, ou tomberoit dans l’indolence.
Le corps législatif ne doit point s’assembler lui-même : car un corps n’est censé avoir de volontés que lorsqu’il est assemblé ; &, s’il ne s’assembloit pas unanimement, on ne sçauroit dire quelle partie seroit véritablement le corps législatif, celle qui seroit assemblée, ou celle qui ne le seroit pas. Que s’il avoit droit de se proroger lui-même, il pourroit arriver qu’il ne se prorogeroit jamais ; ce qui seroit dangereux, dans le cas où il voudroit attenter contre la puissance exécutrice. D’ailleurs, il y a des temps plus convenables les uns que les autres, pour l’assemblée du corps législatif : il faut donc que ce soit la puissance exécutrice qui regle le temps de la tenue & de la durée de ces assemblées, par rapport aux circonstances qu’elle connoît.
Si la puissance exécutrice n’a pas le droit d’arrêter les entreprises du corps législatif, celui-ci sera despotique : car, comme il pourra se donner tout le pouvoir qu’il peut imaginer, il anéantira toutes les autres puissances.
Mais il ne faut pas que la puissance législative ait réciproquement la faculté d’arrêter la puissance exécutrice : car l’exécution ayant ses limites par sa nature, il est inutile de la borner ; outre que la puissance exécutrice s’exerce toujours sur des choses momentanées. Et la puissance des tribuns de Rome étoit vicieuse, en ce qu’elle arrêtoit non seulement la législation, mais même l’exécution ; ce qui causoit de grands maux.
Mais si, dans un état libre, la puissance législative ne doit pas avoir le droit d’arrêter la puissance exécutrice, elle a droit, & doit avoir la faculté d’examiner de quelle maniere les loix qu’elle a faites ont été exécutées ; & c’est l’avantage qu’a ce gouvernement sur celui de Crete & de Lacédémone, où les Cosmes & les éphores ne rendoient point compte de leur administration.
Mais, quel que soit cet examen, le corps législatif ne doit point avoir le pouvoir de juger la personne, & par conséquent la conduite de celui qui exécute. Sa personne doit être sacrée ; parce qu’étant nécessaire à l’état pour que le corps législatif n’y devienne pas tyrannique, dès le moment qu’il seroit accusé ou jugé, il n’y auroit plus de liberté.
Dans ce cas, l’état ne seroit point une monarchie, mais une république non libre. Mais comme celui qui exécute ne peut exécuter mal, sans avoir des conseillers méchans & qui haïssent les loix comme ministres, quoiqu’elles les favorisent comme hommes ; ceux-ci peuvent être recherchés & punis. Et c’est l’avantage de ce gouvernement sur celui de Gnide, où la loi ne permettant point d’appeller en jugement les amimones([8], même après leur administration[9], le peuple ne pouvoit jamais se faire rendre raison des injustices qu’on lui avoit faites.
Quoique en général la puissance de juger ne doive être unie à aucune partie de la législative, cela est sujet à trois exceptions, fondées sur l’intérêt particulier de celui qui doit être jugé.
Les grands sont toujours exposés à l’envie : &, s’ils étoient jugés par le peuple, ils pourroient être en danger, & ne jouiroient pas du privilege qu’a le moindre des citoyens dans un état libre, d’être jugé par ses pairs. Il faut donc que les nobles soient appellés, non pas devant les tribunaux ordinaires de la nation, mais devant cette partie du corps législatif qui est composée de nobles.
Il pourroit arriver que la loi, qui est en même temps clair-voyante & aveugle, seroit en de certains cas, trop rigoureuse. Mais les juges de la nation ne sont, comme nous avons dit, que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force, ni la rigueur. C’est donc la partie du corps législatif, que nous venons de dire être, dans une autre occasion, un tribunal nécessaire, qui l’est encore dans celle-ci ; c’est à son autorité suprême à modérer la loi en faveur de la loi même, en prononçant moins rigoureusement qu’elle.
Il pourroit encore arriver que quelque citoyen, dans les affaires publiques, violeroit les droits du peuple, & feroit des crimes que les magistrats établis ne sçauroient ou ne voudroient pas punir. Mais, en général, la puissance législative ne peut pas juger ; & elle le peut encore moins dans ce cas particulier, où elle représente la partie intéressée, qui est le peuple. Elle ne peut donc être qu’accusatrice. Mais devant qui accusera-t-elle ? Ira-t-elle s’abbaisser devant les tribunaux de la loi qui lui sont inférieurs, & d’ailleurs composés de gens qui, étant peuple comme elle, seroient entraînés par l’autorité d’un si grand accusateur ? Non : il faut, pour conserver la dignité du peuple & la sûreté du particulier, que la partie législative du peuple accuse devant la partie législative des nobles ; laquelle n’a, ni les mêmes intérêts qu’elle, ni les mêmes passions.
C’est l’avantage qu’a ce gouvernement sur la plupart des républiques anciennes, où il y avoit cet abus, que le peuple étoit, en même temps, & juge & accusateur.
La puissance exécutrice, comme nous avons dit, doit prendre part à la législation par sa faculté d’empêcher ; sans quoi, elle sera bientôt dépouillée de ses prérogatives. Mais, si la puissance législative prend part à l’exécution, la puissance exécutrice sera également perdue.
Si le monarque prenoit part à la législation par la faculté de statuer, il n’y auroit plus de liberté. Mais, comme il faut pourtant qu’il ait part à la législation, pour se défendre, il faut qu’il y prenne part par la faculté d’empêcher. Ce qui fut cause que le gouvernement changea à Rome, c’est que le sénat, qui avoit une partie de la puissance exécutrice, & les magistrats qui avoient l’autre, n’avoient pas, comme le peuple, la faculté d’empêcher.
Voici donc la constitution fondamentale du gouvernement dont nous parlons. Le corps législatif y étant composé de deux parties, l’une enchainera l’autre par sa faculté mutuelle d’empêcher. Toutes les deux seront liées par la puissance exécutrice, qui le sera elle-même par la législative.
Ces trois puissances devroient former un repos ou une inaction. Mais, comme par le mouvement nécessaire des choses, elle sont contraintes d’aller, elles seront forcées d’aller de concert.
La puissance exécutrice ne faisant partie de la législative que par sa faculté d’empêcher, elle ne sçauroit entrer dans le débat des affaires. Il n’est pas même nécessaire qu’elle propose ; parce que, pouvant toujours désapprouver les résolutions, elle peut rejetter les décisions des propositions qu’elle auroit voulu qu’on n’eût pas faites.
Dans quelques républiques anciennes, où le peuple en corps avoit le débat des affaires, il étoit naturel que la puissance exécutrice les proposât & les débattit avec lui ; sans quoi il auroit eu, dans les résolutions, une confusion étrange.
Si la puissance exécutrice statue sur la levée des deniers publics, autrement que par son consentement, il n’y aura plus de liberté ; parce qu’elle deviendra législative, dans le point le plus important de la législation.
Si la puissance législative statue, non pas d’année en année, mais pour toujours, sur la levée des deniers publics, elle court risque de perdre sa liberté, parce que la puissance exécutrice ne dépendra plus d’elle ; &, quand on tient un pareil droit pour toujours, il est assez indifférent qu’on le tienne de soi ou d’un autre. Il en est de même, si elle statue, non pas d’année en année, mais pour toujours, sur les forces de terre & de mer qu’elle doit confier à la puissance exécutrice.
