Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/461-470

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Fascicules du tome 2
pages 451 à 460

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 461 à 470

pages 471 à 480


œuvres des Infidèles, que l’on appelle moralement bonnes, parce qu’en ce qu’elles sont bonnes, elles sont capables d’être rapportées à la gloire de Dieu, & qu’elles ne sont donc pas des péchés. Le sentiment de Saint Thomas & des Théologiens Catholiques n’est pas que ces sortes d’actions méritent le Ciel, ce seroit une hérésie de le penser ; mais ils veulent dire que ces actions non-seulement ne sont pas des péchés, mais même qu’elles sont bonnes moralement ; c’est-à-dire, qu’elles ont une bonté morale d’un ordre naturel, & qui pourroit par la grace & un motif surnaturel, être élevée à l’ordre surnaturel. Tel est, par exemple, le secours qu’un Païen donne à un pauvre dans sa nécessité.

Le mot de charité n’a point de pluriel en ce sens. Les hommes se font une idée de la charité, en prenant pour contraire à cette vertu, tout ce qui incommode l’amour propre. Port-Royal. Les gens du monde conçoivent la charité comme une vertu toujours flateuse & agréable, & qui ne choque jamais personne. Ibid.

La route de la vie humaine
De mauvais pas est toute pleine ;
Pour m’en tirer facilement,
Voici ce que je fais : J’attelle
A cette voiture mortelle,
Que je conduis au monument,
La Justice premièrement,
Qui marche toujours rondement,
Et la charité, sans laquelle
Elle iroit moins légèrement.

L’Abbé Regn. des Mar.

Charité est aussi l’effet d’une vertu morale, qui consiste à secourir son prochain de son bien, de ses conseils, &c. En ce sens ce mot de charité a un pluriel. Inopiæ, egestatis subsidium, levamen. Cet homme, qui s’est engraissé de la substance du peuple, tire du fonds même de ses concussions, une bizarre charité, & des aumônes irrégulières. Flech. Une charité aussi vive, & aussi agissante que la vôtre, n’a pas besoin d’être excitée par l’artifice & par le mensonge. La charité bienfaisante & libérale, a toujours les mains ouvertes pour soulager la misère d’autrui. Le Mait. La Providence a voulu entretenir la charité parmi les hommes, par le commerce des secours & des assistances mutuelles qu’ils se rendent. Flech. Dans ce siècle la charité est non-seulement refroidie, mais presque éteinte, & l’on croit perdre le bien qu’on distribue en aumônes. Flech. La charité prise en ce sens ne doit point être pratiquée au préjudice de la justice. Il faut payer ses dettes, le salaire des artisans, les gages des domestiques, avant de faire des charités. Voyez Aumône, Amour, Amour de Dieu, Amour du prochain.

Quand on veut corriger certain Moine en Chapitre, le Supérieur dit à un des Religieux, mon Frere faites-lui la charité ; pour dire, avertissez-le de ses fautes, déclarez celles que vous avez remarquées, donnez-lui la discipline, la correction fraternelle. Reprehensio, correctio.

Charité. Quelques-uns dérivent ce mot du grec χάρις, grace ; mais rien, dit Vossius, n’est si incertain que cette étymologie. Ce qui est sûr, c’est que dans les anciennes inscriptions, comme l’a montré Manuce dans son Orthographie, carus, caritas, sont écrits sans h. Il est donc bien probable que ces mots viennent de carus, précieux, & que carus en ce sens ne vient point de careo, comme Perrot l’a cru, mais de l’hébreu יקר, pretiosus, par le retranchement de la première lettre י.

Charité chrétienne. Ordre Militaire établi par Henri III, en faveur des soldats estropiés au service de l’Etat. Ordo Militaris à christianâ charitate nuncupatus. Il assigna quelques revenus pour cette charitable fondation. Ceux qui étoit reçus dans l’Ordre portoient une croix sur le manteau au côté gauche, & autour de la croix ces mots en broderie d’or, pour avoir fidèlement servi. Un établissement si louable n’eut point de succès. Le Pere Anselme.

Frères de la Charité. Nom de Religieux. Cet Ordre porte différens noms en différens pays. En Espagne on appelle ces Religieux, les Frères de l’Hospitalité. En Italie ils ne sont connus que sous celui de Fate-Ben, Fratelli, ou Ben Fratelli, parce qu’ils ont coûtume de demander ainsi l’aumône. En France on les appelle Frères de la Charité ; Frères, parce qu’ils sont laïques, & qu’ils n’ont qu’un Prêtre en chaque maison, lequel ne peut avoir aucune charge de l’Ordre ; de la Charité, parce qu’Henri IV, donna à leur Hôpital de Paris le nom de Charité de Saint Jean de Dieu.

Saint Jean de Dieu, leur Fondateur, étoit un Portugais, né à Monte-major el novo, petite ville du Diocèse d’Evora, en 1495. Il commença cet Ordre à Grenade en 1540, par une maison qu’il loua pour y retirer les malades, & les y assister. Cet établissement fut approuvé par l’Archevêque de Grenade, D. Pierre Guerrero. Son intention n’étoit d’abord que de former une Congrégation de personnes séculières pour avoir soin de l’hôpital de Grenade. Il ne fit point de règle. L’Evêque de Tuy lui prescrivit à lui & à ses disciples une forme d’habit. Ce ne fut qu’après sa mort arrivée en 1550, que son institut fut approuvé par Léon X. C’est Pie V, qui l’approuva par une Bulle du premier Janvier 1572, par laquelle il leur prescrivit une forme d’habit, & leur donna la règle de Saint Augustin. Grégoire XIII, successeur de Pie V, le confirma, & lui accorda plusieurs privilèges. Clément VIII, sous prétexte qu’ils s’étoient relâchés, & qu’ils étudioient au lieu d’avoir soin des malades, les soumit aux Evêques, leur défendit l’étude & de prendre les ordres ; ordonna qu’ils ne fissent qu’un seul vœu de pauvreté & d’hospitalité : mais par un Bref de 1576, il les remit dans leur premier état. Paul V, en 1609, leur permit de promouvoir aux ordres quelques-uns de leurs Frères, afin qu’il y en eût un dans chaque hôpital pour administrer les sacremens aux malades. Le même Pape approuva leurs Constitutions en 1617. Marie de Médicis les amena en France en 1601 & en 1602. Henri IV, leur donna des Lettres Patentes. P. Hélyot, Tom. IV, ch. XVIII.

Il y a un autre Ordre de la Charité, dont les Religieux s’appellent les Frères de la Charité de Saint Hippolyte. Il fut institué environ l’an 1585, sous le Pontificat de Grégoire XIII, par un Bourgeois de la ville de Mexique aux Indes occidentales. Il fonda un hôpital hors des murs de la ville, & le dédia en l’honneur de Saint Hippolyte, patron du Mexique. Il dressa des réglemens que Grégoire XIII, confirma après qu’ils eurent été examinés par l’Archevêque ; mais ce souverain Pontife étant mort avant que ces lettres fussent expédiées, Sixte V son successeur les signa, & approuva tout ce qui avoit été fait en faveur de cet hôpital. Les hôpitaux se multiplièrent, ils s’unirent ensemble, & formèrent une Congrégation sous le titre de la Charité de Saint Hippolyte, du nom du premier hôpital. Clément VIII, par un Bref du 2 Avril 1554, leur accorda tous les privilèges dont jouissent les Freres de la Charité de Saint Jean de Dieu. Ils ne faisoient que des vœux simples, l’un de charité, & l’autre de pauvreté, & sortoient de la Congrégation quand bon leur sembloit. Cela obligea le Frère Majeur ou Général de cette Congrégation de s’adresser à Clément VIII, pour remédier à cet inconvénient. Le Pape ordonna qu’ils feroient à l’avenir des vœux de perpétuelle hospitalité & d’obéissance, au lieu de ceux de charité & de pauvreté, qu’ils avoient fait jusqu’alors. Cela n’ayant point encore suffi, Innocent XII, par une Bulle du 10 Mai 1700, les obligea à des vœux solemnels de pauvreté, chasteté, obéissance & d’hospitalité, sous la règle de Saint Augustin, & déclara leur Congrégation Ordre Religieux. Clément XI, en 1701, accorda la communication des privilèges des Ordres Mendians, & de la Congrégation des Clercs Ministres des Infirmes, à ces Hospitaliers de la Charité de Saint Hippolyte. Leur habit est le même que celui des Frères de la Charité de Saint Jean de Dieu, & n’en diffère que par la couleur, qui est tannée. P. Hélyot, Tom. IV, c. 19. Bonanni, Catal. Ord. Relig. p. 1.

Filles de la Charité, servantes des pauvres malades. C’est le nom d’une Congrégation de filles, qui se destinent au service des malades. Sorores a Charitate, pauperum agrotorum Ministræ. Cette Congrégation commença d’abord à Chatillon-lès-Dombes en Bresse l’an 1517, comme une espèce de Confrérie, par le zele & les soins de Saint Vincent de Paul. Quoique le premier dessein ne fut que pour la campagne, il s’en établit à Paris en 1619, dans la Paroisse de Saint Sauveur, & en beaucoup d’autres villes. Mademoiselle Le Gros, fille de Louis de Marillac, Sieur de Ferrieres, & de Marguerite Le Camus, fut leur Fondatrice sous la direction de Saint Vincent de Paul. Elle fit son premier établissement à Paris dans la Paroisse de Saint Nicolas du Chardonnet sa Paroisse. En 1651, elle obtint de M. de Gondi Archevêque de Paris, l’approbation & l’érection de sa Compagnie, dont il lui fit expédier des lettres par le Cardinal de Rets son Coadjuteur, qui en donna encore de nouvelles en 1655, par lesquelles il l’érigea en Congrégation sous le titre de Servantes des Pauvres, & sous la direction du Supérieur général de la Mission. Cette Congrégation fut ensuite autorisée par Lettres Patentes du Roi en 1657, & confirmée en 1660, par le Cardinal de Vendôme, Légat en France sous Clément IX. Saint Vincent de Paul fit leurs Statuts & réglemens ; il nomma leurs Officières, qui sont une Supérieure générale, une Assistante, une Économe, & une Dépensière. Louis d’Abely, Vie de Saint Vincent de Paul ; Hermant, Hist. des Ordres Rel. P. Hélyot, Tom. VIII, c. 14.

