Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/578-590

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Fascicules du tome 2
Abrégé de chronologie

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 578 à 590

pages 591 à 600


CHRONOLOGIQUE. adj. m. & f. Qui appartient à la Chronologie. Chronologicus, quod ad rationem temporum pertinet. Les Tables chronologiques sont d’un grand secours pour apprendre la Chronologie, comme celles de Petau, de Helvicus & de Marcel, &c.

☞ On appelle tables chronologiques, celles où les principales époques & les principaux faits sont marqués par ordre des temps, & simplement indiquées.

☞ Abrégé chronologique, histoire abrégée, où les principaux faits, avec les circonstances les plus essentielles, sont rapportés selon l’ordre chronologique. Tel est l’ouvrage du célèbre Président Hénault.

On appelle colonne chronologique, une colonne chargée de quelque inscription historique selon l’ordre des temps ; comme selon les Olympiades, les lustres, &c. On voyoit de ces sortes de colonnes à Athènes. L’histoire de la Gréce y étoit gravée par Olympiades.

CHRONOLOGISTE, autrefois CHRONOLOGUE. s. m. celui qui fait la Chronologie, ou qui en écrit ; qui est versé dans la science des temps. Chronographus. Vous n’êtes pas un bon Chronologiste. Calvisius est un grand Chronologue. Ablanc. Chronologue vieillit.

CHRONOMÈTRE. s. m. Chronometrum. Instrument qui sert à mesurer le temps : il consiste dans une simple échelle que l’on fait par les pouces, ou les différens degrés qu’on y marque. M. Sauveur a donné dans ses Principes d’Acoustique, la figure de son Chronomètre, & celle du Chronomètre de M. Loulié.

☞ Le Chronomètre de M. Sauveur étoit un pendule particulier qu’il destinoit à déterminer exactement les mouvemens en musique.

Ce mot est formé de χρονός (chronos), temps, & μέτρον (metron), mesure.

☞ CHRONOSCOPE. Pendule ou machine pour mesurer le temps Χρόνος (Chronos), temps & σκοπεῖν (skopein), je considère. Le mot chronomètre rend mieux cette idée.

☞ CHRUDIM. Ville du Royaume de Bohême sur la rivière de Chrudimka, dans le cercle auquel elle donne son nom, aux confins de la Moravie.

☞ La rivière de Chrudimka a sa source près de Czaslaw, passe par le Cercle de Chrudim, & se jette dans la rivière d’Orlitz.

CHRYSALIDE. s. f. La chrysalide est la chenille qui a perdu son état de chenille, & qui est devenue une espèce de feve avant de se transformer en papillon. La chenille devient chrysalide, & de chrysalide elle devient papillon. Chrysalis. M. de Reaumur, & presque tous les Naturalistes écrivent chrisalide. sans y : cependant cette chenille a été ainsi nommée à cause de sa couleur dorée, du mot grec Χρυσὸς (Chrusos), or.

On entend par Chrysalides, les chenilles qui sont métamorphosées en espèce de feves, lorsqu’elles sont sans piés ni aîles, qu’elles n’ont plus de mouvement, & qu’elles ne prennent plus de nourriture. On donne le même nom aux vers à soie, pendant qu’ils demeurent dans cet état. Voyez là-dessus le Mémoire de M. Réaumur sur les insectes, Tom. 1, 1734, ou le Journ. des Sav. Mai 1735. Les chenilles en cet état paroissent être d’or bruni, tantôt jaune, tantôt plus pâle, quelquefois verdâtre ; & c’est de cette riche couleur qu’elles ont emprunté leur nom grec de Chrysalide, & leur nom latin de Aureliæ. Il y en a aussi qui portent des taches argentées.

CHRYSALITHE. s. f. Pierre figurée d’une couleur d’or & de fer, semblable à celle de la corne d’Ammon, brillante, dure & raboteuse, où l’apperçoit un grand nombre de raies circulaires, & qui paroît faite de trois ou quatre couches sphériques appliquées l’une sur l’autre. Ces couches ont quelque ressemblance avec l’enveloppe de la chrysalide. Rieger, cité par James.

CHRYSAMMONITE. Chrisammonites. Nom qu’on a donné aux cornes d’Ammon qui paroissent dorées.