Pour que celui qui exécute ne puisse pas opprimer, il faut que les armées qu’on lui confie soient peuple, & aient le même esprit que le peuple, comme cela fut à Rome jusqu’au temps de Marius. Et, pour que cela soit ainsi, il n’y a que deux moyens : ou que ceux que l’on emploie dans l’armée aient assez de bien pour répondre de leur conduite aux autres citoyens, & qu’ils ne soient enrôlés que pour un an, comme il se pratiquoit à Rome : ou, si on a un corps de troupes permanent, & où les soldats soient une des plus viles parties de la nation, il faut que la puissance législative puisse le casser sitôt qu’elle le desire ; que les soldats habitent avec les citoyens ; & qu’il n’y ait ni camp séparé, ni casernes, ni places de guerre.
L’armée étant une fois établie, elle ne doit point dépendre immédiatement du corps législatif, mais de la puissance exécutrice : & cela par la nature de la chose ; son fait consistant plus en action qu’en délibération.
Il est dans la maniere de penser des hommes, que l’on fasse plus de cas du courage, que de la timidité ; de l’activité, que de la prudence ; de la force, que des conseils. L’armée méprisera toujours un sénat, & respectera les officiers. Elle ne fera point cas des ordres qui lui seront envoyés de la part d’un corps composé de gens qu’elle croira timides, & indignes par-là de lui commander. Ainsi, sitôt que l’armée dépendra uniquement du corps législatif, le gouvernement deviendra militaire. Et, si le contraire est jamais arrivé, c’est l’effet de quelques circonstances extraordinaires : c’est que l’armée y est toujours séparée ; c’est qu’elle est composée de plusieurs corps qui dépendent chacun de leur province particuliere ; c’est que les villes capitales sont des places excellentes, qui se défendent par leur situation seule, & où il n’y a point de troupes.
La Hollande est encore plus en sûreté que Venise : elle submergeroit les troupes révoltées, elle les feroit mourir de faim. Elles ne sont point dans les villes qui pourroient leur donner la subsistance ; cette subsistance est donc précaire.
Que si, dans le cas où l’armée est gouvernée par le corps législatif, des circonstances particulieres empêchent le gouvernement de devenir militaire, on tombera dans d’autres inconvéniens : de deux choses l’une ; ou il faudra que l’armée détruise le gouvernement, ou que le gouvernement affoiblisse l’armée.
Et cet affoiblissement aura une cause bien fatale ; il naitra de la foiblesse même du gouvernement.
Si l’on veut lire l’admirable ouvrage de Tacite sur les mœurs[10] des Germains, on verra que c’est d’eux que les Anglois ont tiré l’idée de leur gouvernement politique. Ce beau systême a été trouvé dans les bois.
Comme toutes les choses humaines ont une fin, l’état dont nous parlons perdra sa liberté, il périra. Rome, Lacédémone & Carthage ont bien péri. Il périra, lorsque la puissance législative sera plus corrompue que l’exécutrice.
Ce n’est point à moi à examiner si les Anglois jouissent actuellement de cette liberté ou non. Il me suffit de dire qu’elle est établie par leurs loix, & je n’en cherche pas davantage.
Je ne prétends point par-là ravaler les autres gouvernemens, ni dire que cette liberté politique extrême doive mortifier ceux qui n’en ont qu’une modérée. Comment dirois-je cela, moi qui crois que l’excès même de la raison n’est pas toujours desirable ; & que les hommes s’accommodent presque toujours mieux des milieux, que des extrémités ?
Arrington, dans son Oceana, a aussi examiné quel étoit le plus haut point de liberté où la constitution d’un état peut être portée. Mais on peut dire de lui, qu’il n’a cherché cette liberté qu’après l’avoir méconnue ; & qu’il a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de bysance devant les yeux.
CHAPITRE VII.
Des monarchies que nous connoissons.
LES monarchies que nous connoissons n’ont pas, comme celle dont nous venons de parler, la liberté pour leur objet direct ; elles ne tendent qu’à la gloire des citoyens, de l’état, & du prince. Mais de cette gloire, il résulte un esprit de liberté qui, dans ces états, peut faire d’aussi grandes choses, & peut-être contribuer autant au bonheur, que la liberté même.
Les trois pouvoirs n’y sont point distribués & fondus sur le modele de la constitution dont nous avons parlé. Ils ont chacun une distribution particuliere, selon laquelle ils approchent plus ou moins de la liberté politique : &, s’ils n’en approchoient pas, la monarchie dégénéreroit en despotisme.
CHAPITRE VIII.
Pourquoi les anciens n’avoient pas une idée bien claire de la monarchie.
LES anciens ne connoissoient point le gouvernement fondé sur un corps de noblesse, & encore moins le gouvernement fondé sur un corps législatif formé par les représentans d’une nation. Les républiques de Grece & d’Italie étoient des villes qui avoient chacune leur gouvernement, & qui assembloient leurs citoyens dans leurs murailles. Avant que les Romains eussent englouti toutes les républiques, il n’y avoit presque point de roi nulle part, en Italie, Gaule, Espagne, Allemagne ; tout cela étoit de petits peuples ou de petites républiques. L’Afrique même étoit soumise à une grande : l’Asie mineure étoit occupée par les colonies Grecques. Il n’y avoit donc point d’exemple de députés de villes, ni d’assemblées d’états ; il falloit aller jusqu’en Perse, pour trouver le gouvernement d’un seul.
Il est vrai qu’il y avoit des républiques fédératives ; plusieurs villes envoyoient des députés à une assemblée. Mais je dis qu’il n’y avoit point de monarchie sur ce modele-là.
Voici comment se forma le premier plan des monarchies que nous connoissons. Les nations Germaniques, qui conquirent l’empire Romain, étoient, comme l’on sçait, très-libres. On n’a qu’à voir là-dessus Tacite sur les mœurs des Germains. Les conquérans se répandirent dans le pays ; ils habitoient les campagnes, & peu les villes. Quand ils étoient en Germanie, toute la nation pouvoit s’assembler. Lorsqu’ils furent dispersés dans la conquête, ils ne le purent plus. Il falloit pourtant que la nation délibérât sur ses affaires, comme elle avoit fait avant la conquête : elle le fit par des représentans. Voilà l’origine du gouvernement Gothique parmi nous. Il fut d’abord mêlé de l’aristocratie & de la monarchie. Il avoit cet inconvénient, que le bas-peuple y étoit esclave : c’étoit un bon gouvernement, qui avoit en soi la capacité de devenir meilleur. La coutume vint d’accorder des lettres d’affranchissement ; & bientôt la liberté civile du peuple, les prérogatives de la noblesse & du clergé, la puissance des rois se trouverent dans un tel concert, que je ne crois pas qu’il y ait eu sur la terre de gouvernement si bien tempéré que le fut celui de chaque partie de l’Europe dans le temps qu’il y subsista. Et il est admirable que la corruption du gouvernement d’un peuple conquérant ait formé la meilleure espece de gouvernement que les hommes aient pu imaginer. CHAPITRE IX.
Maniere de penser d’Aristote.
L’EMBARRAS d’Aristote paroît visiblement, quand il traite de la monarchie[11]. Il en établit cinq especes : il ne les distingue pas par la forme de la constitution, mais par des choses d’accident, comme les vertus ou les vices du prince ; ou par des choses étrangeres, comme l’usurpation de la tyrannie, ou la succession à la tyrannie.
Aristote met au rang des monarchies, & l’empire des Perses & le royaume de Lacédémone. Mais qui ne voit que l’un étoit un état despotique, & l’autre une république ?
Les anciens, qui ne connoissoient pas la distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d’un seul, ne pouvoient se faire une idée juste de la monarchie.
CHAPITRE X.
