Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/421-430

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Fascicules du tome 1
pages 411 à 420

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 421 à 430

pages 431 à 440



certaines actions ou certains discours. Apparatus, apparatio. Ce Bachelier a soutenu ses thèses avec grand apparat. Cet Orateur a harangué avec apparat. Cet Avocat a plaidé une cause d’apparat. Il aime une chose d’apparat, d’éclat & de bruit. Ablanc. Tout l’extérieur & tout l’apparat de la gloire qui environne les Conquérans, ne valent pas les douceurs de l’amour. M. Scud. ☞ Il se prend très souvent en mauvaise part pour ostentation. Il ne dit, il ne fait rien qu’avec apparat. On disait autrefois Apparat, pour signifier appareil.

Apparat, se dit aussi de quelques livres disposés en forme de Dictionnaires ou de Catalogues, qui soulagent beaucoup dans les études. L’apparat sur Cicéron est une espèce de concordance ou de recueil de phrases cicéroniennes. L’apparat sacré de Possevin, Jésuite de Mantoue, est un recueil de toutes sortes d’Auteurs ecclésiastiques, imprimé en 1611, en trois volumes. On a aussi appelé apparat la glose d’Acculse sur le digeste & le code. On l’a dit aussi de tout autre commentaire. Du Cange.

APPARAUX. s. m. plur. Terme de marine, qui se dit des agrès d’un vaisseau, & de toutes les choses qu’on prépare pour faire un voyage par mer, même de l’artillerie ; mais il ne comprend pas l’équipage, ni les vivres, comme l’équipement. ☞ Ainsi il désigne plus de choses que le mot agrès, & moins que le mot équipement. Un vaisseau après le combat, est dégarni de la plupart de ses apparaux.

APPAREIL. s. m. Ce qu’on prépare pour faire une chose plus solennellement. Préparation formelle à quelque acte public & solennel. Apparatus, apparatio, pompa. L’entrée du Roi s’est faite avec beaucoup d’appareil & de magnificence : on fait de grands appareils pour la cérémonie de son sacre.

☞ Le mot d’appareil renferme tout l’attirail qui a été préparé pour rendre une action plus pompeuse & plus éclatante.

Le pompeux appareil qui suit ici vos pas,
N’est point d’un malheureux qui cherche le trépas.

Racin.

On dit aussi, Un grand appareil de guerre. Tout cet appareil étoit contre les Arabes. Ablanc.

Appareil, en terme de Chirurgie, se dit ☞ de la préparation de tout ce qui est nécessaire au Chirurgien pour faire une opération, ou pour panser une plaie. Les onguens, les emplâtres, &c. qu’on applique sur une plaie font partie de l’appareil. Apparata, comparata ad vulneris curationem medicamenta. On appelle premier appareil l’application de ce qui est requis pour le premier pansement. Premier appareil, second appareil. Elle fit mettre le premier appareil à sa plaie. Ablanc. On ne sauroit juger de la qualité d’une blessure qu’après avoir levé le premier appareil. ☞ On dit proverbialement, faute de bon appareil ou autrement, pour dire, faute d’avoir apporté les soins nécessaires, ou par quelque autre cause que ce soit. Cet homme est mort faute de bon appareil, ou autrement. On appelle aussi en Chirurgie, le grand, le haut & le petit appareil, trois différentes méthodes d’extraire la pierre de la vessie. Le haut appareil, qu’un nommé De Franco a pratiqué le premier, n’est point en usage. Suivant cette méthode, on fait une incision au-dessus du pénil, & à côté de la ligne blanche, & on ouvre ensuite le fond de la vessie, par où on tire la pierre. Le grand appareil qui a été inventé par Jean de Romanis, Médecin de Crémone, environ l’année 1520, se pratique en introduisant une sonde creuse dans la vessie, & faisant ensuite l’incision au périnée, poussant la pointe du bistouri dans la cannelure de la sonde. Il a été ainsi appelé, parce qu’il faut plus d’instrumens, que pour les autres méthodes. Le petit appareil, qui a pris son nom de ce qu’il faut peu d’instrumens pour le pratiquer, a été inventé par Celse. On introduit le doigt indice & celui du milieu dans le fondement le plus avant qu’on peut, pour les placer au-delà de la pierre, et pour l’approcher du cou de la vessie. Ensuite on fait une incision au périnée par-dessus la pierre, par où on la tire.

Appareil, en termes de Maçonnerie, est la hauteur d’une pierre, ou son épaisseur entre deux lits. Apparatus lapidum. On taille dans les carrières des pierres de grand ou de haut appareil, & d’autres de bas appareil, pour dire, d’une grande ou d’une moindre épaisseur. Toutes les pierres d’un même lit doivent être d’un même appareil. Appareil est aussi l’art de tracer les pierres, & de les placer. Une maison d’un bel appareil, c’est une maison construite avec le soin & la propreté que cet art demande.

Appareil de pompe. Terme de Marine. C’est le piston de la pompe. Embolus.

☞ C’est aussi tout préparatif pour caréner, ou pour faire tout grand travail. On dit appareil de carène, appareil de mâture, &c.

☞ APPAREILLAGE. On dit d’un vaisseau qu’il a fait ou manqué son appareillage. Voyez Appareiller.

APPAREILLER. v. act. Assortir, joindre à une chose une autre chose qui lui soit pareille. Parem pari adjungere. On a de la peine à appareiller des chevaux, des bœufs, pour les mettre au carosse, ou sous un même joug. Il faut appareiller ces gants, ces souliers, ces pistolets, ces tableaux.

Appareiller. Terme de Bonnetier. Apprêter. Appareiller des bas. Il est défendu d’user de cardes de fer pour apprêter & appareiller les bas, les bonnets, &c.

Appareiller. v. n. Est aussi un terme de Marine, qui signifie, disposer toutes choses, bosser ses ancres, tendre les voiles, & mettre les manœuvres en état de sortir du port, & de faire route. Omnia ad navigandum comparare. Voilà un bon vent qui s’éleve, il faut vite appareiller. Appareiller signifie aussi, déployer les voiles, mettre la voile au vent.

☞ Ce verbe considéré comme terme de Marine est toujours neutre ; & jamais on ne dit s’appareiller, comme on dit se préparer, ni appareiller un vaisseau, mais simplement appareiller, se préparer à faire voile & à se mettre en mer. On appareilloit, lorsqu’il s’éleva un vent furieux.

Appareiller, dans les haras, c’est faire saillir à l’étalon la jument la plus propre pour avoir un poulain de belle espèce.

Appareiller. Terme de Chapelier, qui signifie, faire le mêlange des poils ou laines qui doivent entrer dans la composition des chapeaux, suivant la qualité dont on veut qu’ils soient fabriqués.

s’Appareiller. Terme d’Oiselier. Parem sibi adjungere. C’est se joindre avec un pareil à soi. Quand la tourterelle a perdu sa compagne, elle ne s’appareille jamais avec une autre. Dans ce sens il seroit synonyme d’apparier.

Appareiller. Terme d’Architecture. C’est donner des mesures justes pour tailler les pierres suivant les places où elles doivent être posées. Apparare. Voyez Appareilleur.

APPAREILLÉ, ÉE. part. Apparatus. On appelle une pierre appareillée, celle qui est taillée selon la mesure arrêtée & marquée par l’Appareilleur. Une voile appareillée, qui est déployée, & prête à recevoir le vent. Ce vaisseau est appareillé à voiles latines, ou à tiers point, & cet autre à trait carré.

APPAREILLEUR. s. m. C’est le conducteur d’un bâtiment, qui préside à l’appareil, c’est-à-dire, aux mesures, à l’arrangement & à l’assortiment des pierres, qui les trace de la grandeur & figure dont elles doivent être, pour diriger les tailleurs de pierre. Frez. Director, apparator. L’Appareilleur doit savoir la coupe des pierres, pour exécuter les desseins des Architectes dans les bâtimens civils, & des Ingénieurs dans les fortifications. Id.

Appareilleur. Terme de Bonnetier. Celui qui apprête les bas, les bonnets, &c.

Appareilleur. Terme de Manufactures de soie. Marchand appareilleur de soie, est celui qui prépare les soies, pour être employées dans les manufactures & fabriques des étoffes. On le nomme aussi, Marchand façonnier de soie.

APPAREILLEUSE. s. f. Se dit en mauvaise part, d’une femme qui forme & conduit des intrigues & des commerces d’amour, & qui prépare les plaisirs des autres. Mulier amatoriorum commerciorum artifex, Lena.

APPAREMMENT. adv. Selon les apparences, vraisemblablement. In speciem. Nous aurons apparemment une bonne récolte cette année.

APPARENCE. s. f. La surface extérieure des choses, ce qui d’abord frappe les yeux. Species. Les Stoïciens tenoient que les qualités des corps qui frappent nos sens, n’étoient que des apparences. Bayl. Si vous jugez sur les apparences à la Cour, vous serez souvent trompé ; ce qui paroît n’est presque jamais la vérité. P. De Cl. Le monde récompense plus souvent les apparences du mérite que le mérite même. S. Evr. L’erreur ne vient que du consentement précipité de la volonté, qui se repose avec négligence dans l’apparence de la vérité. Malh. Les hommes semblent être convenus entre eux de se contenter des apparences. La Bruy.

Apparence se dit aussi de ce qui est opposé à la réalité, qui est faux, feint & simulé. Similitudo, species. Les hypocrites trompent sous de belles apparences de piété, de dévotion. Les couleurs sont de simples réflexions de lumière qui n’ont aucune réalité ; ce sont de simples apparences.

La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde, que ses apparences y font de mal. Rochef.

Un bigot orgueilleux
Couvre tous ses défauts d’une sainte apparence.

Boil.


Les Grands pour la plupart sont masques de Théâtre,
Leur apparence impose au vulgaire idolâtre.

La Font.