CHRYSANTHEMUM. s. m. Chrysanthemum. Plante qu’on nomme ainsi à cause de la couleur dorée de ses fleurs. Elle a néanmoins cela de commun avec beaucoup d’autres plantes. L’espèce de chrisanthemum qu’on cultive dans les jardins, vient de Candie & de Sicile, & est annuelle. Chrysanthemim Creticum, Clus. Hist.. Ses tiges sont droites, hautes de trois à quatre piés, branchues, cannelées, d’une couleur vert-pâle, & garnies, aussi-bien que ses branches, de feuilles alternes, découpées, en plusieurs segmens, qui sont encore incisées sur leurs bords. Leur couleur est d’un vert un peu pâle. Les extrémités des tiges & des branches portent des fleurs radiées, assez amples pour la grandeur de la plante, & soutenues par des calices écailleux. Ses fleurs varient par leur couleur, qui est plus ou moins vive. Il s’en voit dont le centre est pâle, pendant que la circonférence est jaune ; & quelques piés donnent des fleurs également jaunes, les unes plus vives, les autres plus pâles. On estime plus les piés qui portent les fleurs doubles toutes jaunes ; on fait moins de cas de celles qui sont jaune & blanc, quoique doubles. Les semences du Chrysanthemum sont menues, longuettes, anguleuses, crénelées, & d’une couleur brune. On trouve dans les terres à blé des environs de Paris & dans celles de Normandie, une espèce de chrysanthemum qui a ses fleurs toutes dorées, & aussi grandes que celles de la Marguerite. Ses feuilles sont tantôt entières & dentelées sur leurs bords, le plus souvent découpées en quelques segmens longs & crénelés. Elle est nommée en latin chrysanthemum segetum, ou Bellis lutea.

Ce terme est composé des mots grecs χρυσὸς (chrusos), or, ἄνθως (anthos), fleur, comme qui diroit fleur dorée. On mange en quelques endroits les tiges & les feuilles de cette plante comme les autres herbes potagères.

CHRYSARGIRE. s. m. Tribut qui se levoit sur les femmes de mauvaise vie, & autres personnes de même sorte. Chrysargirum, Aurum lustrale, negotiatorium, pœnosum. Evagrius en parle au ch. 39e du IIIe Livre de son Histoire. Zozime dit que Constantin en fut l’auteur. Il y en a cependant des vestiges dans la vie de Caligula par Suétone, & dans celle d’Alexandre par Lampridius. Evagrius dit que Constantin le trouva établi, & qu’il pensa à l’abolir. Il se payoit tous les quatre ans. Quelques-uns disent que les Marchands & le petit peuple le payoient aussi. Voyez Baronius à l’an 330. Il paroît même certain qu’il se levoit sur toutes les personnes & sur les animaux, même sur les chiens qu’on nourissoit. L’Empereur Anastase l’abolit. Il ôta une imposition que l’on appeloit le Chrysargyre, laquelle se levoit tous les quatre ans, non-seulement sur la tête des personnes, de quelque condition qu’elles fussent, soit pauvres, soit esclaves, mais même sur tous les animaux, & jusques sur les chiens, pour chacun desquels on payoit six oboles. Godeau.

Ce tribut se payoit en or & en argent, dit Hoffman, & de là son nom χρυσὸς (chrusos), or, ἄργυρον (arguron), argent.

☞ CHRYSASPIDES. Nom qu’on donnoit dans la milice Romaine à des soldats dont les boucliers étoient enrichis d’or.

CHRYSEUIL. s. m. Nom d’homme. Chrysolius. Saint Chryseuil fut disciple de S. Denis. Il souffrit la mort au lieu où est à présent Utélinghen, & son corps fut porté à Commines. Voyez l’Abbé Chastelain au 7e Févr. p. 564.

CHRYSITE. s. f. C’est le nom qu’on a donné à la Marcassite d’or, c’est-à-dire, aux pierres minérales dans lesquelles on trouve de l’or. Chrysites.

CHRYSOBÉRIL. s. m. Pierre précieuse qui n’est autre chose qu’une sorte de béril pâle, un peu couleur d’or. Chrysoberyllus.

CHRYSOCOLLE. s. f. Est une pierre précieuse que Pline, l. 37, c. 10, nomme d’un autre nom, Amphitane. Elle est de couleur d’or, de figure carrée. Il dit qu’elle a la vertu de l’aimant, même celle d’attirer de l’or, & qu’elle se trouve aux Indes. On tient cela fabuleux. Il y a apparence qu’il veut parler de la chrysolithe ou topase.

Chrysocolle est aussi une colle, liaison ou soudure de l’or & autres métaux. Chrysocolla. La naturelle est une certaine rouille d’airain épaissie, qui coule dans les mines, principalement de cuivre, & quelquefois dans celles d’or, d’argent, & même de plomb, quand il passe un peu d’eau dans leurs veines, laquelle s’épaissit, & fait comme une pierre-ponce. La meilleure est celle qui est verte comme une émeraude, ou un porreau : c’est celle qui vient du cuivre. Celle des autres métaux est plus lavée. Plusieurs la mettent au rang des espèces de nitre. Les Médecins s’en servent dans la cure des plaies. On en fait d’artificielle avec un peu de naturelle détrempée & du pastel ou guède. On fait aussi une soudure d’or & d’argent avec de la rouille de cuivre & de l’urine d’un jeune garçon, ou avec un peu de nitre. On l’appelle autrement borax.