Maniere de penser des autres politiques.
P
OUR tempérer le gouvernement d’un seul, Arribas[12], roi d’Epire, n’imagina qu’une république. Les Molosses, ne sçachant comment borner le même pouvoir, firent deux rois[13] : par-là on affoiblissoit l’état plus que le commandement ; on vouloit des rivaux, & on avoit des ennemis.
Deux rois n’étoient tolérables qu’à Lacédémone ; ils n’y formoient pas la constitution, mais ils étoient la constitution.
CHAPITRE XI.
Des rois des temps héroïques, chez les Grecs.
CHEZ les Grecs, dans les temps héroïques, il s’établit une espece de monarchie qui ne subsista pas[14]. Ceux qui avoient inventé des arts, fait la guerre pour le peuple, assemblé des hommes dispersés, ou qui leur avoient donné des terres, obtenoient le royaume pour eux, & le transmettoient à leurs enfans. Ils étoient rois, prêtres & juges. C’est une des cinq especes de monarchies dont nous parle Aristote[15] ; & c’est la seule qui puisse réveiller l’idée de la constitution monarchique. Mais le plan de cette constitution est opposé à celui de nos monarchies d’aujourd’hui.
Les trois pouvoirs y étoient distribués de maniere que le peuple y avoit la puissance législative[16] ; & le roi, la puissance exécutrice, avec la puissance de juger : au-lieu que, dans les monarchies que nous connoissons, le prince a la puissance exécutrice & la législative, ou du moins une partie de la législative ; mais il ne juge pas.
Dans le gouvernement des rois des temps héroïques, les trois pouvoirs étoient mal distribués. Ces monarchies ne pouvoient subsister : car, dès que le peuple avoit la législation, il pouvoit, au moindre caprice, anéantir la royauté, comme il fit par-tout.
Chez un peuple libre, & qui avoit le pouvoir législatif, chez un peuple renfermé dans une ville, où tout ce qu’il y a d’odieux devient plus odieux encore, le chef-d’œuvre de la législation est de sçavoir bien placer la puissance de juger. Mais elle ne le pouvoit être plus mal que dans les mains de celui qui avoit déja la puissance exécutrice. Dès ce moment, le monarque devenoit terrible. Mais en ce même-temps, comme il n’avoit pas la législation, il ne pouvoit pas se défendre contre la législation ; il avoit trop de pouvoir, & il n’en avoit pas assez.
On n’avoit pas encore découvert que la vraie fonction du prince étoit d’établir des juges, & non pas de juger lui-même. La politique contraire rendit le gouvernement d’un seul insupportable. Tous ces rois furent chassés. Les Grecs n’imaginerent point la vraie distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d’un seul ; ils ne l’imaginerent que dans le gouvernement de plusieurs, & ils appellerent cette sorte de constitution, police[17].
CHAPITRE XII.
Du gouvernement des rois de Rome, & comment les trois pouvoirs y furent distribués.
LE gouvernement des rois de Rome avoit quelque rapport à celui des rois des temps héroïques chez les Grecs. Il tomba, comme les autres, par son vice général ; quoiqu’en lui-même, & dans sa nature particuliere, il fût très-bon.
Pour faire connoître, ce gouvernement, je distinguerai celui des cinq premiers rois, celui de Servius Tullius, & celui de Tarquin.
La couronne étoit élective : &, sous les cinq premiers rois, le sénat eut la plus grande part à l’élection.
Après la mort du roi, le sénat examinoit si l’on garderoit la forme du gouvernement qui étoit établie. S’il jugeoit à propos de la garder, il nommoit un magistrat[18], tiré de son corps, qui élisoit un roi : le sénat devoit approuver l’élection ; le peuple, la confirmer ; les auspices, la garantir. Si une de ces trois conditions manquoit, il falloit faire une autre élection.
La constitution étoit monarchique, aristocratique & populaire. Telle fut l’harmonie du pouvoir, qu’on ne vit ni jalousie, ni dispute, dans les premiers regnes. Le roi commandoit les armées, & avoir l’intendance des sacrifices ; il avoit la puissance de juger les affaires civiles[19] & criminelles[20] ; il convoquoit le sénat ; il assembloit le peuple ; il lui portoit de certaines affaires, & régloit les autres avec le sénat[21].
Le sénat avoir une grande autorité. Les rois prenoient souvent des sénateurs pour juger avec eux ; ils ne portoient point d’affaires au peuple, qu’elles n’eussent été délibérées[22] dans le sénat.
Le peuple avoit le droit d’élire[23] les magistrats, de consentir aux nouvelles loix, &, lorsque le roi le permettoit, celui de déclarer la guerre & de faire la paix. Il n’avoit point la puissance de juger. Quand Tullus Hostilius renvoya le jugement d’Horace au peuple, il eut des raisons particulieres, que l’on trouve dans Denys d’Halicarnasse[24].
La constitution changea sous[25] Servius Tullius. Le sénat n’eut point de part à son élection, il se fit proclamer par le peuple. Il se dépouilla des jugemens[26] civils, &, ne se réserva que les criminels ; il porta directement au peuple toutes les affaires : il le soulagea des taxes, & en mit tout le fardeau sur les patriciens. Ainsi, à mesure qu’il affoiblissoit la puissance royale & l’autorité du sénat, il augmentoit le pouvoir du peuple[27].
Tarquin ne se fit élire ni par le sénat ni par le peuple. Il regarda Servius Tullius comme un usurpateur, & prit la couronne comme un droit héréditaire ; il extermina la plupart des sénateurs ; il ne consulta plus ceux qui restoient, & ne les appella pas même à ses jugemens[28]. Sa puissance augmenta : mais ce qu’il y avoit d’odieux dans cette puissance devint plus odieux encore : il usurpa le pouvoir du peuple ; il fit des loix sans lui ; il en fit même contre lui[29]. Il auroit réuni les trois pouvoirs dans sa personne : mais le peuple se souvint un moment qu’il étoit législateur, & Tarquin ne fut plus.
CHAPITRE XIII.
Réflexion générales sur l’état de Rome, après l’expulsion des rois.
ON ne peut jamais quitter les Romains : c’est ainsi qu’encore aujourd’hui, dans leur capitale, on laisse les nouveaux palais pour aller chercher des ruines ; c’est ainsi que l’œil, qui s’est reposé sur l’émail des prairies, aime à voir les rochers, & les montagnes.
Les familles patriciennes avoient eu, de tout temps, de grandes prérogatives. Ces distinctions, grandes sous les rois, devinrent bien plus importantes après leur expulsion. Cela causa la jalousie des plébéiens, qui voulurent les abbaisser. Les contestations frappoient sur la constitution, sans affoiblir le gouvernement : car, pourvu que les magistratures conservassent leur autorité, il étoit assez indifférent de quelle famille étoient les magistrats.
Une monarchie élective, comme étoit Rome, suppose nécessairement un corps aristocratique puissant qui la soutienne ; sans quoi elle se change d’abord en tyrannie ou en état populaire. Mais un état populaire n’a pas besoin de cette distinction de familles, pour se maintenir. C’est ce qui fit que les patriciens, qui étoient des parties nécessaires de la constitution, du temps des rois, en devinrent une partie superflue, du temps des consuls ; le peuple put les abbaisser sans se détruire lui-même, & changer la constitution sans la corrompre.
Quand Servius Tullius eut avili les patriciens, Rome dut tomber, des mains des rois, dans celles du peuple. Mais le peuple, en abbaissant les patriciens, ne dut point craindre de retomber dans celles des rois.