Apparence, extérieur, dehors. L’extérieur est ce qui se voit. Il fait partie de la chose. Le dehors est ce qui nous environne ; il n’est pas proprement de la chose, mais il en approche le plus. L’apparence est l’effet que la vûe de la chose produit, ou l’idée qu’on s’en forme par cette vûe. Les murs sont l’extérieur d’un château. Les avenues, les cours, en sont les dehors. La grandeur, la situation, le plan d’architecture en font l’apparence.

☞ Dans le sens figuré, extérieur se dit plus souvent de l’air & de la phisionomie des personnes ; dehors, des manières & de la dépense ; apparence, des actions & de la conduite. Syn. Fr.

☞ L’extérieur prévenant n’est pas toujours accompagné du vrai mérite. Les dehors brillans ne sont pas des preuves certaines d’une fortune opulente. Les pratiques de dévotion sont des apparences qui ne décident rien sur la vertu.

Apparence. Reste, marque, vestige, trace de quelque chose. Indicium, vestigium. Ils n’ont plus aucune apparence de liberté. Il ne reste à cette femme aucune apparence de beauté.

Apparence signifie aussi conjecture, vraisemblance. Conjectura, verisimilitudo. Le temps est fort couvert, il y a grande apparence de pluie. ☞ Cela n’a nulle apparence, est sans apparence, est hors d’apparence : je n’y vois point d’apparence.

Apparence, en termes de Palais, se dit encore des preuves & des conjectures qui favorisent, ou qui chargent l’accusé ; mais en ce sens il n’est en usage qu’au pluriel. Allegata & probata. Toutes les apparences sont contre cet accusé.

En Astronomie on appelle apparences, ou autrement phénomène, tout ce qu’on a découvert par les observations anciennes & nouvelles des mouvemens du ciel & des astres. Phænomena. On reçoit le système de Copernic, parce que c’est le plus propre pour expliquer facilement toutes les apparences célestes, tous les phénomènes : celui de Ptolémée ne suffit pas pour sauver toutes les apparences. En Optique on appelle apparence simple, & directe, la vûe d’un objet en ligne directe, sans réflexion, ni réfraction.

Apparence en Perspective, représentation ou projection d’une figure, d’un corps ou d’un autre objet, sur le plan du tableau. Encyc.

☞ On dit aussi en termes de Manége, belle apparence, en parlant d’un cheval qui, quoiqu’il paroisse très-beau, n’a cependant pas beaucoup de vigueur.

On dit qu’il faut sauver les apparences ; pour dire, qu’il ne faut point donner de scandale, & qu’il faut du moins cacher son vice, & conserver une réputation d’homme de bien. Suis in speciem fungi officiis, satisfacere suis in speciem officiis, simulatione probitatis existimationi consulere.

☞ APPARENT, tout ce qui est visible, tout ce qui est sensible à l’œil, ou intelligible à l’esprit. Voyez Apparence.

☞ On le dit à peu-près dans le même sens de ce qui est certain, évident, dont on ne peut douter. Clarus, evidens, manifestus. On dit qu’il est riche en argent ; mais de bien apparent on ne lui en connoît peint. Il n’a aucun droit apparent sur lequel on puisse asseoir un hypothèque. Acad. Fr.

Apparent se dit encore de ce qui paroît, & n’est pas tel qu’il paroît être, ce qui est d’une façon & paroît de l’autre. Simulatus. Dans ce sens vrai & apparent sont opposés. Les plaisirs ne sont pas de vrais biens, mais seulement des biens apparens. Cet homme n’a qu’une vertu apparente, fausse.

Mais ce discours n’est pas pour le peuple ignorant
Que le faste éblouit d’un bonheur apparent.

Boil.

Apparent se dit aussi parmi les Bourgeois d’une ville, de ceux qui sont les plus riches, qui sont distingués des autres par leurs emplois ou par leur mérite. Civitatis Principes, Primarii in civitate viri, Primores. On a choisi les plus apparens de la ville pour faire une députation au Roi. Il n’y avoit de conviés que les plus apparens de la famille.

☞ En Astronomie & en Optique le mot apparent est souvent employé. Conjonction apparente, horison apparent, grandeur apparente, distance apparente, lieu apparent.

☞ On dit conjonction apparente de deux planètes, lorsque la ligne droite qu’on suppose tirée par les centres des deux planètes, ne passe point par le centre de la terre, mais par l’œil du spectateur : distinguée de la conjonction vraie, où le centre de la terre est dans une même ligne droite avec les centres des deux planètes.

Horison apparent ou sensible. Il sépare la partie visible ou supérieure du ciel d’avec la partie inférieure de la terre qui nous est invisible, à cause de la rondeur de la terre ; il détermine le lever & le coucher apparent du soleil, de la lune, des étoiles. Voyez Horison.

☞ La grandeur apparente d’un objet est mesurée par l’angle optique sous lequel il est vû ; & l’angle optique est formé par les deux rayons qui partent des extrémités d’un objet & qui se rencontrent au centre de la prunelle.

☞ Plus un objet est éloigné, & plus aussi l’angle optique, sous lequel il paroît, est petit.

☞ Dans les distances considérables la grandeur apparente est en raison inverse de sa distance à l’œil, c’est-à-dire, si un objet est éloigné de mon œil tantôt d’une, & tantôt de deux lieues, la grandeur apparente de cet objet éloigné d’une lieue, l’emportera autant sur la grandeur apparente du même objet éloigné de deux lieues, que deux lieues l’emportent sur une, ou, ce qui revient au même, la grandeur apparente de cet objet éloigné d’une lieue de mon œil sera double de la grandeur apparente du même objet éloigné de mon œil de deux lieues, parce qu’il est vû sous un angle optique double de celui sous lequel il est vû lorsqu’il est à deux lieues de mon œil.

☞ Les objets paroissent d’autant plus éloignés, qu’ils paroissent plus sombres & plus confus ; parce que accoutumés à ne voir que confusément les objets éloignés, nous jugeons éloignés ceux qui nous paroissent sombres & confus.

☞ Plus les objets sont éloignés, moins leurs couleurs paroissent vives : parce que la vivacité des couleurs dépend principalement de l’intensité de la lumière, laquelle par la divergence de ses rayons, & par l’interposition de l’air grossier compris entre l’œil & l’objet, décroît lorsque l’objet est éloigné.

☞ Les objets paroissent d’autant plus éloignés, que l’on voit un plus grand nombre de corps, & une plus grande étendue de terrain entre l’œil & ces objets ; parce que cette grande quantité de corps de terrain intermédiaire donne l’idée d’une grande distance.

☞ Lorsqu’on voyage de nuit les objets peu éloignés, paroissent plus loin qu’ils ne le sont réellement. Pendant la nuit les feux clairs paroissent plus près qu’ils ne le sont.

☞ Un astre à l’horison doit nous paroître plus loin qu’au méridien.

☞ Nous devons juger que le soleil est beaucoup plus éloigné de nous que la lune. Tout cela suit de ce que nous avons dit ci-dessus.

☞ La lune doit paroître plus grosse à l’horison qu’au méridien, parce qu’ils se trouve toujours à l’horison une grande quantité de vapeurs, que l’on peut regarder comme autant de verres convexes qui grossissent les objets. Ainsi la lune vue à travers ces vapeurs doit paroître très-grosse à l’horison, c’est-à-dire, lorsqu’elle se lève ou qu’elle se couche. Au lieu que, lorsqu’elle est au méridien, les vapeurs sont alors fort rares, & lorsqu’il y en a de semblables entre la lune & l’observateur, cet astre au méridien paroît aussi gros qu’à l’horison. Il en est de même du soleil, & des autres astres plus gros à l’horison qu’au méridien.

☞ La lumière d’un flambeau paroît plus grande de loin que de près : parce que de près, je vois distinctement le diamètre du flambeau allumé : de loin, je vois le diamètre d’un tout composé d’un corps lumineux & de l’air éclairé qui l’environne. Donc de loin le diamètre du corps éclairé que je vois, doit me paroître plus grand que de près. Donc la lumière du flambeau doit paroître plus grande à 200 pas, par exemple qu’a 50.

☞ Distance apparente d’un objet. C’est la distance à laquelle paroît un objet, souvent fort différente de la distance réelle.

☞ Lieu apparent, c’est celui où l’on voit l’objet ; & comme la distance apparente d’un objet est souvent fort différente de la distance réelle, le lieu apparent est souvent fort différent du lieu vrai.

☞ Le lieu apparent se dit principalement du lieu où l’on voit un objet en l’observant avec un ou plusieurs verres, ou par le moyen d’un ou de plusieurs miroirs.

APPARENTÉ, ÉE. adj. Qui a des parens. Cognatione conjunctus. Ce mot ne s’emploie jamais qu’avec quelque adverbe, qui marque les qualités bonnes ou mauvaises de la famille à laquelle on tient. Il est bien apparenté ; pour dire, il est d’une bonne famille, il a des parens riches, nobles, puissans, ou honnêtes gens ; il est mal apparenté, pour dire le contraire. Thomas Corneille est un des plus illustres Poëtes du siècle dernier, & il est d’ailleurs si bien apparenté, qu’Appollon ne pourra jamais le méconnoître. Mém. de Trévoux.

☞ APPARENTER. v. a. Mettre quelqu’un dans une famille, l’y faire entrer. On a mal apparenté cette jeune personne. Les Grands Vocabulistes nous présentent ce mot comme étant de l’usage ordinaire, du moins il n’est accompagné d’aucune note. Il n’est guère employé que parmi le peuple.

s’Apparenter, v. récip. Entrer dans une famille, s’allier à quelqu’un. Il s’est bien apparenté. Acad. Fr. Il ne peut passer que dans le style familier.

APPARESSER. v. a. C’est appesantir l’esprit, le rendre paresseux. La facilité qu’il y a de dire des grossièretés malhonnêtes, apparesse l’esprit. M. de la Chet.

☞ Ce mot, quoique peu usité, est assez commode.