Charité de Notre-Dame, Hospitalières de la Charité de Notre-Dame. Nom d’un Ordre Religieux fondé au treizième siècle. Guy, Seigneur de Joinville & de Dongiers, Domno Georgio, aujourd’hui Dongens, fonda un hôpital à Boucheraumont, dans le Diocèse de Châlons, dont il donna la direction à des séculiers, ou, selon d’autres, à des personnes du Tiers-Ordre de Saint François, qui, à la prière du Fondateur, firent de leur propre autorité les vœux de pauvreté, chasteté & obéissance. Dans la suite Clément VI, en 1346, leur en ayant donné la permission, les soumit à la règle de Saint Augustin. Comme c’étoit la charité qui les portoit à se consacrer au service des pauvres, & qu’ils prirent la Sainte Vierge pour protectrice, on donna à leur premier hôpital le nom de charité de Notre-Dame, qui passa ensuite à tout l’Ordre. Le dérèglement s’étant glisse dans cet Ordre, il s’abolit peu-à-peu. En 1631, ils transigèrent avec les Carmes des Billettes, & leur cédèrent ce couvent que Joinville leur avoit donné. En 1652, il ne restoit plus qu’un seul Religieux de cet Ordre. En 1672, cet Ordre fut un de ceux, qui comme éteints, furent réunis à l’Ordre militaire du Mont-Carmel & de Saint Lazare, par Edit de Louis XIV, qui leur donna le nom de Saint Louis de Boucheraumont ; ce qui fait conjecturer que les Religieux du Tiers-Ordre de Saint François qui formèrent d’abord cet Ordre, prirent ce nom, lorsque Saint Louis fut canonisé par Boniface VIII. Voyez le P. Hélyot, T. III, c. 53.

L’Ordre de Notre-Dame de Charité. Nom d’un Ordre de Religieuses sous la règle de Saint Augustin. M. Eudes, frère de l’Historien Mézeray, peut être regardé comme le fondateur de cet Ordre. Dans les missions qu’il fit en 1638, 1639 & 1640, plusieurs filles & femmes d’une conduite peu réglée, furent si touchées de ses prédications, qu’elles vinrent le trouver, & le prièrent de leur indiquer un lieu de refuge pour faire pénitence. Le 25e Novembre 1641, elles furent renfermées dans une maison, sous la conduite de quelques filles dévotes, dans la ville de Caen, capitale de la Basse-Normandie. L’Evêque de Bayeux permit qu’on y érigeât une chapelle. Louis XIII, leur donna des Lettres Patentes au mois de Novembre 1642. Elles sont vêtues d’une robe, d’un scapulaire & d’un manteau, le tout blanc. Elles ont un voile noir, & portent sur le scapulaire un cœur d’argent, où est gravé en relief l’image de la Sainte Vierge, tenant l’Enfant Jésus entre ses bras, le cœur environné de deux branches, l’une de rose, & l’autre de lis.

La Charité de Notre-Dame. Religieuses Hospitalières de la Charité de Notre-Dame. Monialis hospitalaria, à charitate Dominæ nostræ. Ordre de Religieuses établi à Paris par Simone Gauguin de Paré, au Diocèse d’Orléans, qui fut appelée en Religion, la Mère Françoise de la Croix. Cet Ordre commença l’an 1624. Elles avoient d’abord la règle du Tiers-Ordre de saint François ; elles la quittèrent ensuite pour prendre celle de saint Augustin. M. de Gondy, premier Archevêque de Paris, leur permit de s’y établir. Il approuva leurs Constitutions le 10 Juillet 1628 & le 12 Novembre 1634, après qu’elles eurent été approuvées par Urbain VIII, dès le 10 Décembre 1633.

Société de la Charité de Pajolo. C’est le nom d’une des trois Sociétés ou Confréries, dont les Confrères se qualifient Frères & Sœurs du Tiers-Ordre de S. François. En 1493, le Pape Alexandre VI confirma un accord qui avoit été fait entre l’Evêque & les Sénateurs de la même ville, touchant le droit de nommer des Conservateurs, des Massiers, un Notaire, & autres Officiers de cette Société, quoique cette affaire eût été déjà terminée par le Cardinal Bessarion, Evêque de Frescati, & Légat de Boulogne. C’est tout ce que nous savons de cette Société. P. Hélyot, tom. VII, pag. 330.

Charité de la Sainte Vierge. Ordre Religieux établi dans le Diocèse de Châlons-sur-Marne par Guy, Seigneur de Joinville & du bourg S. George, sur la fin du treizième siècle. Cet Institut fut approuvé sous la règle de S. Augustin par les Papes Boniface VIII & Clément VI. Sponde a parlé de cette Institution à l’an 1290.

Il y a Paris, dans chaque Paroisse, une société de Dames vertueuses, qui s’appliquent à connoître & à soulager les besoins des pauvres de la Paroisse, & qu’on appelle pour cela, les Dames de la Charité. Il faut que l’Evêque autorise ces sortes de sociétés pieuses. Chaque société a la Trésorière qui ramasse les aumônes, & des Sœurs qu’on appelle Sœurs de la Charité. Ce sont des filles vertueuses, habillées d’une grosse étoffe grise, qui ont soin de préparer les alimens & les remèdes, & de les porter aux malades.

Le mot de Charité signifie aussi tout seul ces sortes de sociétés. Il a été enterré aux dépens de la Charité de la Paroisse. Chaque Charité n’entretient un malade qu’environ trois semaines ; s’il n’y a point d’espérance de le guérir, on le fait porter à l’Hôtel-Dieu. Charité signifie aussi le fonds des aumônes de ces sociétés. La charité de telle Paroisse est bonne, riche, bien réglée, &c. Il est à la charité de la Paroisse ; c’est-à-dire, il est entretenu des fonds de la Charité.

Il y a aussi à Paris des Charités des Pauvres honteux : ce sont des sociétés composées du Curé & des Marguilliers de la Paroisse. Ces Messieurs font subsister les pauvres honteux, du fonds des aumônes qu’on ramasse pour cela, & des legs qu’on fait à cette intention, en leur envoyant de temps en temps quelque somme d’argent.

Charité se prend quelquefois pour l’Hôpital, ou le lieu où l’on entretient les malades. Il y a à Paris-trois Charités de femmes, & une d’hommes, c’est-à-dire, trois Hôpitaux pour les femmes malades, & un pour les hommes. On ne donne le plus communément ce nom qu’aux Maisons ou Hôpitaux des Frères de la Charité. Il a été trois mois malade à la Charité.

☞ Ecoles de Charité. Ce sont des Écoles établies dans les paroisses, où l’on montre aux enfans des pauvres à lire, à écrire, & les premiers principes de la religion.

On dit, proverbialement, charité, bien ordonnée commence par soi-même, lorsqu’on ne s’oublie pas, & qu’on se partage le premier. On dit, figurément & proverbialement, par contre vérité, prêter une charité, des charités à quelqu’un, pour dire, vouloir faire croire qu’il a dit ou fait quelque chose qu’il n’a ni dite ni faite. La Cour est un pays où l’on prête souvent des charités.

Charité. Carte de Charité. Voyez Carte.

CHARITÉ. Ville de France sur la Loire, dans le Nivernois. Il ne se dit point sans l’article. (La). Charité, de la Charité, à la Charité. Caritas. JLs Prieuré de la Charité est un bénéfice simple de plus de 2.0000 liv. de rente, à la nomination de l’Abbé de Clugny. Le Prieur de la Charité est Seigneur temporel & spirituel de la ville. C’est, entre tous les Bénéfices de France, un de ceux qui a de plus belles nominations.

CHARITÈS (prononcez Carites.) Les trois Charites, les trois Grâces. Divinités fabuleuses de l’Antiquité. Charis, Charites, Gratiæ. Le mot grec Χάριτες signifie joie, pour marquer que nous devons nous faire un plaisir de rendre de bons offices, & de reconnoître ceux qu’on nous rend. Voyez Graces, en Mythologie.

CHARITON. s. m. Nom d’homme. Charito. Il y a deux Saints Charitons ; l’un Martyr, qui étoit d’Icone en Lycaonie, & qui souffrit sous l’empire d’Aurélien ; l’autre Moine & Fondateur des Laures. Voyez ce mot. De-là vient qu’on appelle Moines de S. Chariton, les Religieux qui habitoient ces Laures, & dont ce Saint fut l’Instituteur,

CHARIVARI. s. m. Bruit confus que font des gens du peuple avec des poëles, des bassins & des chaudrons, pour faire injure à quelqu’un. Nocturnæ vociferationes & vasorum æneorum pulsationes. On fait les charivaris, en dérision des gens d’un âge fort inégal qui se marient. On les faisoit aussi à ceux qui passoient à de secondes & à de troisièmes noces. Ces tumultes furent deffendus par le Concile de Tours, sous peine d’excommunication. Ils ont été prohibés depuis par différens réglemens.