Un état peut changer de deux manieres ; ou parce que la constitution se corrige, ou parce qu’elle se corrompt. S’il a conservé ses principes, & que la constitution change, c’est qu’elle se corrige : s’il a perdu ses principes, quand la constitution vient à changer, c’est qu’elle se corrompt.
Rome, après l’expulsion des rois, devoit être une démocratie. Le peuple avoit déja la puissance législative : c’étoit son suffrage unanime qui avoit chassé les rois ; &, s’il ne persistoit pas dans cette volonté, les Tarquins pouvoient, à tous les instans, revenir. Prétendre qu’il eût voulu les chasser, pour tomber dans l’esclavage de quelques familles, cela n’étoit pas raisonnable. La situation des choses demandoit donc que Rome fût une démocratie ; & cependant elle ne l’étoit pas. Il fallut tempérer le pouvoir des principaux, & que les loix inclinassent vers la démocratie.
Souvent les états fleurissent plus dans le passage insensible d’une constitution à une autre, qu’ils ne le faisoient dans l’une ou l’autre de ces constitutions. C’est pour lors que tous les ressorts du gouvernement sont tendus ; que tous les citoyens ont des prétentions, qu’on s’attaque, ou qu’on se caresse ; & qu’il y a une noble émulation entre ceux qui défendent la constitution qui décline, & ceux qui mettent en avant celle qui prévaut.
CHAPITRE XIV.
Comment la distribution des trois pouvoirs commença à changer, après l’expulsion des rois.
QUATRE choses choquoient principalement la liberté de Rome. Les patriciens obtenoient seuls tous les emplois sacrés, politiques, civils & militaires ; on avoit attaché au consulat un pouvoir exorbitant : on faisoit des outrages au peuple : enfin on ne lui laissoit presque aucune influence dans les suffrages. Ce furent ces quatre abus que le peuple corrigea.
1°. Il fit établir qu’il y auroit des magistratures où les plébéiens pourroient prétendre ; & il obtint, peu à peu, qu’il auroit part à toutes, excepté à celle d'entre-roi.
2°. On décomposa le consulat, & on en forma plusieurs magistratures. On créa des préteurs[30], à qui on donna la puissance de juger les affaires privées ; on nomma des questeurs[31], pour faire juger les crimes publics ; on établit des édiles, à qui on donna la police ; on fit des trésoriers[32], qui eurent l’administration des deniers publics : enfin, par la création des censeurs, on ôta aux consuls cette partie de la puissance législative qui regle les mœurs des citoyens, & la police momentanée des divers corps de l’état. Les principales prérogatives qui leur resterent furent de présider aux grands[33] états du peuple, d’assembler le sénat, & de commander les armées.
3°. Les loix sacrées établirent des tribuns qui pouvoient, à tous les instans, arrêter les entreprises des patriciens ; & n’empêchoient pas seulement les injures particulieres, mais encore les générales.
Enfin les plébéiens augmenterent leur influence dans les décisions publiques. Le peuple Romain étoit divisé de trois manieres, par centuries, par curies, & par tribus : &, quand il donnoit son suffrage, il étoit assemblé & formé d’une de ces trois manieres.
Dans la premiere, les patriciens, les principaux, les gens riches, le sénat, ce qui étoit à peu près la même chose, avoient presque toute l’autorité ; dans la seconde, ils en avoient moins ; dans la troisieme, encore moins.
La division par centuries étoit plutôt une division de cens & de moyens, qu’une division de personnes. Tout le peuple étoit partagé en cent quatre-vingt-treize centuries[34], qui avoient chacune une voix. Les patriciens & les principaux formoient les quatre-vingt-dix-huit premieres centuries ; le reste des citoyens étoit répandu dans les quatre-vingt-quinze autres. Les patriciens étoient donc, dans cette division, les maîtres des suffrages.
Dans la division par curies[35], les patriciens n’avoient pas les mêmes avantages. Ils en avoient pourtant. Il falloit consulter les auspices, dont les patriciens étoient les maitres : on n’y pouvoit faire de proposition au peuple, qui n’eût été auparavant portée au sénat, & approuvée par un sénatus-consulte. Mais, dans la division par tribus, il n’étoit question ni d’auspices, ni de sénatus-consulte, & les patriciens n’y étoient pas admis.
Or le peuple chercha toujours à faire par curies les assemblées qu’on avoit coutume de faire par centuries, & à faire par tribus les assemblées qui se faisoient par curies ; ce qui fit passer les affaires, des mains des patriciens, dans celles des plébéiens.
Ainsi, quand les plébéiens eurent obtenu le droit de juger les patriciens, ce qui commença lors de l’affaire de Coriolan[36], les plébéiens voulurent les juger assemblés par tribus[37], & non par centuries : &, lorsqu’on établit en faveur du peuple les nouvelles magistratures[38] de tribuns & d’édiles, le peuple obtint qu’il s’assembleroit par curies pour les nommer ; &, quand sa puissance fut affermie, il obtint[39] qu’ils seroient nommés dans une assemblée par tribus.
CHAPITRE XV.
Comment, dans l’état florissant de la république, Rome perdit tout à coup sa liberté.
DANS le feu des disputes entre les patriciens & les plébéiens, ceux-ci demanderent que l’on donnât des loix fixes, afin que les jugemens ne fussent plus l’effet d’une volonté capricieuse, ou d’un pouvoir arbitraire. Après bien des résistances, le sénat y acquiesça. Pour composer ces loix, on nomma des décemvirs. On crut qu’on devoit leur accorder un grand pouvoir, parce qu’ils avoient à donner des loix à des partis qui étoient presque incompatibles. On suspendit la nomination de tous les magistrats ; &, dans les comices, ils furent élus seuls administrateurs de la république. Ils se trouverent revêtus de la puissance consulaire & de la puissance tribunitienne. L’une leur donnoit le droit d’assembler le sénat ; l’autre, celui d’assembler le peuple : mais ils ne convoquerent ni le sénat ni le peuple. Dix hommes, dans la république, eurent seuls toute la puissance législative, toute la puissance exécutrice, toute la puissance des jugemens. Rome se vit soumise à une tyrannie aussi cruelle que celle de Tarquin. Quand Tarquin exerçoit ses vexations, Rome étoit indignée du pouvoir qu’il avoit usurpé : quand les décemvirs exercerent les leurs, elle fut étonnée du pouvoir qu’elle avoit donné.
Mais quel étoit ce systême de tyrannie, produit par des gens qui n’avoient obtenu le pouvoir politique & militaire que par la connoissance des affaires civiles ; & qui, dans les circonstances de ces temps-là, avoient besoin au dedans de la lâcheté des citoyens, pour qu’ils se laissassent gouverner, & de leur courage au dehors, pour les défendre ?
Le spectacle de la mort de Virginie, immolée par son pere à la pudeur & à la liberté, fit évanouir la puissance des décemvirs. Chacun se trouva libre, parce que chacun fut offensé : tout le monde devint citoyen, parce que tout le monde se trouva pere. Le sénat & le peuple rentrerent dans une liberté qui avoit été confiée à des tyrans ridicules.
Le peuple Romain, plus qu’un autre, s’émouvoit par les spectacles. Celui du corps sanglant de Lucrece fit finir la royauté. Le débiteur, qui parut sur la place couvert de plaies, fit changer la forme de la république. La vue de Virginie fit chasser les décemvirs. Pour faire condamner Manlius, il fallut ôter au peuple la vue du capitole. La robe sanglante de César remit Rome dans la servitude.
CHAPITRE XVI.
De la puissance législative, dans la république Romaine.