Apparesser, avec le pronom personnel. Devenir paresseux. Il est avec un seul p dans le Richelet de 1728. On trouve aussi s’apparesser, devenir paresseux, dans Cotgrave ; & l’on rapporte, p. 31 & 32. de l’esprit de Guy Patin, huit vers que l’on attribue à Marot, dont voici les trois premiers.

Nous voyons aujourd’hui trois sortes de Noblesse ;
L’une aux armes s’adonne, & l’autre s’apparesse
Cagnarde en sa Maison, l’autre hante la Cour.

Cependant ils ne sont pas dans l’édit. de Marot, de la Haye 1700, deux vol. in-12.

☞ Ce verbe n’est pas moderne. On le trouve dans Montaigne, édit. de Rouen, 1641, p. 310.

APPARIEMENT. s. m. Action d’apparier, de joindre, & d’assortir les choses ensemble. Copulatio. Ce mot se trouve dans Pomey.

☞ L’Académie nous le donne sans aucune note. Je ne sais pourtant si l’on parleroit bien, en disant, avec les Grands Vocabulistes : j’ai réussi dans l’appariement de ces tableaux. Prononcez appariment.

☞ APPARIER. v. a. Assortir, joindre des choses qui doivent naturellement aller ensemble, qui sont semblables, égales, ou qui se conviennent. Pares paribus adjungere. J’ai perdu un cheval, je cherche à apparier l’autre. Ces amans sont bien appariés : ils sont du même âge, de même condition, de même humeur. Apparier des combattans. Ablanc.

☞ On le dit aussi de ce qui est purement de l’art. Voilà un regard de tableaux qui ne sont pas bien appariés : ils sont de manières bien différentes. Il faut apparier ces gants, ces bas, ces manchettes. Voyez Appareiller.

☞ APPARIER se dit aussi de certains oiseaux, pour accoupler, mettre le mâle avec la femelle. Copulare. On dit aussi apparier des pigeons. Apparier des tourterelles. On ne le dit que de certains oiseaux.

☞ On dit aussi de certains oiseaux qu’ils s’apparient, pour dire qu’ils s’accouplent. Voici la saison où les perdrix s’apparient. On dit que la tourterelle qui a perdu son pair, ne s’apparie plus.

APPARIÉ, ÉE. part. Conjunctus, copulatus.

APPARITEUR. s. m. Bedeau. Apparitor. Il ne se dit que dans l’Université, de ces bedeaux qui portent des masses devant le Recteur & les quatre Facultés. On appelle aussi Appariteurs ecclésiastiques des sergens de La justice ecclésiastique. Il n’est pas besoin qu’ils le soient en titre d’office. Tous Clercs sont tenus d’exécuter les mandemens de leur official.

Chez les Romains, les appariteurs étaient ce que sont en France les sergens & les huissiers ; ou plutôt c’étoit un mot générique, qui signifioit, ainsi que Servius nous l’apprend sur l’Enéïde, Liv. XII, v. 850, les Ministres des Juges, qui étoient toujours auprès d’eux, prêts à recevoir & à exécuter leurs ordres ; & c’est de-là, ajoute-t-il, que leur nom leur étoit venu, c’est-à-dire, d’apparare, être présent, être en faction, suivant ce mot de Virgile.

Hæ Jovis ad folium, sævique in limine Regis.
Apparent, acuuntque metum mortalibus ægris.

On comprenoit sous le nom d’Appariteur, ceux qu’on nommoit Scribæ, Accensi, Interpretes, Præcones, Viatores, Lictores, Servi publici, & même les Bourreaux, Carnifices. On les prenoit des affranchis des magistrats & de leurs enfans. L’on faisoit un si grand mépris de leur condition, que pour marque d’ignominie, le Sénat ordonna qu’une certaine ville dont les habitans s’étoient révoltés, seroit obligée de fournir des Appariteurs aux magistrats. Voyez Loiseau, des Ordres, ch. II, Nomb, 87. Il y avoit des Appariteurs de cohortes, qu’on nommoit Cohortales, ou Conditionales, parce qu’ils étaient attachés à une cohorte & à cette condition : des Appariteurs Pretoriens, Prætoriani : qui suivoient les Préteurs ou Gouverneurs de province, & qui tous les ans, le jour de la naissance de leur maître, changeoient & étoient pourvus de quelque office plus considérable. Les Pontifes avoient aussi leurs Appariteurs, comme on le voit dans la voie Appie sur le fragment du marbre qui porte :

APPARITORI
PONTIFICUM
PARMULARIO

Le lieu où les Appariteurs s’assembloient, s’appeloit Apparitorium.

☞ APPARITION. s. f. Manifestation d’un objet, qui, d’invisible qu’il est de lui-même, est rendu visible ; image de quelque substance incorporelle qui se présente à nos yeux revêtue d’un corps emprunté. Visio, visum.

l’Apparition de l’Ange Gabriel à la Vierge. L’apparition de l’ombre de Samuel à Saül. On dit que St. Antoine avoit souvent des apparitions de Diables, qui le venoient tenter. Brutus eut l’apparition d’un spectre avant la bataille qu’il donna.

☞ La vision se passe dans les sens intérieurs, & ne suppose que l’action de l’imagination. L’apparition frappe de plus les sens extérieurs, & suppose un objet au déhors. Syn. Fr. St. Joseph fut averti par une vision de fuir en Egypte avec sa famille. La Magdelaine fut instruite de la résurrection du Sauveur par une apparition. Les cerveaux échauffés & vides de nourriture croient souvent avoir des visions. Les esprits timides & crédules prennent quelquefois pour des apparitions ce qui n’est rien, ou qui n’est qu’un rêve.

Apparition de Notre-Seigneur, se dit aussi d’un tableau ou d’une estampe, qui représentent l’apparition de Jésus-Christ.

Apparition se dit aussi en parlant des choses sensibles & palpables, qui se présentent à nos yeux. On étoit autrefois alarmé de l’apparition d’une comète. Il y a dans les cours des apparitions de gens avanturiers & hardis. La Bruy. Ce mot, en ce sens, ne paroît désigner qu’une présence momentanée d’un objet qui n’avoit pas encore paru. On dit familièrement d’un homme qui n’a demeuré que peu de temps dans un endroit, qu’il n’y a fait qu’une apparition, une courte apparition.

Apparition se dit encore, en astronomie, de la vue d’un corps céleste, qui devient visible de caché qu’il étoit auparavant. Les Juifs comptoient deux nouvelles lunes ; la première du jour de la conjonction avec le soleil ; la seconde, du jour de l’apparition ou de la phase de la lune. Le P. Pezron. Anaxagoras guérit Périclès des vaines craintes de la superstition, en lui expliquant les causes naturelles de l’apparition des phénomènes. Bayl.

On appelle en termes d’Astronomie, Etoile de perpétuelle apparition, celles qui ne sont éloignées du pôle qu’autant que le pôle est élevé sur l’horizon, parce qu’on les voit en tout temps, & qu’elles ne disparoissent point.

Apparition. Terme de Liturgie. Dans la Liturgie mozarabique, on appelle Apparition, une des particules de l’hostie que l’on divise en neuf parties, d’abord en cinq, puis en quatre. L’apparition est la quatrième des cinq premieres que l’on range sur une même ligne droite. Voyez l’Office mozarabique, la vie du Cardinal Ximénès écrite en Espagnol par Eugène de Robles, M. Fleury, Hist. Eccles. &c.

APPAROIRE. Vieux v. n. Paroître, être apparent, être connu. Innotescere.

O vous, enfans, à qui est adressé
Ce testament de Dieu votre bon pere
Afin qu’à l’œil son vouloir vous appère,
Voulez-vous point le lire volontiers ? Marot.

Apparoir, se dit au Palais, pour être évident, être manifeste. Ainsi, faire apparoir signifie la même chose que montrer, présenter. Producere. Il allégue beaucoup de titres, mais il n’en fait point apparoir. ☞ Faire apparoir de son bon droit. Faire apparoir de ses pouvoirs. Ce verbe n’est en usage qu’à l’infinitif, & à la troisième personne du present de l’indicatif, où il s’emploie impersonnellement. Il appert, en supposant que ce mot vienne d’apparoir. Voyez Apert.

APPAROÎTRE, on écrit Apparoitre.

APPAROÎTRE. v. n. ☞ Devenir visible, d’invisible se rendre visible. apparere. Voyez Apparition. Dieu a souvent apparu aux Patriarches & à plusieurs Saints, sous diverses formes. Jésus-Christ a apparu a deux Disciples sous la forme d’un pélerin. Le Saint Esprit apparut sous la forme d’une colombe au baptême de Notre-Seigneur. Il y a quantité de spectres & de fantômes, qui apparoissent en songe.

☞ Dans ce sens il est aussi impersonnel. Il lui apparut un spectre.

Apparoître se dit aussi en termes de Pratique, & alors il est impersonnel, & signifie, sembler, être évident, être constant, être manifeste. Videri, Constare. Il ne nous apparoît point au procès, qu’il ait donné pouvoir ni consentement de vendre sa maison, d’occuper pour lui. Vous n’avez point de quittance par où il apparoisse que vous ayez payé. Il apparoît bien du crime, mais non pas de la pénitence. Mez. On l’emploie aussi quelquefois dans l’usage ordinaire. Il m’apparoît que vous êtes là, & que je vous parle. Mol. Pour dire, je crois, il me semble, je m’imagine que vous êtes là.

On dit aussi en termes de Négociations, faire apparoître de son pouvoir, pour dire, le notifier, le communiquer. Demonstrare, notum facere.

Apparoître se met aussi avec le pronom personnel, & signifie, se faire voir, se montrer. Videndum se præbere, exhibere. Une de mes statues s’apparoît à eux toutes les nuits. Ablanc. Le Seigneur s’apparut à Moyse dans une flamme de feu qui sortoit du buisson. Port-R. Il lui étoit apparu en songe. Flech.

APPARU, UE, part.

APPARONNÉ, EÉ. adj. Terme de jaugeage dont on se sert à Bordeaux. On appelle une barrique jaugée & apparonnée, celle qui a été jaugée & marquée par les Officiers-jaugeurs. On le dit aussi des Vaisseaux.