Nicot dérive ce mot du grec καρηϐαρία, qui signifie pesanteur de tête, provenant de trop boire, ou d’entendre trop de bruit, ou d’autre cause ; Borel, du verbe grec καρηϐαρέω, c’est-à-dire, je romps la tête. Du Cange le dérive de cari, cari, qui est un cri que font les Picards de Boulogne ou de Calais, pour soulever le peuple contre les injustes exactions qu’on veut faire sur eux ; &, comme le bruit est grand & tumultueux, & que les Picards prononcent ca, ce qu’ailleurs on prononce chao, on a appelé charivari le grand bruit que faisoient des masques ou des personnes déguisées, pour faire insulte à quelqu’un. Scaliger le dérive de chalybarium, à cause que ce bruit se fait en frappant des vaisseaux d’airain. Voyez Éveillon, Traité des Excommunications. Voyez encore les Arrêts rapportés par Guy Basset, Titre des Injures VI, l. 10. Le P. Lobineau dit charivari ou chevalet ; apparemment qu’on dit indifféremment l’un & l’autre en Bretagne. Hist. de Brit. Tom. I, L. XXII, p. 847.

Charivari se dit figurément, d’un bruit confus, des querelles, des crieries entre petites gens. Turbæ, tumultus. Le mari & la femme se battent souvent, c’est un étrange charivari.

Charivari se dit aussi ironiquement, d’une mauvaise musique. Insulsa musica. Ce Musicien a fait un concert, qui étoit plutôt un charivari.

Charivari, Terme de jeu, se dit, à l’ombre à trois, d’un hasard qui consiste à porter les quatre dames. On reçoit pour ce jeu de chacun une fiche, si l’on gagne : on la paye à chaque Joueur, si l’on perd.

☞ CHARLATAN. s. m. Empyrique, vendeur de drogues, qui, monté sur des trétaux dans une place publique, distribue au petit peuple, qu’il amuse par des bouffonneries, son orviétan & autres remèdes, auxquels il attribue des propriétés merveilleuses. Circulator, circumforaneus pharmacopola. Comme il y a des charlatans dans tous les états, on appelle généralement charlatans ceux qui cherchent à se faire valoir eux-mêmes, ou à donner du prix aux choses qui leur appartiennent, par des qualités simulées.

☞ C’est ainsi qu’on appelle Charlatan un Médecin qui se vante de guérir toutes sortes de maladies.

Ce mot vient de l’italien Ceretano, qui a été fait de Cæretum, qui est un bourg proche de Spolète en Italie, d’où sont venus premièrement ces fourbes qui courent de ville en ville, comme dit Calepin. Ménage le dérive de circulatanus, qu’il croit qu’on, a dit pour circulator.

Charlatan signifie aussi trompeur, engeôleur, celui qui veut tromper quelqu’un par des flateries & des fanfaronnades, pour en tirer avantage. Præstigiator, callidus assensator. Il se dit aussi d’un hypocrite, d’un faux dévot, Probitratis ac pietatis simulator. Mais en tous ces sens figurés il est du style simple, familier & comique. Il en est de même de charlataner, & de charlatanerie qui suivent.

Le monde n’a jamais manqué de charlatans. La Font.

Que l’Eglise est fertile en dévots Empyriques !
Que de saints Charlatans ! S. Evrem.

Enfin je ne vois rien qui soit plus odieux,
Que ces francs Charlatans, que ces dévots de place,
De qui la sacrilége & trompeuse grimace, &c. Mol.

CHARLATANER. v. a. Cajoler quelqu’un pour le tromper. Ce jeune homme a tant charlatané ce vieillard, qu’il a trouvé le moyen de lui attraper sa bourse.

☞ CHARLATANERIE. s. f. Titré que l’on donne aux Charlatans. Voyez ce mot.

Charlatanerie se dit aussi des promesses spécieuses, des insinuations artificieuses d’une chose qui est préjudiciable à celui qui l’écoute. Callida assentatio, artificiosa oratio, præstigia. Tout ce que dit cet homme est pure charlatanerie.

CHARLATANESQUE. adj. de Charlatan. Amuser les malades par l’usage des eaux inutiles, & d’autres remèdes charlatanesques. Merc. Septembre 1718.

CHARLATANISME. s. m. Manière d’agir, menées d’un Charlatan, d’un trompeur, caractère d’un Charlatan. Fallacia, fraus, artes, circulatoria jactatio.

Mais le Public rebelle,
Examinant votre petit héros
Sur son mérite, & non sur vos grands mots,
Dévoile enfin tout son charlatanisme. Rouss. Ep. VII.

Le manège des hommes, dans presque toutes leurs opérations, n’est qu’un pur charlatanisme.

CHARLEMAGNE. s. m. Carolus Magnus. Premier Empereur d’Occident, depuis le rétablissement de l’Empire, & un des plus grands Rois que la France ait eu. Charlemagne étoit maître de toutes les Gaules, d’une partie de l’Espagne, de la plus grande partie de l’Italie ; il étendit sa domination jusqu’en Saxe, & aux frontières de Hongrie. Charlemagne étoit grand & bien fait, pieux & zélé pour la Religion, sage & vaillant. Il étoit fils de Pepin, il s’appeloit Charles, qui s’écrit Carl ou Karl, dans la langue tudesque. Ses actions héroïques lui firent donner le nom de Grand, Magnus, d’où l’on a formé le nom de Charlemagne, qui est composé d’un mot tudesque & d’un mot latin, auxquels on a donné la terminaison françoise. Le Père Mabillon a observé que Charlemagne écrivoit toujours son nom de Charles, par un C, & que quelque temps après, les Princes qui le suivirent écrivirent leur nom de Charles par un K. Karolus, au lieu de Carolus.

CHARLEMONT. Carolomontium. Il y a deux villes de ce nom ; l’une en Irlande dans l’Ultonie, sur la rivière de Blackwater dans le comté d’Armach, & l’autre aux Pays-Bas dans le comté de Namur, sur une montagne dont la Meuse baigne le pié. Charlemont est aujourd’hui à la France. Il fut bâti par les Impériaux vers l’an 1555, & nommé ainsi de Charles-Quint. Larrey.

CHARLEROY. Caroloregium. Ville & forteresse des Pays-Bas dans le comté de Namur, sur la Sambre. Charleroy n’étoit qu’un village nommé Charnoy. En 1666 les Espagnols le fortifièrent, & lui donnèrent le nom de leur Roi Charles II.

CHARLES. s. m. Nom d’homme. Carolus. Ce mot est de la langue des Francs ou François, & il paroît que c’est eux qui l’ont apporté dans les Gaules, mais on ne sait ce qu’il signifioit en leur langue. Depuis Charles Martel & Charlemagne son petit-fils, ce nom est devenu commun, non-seulement en France, mais dans les autres pays de l’Europe. Il ne paroît pas qu’il le fût tant avant ce temps-là, il ne faut jamais prononcer l’s que l’on met à la fin, même quand il suit une voyelle. Ainsi l’on dit : Charle animoit ses troupes, & non pas Charle-s-animoit ses troupes. Charles s’est formé de Carolus, que l’on écrivoit par un K sous la seconde race après Charlemagne, Karolus.

☞ CHARLES-TOWN, Ville de l’Amérique Angloise dans la Caroline, près du cap Fear. Le Gouverneur y fait sa résidence.

Charles-Town. Ville de l’Amérique dans l’île des Barbades, sur la côte septentrionale. On l’appelle aussi Ollines.

CHARLEVAL. Bourg & Prieuré du Vexin. Voyez Noyon-sur-andéle.

CHARLE-VILLE, Petite ville de France dans le Rétélois, située sur la Meuse. Carolopolis. C’étoit un village qui portoit le nom d’Arches ; Charles de Gonzague, Duc de Nevers & de Mantoue, y fit bâtir une ville en 1609, & lui donna son nom. Les Ducs de Mantoue en étoient Souverains.

CHARLIEN, pour Carlovingien. Du Tillet, P. I, pag. 38, & Bardin, dans son Grand-Chambellan de France, disent Charliens pour Carlovingiens. La lignée des Charliens, la race des Charliens. Aujourd’hui il tant dire Carlovingiens Voyez ce mot.

☞ CHARLIEU, ou Cherlieu. Carilocus ou Carolilocus. Petite ville de France au diocèse de Mâcon, près la Loire, sur les frontières de Bourgogne & du Beaujolois.

CHARLOT. s. m. Ce mot est bas & populaire : c’est un diminutif de Charles. On appelle Charlot un petit garçon qui s’appelle Charles, On prononce Charlo. Carolus, Caroletus.

CHARLOTTE. s. f. Nom de femme. Carola. Ce nem se donne aux femmes, qui ont eu au baptême le nom de S. Charles. Car il n’y a rien, que l’on sache, de sainte Charlotte. Ce terme n’est pas bas & populaire comme celui de Charlot : On le donne non-seulement parmi le Peuple & aux jeunes filles, mais toujours, & à toutes les femmes qui ont saint Charles pour patron, de quelqu’âge & de quelque condition qu’elles soient. Charlotte de Bourbon, Reine de Chypre, fille de Jean de Bourbon, épousa Jean II, Roi de Chypre, dont elle eut Jean III, père d’une autre Charlotte, qui, chassée de ses États de Chypre par son frère bâtard, en fit donation à Charles, Duc de Savoie, son neveu. Il y a aussi des Charlottes de Savoie, de Bourbon de Montpensier, &c.

☞ CHARMANT, ANTE. adj. Ce terme est employé, non-seulement pour marquer l’impression que font sur le cœur les agrémens du sexe ; mais il se dit encore de tout ce qui plaît par son propre mérite. Femme charmante, séjour charmant, saison charmante. Eximius, admirabilis : c’est en général ce qui fait une forte impression sur nous, à laquelle il est difficile de résister.

☞ Une chose est charmante, quand, par son propre mérite, par les choses qui l’accompagnent, elle plaît extraordinairement. Cette femme a toutes les manières charmantes. Cette maison de plaisance est un séjour charmant. Il y a une éloquence mâle & vigoureuse, comme il y en a une agréable & charmante. P. Rap.

Bérénice est charmante, & de si belles mains
Sembloient vous demander l’empire des humains. Racine.

Mais si vous condamnez l’aveu que je vous fais,
Vous devez vous en prendre à vos charmans attraits. Mol.