ON n’avoit point de droits à se disputer sous les décemvirs : mais, quand la liberté revint, on vit les jalousies renaître ; tant qu’il resta quelques privileges aux patriciens, les plébéiens les leur ôterent.
Il y auroit eu peu de mal, si les plébéiens s’étoient contentés de priver les patriciens de leurs prérogatives, & s’ils ne les avoient pas offensés dans leur qualité même de citoyens. Lorsque le peuple étoit assemblé par curies ou par centuries, il étoit composé de sénateurs, de patriciens & de plébéiens. Dans les disputes, les plébéiens gagnerent ce point[40], que seuls, sans les patriciens & sans le sénat, ils pourroient faire des loix qu’on appella plébiscites ; & les comices où on les fit s’appellerent comices par tribus. Ainsi il y eut des cas où les patriciens[41] n’eurent point de part à la puissance législative, &[42] où ils furent soumis à la puissance légillative d’un autre corps de l’état. Ce fut un délire de la liberté. Le peuple, pour établir la démocratie, choqua les principes mêmes de la démocratie. Il sembloit qu’une puissance aussi exorbitante auroit dû anéantir l’autorité du sénat : mais Rome avoit des institutions admirables. Elle en avoit deux sur-tout ; par l’une, la puissance législative du peuple étoit réglée ; par l’autre, elle étoit bornée.
Les censeurs, & avant eux les consuls[43], formoient & créoient, pour ainsi dire, tous les cinq ans, le corps du peuple ; ils exerçoient la législation sur le corps même qui avoit la puissance législative.
"Tiberius Gracchus, censeur, dit Cicéron, transféra les affranchis dans les tribus de la ville, non par la force de son éloquence, mais par une parole & par un geste : &, s’il ne l’eût pas fait, cette république, qu’aujourd’hui nous soutenons à peine, nous ne l’aurions plus."
D’un autre côté, le sénat avoit le pouvoir d’ôter, pour ainsi dire, la république des mains du peuple, par la création d’un dictateur, devant lequel le souverain baissoit la tête, & les loix les plus populaires restoient dans le silence[44].
CHAPITRE XVII.
De la puissance exécutrice, dans la même république
SI les peuple fut jaloux de sa puissance législative, il le fut moins de sa puissance exécutrice. Il la laissa presque toute entiere au sénat & aux consuls ; & il ne se réserva gueres que le droit d’élire les magistrats, & de confirmer les actes du sénat & des généraux.
Rome, dont la passion étoit de commander, dont l’ambition étoit de tout soumettre, qui avoit toujours usurpé, qui usurpoit encore, avoit continuellement de grandes affaires ; ses ennemis conjuroient contre elle, ou elle conjuroit contre ses ennemis.
Obligée de se conduire, d’un côté, avec un courage héroïque, & de l’autre avec une sagesse consommée, l’état des choses demandoit que le sénat eût la direction des affaires. Le peuple disputoit au sénat toutes les branches de la puissance législative, parce qu’il étoit jaloux de sa liberté ; il ne lui disputoit point les branches de la puissance exécutrice, parce qu’il étoit jaloux de sa gloire.
La part que le sénat prenoit à la puissance exécutrice étoit si grande, que Polybe[45] dit que les étrangers pensoient tous que Rome étoit une aristocratie. Le sénat disposoit des deniers publics, & donnoit les revenus à ferme ; il étoit l’arbitre des affaires des alliés ; il décidoit de la guerre & de la paix, & dirigeoit à cet égard les consuls ; il fixoit le nombre des troupes Romaines & des troupes alliées, distribuoit les provinces & les armées aux consuls ou aux prêteurs ; &, l’an du commandement expiré, il pouvoit leur donner un successeur ; il décernoit les triomphes ; il recevoit des ambassades, & en envoyoit ; il nommoit les rois, les récompensoit, les punissoit, les jugeoit, leur donnoit ou leur faisoit perdre le titre d’alliés du peuple Romain.
Les consuls faisoient la levée des troupes qu’ils devoient mener à la guerre ; ils commandoient les armées de terre ou de mer ; disposoient des alliés : ils avoient, dans les provinces, toute la puissance de la république : ils donnoient la paix aux peuples vaincus, leur en imposoient les conditions, ou les renvoyoient au sénat.
Dans les premiers temps, lorsque le peuple prenoit quelque part aux affaires de la guerre & de la paix, il exerçoit plutôt sa puissance législative que sa puissance exécutrice. Il ne faisoit gueres que confirmer ce que les rois, &, après eux, les consuls ou le sénat avoient fait. Bien loin que le peuple fût l’arbitre de la guerre, nous voyons que les consuls ou le sénat la faisoient souvent malgré l’opposition de ses tribuns. Ainsi[46] il créa lui-même les tribuns des légions, que les généraux avoient nommés jusqu’alors : &, quelque temps avant la premiere guerre punique, il régla qu’il auroit seul le droit de déclarer la guerre[47].
CHAPITRE XVIII.
De la puissance de juger, dans le gouvernement de Rome.
LA puissance de juger fut donnée au peuple, au sénat, aux magistrats, à de certains juges. Il faut voir comment elle fut distribuée. Je commence par les affaires civiles.
Les consuls[48] jugerent après les rois, comme les préteurs jugerent après les consuls. Servius Tullius s’étoit dépouillé du jugement des affaires civiles : les consuls ne les jugerent pas non plus, si ce n’est dans des cas très-rares[49], que l’on appella, pour cette raison, extraordinaires[50]. Ils se contenterent de nommer les juges, & de former les tribunaux qui devoient juger. Il paroît, par le discours d’Appius Claudius dans Denys d’Halicarnasse[51], que, dès l’an de Rome 259, ceci etoit regardé comme une coutume etablie chez les Romains ; & ce n’est pas la faire remonter bien haut, que de la rapporter à Servius Tullius.
Chaque année, le préteur formoit une liste[52] ou tableau de ceux qu’il choisissoit pour faire la fonction de juges pendant l’année de sa magistrature. On en prenoit le nombre suffisant pour chaque affaire. Cela se pratique à peu près de même en Angleterre. Et ce qui étoit très-favorable à la[53] liberté, c’est que le préteur prenoit les juges du contentement[54] des parties. Le grand nombre de récusations que l’on peut faire aujourd’hui en Angleterre, revient à peu près à cet usage.
Ces juges ne décidoient que des questions de fait[55] : par exemple, il une somme avoit été payée, ou non ; si une action avoit été commise, ou non. Mais, pour les questions de droit[56], comme elles demamdoient une certaine capacité, elles étoient portées au tribunal des centumvirs[57].
Les rois se réserverent le jugement des affaires criminelles, & les consuls leur succéderent en cela. Ce fut en conséquence de cette autorité, que le consul Brutus fit mourir ses enfans & tous ceux qui avoient conjuré pour les Tarquins. Ce pouvoir étoit exorbitant. Les consuls ayant déja la puissance militaire, ils en portoient l’exercice même dans les affaires de la ville ; & leurs procédés, dépouillés des formes de la justice, étoient des actions violentes, plutôt que des jugemens.
Cela fit faire la loi Valérienne, qui permit d’appeller au peuple de toutes les ordonnances des consuls qui mettoient en péril la vie d’un citoyen. Les consuls ne purent plus prononcer une peine capitale contre un citoyen Romain, que par la volonté du peuple[58].
On voit, dans la premiere conjuration pour le retour des Tarquins, que le consul Brutus juge les coupables : dans la seconde, on assemble le sénat & les comices pour juger[59].