☞ APPARTEMENT. s. m. Logement composé de plusieurs pièces ou chambres de suite dans une maison. Ædium pars, ædificii membrum. Grand, bel appartement. Appartement d’hiver & d’été. Il y a dans cette maison plusieurs appartemens très-commodes. Appartement d’enhaut, d’enbas.

On a aussi donné le nom d’appartement aux fêtes ou divertissemens accompagnés de musique, danse, jeu que le Roi donne quelquefois à toute sa Cour dans les appartemens de Versailles. Il y aura demain appartement à Versailles.

Dans un salon du firmament,
Où les Dieux assemblés tenoient appartement.
On vit entrer le Dieu Mercure,
Qui d’un marchand forain avait pris la figure.

Le Moine.

Appartement. Il se prend aussi quelquefois pour étage. Il est logé au premier, au second appartement.

Ce mot vient de partimentum ; du verbe partior je partage, je divise.

APPARTENANCE. s. f. dépendance, ce qui appartient à une chose, ce qui en dépend. Quod pertinet ad, &c. Accessio. Ce moulin est une des appartenances d’une telle terre. On a cédé au Roi un tel bailliage avec toutes ses appartenances & dépendances, sans autre spécification. Ce village est une appartenance de cette Châtellenie.

Ce mot n’est usité qu’en ces sortes de phrases. Il vient du verbe pertinere.

APPARTENANT, ante. adj. Qui est à quelqu’un ou en propriété, ou en jouissance, ou par une légitime prétention. Quod ad jus domini pertinet. Les biens appartenans à l’église, à la couronne sont inaliénables. Ce pré est appartenant à une telle seigneurie, il en dépend. Ce droit est appartenant à une telle charge. Ce mot n’est guère usité qu’en ces sortes d’occasions.

☞ APPARTENIR. v. n. Il se conjugue comme tenir, & signifie être de droit à quelqu’un, soit que celui à qui est la chose, la possede ou ne la possede pas. Pertinere. Vous retenez des biens qui m’appartiennent. La justice est une vertu qui rend à chacun ce qui lui appartient. Cet homme a usurpé tous les biens qui appartiennent à cette succession. Par le droit commun les dîmes appartiennent au Curé. Ce fou d’Athènes qui s’étoit mis dans la fantaisie que tous les vaisseaux qui abordoient au port de Pyrée, lui appartenaient, étoit aussi heureux que s’il en avoit été en effet le maître.

On dit aussi qu’une chose appartient à quelqu’un en usufruit, quand il en a la jouissance ; qu’elle lui appartient en propre, quand il en a le fonds ; qu’elle lui appartient en seigneurie, quand il en a la mouvance, la directe, & non pas le domaine utile. ☞ Etre parent. Il appartenoit à d’honnêtes gens. Acad. Fr. Il a l’honneur d’appartenir à des gens très-qualifiés.

☞ Il signifie encore être attaché à quelqu’un comme domestique ou autrement. Je ne savois pas que ce laquais vous appartînt. Ce Seigneur est bienfaisant, il fait la fortune de tous les gens qui lui appartiennent.

☞ Il signifie encore avoir une relation nécessaire ou de convenance. Cette question appartient à la philosophie. Cela appartient à la grammaire. Acad. Fr. La connoissance de telle affaire appartient à tel juge ou telle juridiction.

Appartenir, pris impersonnellement, se prend dans des acceptions peu différentes les unes des autres ; & signifie, il convient, il est de droit, de devoir ou de bienséance. Decet, æquum est. Il vous appartient bien de faire le Docteur. Il n’appartient qu’au maître d’enseigner. Il appartient à un homme sage de commander à ses passions. Il ne vous appartient pas d’en user avec tant d’autorité ; pour dire, que cela n’est ni juste ni raisonnable. Il n’appartient qu’à un César de lutter avec un petit esquif contre l’orage violent d’une mer agitée. S. Evr. pour dire, qu’il n’y a que César qui ose entreprendre cela.

Retire-toi, coquin, vas pourrir loin d’ici,
Il ne t’appartient pas de m’approcher ainsi. Patru.

En termes de Pratique, on dit, ainsi qu’il appartiendra ; pour dire, selon qu’il sera trouvé juste, convenable, &c. À tous ceux qu’il appartiendra, pour dire, à tous ceux qui y auront intérêt, ou qui voudront en prendre connoissance.

☞ APPAS. s. m. pl. Ce terme, dans son acception la plus générale, est d’usage à l’égard de la beauté & des agrémens du sexe, & à l’égard de tout ce qui plaît. Les appas d’une belle femme. Les appas de la volupté. Illecebræ. Si l’on en croit les Vocabulistes, ce mot désigne la puissance qui entraîne, & qui s’exerce par la beauté, par le plaisir & par la volupté. Ils n’ont pas senti la valeur du mot appas. Les appas nous engagent : ce sont les charmes qui nous entraînent. Les appas, dans une femme, sont un je ne sais quoi qui nous engage, une chose qui fait impression sur notre cœur, & qui est presque toujours l’effet de ces grâces cultivées qui sont le travail entendu de l’art de plaire. Voyons comment l’ingénieux Auteur des synonymes françois marque les nuances délicates qui distinguent les mots appas, attrais & charmes. Il me semble, dit-il, qu’il y a quelque chose qui tient plus de l’art dans les appas ; quelque chose de plus naturel dans les attraits ; quelque chose de plus fort & de plus extraordinaire dans les charmes.

☞ Les attrais se font suivre ; les appas nous engagent ; les charmes nous entraînent.

☞ Le cœur n’est guère ferme contre les attraits d’une jolie femme ; il a bien de la peine à se défendre des attraits d’une coquette, & il lui est impossible de résister aux charmes d’une beauté bienfaisante.

☞ Les femmes sont toujours redevables de leurs attraits & de leurs charmes à l’heureuse conformation de leurs traits ; mais elles prennent quelquefois leurs appas sur leur toilette.

☞ Les attraits viennent de ces grâces ordinaires que la nature distribue aux femmes, avec plus ou moins de largesse aux unes qu’aux autres, & qui sont l’apanage commun du sexe. Les appas viennent de ces grâces cultivées que forme un fidèle miroir, consulté avec attention, & qui sont le travail entendu de l’art de plaire. Les charmes viennent de ces grâces singulières que la nature donne, comme un présent rare à précieux, & qui sont des biens particuliers & personnels.

☞ Des défauts qu’on n’avoit pas d’abord remarqués, qu’on ne s’attendoit pas à trouver, diminuent beaucoup les attraits. Les appas s’evanouissent dès que l’artifice s’en montre. Les charmes n’ont plus d’effet, lorsque le temps & l’habitude les ont rendus trop familiers, ou en ont usé le goût.

☞ C’est ordinairement par les brillans attraits de la beauté que le cœur se laisse attaquer ; ensuite les appas, étalés à propos, achevent de le soumettre à l’empire de l’amour ; mais s’il ne trouve des charmes secrets, la chaîne n’est pas de longue durée.

☞ Ces mots ne sont pas seulement d’usage à l’égard de la beauté & des agrémens du sexe, ils le sont encore à l’égard de tout ce qui plaît. Alors ceux d’attraits & de charmes ne s’appliquent qu’aux choses qui sont ou qu’on suppose être aimables en elles-mêmes & par leur mérite : au lieu que celui d’appas s’applique quelquefois à des choses qui sont, & qu’on avoue même haïssables, mais qu’on aime malgré ce qu’elles sont, ou auxquelles les ressorts secrets du tempérament nous contraignent de livrer nos actions, si la raison ne défend notre cœur ?

☞ La vertu a des attraits que les plus vicieux ne peuvent s’empêcher de sentir. Les biens de ce monde ont des appas qui font que la cupidité triomphe souvent du devoir. Le plaisir a des charmes qui le font rechercher par-tout, dans la vie retirée comme dans le grand monde, par le Philosophe comme par le libertin, dans l’école même de la mortification comme dans celle de la volupté : c’est toujours lui qui fait le goût & qui décide du choix.

☞ On dit de grands attraits, de puissans appas, & d’invincibles charmes. L’honneur a de grands attraits pour les belles ames. La fortune a de puissans appas pour tout le monde. La gloire a des charmes invincibles pour les cœurs ambitieux.

☞ Les plus grands attraits se trouvent toujours dans l’objet de la passion dominante. Les appas les plus puissans ne sont pas toujours ceux qui sont étalés avec le plus d’ostentation. Les charmes ne deviennent véritablement invincibles que par la solidité du mérite & la force du goût.

☞ APPASSARA. s. m. Voyez Abacher.

☞ APPÂT. s. m. Mot qu’on dérive de pastus, pâture. Au propre, on le dit généralement de tous les moyens dont on se sert pour surprendre les animaux soit à la pêche, soit à la chasse. À la pêche, c’est la mangeaille qu’on met à l’hameçon pour attirer & prendre les poissons. À la chasse, c’est celle qu’on met à des piéges pour attirer des bêtes à quatre pieds & des oiseaux. Esca piscibus, avibus illiciendis. Le salpêtre, la morue, le sel sont un excellent appât pour attirer les pigeons. Les vers, les petits poissons, certaines pâtes préparées, sont de bons appâts pour prendre des poissons.

☞ Ce même mot employé au figuré, signifie ce qui attire, qui engage à faire quelque chose. L’intérêt est un grand appât pour un avare. Le jeu est un grand appât pour la jeunesse.

Appât, s’est dit autrefois pour signifier la pâtée qu’on donne à la volaille pour l’engraisser. Esca faginandis avibus.

APPATARO. Montagne de Hongrie, appelée autrement Tarczal & Eruscka. Appatarus mons, anciennement Almus. Elle est près de Sirmium dans l’Esclavonie.