Il est des maris si charmans,
Qu’ils peuvent être époux sans cesser d’être amans. Vill.

☞ CHARME. s. m. Cantio, carmen, incantamentum. C’est ce qu’on suppose superstitieusement fait par art magique, pour arrêter les effets ordinaires & naturels des causes. Les vieux contes disent qu’il y a un charme pour empêcher l’effet des armes, & rendre invulnérable. Faire un charme, des charmes. Porter un charme sur soi. Rompre, ôter, lever un charme. Les Poëtes, tant anciens que modernes, ont fondé la plûpart de leurs fictions sur les charmes & les enchantemens. Arioste, Amadis, nos Contes des Fées, sont pleins de charmes.

Charme se dit des choses insensibles ; enchantement des êtres intelligens. Des armes sont charmées. Une personne est enchantée. Voyez Enchantement, Enchanté. Voyez aussi Sort.

Ce mot vient de Carmina. Ménage, Voyez Enchantement, Sort.

Charmes. s. m. pl. Ce mot, dans le sens figuré, signifie un je ne sais quoi, qui, dans une femme ou dans un autre objet, nous plaît, & fait impression sur notre cœur. Les charmes & les attraits ont quelque chose de plus naturel que les appas. Il y a quelque chose de plus fort & de plus extraordinaire dans les charmes que dans les attraits & les appas. Il est presqu’impossible de résister aux charmes d’une beauté. Les charmes viennent de ces grâces singulières que la nature donne comme un présent rare & précieux, & qui sont des biens particuliers & personnels. Les charmes n’ont plus d’effet, lorsque le temps & l’habitude les ont rendus trop familiers, ou en ont usé le goût.

☞ C’est ordinairement par les brillans attraits de la beauté que le cœur se laisse attaquer ; ensuite les appas étalés à propos, achèvent de le soumettre à l’empire de l’amour ; mais s’il ne trouve des charmes secrets, la chaîne n’est pas de longue durée. Voyez Attraits & Appas.

☞ Le mot de charmes est non-seulement employé pour marquer le pouvoir de la beauté & des agrémens du sexe ; mais il l’est encore à l’égard de tout ce qui plaît. La Musique & la Poësie ont des charmes pour certaines personnes. Les charmes du plaisir ; mais il faut remarquer que dans ce cas le mot de charmes ne s’applique qu’aux choses qui sont, ou qu’on suppose être aimables en elles-mêmes, & par leur mérite. Il n’en est pas ainsi du mot appas. Le plaisir a des charmes qui le font rechercher par-tout, dans la vie retirée, comme dans le grand monde, dans l’école même de la mortification.

☞ On dit d’invincibles charmes. La gloire a des charmes invincibles pour les cœurs ambitieux. Les charmes ne deviennent véritablement invincibles, que par la solidité du mérite & la force du goût.

☞ Ce mot s’emploie aussi au singulier dans cette dernière signification, quoiqu’assez rarement. La nouveauté a un charme dont on se défend malaisement. S. Évr.

☞ CHARME. s. m. Carpinus. Arbre de haute tige, qui pousse des branches dès la racine & qui sert ordinairement à faire des palissades. Son tronc est médiocrement gros. Son écorce est bise, son bois dur, compacte & blanchâtre. Ses feuilles sont assez semblables à celles de l’orme ordinaire : mais elles sont un peu plus étroites, lisses des deux côtés, de couleur vert-gai en dessus, dentelées sur les bords, & comme épineuses. Au Printemps les branches sont chargées de chatons, longs de deux pouces environ, composées de plusieurs écorces couvertes en dessous d’étamines jaunes. Ses fleurs sont stériles : les fruits viennent dans des épis séparés, qui naissent cependant sur la même branche. Ces épis sont des festons longs comme le doigt, formés de feuilles roussâtres, entre lesquelles sont contenues des fruits pyramidaux, de quatre à cinq lignes de largeur à leur base, cannelés dans leur longueur, aplatis, ligneux, garnis d’une petite couronne. Ils renferment chacun une graine oblongue. Le charme sert à faire des aissieux & des formes. Le charme qu’on met en palissade s’appelle charmille.

☞ CHARMER. v. a. Produire un effet extraordinaire sur quelque chose, ou sur quelque personne par charme, par un prétendu art magique. On dit que les sorciers charment les armes, les empêchent de tirer. On dit mille autres choses ridicules de cette espèce. L’Ordonnance des Eaux & forêts défend de charmer les arbres, c’est-à-dire, de les faire mourir malicieusement.

☞ Ce mot vient du latin carminare, ou carminibus incantare.

Charmer, se dit dans un sens figuré pour, plaire extrêmement. Ce n’est pas ravir en admiration, comme disent les Vocabulistes, d’après l’Académie ; c’est faire une impression très-forte sur le cœur, se faire rechercher par un mérite réel ou prétendu. Allicere se ad se, illicere. Cette femme charme tous ceux qui la regardent. Cette musique m’a charmé. L’éloquence de Cicéron charme & le fait aimer : celle de Demostène frappe, étonne & se fait obéir. P. Rap. Charmé de ses vertus éminentes, je m’affectionnai sans y penser à sa réputation & à sa gloire. Flech. La vraie éloquence n’éclate jamais par des couleurs empruntées ; c’est par les traits de sa beauté naturelle qu’elle charme & qu’elle persuade.

☞ On dit encore au figuré, charmer la douleur, charmer l’ennui, en suspendre le sentiment, le diminuer. Delinire, mollire, sedare dolorem, tristitiam. Charmer les ennuis d’une longue nuit. Spatiosam fallere noctem. Il faut se faire des plaisirs par lesquels on puisse charmer les ennuis de la solitude. La Poësie, en délassant l’esprit, charme les chagrins de l’ame par son harmonie, & par toutes les grâces de l’expression. P. Rap.

☞ CHARMÉ, ÉE. part. Il a les significations du verbe. Fusil charmé, dont on arrête l’effet naturel par une opération prétendue magique, par certaines compositions accompagnées de paroles. Ce qu’on appelle proprement charme.

☞ Arbres charmés, en termes d’Eaux & forêts, sont des arbres qu’on a cernés ou creusés, ou auxquels on a fait quelqu’autre chose pour les faire périr.

CHARMEUR. s. m. Sorcier qui a la vertu ou la réputation de charmer. Magus, veneficus. Il n’est pas d’usage.

CHARMEUSE, se dit en burlesque d’une femme qui se fait aimer. Mulier illecebrosa. Corneille s’en est servi dans l’Illusion comique. Juge alors quel désordre aux yeux de ma charmeuse, &c. Corneille ne l’a pas mis à la mode.

CHARMIE. s. f. Ce mot, qui n’est plus en usage, veut dire chemise. Indusium, tunica interior.

CHARMILLE. s. f. C’est du plant de charme qu’ont élève, pour faire des palissades. On donne aussi ce nom aux pallissades mêmes qui sont plantés de charme. Carpinea virgulta. Il a acheté un milier de charmille. Votre charmille borde agréablement ces allées.

CHARMOYE, ou CHARMOIE. s. f. Mot dont on se sert pour signifier un lieu planté de charmes. Carpinetum.

CHARNAGE. s. m. Temps où il est permis de manger de la chair, temps opposé aux jours d’abstinence. Tempus quo vesci carnibus licitum est. Terme populaire.

Charnage, se dit aussi en fait de dîmes. Decimæ carnariæ. Cet Abbé a les dîmes des lainages & charnages, c’est-à-dire, des toisons, des moutons, des agneaux, des cochons, &c. On a appelé en latin carnatum de porcis, la dîme des cochons.

CHARNAIGRES, en termes de Chasse, est une espèce de chiens métifs, ou chiens courans, qui chassent de gueule, qui rident, qui forcent les lapins dans les broussailles. Voyez Lévrier.

☞ CHARNEL, ELLE. adj. Qui appartient à la chair, qui a rapport à la chair. Carnalis. On ne le dit guère que dans ces phrases. Appétit charnel. Plaisir charnel. En style de Pratique, copulation charnelle. S. François se rouloit dans la neige pendant les accès de sa convoitise, pour résister aux tentations de la volupté charnelle.

☞ CHARNEL, s’est dit autrefois pour parent, qui tient à quelqu’un par les liens du sang, de la chair.

☞ Charnel, se dit aussi par opposition à spirituel. Homme charnel, sensuel, qui est plus attaché aux choses mondaines & terrestres, ou aux plaisirs du corps, qu’à ceux de l’esprit. Voluptius, rebus quæ sensibus percipiuntur ; quæ sub sensus cadunt, serviens, deditus, voluptatibus deditus. Les hommes charnels & sensuels ne goûtent point les choses de la Religion. Les Juifs charnels n’avoient qu’un amour servile & mercenaire ; ils n’aimoient Dieu que pour la fertilité de la terre de Chanaan. Fenel. Parmi cette multitude d’hommes charnels qui remplissent l’Eglise visible, il est impossible qu’on n’y voie des exemples de tous les déréglemens des hommes. Port.-R. Le joug des cérémonies de la Loi Mosaïque contribuoit à détacher les Israëlites du culte charnel de la Loi. Cl.

CHARNELLEMENT. adv. D’une manière charnelle. Impurè, libidinosè. Il a eu affaire charnellement avec cette fille. Style du Barreau. Rem habere cum aliquâ. On dit figurément, vous ne considérez les choses que charnellement, c’est-à-dire, selon que les sens les représentent, ou par rapport à des vues mondaines & temporelles. Quantùm sub sensus res cadunt, sensibus percipiuntur ; pro sensuum judicio.

☞ CHARNEUX, EUSE. adj. Terme de Médecine, qui désigne des parties composées principalement de chair, comme les joues, les fesses, & en général tous les muscles. carneus. Le cœur est une partie charneuse. On le dit par opposition aux parties osseuses.