Les loix qu’on appella sacrées donnerent aux plébéiens des tribuns, qui formerent un corps qui eut d’abord des prétentions immenses. On ne sçait quelle fut plus grande, ou dans les plébéiens la lâche hardiesse de demander, ou dans le sénat la condescendance & la facilité d’accorder. La loi Valérienne avoit permis les appels au peuple ; c’est-à-dire, au peuple composé de sénateurs, de patriciens & de plébéiens. Les plébéiens établirent que ce seroit devant eux que les appellations seroient portées. Bientôt on mit en question si les plébéiens pourroient juger un patricien : cela fut le sujet d’une dispute, que l’affaire de Coriolan fit naître, & qui finit avec cette affaire. Coriolan, accusé par les tribuns devant le peuple, soutenoit, contre l’esprit de la loi Valérienne, qu’étant patricien, il ne pouvoit être jugé que par les consuls : les plébéiens, contre l’esprit de la même loi, prétendirent qu’il ne devoit être jugé que par eux seuls ; & ils le jugerent.
La loi des douze-tables modifia ceci. Elle ordonna qu’on ne pourroit décider de la vie d’un citoyen, que dans les grands états du peuple[60]. Ainsi, le corps des plébéiens, ou, ce qui est la même chose ; les comices par tribus ne jugerent plus que les crimes dont la peine n’étoit qu’une amende pécuniaire. Il falloit une loi pour infliger une peine capitale : pour condamner à une peine pécuniaire, il ne falloit qu’un plébiscite.
Cette disposition de la loi des douze-tables fut très-sage. Elle forma une conciliation admirable entre le corps des plébéiens et le sénat. Car, comme la compétence des uns & des autres dépendit de la grandeur de la peine, & de la nature du crime, il fallut qu’ils se concertassent ensemble.
La loi Valérienne ôta tout ce qui restoit à Rome du gouvernement qui avoit du rapport à celui des rois Grecs des temps héroïques. Les consuls le trouverent sans pouvoir pour la punition des crimes. Quoique tous les crimes soient publics, il faut pourtant distinguer ceux qui intéressent plus les citoyens entre eux, de ceux qui intéressent plus l’état dans le rapport qu’il a avec un citoyen. Les premiers sont appellés privés ; les seconds, sont les crimes publics. Le peuple jugea lui-même les crimes publics ; &, à l’égard des privés, il nomma, pour chaque crime, par une commission particuliere, un questeur, pour en faire la poursuite. C’étoit souvent un des magistrats, quelquefois un homme privé, que le peuple choisissoit. On l’appelloit questeur du parricide. Il en est fait mention dans la loi des douze-tables[61].
Le questeur nommoit ce qu’on appelloit le juge de la question, qui tiroit au sort les juges, formoit le tribunal, & présidoit sous lui au jugement[62].
Il est bon de faire remarquer ici la part que prenoit le sénat dans la nomination du questeur, afin que l’on voie comment les puissances étoient, à cet égard, balancées. Quelquefois le sénat faisoit élire un dictateur, pour faire la fonction de questeur[63] ; quelquefois il ordonnoit que le peuple seroit convoqué par un tribun, pour qu’il nommât un questeur[64] ; enfin, le peuple nommoit quelquefois un magistrat, pour faire son rapport au sénat fur un certain crime, & lui demander qu’il donnât un questeur, comme on voit dans le jugement de Lucius Scipion[65], dans Tite Live[66].
L’an de Rome 604, quelques-unes de ces commissions furent rendues permanentes[67]. On divisa, peu à peu, toutes les matieres criminelles en diverses parties, qu’on appella des questions perpétuelles. On créa divers prêteurs, & on attribua à chacun d’eux quelqu’une de ces questions. On leur donna, pour un an, la puissance de juger les crimes qui en dépendoient ; & ensuite, ils alloient gouverner leur province.
A Carthage, le sénat de cent étoit composé de juges qui étoient pour la vie[68]. Mais, à Rome, les préteurs étoient annuels ; & les juges n’étoient pas même pour un an, puisqu’on les prenoit pour chaque affaire. On a vu, dans le chapitre VII de ce livre, combien, dans de certains gouvememens, cette disposition étoit favorable à la liberté.
Les juges furent pris dans l’ordre des sénateurs, jusqu’au temps des Grecques. Tiberius Gracchus fit ordonner qu’on les prendroit dans celui des chevaliers : changement si considérable, que le tribun se vanta d’avoir, par une seule rogation, coupé les nerfs de l’ordre des sénateurs.
Il faut remarquer que les trois pouvoirs peuvent être bien distribués par rapport à la liberté de la constitution, quoiqu’ils ne le soient pas si bien dans le rapport avec la liberté du citoyen. A Rome, le peuple ayant la plus grande partie de la puissance législative, une partie de la puissance exécutrice, & une partie de la puissance de juger, c’étoit un grand pouvoir qu’il falloit balancer par un autre. Le sénat avoit bien une partie de la puissance exécutrice ; il avoit quelque branche de la puissance législative[69] : mais cela ne suffisoit pas pour contrebalancer le peuple. Il falloit qu’il eût part à la puissance de juger ; & il y avoit part, lorsque les juges étoient choisis parmi les sénateurs. Quand les Gracques priverent les sénateurs de la puissance de juger[70], le sénat ne put plus résister au peuple. Ils choquerent donc la liberté de la constitution, pour favoriser la liberté du citoyen ; mais celle-ci se perdit avec celle-là.
Il en résulta des maux infinis. On changea la constitution dans un temps où, dans le feu des discordes civiles, il y avoit à peine une constitution. Les chevaliers ne furent plus cet ordre moyen qui unissoit le peuple au sénat ; & la chaîne de la constitution fut rompue.
Il y avoit même des raisons particulieres qui devoient empêcher de transporter les jugemens aux chevaliers. La constitution de Rome étoit fondée sur ce principe que ceux-là devoient être soldats, qui avoient assez de bien pour répondre de leur conduite à la république. Les chevaliers, comme les plus riches, formoient la cavalerie des légions. Lorsque leur dignité fut augmentée ils ne voulurent plus servir dans cette milice ; il fallut lever une autre cavalerie ; Marius prit toute sorte de gens dans les légions, & la république fut perdue[71].
De plus : les chevaliers étoient les traitans de la république ; ils étoient avides, ils semoient les malheurs dans les malheurs, & faisoient naître les besoins publics des besoins publics. Bien loin de donner à de telles gens la puissance de juger, il auroit fallu qu’ils eussent été sans cesse sous les yeux des juges. Il faut dire cela à la louange des anciennes loix Françoises : elles ont stipulé, avec les gens d’affaires, avec la méfiance que l’on garde à des ennemis. Lorsqu’à Rome les jugemens furent transportés aux traitans, il n’y eut plus de vertu, plus de police, plus de loix, plus de magistrature, plus de magistrats.
On trouve une peinture bien naïve de ceci, dans quelques fragments de Diodore de Sicile & de Dion. "Mutius Scévola, dit Diodore[72], voulut rappeller les anciennes mœurs, & vivre de son bien propre avec frugalité & intégrité. Car ses prédécesseurs ayant fait une société avec les traitans, qui avoient pour lors les jugemens à Rome, ils avoient rempli la province de toutes sortes de crimes. Mais Scévola fit justice des publicains, & fit mener en prison ceux qui y traînoient les autres."
Dion nous dit[73] que Publius Rutilius, son lieutenant, qui n’étoit pas moins odieux aux chevaliers, fut accusé à son retour d’avoir reçu des présens, & fut condamné à une amende. Il fit sur le champ cession de biens. Son innocence parut, en ce que l’on lui trouva beaucoup moins de bien qu’on ne l’accusoit d’en avoir volé, & il montroit les titres de sa propriété. Il ne voulut plus rester dans la ville avec de telles gens.