APPÂTELER. v. a. Donner de la pâtée ou autres alimens aux oiseaux, aux animaux, aux enfans, & aux hommes mêmes, quand ils sont paralytiques, ou si vieux, qu’ils ne peuvent manger seuls. Escam in os ingerere. Ce mot est plus vieux que celui d’appâter dans la même signification. Appâteler veut encore dire, selon Borel, faire bonne chère.

APPÂTELÉ, ÉE. part.

APPÂTER. v. a. Mettre un appât ou une amorce à un hameçon, ou à un piége, pour attraper du poisson, du gibier, ou des bêtes nuisibles. Inescare, escâ allicere.

Appâter, signifie aussi, donner à des oiseaux certaines pâtes pour les engraisser. Les chapons du Mans s’engraissent bientôt quand on a soin de les appâter. Ce mot est bien moins usité à Paris qu’en province, en ce sens, on dit au lieu d’appâter, donner de la pâtée. M. de Valincourt a dit dans la fable du Rossignol en cage,

La fille du logis le vient tous les matins
Appâter de ses propres mains.

Appâter, se dit par extension, du soin que prennent les femmes de faire manger les petits enfans. Cet enfant ne peut manger tout seul ; il faut avoir soin de l’appâter. On dit aussi en badinant d’un vieillard goutteux, ou de quelqu’un qui ne peut pas se servir de ses mains, qu’il faut l’appâter.

APPAUMÉ, ÉE. adj. terme de Blason, se dit d’un Ecu chargé d’une main étendue, & qui montre la paume. Manus expensa volam ostendens. Sur quoi quelques Blasonneurs ont dit en proverbe, « Je te donnerai les armoiries de Varroquier ; » pour dire, je te donnerai un soufflet, à cause que ses armes sont une main appaumée.

APPAUVRIR. v. a. Rendre pauvre. Pauperem facere, afferre egestatem alicui. Les procès ont appauvri ce gentilhomme. Il n’y a guère d’état qu’une guerre un peu longue n’appauvrisse. Le grand nombre d’enfans appauvrit les familles. Voyez Pauvre & Appauvrissement.

Appauvrir, se dit aussi au figuré des langues & des ouvrages d’esprit. Appauvrir une langue, c’est la rendre moins abondante ou moins expressive par le retranchement de quelques mots ou de quelques façons de parler. Jejunam linguam facere. La délicatesse outrée des Critiques appauvrit tous les jours la langue ; parce qu’au lieu de l’enrichir, on en retranche les vieux mots qui sont bons & significatifs. Souvent trop d’abondance appauvrit la matière. Boil.

Appauvrir, est aussi quelquefois neutre, & réciproque, & signifie, devenir pauvre. Pauperem, inopem fieri. Ce pays appauvrit tous les jours. Il faut bien que les uns s’appauvrissent, tandis que les autres s’enrichissent. Au figuré les langues vivantes s’enrichissent & s’appauvrissent selon la différence des temps & des esprits.

S’Appauvrir en effet, s’enrichir d’espérance.

De S. Mart.

On dit proverbialement, donner pour Dieu, n’appauvrit homme.

APPAUVRI, IE. part. pass. Pauper factus, redactus ad egestatem. Les Médecins disent, un sang appauvri d’esprits, sanguis effœtus, d’un sang qui a perdu presque tout ce qu’il avoit de volatil.

APPAUVRISSEMENT. s. m. Perte de biens, état d’indigence où l’on tombe par la diminution des choses nécessaires à la vie. Prolapsio ad inopiam. L’appauvrissement de cette famille est venu par les banqueroutes, par l’incursion des ennemis.

Il se dit figurément de l’état d’une langue qui devient moins abondante en mots, en expressions. Ce qui fait l’appauvrissement d’une langue, c’est que l’usage en supprime des termes & des expressions sans y rien substituer.

APPEAU. s. m. Vieux mot de pratique qui signifioit autrefois, Appel. Un Juge d’Appeaux, est un Juge supérieur. Il y a encore un greffe qu’on appelle, le Greffe des Appeaux. Voyez Appel.

Appeau, est aussi un sifflet d’Oiseleur, avec lequel il appelle les oiseaux en contrefaisant le son de leur voix. Illex. Il y a des appeaux pour toutes sortes d’animaux. Les appeaux dont on use pour appeler les oiseaux, les cerfs, les renards, &c. ne sont autre chose que des anches semblables à celles de l’orgue, qui ont différens effets, selon les petites boëtes qui les enferment.

Appeau, est aussi en terme d’Oiseleur, un oiseau qui fait venir les autres par son chant, & qui les engage à donner dans les divers piéges qu’on leur tend. Avis illex. Appelant est plus en usage qu’appeau en ce sens.

Appeau, est encore un terme de grosse Horlogerie, & c’est une manière de petite cloche qui sert à sonner les quarts & les demi-heures. Tintinnabulum. Appeau en ce sens n’est usité que parmi les gens de métier : les autres se servent ordinairement du mot de timbre.

Appeau. Sorte d’étain en feuille qui vient de Hollande.

APPEL. s. m. Recours à un Juge supérieur, pour faire réparer le grief d’une sentence qu’on prétend mal rendue par un Juge inférieur. Acte judiciaire par lequel une cause jugée par un tribunal inférieur est portée à un supérieur. Appellatio, Provocatio ad superiorem Judicem. Paul Emile & Budée ont remarqué qu’anciennement en France, les Baillifs & les Sénéchaux jugeoient en dernier ressort. Avant que le Parlement eût été établi sédentaire par Philippe le Bel, il ne s’assembloit qu’une ou deux fois l’an, & ne tenoit que peu de jours. Ainsi il ne connoissoit pas proprement des causes d’appel. Il jugeoit seulement en première instance les causes majeures, où il s’agissoit des comtés, ou duchés, ou du domaine de la couronne : c’étoit sa jurisdiction primitive & ordinaire. On ne trouve point d’arrêts rendus en ce tems-là sur des appels de Baillifs ou Sénéchaux. Il est vrai qu’il y avoit appel des Comtes & Ducs, les premiers Gouverneurs de province, & que cet appel ressortissoit devant le Roi, ou devant le Maire du Palais, qui étoit le Grand-Duc de France. Mais pour s’épargner la fatigue d’examiner tant de procès, les Rois de la seconde race déléguerent des commissaires, qu’ils envoyoient dans les provinces pour prononcer sur les appels des sentences rendues par les Juges inférieurs. Ces commissaires s’appeloient Missi Dominici. Cette coutume de juger les appels par des commissaires délégués, s’observe encore en Angleterre. Mais en France les Ducs & Comtes, sous la troisième race, s’étant érigés en seigneurs, & presque en souverains, ne voulurent plus souffrir ni les appels, ni ces commissaires, & ils usurperent la souveraineté de la Justice. Cependant les Rois reprenant peu à peu leur première autorité, attribuerent aux Baillifs ou aux Sénéchaux la juridiction des cas royaux, & la connoissance des causes d’appel, du territoire des Comtes ; en sorte que ces Juges ordinaires faisoient la fonction des commissaires délégués pour juger les appellations, & succéderent aux Missi Dominici. A la vérité, de peur que les Baillifs ou Sénéchaux n’abusassent de leur pouvoir, & afin de les tenir en bride, il fut permis aux particuliers de porter plainte au roi contre le Juge même : ces plaintes étoient appelées communément Requêtes ; & ces requêtes étoient rapportées par des Maîtres des requêtes. Si la requête étoit par eux jugée admissible, le Roi faisoit ajourner le Juge, & intimer la partie pour défendre le jugement. Mais en ce cas la plainte ne devoit pas consister en simples moyens d’appel, il falloit attaquer le Juge même, dont on ne pouvoit point appeler sous de simples griefs résultant du procès. Dans la suite on a confondu les plaintes & les appels ; & sur-tout depuis que le Parlement a été fixé & réduit en juridiction ordinaire, pour accroître son pouvoir, & pour dépouiller les Baillifs & les Sénéchaux du droit de prononcer en dernier ressort, il a converti les plaintes en appellations. On voit encore quelques vestiges de cette ancienne pratique dans le style des arrêts du Parlement ; car lorsqu’il casse la sentence, il prononce, « Que ce dont est appel a été mis au néant, » parce qu’en supposant que le jugement dont est appel fût une sentence, il n’auroit point eu droit de la révoquer, ou de la réformer, parce qu’elle étoit rendue en dernier ressort. C’est pourquoi il la met au néant, & la déclare nulle, comme représentant le Roi, à qui autrefois les plaintes étoient adressées, pour annuler le jugement des Baillifs ou Sénéchaux qui avoient malversé. De-là est venue encore la coutume de les condamner en l’amende quand leur jugement étoit cassé, ce qui est présentement aboli. Les sentences sur l’appel ne sont plus examinées que par les griefs tirés du fond du procès, & le Juge n’est point responsable d’avoir mal jugé, pourvu qu’on ne lui puisse imputer aucune fraude personnelle. Lois. Un acte d’appel est une simple déclaration de l’appel qu’on interjette. Relief d’appel, est une lettre de Chancellerie qu’on obtient pour faire assigner sa partie sur l’appel qu’on a interjetté. On peut aussi relever son appel par une requête sur laquelle on obtient un arrêt, qui déclare que l’appel est tenu pour bien relevé. Appel de déni de Justice, est la voie de se pourvoir devant un Juge supérieur, quand l’inférieur refuse de juger un procès. L’appel comme de Juge incompétent, quand un Juge n’a pas pouvoir de juger en telle matière, ou entre telles personnes.

l’Appel de déni de renvoi est un appel qui s’interjette d’une sentence ou ordonnance rendue par un Juge incompétent, au préjudice du renvoi, qui lui avoit été demandé.

Appel à minima, est lorsqu’en matière criminelle, où il échet peine afflictive, le Procureur du Roi appelle au Parlement, estimant que la peine est trop légère, par rapport au crime.

Appel en adhérant est celui que l’on joint aux appellations antérieurement interjettées : & l’on se sert aussi de ce terme dans les appellations incidentes.