Charneux, carneus, & Charnu, carnosus, carnulentus, ne sont point synonymes. Charneux, qui est composé principalement de chair. Charnu, qui est bien en chair, bien fourni de chair.

☞ CHARNIER. s. m. Endroit couvert auprès ou autour des Eglises paroissiales, où l’on met les os des morts. Ossium conditorium. Les charniers des Innocens, des Saints Innocens, populairement de Saint Innocent. Il y avoit autrefois de ces sortes de charniers auprès des Eglises paroissiales.

☞ Aujourd’hui on appelle charnier, une gallerie qui règne ordinairement autour des Eglises paroissiales, & attachée à l’Eglise, où l’on donne la Communion aux Paroissiens les jours de grandes têtes.

Charnier, signifie encore le lieu dans une maison destiné à garder les chairs salées. Carnarium. C’est de ce mot, qui est dans Plaute en la même signification, que vient celui d’acharner.

Charnier, signifie aussi des bottes d’échalas pour mettre dans les vignes. Pedaminum fasciculus. Le bon charnier doit être fait de cœur de chêne.

Ce mot vient de carnarium, comme chair, de caro.

Charniers, se dit en termes de Marine, des barriques dans lesquelles on met l’eau que l’équipage doit boire chaque jour.

☞ CHARNIÈRE. s. f. Terme de Faiseurs d’instrumens. Endroit par lequel les parties d’un instrument sont assemblées. C’est une fente simple, ou double, qu’on fait aux extrémités supérieures des jambes d’un compas, d’une fausse équerre & autres instrumens, pour les enclaver & les assembler l’une avec l’autre par le moyen d’un clou rivé, sur lequel elles sont mobiles. Commissura, verticulus. La justesse des instrumens de Mathématique dépend d’avoir des charnières bien faites. En général on appelle charnière, deux pièces de fer, de laiton ou d’autre métal, qui s’enclavent & entrent l’une dans l’autre, & qui étant percées, se joignent ensemble avec une rivure qui les traverse ; ensorte qu’elles peuvent se mouvoir en rond, sans se séparer, tournant sur un même centre. En ce sens on le dit en parlant de tabatières & d’étuis, &c.

Charnière, est aussi un outil servant à ceux qui gravent sur des pierres dures. Cælum. Il est fait en manière de virole, & sert à enlever les pièces.

Charnière. Cardo. Terme de Conchyliologie. C’est la jonction d’un coquillage bivalve, ou plûtôt l’endroit où les deux parties de ce coquillage tiennent l’un à l’autre. Les univalves n’ont point de charnière.

On a appellé autrefois charnière, une fauconnière où le Fauconnier porte son leurre, & la chair dont il l’acharne. L’Empereur Frédéric II, en son livre de Vénerie, l’appelle Carnaria.

Il se dit aussi d’une poche de gros rézeau où les Chasseurs mettent leur gibier. Il est revenu de la chasse avec quatre bonnes pièces de gibier dans sa charnière.

En ce sens ce mot vient de chair ; & cette poche s’appelle aussi carnassière.

☞ CHARNON. s. m. terme de Bijoutier. Espèce d’anneau soudé, ou au dessus, ou au-dessous d’un bijou, en forme de boîte. C’est l’ensemble des charnons qui forme la charnière. Il y a aussi des charnons en serrurerie.

☞ CHARNU, UE. adj. Plein de chair, bien en chair, carnosus, carnulentus. Corps charnu. Perdrix charnue. Cette poularde a l’estomac bien charnu.

☞ On le dit non-seulement des hommes & des animaux, mais encore des fruits, à la pulpe desquels on donne le nom de chair. Fruit charnu. Pulposus. Ces pruneaux sont bien charnus.

Charnu. Terme de Botanique. Une plante charnue, est une plante dont la racine est grosse & d’une substance moëlleuse, d’où il sort peu de fibres qui l’attachent à la terre ; comme les raves, les bettes, &c. Carnosus. Ce mot se dit encore des feuilles de quelques plantes, comme de celles de plusieurs sortes de joubarbe, qui sont formées d’une pulpe succulente, & qu’on appelle ordinairement grasse. Carnosum folium.

☞ CHARNURE. s. f. Terme relatif aux parties charnues, considerées selon les différentes qualités qu’elles peuvent avoir. Caro. On ne le dit que des personnes. Cette femme a la charnure ferme, molle.

☞ On le dit ordinairement pour désigner la peau. Il a une belle, une vilaine charnure. Il avoit le corps robuste, ramassé, & d’une belle charnure. Vaug.

CHAROGNE. s. f. Corps d’un animal mort infect & corrompu. Cadaver. Les chefs des Stoïciens ont cru qu’il n’y avoit point de mal à se servir de notre charogne, & de s’en nourrir. Mont. On dit d’une chose bien infectée, qu’elle est puante comme une charogne.

Ce mot vient du grec χαρώνεια, qui se dit des lieux qui exhalent de mauvaises odeurs, comme font les bêtes mortes. Ménage.

On dit figurément du corps humain, pour le ravaler au-dessous de l’esprit, qu’il ne faut pas le traiter délicatement, que ce n’est qu’une charogne. On dit aussi que l’ame noircie de péchés, & qui croupit dans l’ordure, n’est qu’une puante charogne. On dit communément d’une personne dont il s’exhale une mauvaise odeur, que c’est une charogne ; ou proverbialement, qu’il pue comme charogne. Tout cela est du style populaire. Ce mot réveille une idée dégoûtante.

CHAROLLES. Ville de France, capitale du Comté de Charolois en Bourgogne, à dix lieues d’Autun. Caroliæ.

CHAROLOIS. Carolesium ; & dans Vigenère, Ambarri. Pays du Duché de Bourgogne, qui a pour bornes le Mâconnois au levant & au midi ; au couchant le Bourbonnois, dont il est séparé par la Loire ; & le Châlonnois au septentrion. Charolles qui en est la capitale, lui a donné son nom. Le Charolois étoit possédé par les Rois d’Espagne, sous la souveraineté des Rois de France. A la paix des Pyrénées, ils le cédèrent au Prince de Condé, en payement des sommes qu’ils lui devoient.

Quelques-uns ont dit Charolois, oise, pour habitant du Charolois. Carolesius.

CHARON. s. m. Prononcez Caron. C’est dans la Fable le nom du Nautonnier des Enfers. Charon. Quelques-uns en font un Dieu fils de l’Erèbe & de la Nuit : Hesiode n’en parle point dans sa Théogonie, dans laquelle, v. 124, il ne donne que deux enfans à l’Erèbe & à la Nuit, qui sont l’Æther & le Jour. Les Poëtes feignoient que les ames des morts se rendoient sur les bords du Styx ; que là Charon passoit celles qui le payoient ; & qui avoient eu les honneurs de la sépulture, & laissoit les autres errer cent ans sur les bords du lac, après quoi il les passoit aussi. ☞ Ce droit de péage qu’on payoit à Charon étoit taxé à une obole. On mettoit cette pièce dans la bouche des morts. Elle s’appeloit naulé, & ce tribut dinaque. Naulum. Cette coutume étoit générale chez les Grecs & chez les Romains. On y ajoutoit quelquefois un certificat de vie & de mœurs, qui étoit délivré par le Prêtre du lieu. Pontifex. On le dépeint comme un vieillard mal propre, fort grossier & fort rude. Voyez les élégantes descriptions qu’en ont fait Virgile, Enéide, liv. VI, v. 298 ; Senèque, dans son Hercule furieux, Act. III, II, v. 763. Euripide en parle aussi dans son Alceste, mais il ne le décrit point. Diodore de Sicile, Liv. I, ch. 92, dit qu’Orphée ayant remarqué qu’en Egypte il y avoit une ville où l’on passoit les corps morts dans une barque sur un grand lac pour les aller enterrer de l’autre côté du lac, il fit de cela la fable de Charon, qu’il débita en Grèce. Peut-être que cette fable ne vient que de Memphis, où l’on passoit les corps morts sur le Nil, pour aller les enterrer du côté où sont les pyramides. Diodore ajoûte que Charon signifioit en égyptien, Nautonnier ou Batelier. D’autres disent qu’il fut appelé Charon par antiphrase de χαίρω, gaudeo, je me réjouis, pour ἀχάρων, facheux, désagréable, triste. Vigenère traite de cette fable sur Tite-Live, Tom. I, pag. 850 & 851. Dans le 4e, le 10e, le 23e dialogue des Morts de Lucien, & dans celui qui est intitulé Charon, sive Contemplantes, Charon joue de plaisans rôles. La Scène de Charon dans le quatrième acte de l’Alceste de Quinault, est fort belle.

La pitié n’est point ici bas,
Et Charon ne fait point de grace. Quinault.

Il m’importe peu que l’on crie,
Helas ! Charon, helas ! helas !
Il faut encore payer au-delà du trépas Id.

Vossius, De Idolol. Lib. II, cap. 57, à la fin croit que Charon est le même Dieu que le Mercure infernal ; & que ce nom Charon, vient de l’hébreu חרון, colère ; qu’il lui fut donné, parce qu’il étoit le Ministre de la colère divine. De sorte que Charon signifie proprement un mauvais Ange, dont l’office est de conduire les ames criminelles au lieu du supplice.

Charon, est aussi un nom d’homme que deux anciens Historiens ont porté, l’un de Lampsaque, & l’autre de Carthage.

CHARONIENNE. adj. f. Epithète que l’on donne à quelques grottes que l’on trouve en Italie & dans quelques autres parties du monde, dans lesquelles l’air est tellement chargé de vapeurs venimeuses, que les animaux ne sauroient y vivre un seul instant. Χαρώνεια. Dict. de James.

CHAROSTIER. adj. Vieux mot, carnassier.

CHAROTE. C’est un panier fait en façon de hotte ou de buffet, dans lequel les preneurs de pluviers mettent leurs entes & les oiseaux qu’ils ont pris, pour les transporter.