Les Italiens, dit encore Diodore[74], achetoient en Sicile des troupes d’esclaves pour labourer leurs champs, & avoir soin de leurs troupeaux ; ils leur refusoient la nourriture. Ces malheureux étoient obligés d’aller voler sur les grands chemins, armés de lances & de massues, couverts de peaux de bêtes, de grands chiens autour d’eux. Toute la province fut dévastée, & les gens du pays ne pouvoient dire avoir en propre que ce qui étoit dans l’enceinte des villes. Il n’y avoit ni proconsul, ni prêteur, qui pût ou voulût s’opposer à ce désordre, & qui osât punir ces esclaves, parce qu’ils appartenoient aux chevaliers qui avoient à Rome les jugemens[75]. Ce fut pourtant une des causes de la guerre des esclaves. Je ne dirai qu’un mot : une profession qui n’a, ni ne peut avoir d’objet que le gain ; une profession qui demandoit toujours, & à qui on ne demandoit rien ; une profession sourde & inexorable, qui appauvrissoit les richesles & la misere même, ne devoit point avoir à Rome les jugemens.
CHAPITRE XIX.
Du gouvernement des provinces Romaines.
C’EST ainsi que les trois pouvoirs furent distribués dans la ville : mais il s’en faut bien qu’ils le fussent de même dans les provinces. La liberté étoit dans le centre, & la tyrannie aux extrémités.
Pendant que Rome ne domina que dans l’Italie, les peuples furent gouvernés comme des confédérés : on suivoit les loix de chaque république. Mais, lorsqu’elle conquit plus loin, que le sénat n’eut pas immédiatement l’œil sur les provinces, que les magistrats qui étoient à Rome ne purent plus gouverner l’empire, il fallut envoyer des préteurs & des proconsuls. Pour lors, cette harmonie des trois pouvoirs ne fut plus. Ceux qu’on envoyoit avoient une puissance qui réunissoit celle de toutes les magistratures Romaines ; que dis-je ? celle même du sénat, celle même du peuple[76]. C’étoient des magistrats despotiques, qui convenoienr beaucoup à l’éloignement des lieux où ils étoient envoyés. Ils exerçoient les trois pouvoirs ; ils étoient, si j’ose me servir de ce terme, les bachas de la république.
Nous avons dit ailleurs[77] que les mêmes citoyens, dans la république, avoient, par la nature des choses, les emplois civils & militaires. Cela fait qu’une république qui conquiert ne peut gueres communiquer son gouvernement, & régir l’état conquis selon la forme de sa constitution. En effet, le magistrat qu’elle envoie pour gouverner, ayant la puissance exécutrice, civile & militaire, il faut bien qu’il ait aussi la puissance législative ; car, qui est-ce qui seroit des loix sans lui ? Il faut aussi qu’il ait la puissance de juger : car, qui est-ce qui jugeroit indépendamment de lui ? Il faut donc que le gouverneur qu’elle envoie ait les trois pouvoirs, comme cela fut dans les provinces Romaines.
Une monarchie peut plus aisément communiquer son gouvernement ; parce que les officiers qu’elle envoie ont, les uns la puissance exécutrice civile, & les autres la puissance exécutrice militaire ; ce qui n’entraîne pas après soi le despotisme.
C’étoit un privilege d’une grande conséquence pour un citoyen Romain, de ne pouvoir être jugé que par le peuple. Sans cela, il auroit été soumis, dans les provinces, au pouvoir arbitraire d’un proconsul ou d’un propréteur. La ville ne sentoit point la tyrannie qui ne s’exerçoit que sur les nations assujetties.
Ainsi, dans le monde Romain, comme à Lacédémone, ceux qui étoient libres étoient extrêmement libres, & ceux qui étoient esclaves étoient extrêmement esclaves.
Pendant que les citoyens payoient des tributs, ils étoient levés avec une équité très-grande On suivoit l’établissement de Servius Tullius, qui avoit distribué tous les citoyens en six classes, selon l’ordre de leurs richesses, & fixé la part de l’impôt à proportion de celle que chacun avoit dans le gouvernement. Il arrivoit de-là qu’on souffroit la grandeur du tribut, à cause de la grandeur du crédit ; & que l’on se consoloit de la petitesse du crédit, par la petitesse du tribut.
Il y avoit encore une chose admirable : c’est que la division de Servius Tullius par classe étant, pour ainsi dire, le principe fondamental de la constitution ; il arrivoit que l’équité, dans la levée des tributs, tenoit au principe fondamental du gouvernement, & ne pouvoit être ôtée qu’avec lui.
Mais, pendant que la ville payoit les tributs sans peine, ou n’en payoit point du tout[78], les provinces étoient désolées par les chevaliers, qui étoient les traitans de la république. Nous avons parlé de leurs vexations, & toute l’histoire en est pleine.
"Toute l’Asie m’attend comme son libérateur, disoit Mithridate[79], tant ont excité de haine contre les Romains les rapines des proconsuls[80], les exactions des gens d’affaires, & les calomnies des jugemens[81]."
Voilà ce qui fit que la force des provinces n’ajouta rien à la force de la république, & ne fit au contraire que l’affoiblir. Voilà ce qui fit que les provinces regarderent la perte de la liberté de Rome comme l’époque de l’établissement de la leur.
CHAPITRE XX.
Fin de ce livre.
JE voudrois rechercher, dans tous les gouvernemens modérés que nous connoissons, quelle est la distribution des trois pouvoirs, & calculer par-là les degrés de liberté dont chacun d’eux peut jouir. Mais il ne faut pas toujours tellement épuiser un sujet qu’on ne laisse rien à faire au lecteur. Il ne s’agit pas de faire lire, mais de faire penser.
- ↑ J’ai, dit Cicéron, copié l’édit de Scévola, qui permet aux Grecs de terminer entre eux leurs différends, selon leurs loix, ce qui fait qu’ils se regardent comme des peuples libres.
- ↑ Les Moscovites ne pouvoient souffrir que le czar Pierre la leur fit couper.
- ↑ Les Cappadociens refuserent l’état républicain, que leur offrirent les Romains.
- ↑ Objet naturel d’un état qui n’a point d’ennemis au dehors, ou qui croit les avoir arrêtés par des barrieres.
- ↑ Inconvénient du Liberum veto.
- ↑ A Venise.
- ↑ Comme à Athenes.
- ↑ C’étoient des magistrats que le peuple élisoit tous les ans. Voyez Etienne de Bysance.
- ↑ On pouvoit accuser les magistrats Romains après leur magistrature. Voyez, dans Denys d’Halicarnasse, livre IX, l’affaire du tribun Genutius.
- ↑ De minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes ; ità tamen ùt ea quoque, quorum penès plebem arbitrium est, apud principes pertractentur.
- ↑ Politiq. liv. III, chap. XIV
- ↑ Voyez Justin, liv. XVII.
- ↑ Aristote, polit. liv. V, chap. IX.
- ↑ Aristote, polit. liv, III, chap. XIV.
- ↑ Ibid.
- ↑ Voyez ce que dit Plutarque, vie de Thésée. Voyez aussi Thucydide, liv. I.
- ↑ Voyez Aristote, polit. liv. IV, chap. VIII.
- ↑ Denys d’Halicarnasse, liv. II, pag. 120 ; & liv. IV, pag. 242 & 243.