Appel d’une taxe de dépens est celui qui est interjetté de la taxe qui a été faite des dépens.

Appel verbal. Voyez Appellation verbale.

Appel incident, ou Appellation incidente est celle qui s’interjette pendant le cours d’un procès ou d’une instance. Dict. de Ferrières.

Appel comme d’abus, c’est l’appel qui s’interjette en cour laïque des sentences & des jugemens rendus par l’Evêque, ou par son Official. Quand les Officiaux se contiennent dans les bornes de leur juridiction, les appels qu’on interjette de leurs jugemens, s’appellent Appellations à l’ordinaire ; & on les relève devant les Archevêques, ensuite devant les Primats, & enfin devant le Pape, qui délègue des commissaires in partibus, desquels il y a encore appel au Pape, jusqu’à ce qu’il y ait trois sentences conformes. Après quoi les appels ne sont plus reçus en juridiction ecclésiastique. Mais quand ils ont jugé contre les libertés & priviléges de l’Eglise gallicane ; ou quand ils entreprennent sur la Justice séculière, contre les saints Decrets & Canons reçus en France, Concordats, Édits, & Arrêts, on appelle comme d’abus au Parlement. L’appel comme d’abus est toujours reçu, quand il y auroit trois sentences conformes auxquelles on auroit acquiescé ; alors le ministere de MM. les Gens du Roi, comme les plus intéressés à la manutention du bon ordre, est nécessaire, parce que le fait des particuliers ne peut préjudicier au droit public.

Le Président le Maître & Pasquier ont écrit de ces appellations ; & depuis Févret, Avocat à Dijon, en a fait un ample volume. On tient que l’appel comme d’abus a été inventé par Pierre de Cugniéres, Avocat-Général du Parlement, que l’on connoît à Paris sous le nom de Maître Pierre de Cugnet, par un abus du peuple, qui a mal prononcé son nom.

Juger nonobstant l’appel, se dit des sentences qui s’exécutent par provision, & sans avoir égard à l’appel de l’une des parties ; cela se fait dans les matières provisoires, & quand il y a du péril dans le retardement. Mais le Juge ne peut pas ordonner que sa sentence sera exécutée nonobstant l’appel, quand le grief n’est pas réparable en définitive. Juger sans appel, c’est juger présidialement, & en dernier ressort. Juger à la charge de l’appel, c’est juger à l’ordinaire. Le Juge à quo, c’est celui qui a donné la sentence, de l’examen de laquelle il s’agit : & le Juge d’appel, ou ad quem, c’est celui qui l’annulle ou qui la confirme. Un appel désert, c’est celui qu’on a manqué de relever dans les trois mois. L’appel est un remède de droit. L’amende ordinaire du fol appel est de douze livres. Causes & moyens d’appel, c’est ainsi qu’on intitule les écritures qu’on fournit sur l’appel, quand la cause est appointée en Cour souveraine. On appelle aussi, Cause d’appel, une Cause pendante à l’audience. L’appel d’une cause se dit, quand les parties ou leurs procureurs sont appelés à l’audience pour plaider. A l’appel de la cause, l’avocat a fait une remontrance. Paul de Samosate, condamné & déposé au second concile d’Antioche en 272. ne voulut point céder la maison épiscopale à Domnus, qui avoit été élu en sa place, & il eut recours à l’autorité de l’Empereur contre la décision du concile ; en cela il donna le premier exemple de ces appels, qui mettent aujourd’hui l’Eglise sous la puissance des Rois & des Magistrats. God. Les Donatistes condamnés dans un concile tenu à Rome en 313. en appelerent de même à l’Empereur, qui en fut scandalisé, comme d’une audace de fureur enragée qui les portoit à l’appel, ainsi qu’il se pratiquoit dans les causes des Gentils. Ce sont ses termes. Id. Ils appelèrent encore du concile d’Arles l’année suivante. Id. Et ce sont là les premiers exemples des appels de la Justice ecclésiastique à la Justice séculière.

Appel est aussi le cartel, ou le défi qu’on fait à quelqu’un pour se battre en duel. Provocatio ad singulare certamen.

C’est maintenant un crime capital de faire un appel.

Appel est aussi le signal qui se fait pour la montre ou revue des troupes, ou des ouvriers, lorsqu’on veut connoître ceux qui sont présens, ou lorsqu’il les faut payer. Appellatio, Nominatio. Il se dit de la visite que le sergent de semaine fait des chambrées, appelant chaque soldat par son nom, pour s’assurer s’il y est. Le sergent de semaine doit faire tous les jours trois appels ; le premier de grand matin, le second avant la fermeture des portes, qui est l’heure du souper des soldats, & le troisième après la retraite battue. Il doit les faire chambrée par chambrée, appelant, son contrôle à la main les soldats les uns après les autres par leurs noms les obligeant à répondre eux-mêmes. Bombelles. Il n’étoit pas à l’appel, il a été piqué, ou rayé du rôle. Pour recevoir ses rentes à l’Hôtel de Ville, il faut être à l’appel, sinon on est remis à un autre jour.

Appel, dans l’art militaire, se dit encore d’un signal qui se fait avec le tambour ou la trompette, pour assembler les soldats. Battre l’appel, signum, classicum canere.

Appel, en termes de chasse. Manière de sonner du cor pour animer les chiens.

Appel, en termes d’escrime, est une feinte ou un temps faux qui se fait hors de la mesure, à dessein d’obliger l’ennemi d’attaquer la partie que l’on découvre, & pour tromper celui qui ne connoît pas la mesure, & qui pousse à tous temps. Aggressio simulata. L’appel se peut pratiquer du pied, du corps, & de l’épée, par chacun de ces mouvemens en particulier, & par tous à la fois, en un, en deux, ou en trois temps, soit par-dessus, soit par dessous, en dehors, ou en dedans ; en engageant, ou en dégageant l’épée, ensorte qu’on pratique tous les mouvemens contraires à ceux de son ennemi.

APPELANT, ante. adj. Terme de Palais, se dit de ceux qui vont à une Justice supérieure se plaindre d’une sentence qui leur porte préjudice. Il est souvent employé substantivement. Il est opposé à intimé, qui est celui qui défend le jugement. Il est appelant de cette sentence ; appellant comme de Juge incompétant ; appelant comme d’abus.

On dit proverbialement, qu’Un homme a un visage d’appelant, quand il relève de quelque maladie, ou quand il a souffert quelque grande perte, ou affliction qui lui a beaucoup changé le visage.

Appelant. On donne communément ce nom à ceux qui ont appelé de la Constitution Unigenitus au futur concile.

Appelant, terme de chasse se dit de ces oiseaux qui servent pour appeler les autres, & les faire venir dans les filets. Avis illex. On dit aussi appeau qui est moins usité.

☞ APPELER. v. a. J’appelle, tu appelles, il appelle, nous appelons, vous appelez, ils appellent, j’appelois. J’ai appelé. J’appellerai. Nous suivons cette orthographe par déférence pour l’Académie. Plusieurs mettent deux ll partout. Appeler, c’est dire le nom d’une chose ou d’une personne. Appellare, nominare. Comment appelez-vous cet homme ? Je ne sais comment on appelle cette plante. Vous l’appellerez comme il vous plaira.

Appeler signifie aussi désigner une personne ou une chose, par une qualité bonne ou mauvaise. On ne doit pas appeler charitable, celui qui prête avec intérêt. Cet homme est sincère, il appelle toutes les choses par leur nom.

Que de pleurs vont couler !
De quel nom sa douleur me va-t-elle appeler ?

Racin.

☞ Dans ces deux acceptions, appeler est aussi réciproque. Comment vous appelez-vous ? je m’appelle Louis. Cela s’appelle folie en bon françois. Nominari, nuncupari.

Appeler signifie quelquefois simplement, surnommer, & se dit principalement des surnoms qu’on donne aux personnes illustres. Aléxandre qu’on appelle le Grand. Denys appelé le Tyran.

Appeler & nommer, ont une idée commune ; ils en ont aussi une qui leur est propre. On nomme pour distinguer dans le discours. On appelle pour faire venir dans le besoin. Syn. Fr. Le Seigneur appela tous les animaux, & les nomma devant Adam, pour l’instruire de leurs noms. Tel est le sens du texte hébreu. Il ne faut pas toujours nommer les choses par leurs noms, ni appeler toutes sortes de gens à son secours.

Appeler (terme de maître d’école) nommer les lettres d’un mot, afin de le lire & de le prononcer. Appellare litteras, enunciare litterarum elementa. Il est peu en usage. On dit épeler.

Appeler, prononcer à haute voix les noms de ceux qui doivent se trouver à certaine heure pour quelque chose, à quelque montre, à quelque recette. Ce soldat ne s’est point trouvé à la montre quand on l’a appelé. Ce rentier n’a point répondu quand on l’a appelé. Il ne recevra rien aujourd’hui.

☞ On dit à peu-près dans le même sens, (en terme de Palais) appeler une cause, lire tout haut le nom des parties pour qu’elles viennent plaider. Citation qui se fait à l’audiance, lorsque la cause doit être plaidée. Causas agendas citare. On vient d’appeler votre cause. La cause sera appelée à tour de rôle.

Appeler signifie aussi citer en jugement, en témoignage. Appellare, vocare in jus. On a mis sur la requête, soit partie appellée. On l’a assigné, appellé en témoignage.

Appeler, se pourvoir devant un juge supérieur, quand on prétend qu’on a été mal jugé par un juge inférieur ; réclamer son secours & son autorité, pour réparer l’injustice qu’on prétend avoir été faite. Provocare ad superiorem judicem, ad superius tribunal.

Appeler. d’une sentence. Appeler comme d’abus. Appeler comme de juge incompétent. Voyez Appel. Dans cette acception il est neutre.

☞ On dit encore au Palais, appeler en adhérant, quand on appelle d’une seconde sentence rendue par le même Juge en exécution de la première, au préjudice de l’instance pendante devant le Juge supérieur.