CHAROUX. Ville de France dans le Poitou, près de la Charente. Carrosium.

CHARPENTE. s. f. Gros bois propre aux grandes constructions de maisons, de bateaux, de navires, taillé & équarri. Materiara structura, materatio, materiatura. Ce Marchand ne fait trafic que de bois de charpente. On le dit aussi du gros bois taillé & assemblé. La charpente de cette maison a tant coûte.

Charpente, se dit aussi de tout le bois assemble qui soutient la couverture d’un édifice. La charpente de plusieurs Eglises de France est de bois de châtaignier. On le dit aussi de l’art d’assembler le bois pour en faire un ouvrage de charpente. Maisons dont la charpente ne vaut rien. Ædes malè materiatæ.

Charpente, se dit figurément & élégamment de la tissure de quelques corps naturels. Textura, contextura, compago. La charpente des ouies qui servent de poumons aux poissons, est composée de quatre côtes de chaque côté, qui se meuvent tant sur elles-mêmes en s’ouvrant & se resserrant, qu’à l’égard de leurs deux appuis supérieur & inférieur, en s’écartant l’un de l’autre, & en se rapprochant. Du Verney, Acad. des Sc. 1701. Mém. p. 224.

☞ La charpente osseuse du corps humain. Winslow. C’est l’assemblage & la disposition des os du corps de l’homme, & du corps des animaux.

CHARPENTER. v. a. Tailler, équarrir du bois de charpente pour le mettre en état d’être assemblé. Materiarium opus facere. Il n’est guère d’usage au propre.

On le dit aussi au figuré pour, couper, tailler mal-adroitement. Imperitè secare, incidere. Ce Chirurgien est ignorant, il a charpenté le bras de cet homme. Vous avez charpenté cette volaille. Il est du style familier.

Charpenté, ée. part.

CHARPENTERIE. s. f. Art qui enseigne à tailler & à assembler de grosses pièces de bois pour bâtir des maisons, & les couvrir ; pour construire des bateaux, des navires, faire des machines, &c. Ars materiaria, materiaria fabrica. Comme les maisons ne furent d’abord construites que de bois, l’art de Charpenterie est plus ancien que celui de Maçonnerie. ☞ Il entend bien la charpenterie. On le dit aussi comme un synonyme de charpente. La charpenterie de cette maison est belle, est bien faite. François Pyrard dit qu’aux Maldives la charpente est si ingénieusement travaillée, qu’elle tient sans clous & sans chevilles ; & qu’elle est si ferme, qu’on ne la peut désassembler sans en savoir l’artifice.

CHARPENTIER. s. m. Ouvrier qui taille & qui assemble la charpente. Materiarius, tignarius faber. Charpentier de maisons, Charpentier de vaisseaux. On l’a nommé autrefois Chapuis. On appelle aussi Charpentier le Maître qui entreprend & conduit un ouvrage de charpente.

Charpentier, en terme de Marine, s’appelle Maître de hache. Les métiers de Charpentier, Calfateur & Perceur de navire, peuvent être exercés par une même personne, suivant le titre 9 du liv. 2 de l’Ordonnance de la Marine. Le Charpentier du Roi portoit autrefois pour armoiries, deux haches adossées dans un écu.

Ce mot vient de carpentarius, qui a été fait de carpentum, qui signifie un char ; bien que ceux que nous nommons aujourd’hui Charpentiers fassent tout autre chose que les voitures appelées carpenta. Bollandistes. Act. SS. Mart. T. I, p. 589 B. & Ménage.

Charpentiers de la grande coignée. On distinguoît ainsi autrefois les Charpentiers d’avec les Menuisiers, qui se nommoient Charpentiers de la petite coignée.

CHARPENTIER. Herbe aux Charpentiers. Barbarea. C’est une espèce sisymbrium, ou une plante qui pousse plusieurs tiges à la hauteur d’un pié & demi, branchues, creuses, portant des feuilles plus petites que celle de la rave, & ayant quelque ressemblance avec celles du cresson, de couleur verte, noirâtres, luisantes. Ses fleurs sont petites, jaunes, ayant chacune quatre feuilles disposées en croix. Il leur succède de petites gousses longues, rondes, tendres, qui contiennent des semences rougeâtres. Sa racine est oblongue, médiocrement grosse, & d’un goût âcre. Elle contient beaucoup de sel essentiel & d’huile. Elle est détersive & vulnéraire : son suc employé seul guérit promptement les blessures. Elle excite l’urine ; elle est fort bonne pour le scorbut, pour les maladies de la rate, & pour la colique néphrétique. On s’en sert intérieurement & extérieurement. Dict. de James.

Charpentier. Oiseau qui n’est pas plus gros qu’une alouette, qui se trouve dans l’île de S. Domingue. On l’appelle ainsi à cause de la force qu’il a de percer un palmiste jusqu’au cœur, pour en tirer la moëlle, dont il est plein. Quoique le bois de cet arbre soit si dur que les meilleurs instrumens rebroussent dessus, il ne lui faut qu’un jour pour cela. Son bec est pointu, & long d’un bon pouce. Il est du genre des piverts.

☞ CHARPIE. s. f. Il n’y a que le peuple qui dise charpi & charpis. Tente qu’on met dans une plaie ; amas de petits filets ou filamens, tirés d’une toile usée qu’on dépèce. Linamentum. La charpie sert pour le pansement des plaies. On en met dans les plaies, dans les ulcères. On fait provision de charpie pour les hôpitaux à l’armée.

Ce mot vient de carpia, ou carpita, qui se trouve dans les Gloses, qui a été dit à carpendo. Mén.

On dit figurément d’une viande trop cuite, & qui à force de bouillir, est comme réduite en filets, qu’elle est toute en charpie.

CHARPIR. Vieux mot, signifioit autrefois, faire de la charpie, effiler la vieille toile. Telam filatim dissolvere. D’où on a fait son composé décharpir, qui se dit quelquefois en parlant des gens qui se battent, qu’on a de la peine à séparer.

Nous trouvons encore aujourd’hui charpir, & même employé figurément pour déchirer, mettre en petites pièces. Lacerare, discerpere. Un sel âcre venant à se développer & à être mis dans un grand mouvement, déchire par sa superficie hérissée les globules sulfureux du sang, & en dégage des sels, qui, venant à se dissoudre dans la sérosité du sang, achèvent de les déchirer, &, pour ainsi dire, de charpir ces mêmes soufres. Jour. des Sç. 1718, p. 373. Un Médecin a dit depuis peu charpir, pour, inciser, diviser. Incidire, dividere, dissolvere. Ces parties sulfureuses & métalliques (des miasmes pestilentiels) qui formoient de petits corps unis, ne forment plus que des corps hérissés, à l’occasion de l’écartement de leurs parties oblongues, rameuses & crochues, capables de trancher, diviser & déchirer, suivant les différens mouvemens donc ils seront agités ; & par conséquent très-propres à charpir ou diviser les parties balsamiques du sang des animaux. Lorin. On peut abandonner ce terme aux Médecins.

CHARRÉE. s. f. Cendre qui reste sur le cuvier quand on a coulé sa lessive. Lexivus cinis, & non pas lexivius, qui se trouvoit dans la dernière édition ; faute qui vient d’être copiée par les Vocabulistes. Prononcez charée. La charrée est bonne au pié des arbres. Elle fortifie les terres fortes.

Charrée, est aussi le nom d’un insecte aquatique, espèce de petite chenille, de couleur de charrée ou cendre lessivée, qui a six pattes de chaque côté, avec lesquelles il marche sur l’eau. Cet animal se fait une enveloppe autour du corps avec de petits brins d’herbe ou fétus collés ensemble, par le moyen d’une humeur visqueuse qui sort de sa bouche. Les truites aiment beaucoup les charrées, & elles servent d’appas pour prendre plusieurs poissons.

CHARRETÉE. s. f. Ce que peut contenir, ou ce que peut porter une charrette. Vehes, vehis, plaustri onus. La corde de bois contient deux charretées ou voies de Paris.

☞ CHARRETIER. s. m. CHARRETIÈRE. s. f. & non pas CHARTIER, CHARTIÈRE. Celui ou celle qui conduit une charrette, un chariot. Carri, plaustri ductor, auriga. On trouve aussi carrucarius. La Police défend aux Charretiers d’être montés sur leurs chevaux ; ils doivent conduire à pié leurs harnois, & ne point faire courir leurs chevaux dans les rues.

On dit proverbialement, il n’est si bon Charretier, qui ne verse ; pour dire, il n’y a point d’homme si habile qui ne fasse quelque faute. On dit aussi d’un grand jureur, il jure comme un Charretier embourbé. Charretier vient de carretiero, comme charrette de carretta.

Charretier, se dit aussi de celui qui mène une charrue. Acad. Fr.

Charretier. Terme d’Astronomie. C’est le nom d’une des constellations septentrionales, qu’on appelle autrement le Cocher. Auriga. Entre les étoiles dont cette constellation est composée, il y en a une de la première grandeur à son épaule gauche, qu’on appelle le bouc, ou la chèvre ; & une autre de la seconde grandeur dans l’épaule droite. Elles sont toutes deux de la nature de Mars & de Mercure. C’est la même chose qu’Erichton.

CHARRETIN ou CHARRETEIN, comme écrit Liger. Espèce de charrette sans ridelles, & dont les Bourguignons le servent, sur-tout pour charier du vin. Liger. Il paroît que ce mot n’est en usage qu’en Bourgogne ; ailleurs, on dit simplement charrette.

CHARRETTE. s. f. Sorte de voiture montée sur deux roues, & à deux timons, qui sert à transporter différentes choses. Carrus, plaustrum. Une charrette à mener du bois, du vin, de la pierre, &c. On mène les criminels au supplice dans une charrette. Les timons, les ridelles d’une charrette. Une charrette à gerbes est une grande charrette. Charrette à ridelles. Liger.