- ↑ Voyez le discours de Tanaquil, dans Tite Live, liv. I, décade I ; & le réglement de Servius Tullius, dans Denys d’Halicarnasse, liv. IV, pag. 229.
- ↑ Voyez Denys d’Halicarnasse, liv. II, p. 118 ; & liv. III, pag. 171.
- ↑ Ce fut par un sénatus-consulte, que Tullus Hostilius envoya détruire Albe. Denys d’Halicarnasse, liv. III, p. 167 & 172.
- ↑ Ibid. liv. IV, pag. 276.
- ↑ Ibid. l. II. Il falloit pourtant qu’il ne nommât pas à toutes les charges, puisque Valérius Publicola fit la fameuse loi qui défendoit à tout citoyen d’exercer aucun emploi, s’il ne l’avoit obtenu par le suffrage du peuple.
- ↑ Liv. III, pag. 159.
- ↑ Liv. IV.
- ↑ Il se priva de la moitié de sa puissance royale, dit Denys d’Halicarnasse, liv. IV, p. 229.
- ↑ On croyoit que, s’il n’avoit pas été prévenu par Tarquln, il auroit établi le gouvernement populaire. Denys d’Halicarnasse, liv. IV, pag. 243.
- ↑ Denys d’Halicarnasse, liv. IV.
- ↑ Ibid.
- ↑ Tite Live, decade I, liv. VI.
- ↑ Quæstores parricidii, Pomponius, leg. 2, §. 23, ff. de orig. jur.
- ↑ Plutarq. vie de Publicola
- ↑ Comitiis centuriatis.
- ↑ Voyez là-dessus Tite Live, liv. I ; & Denys d’Halicarnasse, liv. IV & VII.
- ↑ Denys d’Halicarnasse, liv. IX, pag. 598.
- ↑ Denys d’Halicarnasse, liv. VII.
- ↑ Contre l’ancien usage, comme on le voit dans Denys d’Halicarnasse, livre V, page 320.
- ↑ Liv. VI, p. 410 & 411.
- ↑ Liv. IX, pag. 605.
- ↑ Denys d’Halicarnasse, liv. XI, pag. 725.
- ↑ Par les loix sacrées, les plébéiens purent faire des plébiscites, seuls, & sans que les patriciens fussent admis dans leur assemblée. Denys d’Halicarnasse, liv. VI, p. 410 ; & liv. VII, pag. 430.
- ↑ Par la loi faite après l’expulsion des décemvirs, les patriciens furent soumis aux plébiscites, quoiqu’ils n’eussent pu y donner leur voix. Tite Live, livre III ; & Denys d’Halicarnasse, livre XI, page 725. Et cette loi fut confirmée par celle de Publius Philo, dictateur, l’an de Rome 416. Tite Live, liv. VIII.
- ↑ L’an 312 de Rome, les consuls faisoient encore le cens, comme il paroît par Denys d’Halicarnasse, liv. XI.
- ↑ Comme celles qui permettoient d’appeller au peuple des ordonnances de tous les magistrats.
- ↑ Liv. VI.
- ↑ L’an de Rome 444. Tite Live, premiere decade, liv. IX. La guerre contre Persée paroissant périlleuse, un sénatus-consulte ordonna que cette loi seroit suspendue ; & le peuple y consentit. Tite Live, cinquieme décade, liv. II.
- ↑ Il l’arracha du sénat, dit Freinshemius, deuxieme décade, liv. VI.
- ↑ On ne peut douter que les consuls, avant la création des préteurs, n’eussent eu les jugemens civils. Voyez Tite Live, premiere décade, liv. II, p. 19 ; Denys d’Halicarnasse, liv. X, p. 627 ; & même livre, p. 645.
- ↑ Souvent les tribuns jugerent seuls ; rien ne les rendit plus odieux. Denys d’Halicarnasse, liv. XI, pag. 709.
- ↑ Judicia extraordinaria. Voyez les institutes, liv. IV.
- ↑ Liv. VI, pag. 360.
- ↑ Album judicium.
- ↑ Nos ancêtres n’ont pas voulu, dit Cicéron, pro Cluentio, qu’un homme, dont les parties ne seroient pas convenues, pût être juge, non seulement de la réputation d’un citoyen, mais même de la moindre affaire pécuniaire.
- ↑ Voyez, dans les fragmens de la loi Servilienne, de la Cornélienne, & autres, de quelle maniere ces loix donnoient des juges dans les crimes qu’elles se proposoient de punir. Souvent ils étoient pris par le choix, quelquefois par le sort, ou enfin par le sort mêlé avec le choix
- ↑ Séneque, de benef. livre III, chap. VII, in fine.
- ↑ Voyez Quintilien, livre IV. page 54, in-folio, édit. de Paris, l541.
- ↑ Leg. 2, §. 24, ff. de orig. jur. Des magistrats, appellés décemvirs, présidoient au jugement, le tout sous la direction d’un prêteur.
- ↑ Quoniàm de capite civis Romani, in jussu populi Romani, non erat permissum consulibus jus dicere. Voyez Pomponius leg. 2, §. 16, ff. de orig. jur.
- ↑ Denys d’Halicarnasse, liv. V, pag. 322.
- ↑ Les comices par centuries. Aussi Manlius Capitolinus fut-il jugé dans ces comices. Tite Live, decade premiere, liv. VI, pag. 68.
- ↑ Dit Pomponius, dans la loi 2, au digeste de orig. jur.
- ↑ Voyez un fragment d’Ulpien, qui en rapporte un autre de la loi Cornélienne : on le trouve dans la collation des loix Mosaïques & Romaines. tit. I, de sicariis & homicidiis.
- ↑ Cela avoit sur-tout lieu dans les crimes commis en Italie, où le sénat avoit une principale inspection. Voyez Tite Live, premiere décade, liv. IX, sur les conjurations de Capoue.
- ↑ Cela fut ainsi dans la poursuite de la mort de Posthumius, l’an 340 de Rome. Voyez Tite Live.
- ↑ Ce jugement fut rendu l’an de Rome 567.
- ↑ Liv. VIII.
- ↑ Cicéron, in Bruto.
- ↑ Cela se prouve par Tite Live, liv. XLIII, qui dit qu’Annibal rendit leur magistrature annuelle.
- ↑ Les sénatus-consultes avoient force pendant un an, quoiqu’ils ne fussent pas confirmés par le peuple. Denys d’Halicarnasse, liv. IX, page 595 ; & liv. XI, page 535.
- ↑ En l’an 630.
- ↑ Capite censos plerosque. Salluste, guerre de Jugurtha.
- ↑ Fragment de cet auteur, liv. XXXVI, dans le recueil de Constantin Porphyrogénete, des vertus & des vices.
- ↑ Fragment de son histoire, tiré de l’extrait des vertus & des vices.
- ↑ Fragment du liv.XXXIV, dans l’extrait des vertus & des vices.
- ↑ Penès quos Romæ cùm judicia erant, atque ex equestri ordine solerent sortitò judices eligi in caussà prætorum & proconsulum, quibus, post administratam provinciam, dies dicta erat.
- ↑ Ils faisoient leurs édits en entrant dans les provinces.
- ↑ Liv. V, ch. XIX. Voyez aussi les livres II, III, IV & V.
- ↑ Après la conquête de la Macédoine, les tributs cesserent à Rome.
- ↑ Harangue tirée de Trogue Pompée, rapportée par Justin, liv. XXXVIII.
- ↑ Voyez les oraisons contre Verrès.
- ↑ On sçait que ce fut le tribunal de Varrus qui fit révolter les Germains.