☞ On dit figurément, quand on reclame contre quelque proposition ou sentence que quelqu’un a avancé, qu’on en appelle. Appellare ab aliquâ re, sententiâ. Quand on est condamné par les autres, il ne faut point en appeler fièrement devant soi-même. S Evr.

Appeler, se servir de la voix, ou de quelque signe pour faire venir quelqu’un, obliger quelqu’un à s’approcher. Vocare, evocare. Appeler ses domestiques. Ne pouvant l’appeler de la voix, il l’appeloit encore de la main.

Appeler, se dit aussi du cri dont les animaux se servent pour faire venir à eux ceux de leur espèce. Le mâle appelle sa femelle. La poule appelle ses poussins.

Appeler, se dit pareillement de toutes les choses dont le son sert de signe pour qu’on se trouve en quelque lieu. Les cloches appellent à l’Eglise. La trompette appelle au combat.

Appeler en duel. Défier, provoquer à un combat singulier. Provocare ad singulare certamen. Autrefois les braves tiroient vanité de s’appeler en duel pour la moindre chose. Mais les Ordonnances de Louis XIV ont réprimé cette barbarie.

Appeler, faire l’appel, en termes de guerre, c’est une des batteries du tambour.

Appeler, invoquer. Invocare, implorare. Appeler Dieu à son aide, implorer son assistance.

Appeler, mander, faire venir. Appeler au Conseil, dans le propre, c’est y mander. On a tenu un grand conseil, où tous les Princes ont été appelés. Figurément, c’est écouter, consulter, déférer. En tous les mystères de la religion, si nous ne voulons nous tromper, il ne faut point appeler notre imagination au conseil. Audire, in consilium adhibere.

Appeler, se dit encore pour faire monter, faire parvenir à quelque chose de grand. Evehere.

Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu’il respire.
Qui l’avez appelé de si loin à l’empire. Racine.

Appeler, se dit figurément de tout ce qui excite, qui oblige de se trouver en quelque endroit, pour quelque chose que ce puisse être. J’irai où l’honneur m’appelle. Mes affaires m’appellent ailleurs.

Appeler, se dit encore des inspirations que Dieu nous envoie, & des marques, soit intérieures, soit extérieures, par lesquelles il nous fait connoître quelle est sa volonté. Incitare, stimulare. Il ne faut point résister quand Dieu nous appelle. Dieu appela S. Paul à l’apostolat.

☞ Il se dit par extension du penchant que l’on a pour un état, plutôt que pour un autre. Cet homme n’a aucune disposition pour la guerre ; il n’étoit point appelé à ce métier-là. Acad. Fr.

☞ On dit proverbialement d’un homme qui est libre en paroles, ou qui est trop franc, qu’il appelle les choses par leur nom.

☞ On dit proverbialement & figurément d’un homme qui s’en va lorsqu’on veut le retenir, qu’il est comme le chien de Jean de Nivelle, qui s’enfuit quand on l’appelle. Cela s’appelle, pour cela veut dire, cela signifie, n’est bon tout au plus que dans le discours familier.

On dit en termes de chasse, qu’un chien appelle en faux, quand il aboie, & clatit où les perdrix ont été, & à la rencontre du frai des perdrix.

Appelé, ée. part. A la Chine, la qualité d’Appelé à la Cour par l’Empereur, est aussi considérable que celle d’un Envoyé. P. Le Comte.

Appelé, se dit en passant du mistère de la Prédestination, suivant l’expression de l’Ecriture ; beaucoup d’appelés, peu d’Elus. Multivocati, pauci verò electi. Voyez Prédestination.

Appelé, rapporté. Pour entendre ces termes, il faut observer que quand une cause du rôle est appelée, si l’Avocat de la partie adverse ne se présente pas pour plaider, l’Avocat présent demande défaut s’il est appelant, ou congé, s’il est institué. Sur cela le Président dit, faites-la appeler & rapporter, ce que l’Avocat ou Procureur doit faire par un huissier, auquel il donne un mémoire pour cet effet. ☞ Après quoi il appelle le défaillant à la barre de la Cour, & revient faire son rapport, sur lequel le défaut se prononce. C’est cet appel & le rapport de l’huissier, qu’on nomme appellé, rapporté.

APPELLATIF. adj. ☞ Terme de Grammaire. Appellativus. Nom appellatif est un nom commun donné à plusieurs êtres particuliers, à cause des qualités comnunes, par lesquels ils se ressemblent. Il est opposé au nom propre.

☞ Il y en a de deux sortes, ceux qui conviennent à tous les individus de différentes espèces. Arbre convient à tous les noyers, pêchers, pruniers, poiriers, &c. Ces noms appellatifs sont des noms de genre : les autres ne conviennent qu’aux individus d’une espèce comme noyer, poirier, prunier, &c. Ce sont des noms d’espèce.

APPELLATION. s. f. Plainte qu’on fait devant un Juge supérieur d’une sentence ou ordonnance qu’on prétend mal rendue par un Juge inférieur. Appellatio. C’est presque la même chose qu’appel. Néanmoins ces mots s’emploient différemment. En général, l’appel ne se dit guère qu’au singulier, & appellation se dit au singulier & au pluriel : comme la Cour a mis l’appellation au néant, ce qui n’est pas permis aux Juges inférieurs ; & c’est une voie moyenne de prononcer entre le bien & le mal jugé, que le Parlement s’est réservé ; & même Pasquier remarque que cela ne fut permis aux Enquêtes que le 8 Janvier 1422. On dit aussi, nonobstant oppositions ou appellations quelconques. Le IIIe Canon du concile de Sardique, tenu en 347 ; approuve les appellations au Pape. Il y a quelques phrases particulières où on se sert seulement du mot d’appel : comme Juge d’appel, relief d’appel, fol appel, en cas d’appel. On a joint cet incident à l’appel.

Autrefois en France, de quelque Juge que ce fût, on ne pouvoit appeler qu’au Roi. Si l’appel étoit bien fondé, le juge étoit responsable des dommages, frais & intérêts. Si l’appel étoit mal fondé, l’appelant étoit condamné à l’amende, s’il étoit Noble ; au fouet, s’il ne l’étoit pas. Le Gendre.

Appellation verbale est l’appel qui s’interjette des sentences prononcées à l’Audience ; & elle différe de l’appel des sentences données par écrit sur production des parties : ce qui s’appelle procès. Appellatio voce prolatâ. Ce Procureur a conclu sur l’appel, joint les appellations verbales.

Appellation omissio medio, ne se fait ordinairement qu’en matière criminelle. En matière criminelle l’appel de tous juges, même des juges Seigneuriaux, qui ressortissent immédiatement à un autre Juge inférieur, va rectà au Parlement, omissio medio, sans passer par les Juridictions intermédiaires. Il en est de même de certaines appellations, en matière civile, qui sont portées au Parlement, omissio medio, comme en appellation de déni de renvoi & d’incompétence, &c. Dict. de Ferrières.

☞ On dit aussi appellation des lettres, pour dire l’action d’épeler. Il n’est guère d’usage.

APPELLES. s. m. Terme de Fleuriste. Bel œillet, violet brun sur un fond blanc, qui porte très bien ses feüilles. Il vient de la graine recueillie de l’orfeline. Sa plante est délicate, il porte néanmoins une fleur assez large. Il lui faut laisser trois boutons sur le montant. Cult. des Fleurs.

APPENDICE. s. m. Terme dogmatique, qui se dit d’une chose qui est dépendante, ou comme une suite nécessaire d’une autre. Appendix. La misère & les douleurs sont les appendices de la vie. Dans ce sens il est purement latin.

On le dit plus ordinairement des annotations, ou traités qu’on met après quelques ouvrages, qui en contiennent quelques explications, ou quelques suites ou dépendances. Ce n’est pas assez d’avoir lu ce chapitre, il faut voir l’appendice qui est au bout. C’est comme supplément.

Appendice, en termes de Médecine, se dit d’une partie qui est en quelque façon détachée d’une autre partie, à laquelle cependant elle est adhérente ou continue. Il y a des appendices membraneuses de diverses figures dans la plûpart des parties intérieures du corps. Le cœcum a une appendice en forme d’un ver oblong, faite de la jonction des trois ligamens du colon. Elle est plus grande aux enfans nouveaux nés, qu’à ceux qui sont avancés en âge, ce qui embarasse extrêmement les Anatomistes à se déterminer sur son usage. Dionis, qui, comme l’on voit, fait appendice féminin. Le colon, au défaut du mésentère, est arrosé par plusieurs petites appendices graisseuses. Id.

☞ Presque tous nos Dictionnaires françois font le mot appendice du genre masculin. Le Dict. de l’Acad. Fr. en parlant de l’appendice vermiculaire, remarque que ce mot est féminin au pluriel. J’aimerois beaucoup mieux le faire du genre féminin tant en littérature qu’en anatomie, au singulier & au pluriel. Cet usage même paroît plus général.

APPENDRE. v. a. J’appens, j’appendis, j’ai appendu, j’appendrai. Pendre, attacher quelque chose dans une église, ou dans un temple. Appendere. Il appendit à Neptune les dépouilles des ennemis. Ablanc. Vous voyez un homme qui a appendu ses chaînes au temple de la liberté. Saraz. Il ne se dit guère que des choses que l’on offre, que l’on consacre dans une église, dans un temple, en signe de reconnoissance.

APPENDU, UE. part. Appensus. Qui pend, qui est attaché dans quelque église, ou dans quelque temple. Les dépouilles appendues de nos ennemis disent assez quelle a été notre victoire.

APPENS. Voyez Apens.

APPENSER. v. n. Vieux mot hors d’usage qui signifioit faire quelque chose après y avoir bien pensé. Rem aliquam consulto ac deliberato animo facere. Il ne nous en reste que son dérivé. Guet apens, ce qui se fait d’un propos délibéré. Voyez Apens.