Ce mot vient de carrecta diminutif de carrus, comme charrue de carruca. Mén. On l’a appelée aussi carrecta ; & carrectarius charretier ; & carrecta, charretée. Du Cange. On trouve dans la basse latinité carrata, au même sens.

On appelle proverbialement un avaleur de charettes ferrées, un faux brave, un Capitan. C’est une phrase grecque qui se trouve dans Athénée & Xenophon.

CHARRIER. Voyez Charier.

Charrier. s. m. (La première syllabe est longue.) Pièce de grosse toile dans laquelle on met la cendre au-dessus du cuvier, quand on fait la lessive. Ce drap servira de charrier. Ac. Fr.

CHARRIOT. Voyez Chariot.

CHARROI. s. m. Conduite de voitures sur des roues, soit charette, charriot, coche, fourgon, &c. Vectio quæ carris, plaustris sit ; vectatio. Les partages des montagnes sont difficiles, on n’y sauroit aller par charroi ; on n’y peut mener le charroi ; on travaille à y faire un chemin de charroi. Payez-moi mes charrois, c’est-à-dire, ce que je vous ai charié. Liger, ou plutôt ce que vous me devez pour l’avoir charié. Il y a à la Cour des charges de Capitaine de charroi. On dit aussi charriage dans le même sens.

Il y a dans l’Artillerie un Capitaine général du charroi, & des Capitaines subalternes qui sont préposés à la conduite du charroi de l’Artillerie. Ils doivent visiter les chemins, & les faire mettre en tel état que l’équipage de l’Artillerie puisse passer par-tout commodément.

Charroi, se dit sur mer, d’une grande chaloupe relevée de deux targues de toile, pour porter la morue en Terre-Neuve. Exportatio in navigio.

Charroi, s’est dit autrefois pour char. Char de triomphe. Currus.

A donc il vit autour de ses charrois
D’un seul regard maints victorieux Rois. Marot.

CHARRON. s. m. Artisan qui fait les trains d’artillerie, de charettes, de chariots, de carosses. Plaustrorum, carrorum, curruum faber. On fait marcher force Charrons avec l’équipage de l’armée.

CHARRONAGE. s. m. Travail & ouvrage de Charron. Plaustrorum, carrorum fabrile opus. Il y a un tel fonds pour le charronage de tant de chariots.

Charronnage. (Bois de) est celui qu’emploient les Charrons, & particulièrement l’orme, qui sert à faire les moyeux des roues ; le chêne dont on fait les rais, &c. Lignum fabricandis curris ac plaustris idoneum. La plupart du bois de charronnage se vend en grume.

CHARROTS. Ville de France, dans le Berry, sur la rivière d’Arnon, entre Bourges & Issoudun. Charrottium, Carophium. Charrots est un Duché qui appartient à la Branche de Béthune-Charrots, & que le Roi érigea en Pairie l’an 1690. Voyez sur la Ville, Comté & Duché de Charrots, & sur l’ancienne Maison de Charrots, l’Hist. de Berry par la Thaumassiere, Liv. IX, ch. 38 & 39. Aimon de Charrots est nommé en une Charte de Chezal Benoît, de l’an 1093 : c’est le premier de cette maison qui soit connu. Elle finit vers la fin du XIV, en Isabelle de Charrots, mariée à Eudes, Baron de Culant, qui n’eurent qu’un fils, qui mourut jeune.

☞ CHARROUX. Nom de deux Villes de France, l’une est en Poitou, à neuf lieues de Poitiers ; l’autre en Auvergne, à trois lieues de Gannat.

CHARRUAGE. s. m. Terme de Coutumes. On appelle en quelques endroits les terres labourables, charruages. Arva.

☞ On donnoit ce nom au droit que les Seigneurs levoient en Champagne sur leurs sujets, à raison des charrues.

CHARRUE. s. m. Instrument de Laboureur, composé d’un train monté sur deux roues, qui a un gros fer pointu & un autre tranchant, pour ouvrir & couper la terre, & y faire des sillons. Aratrum. Dans la basse latinité, on a dit, carruca, & carrucata. On y attèle des bœufs, des chevaux pour la tirer. Il étoit défendu par la Loi de Moise, d’atteler un bœuf & un âne à la charrue. Les Dictateurs de Rome se tiroient quelquefois de la charrue, & la reprenoient quand l’expédition étoit achevée, moins par choix d’une condition tranquille & innocente, que pour être accoutumés à une sorte de vie si inculte. S. Evr.

Et la postérité d’Alfane, ou de Baïar,
Sans respect des aïeux dont elle est descendue,
S’en va porter la malle, ou tirer la charrue. Boil.

Être à la charrue, c’est être actuellement ou habituellement occupé à labourer avec une charrue. Ainsi l’on dit en deux sens, il est à la charrue. Que fait ce valet chez vous ? Il est à la charrue, c’est à-dire, c’est lui qui conduit la charrue dans la saison ; & Maturin est à la charrue, c’est-à-dire, est actuellement dans un champ, qu’il laboure.

Ce mot vient de carruca, latin. Nicot. Quelques-uns le dérivent de aratellum, comme qui diroit, char propre pour arer. Ce mot arer se dit encore en termes de Marine, lorsque l’ancre ne tient pas ferme dans le sable, & qu’elle y fait des sillons.

On appelle une terre à une, deux ou trois charrues, quand elle a assez d’étendue pour occuper le labour de tant de charrues. Solum quo in arando, vel duo, vel tria aratra occupantur. Il est défendu aux Nobles de faire valoir par leurs mains des terres à plus de deux charrues. On l’appeloit autrefois carruée ou charruée. ☞ Dans ce sens, charrue est proprement l’étendue de terre que peut labourer par an une charrue.

Charrue de Jardin, est une machine composée de trois morceaux de bois enchâssés l’un dans l’autre, & d’un fer tranchant posé un peu de biais, pour mordre un pouce sur la superficie des allées. Cette machine est ordinairement traînée par un cheval, & sert à nettoyer les allées, à couper & à déraciner les herbes qui y naissent.

On dit proverbialement, mettre la charrue devant les bœufs ; pour dire, changer l’ordre naturel des choses, & mettre au commencement ce qui devoit être à la fin. On appelle un cheval de charrue, un homme grossier & stupide. On dit aussi, j’aimerois autant être à la charrue, tirer la charrue, en parlant d’un emploi fort pénible, fort laborieux. On appelle aussi une charrue mal attelée, ou une charrue à chiens, des gens qui sont liés par quelque société, & qui s’accordent mal ensemble.

CHARRUYER. Vieux mot. s. m. Qui charroie. Charretier. Carri ou plaustri ductor, ou plutôt, qui conduit la charrue, Laboureur. Arator, Agricola.

Ne les Princes ne sont pas dignes
Que les cœurs du ciel donnent signes
De leur mort, plus que d’un autre homme ;
Car leur corps ne vaut pas deux pommes
Envers le corps d’un Charruyer,
Ou d’un Clerc ou d’un Ecuyer. Rom. de la Rose.

CHARS. Petit canton du Vexin-François. Voyez la Descript. Geogr. & Hist. de la Haute Norm. tome 2, p. 240.

CHARTE. Voyez CHARTRE.

CHARTE. s. f. Se trouve dans nos anciens Poëtes, pour, lettre, épitre. Charta, epistola.

CHARTE-PARTIE. s. f. Terme de Marine. C’est l’acte d’affrétement sur l’Océan, ou de nolissement sur la Méditerrannée. C’est un écrit contenant la convention pour le louage d’un vaisseau, ou la lettre de facture, & le contrat de cargaison du vaisseau. Nauticæ rationis dividuum folium. Elle doit être rédigée par écrit, & passée entre les Marchands & le Maître ou les Propriétaires du bâtiment. Elle doit contenir le nom & le port du vaisseau, celui du Maître & de l’Affréteur, le prix du fret, & les autres conditions dont les parties seront convenues, comme il est porté par le Livre III de l’Ordonnance de la Marine. Dans cet acte, les Capitaines & les Officiers confessent avoir reçu un tel navire bien & dûement calfaté, étanché, victuaillé, munitioné & agréé pour un tel voyage. La charte-partie est distinguée d’avec le connoissement, parce que celle-là se fait pour l’entier affrètement du navire, & pour l’aller & pour le retour ; au lieu que le connoissement n’est fait que pour une partie de la charge, & se fait par une promesse particulière pour l’aller ou pour le retour seulement. Le Président Boyer dit que ce mot vient de ce que per medium carta incidebatur, & sic fiebat carta partita ; parce qu’au temps que les Notaires étoient moins communs, on n’expédioit qu’un acte de la convention qui servoit aux deux parties. On le coupoit en deux, pour en donner à chacune sa portion. Elles les rassembloient au retour pour connoître si elles avoient satisfait à leurs obligations. Ce qu’il atteste avoir vu pratiquer de son temps encore de même qu’en usoient les Romains dans leurs stipulations, au rapport d’Isidore, qui rompoient un bâton, dont chacun gardoit un morceau pour en conserver la marque.

CHARTIER. Voyez Charretier.

CHARTIL. s. m. Grande & longue charrette, dont les paysans se servent pour transporter leurs gerbes en la grange. Carrus longior. Il vaut mieux dire avec Richelet, charti ; & ce mot signifie proprement le corps de la charrette.

Chartil est aussi un lieu couvert dans une basse-cour, où l’on met à couvert les charrettes, charrues, herses, & autres choses servant au labour, Carrorum, plaustrorum receptaculum.

CHARTON. s. m. Vieux mot, qui signifioit autrefois un cocher, ou celui qui menoit un char, ou une charrette. Plaustri, vel currus ductor.

CHARTOPHYLAX. s. m. Nom d’Office dans l’Eglise de Constantinople. Chartophylax. Codin appelle le grand Chartophylax, le Juge de toutes les causes, & le bras droit du Patriarche ; & Balsamon, la bouche & les lèvres du Patriarche. Codin dit aussi qu’il étoit le dépositaire & le garde de toutes les Chartes qui regardoient les droits ecclésiastiques ; qu’il présidoit à la décision des causes matrimoniales, & qu’il étoit Juge des Clercs. Théodore Balsamon dédia son Commentaire sur les Canons à George Xiphilon… Théodore étoit né à Constantinople, & dès-lors Nomophylax & Chartophylax, c’est-à-dire, garde des Loix & des Chartes de Sainte-Sophie, & premier Prêtre des Blaquernes, mais il n’étoit pas encore Patriarche d’Antioche. Fleury. Leunclavius & d’autres se sont trompés, quand il le confondent avec le Chartulaire. C’étoient deux Offices fort différens, & le Chartulaire étoit bien au-dessous du Chartophylax. C’étoit le Chartophylax qui rédigeoit les sentences & les décisions du Patriarche, qui les signoit, & y apposoit le sceau. Il présidoit au grand Conseil du Patriarche, & connoissoit de toutes les causes & matières ecclésiastiques, tant du peuple que du Clergé & des Moines. Il avoit séance avant les Evêques. Dans certaines cérémonies il montoit le cheval du Patriarche ; il avoit sous lui douze Notaires à son service. Enfin, nulle autre dignité n’avoit tant de prérogatives & de si beaux droits. Le Garde-Charte, ou Chartophylax, étoit à Constantinople ce que le Bibliothécaire étoit à Rome. Il portoit les mêmes ornemens que les Ministres Ecclésiastiques, & en faisoit les fonctions. C’étoit lui qui présentoit au Patriarche tous les Evêques & les Clercs étrangers, toutes les lettres, tous ceux qui devoient être pourvus d’Evêchés, d’Abbayes, ou promus aux Ordres : tous devoient avoir son approbation. Fleury, qui a pris cela de Du Cange, qui l’a rapporté d’après Anastase, ad VIII Synod. Act. 2.

Quelques-uns écrivent Cartophylax. Ce mot, moitié latin & moitié grec, s’est formé à Constantinople depuis que l’Empire y eut été transporté, de χάρτα, fait du latin charta, & de φυλάσσω, custodio ; & signifie Garde-Chartes. C’étoit un Officier préposé à la garde des chartes & des actes. Il y en avoit un pour le Palais de l’Empereur, & un pour le Patriarche & pour l’Eglise, qui avoient encore chacun un nom particulier, comme il paroît dans Codin. Le Cartophylax du Palais s’appeloit Registrator ; celui qui tient les Registres & celui de l’Eglise, Scriniarius, celui qui a soin des papiers, des actes. Cependant on les confond souvent, à cause de la ressemblance de leurs fonctions.

CHARTRAIN, AINE. s. m. & f. & adj. Qui est de Chartres, ou du pays qui en dépend. Carnutensis Carnotensis. César ayant envoyé C. Fabius avec ses troupes vers Chartres, les Chartrains lui donnèrent des otages, & se rendirent. Aujourd’hui on ne se sert guère de ce mot que dans cette phrase. Le pays Chartrain. Carnuteus, Carnotensis ager. C’est le territoire de Chartres. Quelques-uns le prennent pour toute la Beauce propre.

CHARTRE, ou CHARTE. s. f. Titre expédié sous le scel d’un Prince, d’un Seigneur, d’une Eglise, d’un Chapitre, d’une communauté. Vieux titre ou enseignement qu’on garde soigneusement pour la conservation & la défense des droits d’un Etat, d’une Communauté, d’une Seigneurie. Veteres chartæ, membranæ. Le Trésor des Chartres du Roi est à la garde de son Procureur Général. Tabularium. On a fait l’inventaire du Trésor des Chartres en huit volumes. M. le Maître dit Charte, ☞ les uns disent Chartre, les autres Charte, & l’usage paroît assez partagé sur cet article. On dit l’un & l’autre dans les édits & ordonnances du Roi. Nonobstant Charte-Normande, ou Chartre-Normande. Il est parlé de ce Saint dans une Chartre, dit M. Patru. Vous pourrez vous détromper si vous prenez la peine de consulter les anciennes Chartres, dit M. Froimond. Plusieurs, comme Bardin, dans son Grand-Chambellan de France, & Tessereau dans son Histoire Chronologique de la Chancellerie, écrivent Charte.

Le mot de Chartre, dit Ménage dans les Observations sur la langue françoise, vient de charta ; & ainsi, selon l’étymologie, il faudroit dire Charte. Cependant on dit Chartre, & le Barreau ne parle point autrement. Nicot croit qu’il vient du grec χάρτης, qui signifie gros papier, ou plusieurs feuilles collées ensemble, sur quoi on écrivoit autrefois tous les actes d’importance. Χάρτης, vient du latin charta, qui se trouve dans la basse latinité pour un acte public & authentique, une donation, un contrat. Voyez Bollandus, Janv. Tom. I, p. 73 & 131.

☞ Commissaires aux Chartres. Nom qu’on donne à ceux qui sont commis par le Roi, pour travailler à l’arrangement des Chartres ou anciens titres de la Couronne, sous l’inspection du Garde du Trésor des Chartres. Encyclopédie.

☞ Il y a eu autrefois des Intendans des Chartres & des Greffiers des Chartres, dont les Offices ont été supprimés.

Chartre-Normande, ou la Charte aux Normands, est un titre fort ancien contenant plusieurs privilèges & concessions accordées aux habitans de Normandie, & confirmées par les Rois Jean, Philippe VI, Charles VI & VII. Louis XI les confirma en l’année 1461 ; mais le titre originaire & primitif est du 19 Mars 1315, qui a été accordé par le Roi Louis X, dit Hutin. Veteres charta quibus concessa Normannis privilegia continentur. Il y en a une autre confirmation par le Roi Henri III, au mois d’Avril 1579. Les vidimus en sont contenus à la fin du Coutumier de Normandie. On met dans la plûpart des Lettres de la grande Chancellerie, nonobstant clameur de haro, Chartre-Normande, &c. ☞ quand il s’agit de faire quelques réglemens qui intéressent la Province de Normandie, ou que l’on veut déroger à cette Chartre.

Chartre de commune. Charta communis, communitatis. Lettres par lesquelles le Roi, ou quelqu’autre Seigneur, avec la permission du Roi, érigeoit les habitans d’une ville ou bourg en corps & communauté, après l’affranchissement. Les serfs ne formoient point entr’eux de communauté. Ces Chartres contenoient les droits respectifs des Seigneurs & des sujets,

☞ La grande Chartre, magna charta, en Angleterre, est une ancienne Patente contenant les privilèges de la nation, accordée par le Roi Henri III, & confirmée par Edouard I.

Chartre en termes de Palais, est un vieux mot qui signifioit autrefois une prison. Carcer. Il faut toujours écrire Chartre en ce sens. Il est encore en usage en cette phrase, il est défendu de tenir une personne en prison, en chartre privée, c’est-à-dire, hors d’une prison publique. C’est de-là aussi qu’est nommé le Prieuré de Saint Denis de la Chartre à Patis, parce qu’on prétend que Saint Denis y fut emprisonné.

Ce mot s’étoit formé du latin carcer, carceris, dont on avoit fait carcere, carcre, chârcre, chartre.

Chartre se dit aussi d’une maladie qui fait tomber en langueur, & maigrir insensiblement, qu’on appelle communément marasme, pthisie. Tabes, tabificus morbus. On voue à Saint Mandé les enfans qui tombent en chartre. On a été obligé de donner une nourrice à ce malade, parce qu’il tomboit en chartre.

On appelle encore, chartre, une autre maladie à laquelle les enfans, principalement ceux du nord, sont sujets. M. Courtial, Médecin de Montpellier, dans l’observation qu’il a faite sur les os, fait consister cette maladie dans une courbure des os en arc, causée par l’accroissement des os qui reçoivent de la nourriture, pendant que les muscles qui y sont attachés ne se nourissent point, l’esprit animal ne leur étant pas porté, à cause que les nerfs qui s’y distribuent sont bouchés. Ensorte que ces muscles font le même effet qu’une corde qu’on attacheroit au haut & au bas d’un jeune arbre ; il ne pourroit croître, si l’on n’en détachoit cette corde. Rachitis : on le dit même quelquefois en françois.

Ce mot apparemment vient du précédent, parce que la prison cause de la tristesse & de la maigreur. Du Cange dit qu’on appeloit anciennement les malades chartriers, en latin, carcerarii.

Les Auteurs du Journal de Leipsick 1682, p. 316, parlent d’une espèce de chartre, ou maladie inconnue aux Anciens, & dont les Médecins parlent beaucoup depuis deux siècles. Elle fait maigrir les enfans, leur cause des insomnies, les rend inquiets, & semble leur causer une extrême démangeaison. Le bain donné à propos leur fait sortir par les pores des corpuscules semblables à de gros poils épais & denses, ce qui fait qu’on les appelle crinones, comme qui diroit de gros cheveux : & la maladie pilaris morbus. Quelques Médecins qui sont persuadés que ces espèces de poils sont de petits animaux, les appellent Comedones, de comedere, manger. On a fort disputé si c’étoient des excrémens épaissis de la troisième coction, ou si c’étoient des insectes. Quoi qu’il en soit, quand on les a fait sortir une ou deux fois, les enfans se portent mieux. Les microscopes démontrent que ce sont en effet des animaux vivans. Ils sont grisâtres, tirans tantôt plus, tantôt moins, sur le noir : ils ont deux espèces de cornes fort longues, deux yeux ronds & fort gros, & une queue longue & velue au bout. Ils viennent plus ordinairement aux enfans, & surtout aux cuisses, aux bras & aux épaules. Georg. Jérome Velschius a fait une Exercitation : De