APPENTIS. s. m. Petit bâtiment appuyé contre un plus élevé, & dont le toit n’a de pente que d’un côté. Appendix ædificii. On fait des appentis à la campagne pour mettre à couvert les charrettes & charrues. C’est une espèce d’angar.

l’Appentis, chez les Charpentiers, se nomme, comble à potence, & est composé d’une demi-ferme, qui consiste en un tirant porté sur les murs, lequel est assemblé, un poinçon, une force, une contrefiche pareillement assemblée dans le corps de la force & du poinçon. Columen, culmen. Du Cange dérive ce mot de pentitium.

APPENZEL. Abbatis cella. Gros bourg de Suisse, sur la rivière de Sinter, à quatre lieues de la ville de S. Gal. Ce mot fut formé par corruption du latin Abbatis cella, le cellier, ou plutôt la cellule de l’Abbé. Il fut ainsi appelé, parce qu’il dépendoit de l’Abbé de S. Gal, & que c’étoit une maison de campagne de cet Abbé. Appenzel se racheta de la souveraineté de cet Abbé en 1408.

Le canton d’Appenzel, Abbatiscellensis pagus ; c’est un des cantons suisses, ou l’une des treize républiques qui forment la république générale des Suisses. Il prend son nom du bourg d’Appenzel, qui en est le principal lieu. Il a au nord l’Abbaye de S. Gal, au couchant le comté de Toggemberg, au midi le comté de Sargans, au levant le Rhintal. On le divise en deux parties, l’intérieure & l’extérieure. Le Canton d’Appenzel n’est entré que le dernier dans la confédération des Suisses en 1513.

APPERCEVABLE. Voyez Apercevable.

APPERCEVOIR. Voyez Apercevoir.

APPERT. Voyez Apert.

APPERTEMENT. Voyez Apertement.

☞ APPESANTIR. v. a. Rendre moins propre pour le mouvement, pour l’action. Aggravare, prægravare. La vieillesse, l’oisiveté, la maladie appesantissent le corps. Hebetare corpus.

☞ Dans un sens figuré, en parlant de l’esprit & de ses fonctions, c’est le rendre moins vif, lui ôter une partie de son feu, de sa vivacité. Vires infringere, aciem hebetare. L’âge appesantit l’esprit. Les nécessités de la vie présente appesantissent l’esprit, quelque actif & pénétrant qu’il soit. Nicol.

☞ On le dit encore dans un sens figuré, en parlant de la colère de Dieu & des châtimens que sa justice inflige aux pécheurs. Dieu appesantit quelquefois son bras, sa main sur les coupables.

☞ Il est aussi réciproque. Dans le sens propre, c’est devenir plus pesant. Ingravescere, gravari. Le corps s’appesantit avec l’âge, & par l’oisiveté. On dit que la main d’un Chirurgien, d’un Artiste s’appesantit, pour dire qu’elle devient moins legère, moins propre au travail. Les paupières commencent à s’appesantir, pour dire que l’envie de dormir fait fermer les yeux. Somno gravantur oculi.

☞ Au figuré, l’esprit s’appesantit avec le corps. La main de Dieu s’appesantit sur les coupables. Baiser la main de Dieu lorsqu’elle s’appesantit sur nous, c’est le moyen de la trouver plus legère.

☞ On le dit aussi d’un Auteur qui fait un long & ennuyeux détail des choses indifférentes & minutieuses. Cet Auteur charge trop ses descriptions, & s’appesantit sur les détails.

☞ APPESANTI, IE. part. Il a les significations de son verbe. Appesanti par les années. Gravis annis. Yeux appesantis par le sommeil. Somno gravati, natantes oculi. Appesanti par l’oisiveté. Otio languescens. Esprit appesanti. Hebetatus.

Ces mots viennent de pondus, poids.

APPESANTISSEMENT. s. m. v. L’état d’une personne appesantie, soit de corps, soit d’esprit, par l’âge, par la maladie, par le sommeil, &c. Il est dans un grand appesantissement. Appesantissement d’esprit. Acad. F.

APPÉTENCE. s. f. Terme dogmatique, pour exprimer l’action d’appéter ou de tendre. L’appétence des corps à leur centre. Il n’a guère d’usage qu’en Phisique.

APPÉTER. v. a. Terme dogmatique. ☞ Desirer par instinct, par inclination naturelle, indépendamment de la raison. Etre naturellement porté à quelque chose appetere. Les corps graves appétent le centre. L’instinct naturel des animaux fait qu’ils n’appétent que les choses qui leur sont propres. Les Médecins disent L’estomac appéte cet aliment, il appéte certain ragoût ; pour dire, il désire. Ce mot est fort peu en usage, excepté dans les matières physiques. Le e de la seconde syllabe se prononce fermé.

La plus grand’ part appéte grand avoir,
La moindre part souhaite grand savoir. Marot.

Appété, ée. part. Appetitus.

APPÉTIBILITÉ. s. f. Terme de Philosophie. Désir par instinct, par inclination naturelle, indépendamment de la raison. Vous voulez peut-être savoir, dit Pancrace à Sganarelle, si l’essence du bien est mise dans l’appétibilité, ou dans la convenance. Molière. Mariage forcé, Sc. 4. ☞ C’est un vieux mot synonyme d’appétence, dont l’usage est aussi très-borné.

APPÉTISSANT, ANTE. adj. Qui réveille l’appétit. Appetentiam, aviditatem suî excitans. Les ragoûts, les grillades, sont des mets fort appétissans.

Appétissant, ante, se dit aussi au figuré, & signifie, qui plaît aux yeux, & fait naître des desirs. Illecebrosus. Que vos dents sont amoureuses, & vos lèvres appétissantes ! Mol. ☞ Une jeune fille avec de la fraîcheur & de l’embonpoint est fort appétissante.

Appetissant, ante, est aussi un gérondif du verbe appetisser, dans le sens, devenir petit. L’on ne doit point mettre d’accent sur le premier e, parce qu’il est muet. Ainsi il faut prononcer comme s’il y avoit aptissant. Il signifie, qui s’appetisse, qui devient plus petit. Quod minuitur, contrahitur, decrescit. Saint Amand a dit d’un fromage :

Pourquoi toujours s’appetissant
De lune devient-il croissant ?

APPETISSEMENT. Voyez Apetissement.

APPETISSER. Voyez Apetisser.

APPÉTIT. s. m. Passion de l’âme qui nous porte à désirer quelque chose ; faculté interne, par laquelle l’âme est émue & affectée en vue d’un bien qu’elle souhaite, & d’un mal qu’elle appréhende. Pars animi quæ appetitus habet. Les appétits charnels, sensuels. Voluptates. En Philosophie on n’admet que deux appétits ; le concupiscible, qui nous porte à souhaiter & à chercher le bien, vis concupiscendi ; & l’irascible, qui nous porte à craindre & à éviter le mal, irascendi. Le Sage commande à ses appétits déréglés. Cupiditates animi comprimit.

☞ A cette distinction de l’école, on en substitue une autre plus utile entre l’appétit sensitif & l’appétit raisonnable. L’appétit sensitif est la partie inférieure de la faculté appétitive de l’âme. Cet appétit naît de l’idée confuse que l’âme acquiert par la voie des sens. Je bois du vin que mon goût trouve bon ; & le retour de cette idée que mon goût m’a donné, me fait naître l’envie d’en boire de nouveau. C’est à ce genre d’appétit que se bornent la plûpart des hommes ; parce qu’il y en a peu qui s’élevent au-dessus de la région des idées confuses. C’est la source de toutes les passions.

l’Appétit raisonnable, est la partie supérieure de la faculté appétitive de l’âme, & elle constitue la volonté proprement dite. Cet appétit est l’inclination de l’âme vers un objet à cause du bien qu’elle reconnoît distinctement y être. Le motif ou la raison suffisante de cet appétit, est la représentation distincte du bien attaché à un objet.

Appétit, se dit plus particulièrement de la faim, du désir de manger. ☞ Appétits corporels. Désirs qu’excitent en nous les besoins du corps, tels que l’envie de manger, de boire, &c. Quand le corps est pressé par la faim, la soif, &c, Cibi appetentia, aviditas. Ce malade a perdu l’appétit, il a un appétit déréglé. Les salines excitent l’appétit. On dit, chercher ses appétits, prendre ses appétits, pour dire, choisir les viandes, les ragoûts pour lesquels on a le plus d’appétit. Acad. Fr. On appelle populairement certaines viandes, de l’Appétit, comme les harengs saurets, l’échalotte, les raves, &c. Le mot d’appétit, pour dire, hareng saur, n’est guère en usage que parmi le menu peuple de Paris. Les Traiteurs donnent aussi ce nom à de petites herbes fines, dont on assaisonne les salades, & différens ragoûts ; ces herbes sont le cerfeuil, la ciboulette, &c.

Pain dérobé réveille l’appétit :
A tout pécheur la loi qui l’interdit
Est un attrait, est une rocambole.
D’aller vers là, de revenir ici,
Est-il permis ? Quand on le veut ainsi,
On s’en soucie autant que d’une obole ;
Mais que la loi dise, Je le défends,
Nous y courons, & notre cœur y vole.

Du Cerceau

On dit adverbialement & populairement, à l’appétit d’une telle somme cette affaire a manqué ; c’est-à dire, pour avoir voulu épargner quelque chose, pour ne l’avoir pas fournie. Hujus rei gratiâ, causâ.

Appétit, se dit proverbialement en ces phrases. Cet homme a toujours bon appétit. ☞ C’est un cadet de haut appétit, pour dire, qu’il trouve tout bon ; & au figuré, qu’il a beaucoup d’avidité pour le bien. C’est un appétit de femme grosse ; c’est-à-dire, un appétit bisarre, ou d’une personne dégoûtée. Changement de corbillon donne appétit de pain-bénit. Vous avez l’appétit ouvert de bon matin ; pour dire, vous desirez trop tôt une chose. Il n’est sauce que d’appétit : pour dire, que la faim fait trouver bon tout ce que l’on mange, ou que l’appétit est la meilleure sauce que l’on puisse avoir. On dit aussi, qu’en mangeant l’appétit


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