Ce nom de chrysocolle vient de ce qu’elle sert à souder l’or χρυσός, or, κόλλα (kolla), colle. Les Grecs ont transporté le nom de la factice à la naturelle, à cause de la ressemblance de la couleur. Voyez Galien, Pline, Fallope, Agricola, Cæsius.

CHRYSOCOME. s. f. Plante qui est une espèce d’immortelle ou de Stœchas citrina. On l’appelle chrysocome, parce que ses fleurs sont des bouquets d’une couleur éclatante. Stœcha citrina angustifolia. Voy. Immortelle.

☞ On donne encore ce même nom à plusieurs autres plantes d’un genre très-différent.

☞ CHRYSOGENOS. Nom d’une nation marquée dans une prophétie reçue parmi les Turcs, qui se persuadent qu’ils pourront un jour être détruits par cette nation. Spon explique ce mot grec par celui de blond, & l’applique aux Moscovites, qui ont, dit-il, la plûpart les cheveux blonds, & dont le Grand-Seigneur redoute plus la puissance que celle d’aucun autre peuple.

CHRYSOGONE. s. m. Nom d’homme. Chrysogonus. S. Chrysogone est un Martyr célèbre, qui souffrit, à ce qu’on croit, près d’Aquilée dans la persécution de Dioclétien.

Ce nom est grec, composé de χρυσός, aurum, & Γείνομαι, fio.

CHRYSOGONIE. s. f. Semence d’or tirée d’une solution d’or parfaite, ou teinture aurifique, d’une couleur rouge, d’une subtilité prodigieuse, & dont une des propriétés naturelles est de faire l’or, ainsi qu’une de celles de l’argyrogonie est de faire de l’argent. Χρυσογονία (Chrusogonia). Ce mot vient de χρυσὸς (chrusos), or, & de γένομαι (genomai), être fait ou engendré. Dict. de James.

CHRYSOGONUM. s. m. Chrysogonum. Plante qui croît parmi les blés, de la hauteur d’une coudée. Ses tiges sont fort minces, divisées en plusieurs branches : elles sont garnies de feuilles disposées deux à deux d’un côté & d’autre en forme de croix, d’un vert-brun, couchées par terre, plus larges au bout, & découpées comme celles du chêne. Ses fleurs, qui viennent aux extrémités des branches, sont jaunes, composées ordinairement de quatre feuilles. Sa racine est ronde & rouge par dedans. Cette plante est fort semblable au leontopetalon.

☞ CHRYSOGRAPHE. s. m. Qui écrit en lettres d’or. Chrysographus. Il est parlé de ces Ecrivains dans l’histoire des Empereurs de Constantinople.

☞ CHRYSOLAMPIS. s. f. Nom donné par Pline à une espèce de pierre précieuse, pâle le jour, & de couleur de feu la nuit.

CHRYSOLITHE. s. f. Pierre précieuse & transparente, de couleur d’or, mêlée de vert avec un beau feu. Chrysolithus. Elle est orientale, & il en vient de l’Ethiopie, de l’Arabie, & des Indes. Elle est plus tendre que les autres pierres précieuses. Pline la nomme chrysolampe ; Isidore chrysopase, & Albert le grand, chrysopage. Les Anciens l’appeloient topase, quand elle étoit tout-à-fait jaune.

Chrysolithe est aussi un nom générique que les Anciens donnoient à toutes sortes de pierres de couleur, où le jaune ou couleur d’or dominoit. Quand la pierre étoit verte, on la nommoit Chrysoprase. Toutes ces sortes de chrysolithes sont renvoyées aux espèces de pierres desquelles elles approchent davantage.

Ce mot vient de χρυσὸς (chrusos), or, & de λίθος (lithos), pierre.

CHRYSOLOGUE. s. m. Surnom que l’on donne à Saint Pierre élu Archevêque de Ravenne en 433, & mort en 449. Chrysologus. Nous avons des homélies de saint Pierre Chrysologue, ont dit aussi de S. Chrysologue.

Chrysologue veut dire, parole d’or, χρυσὸς (chrusos), or, λόγος (logos), parole.

CHRYSOPÉE. s. f. Terme d’Alchimie : c’est l’art ou la science de faire de l’or, c’est-à-dire, l’art de transmuer les autres métaux en or. Casaubon dit, dans sa première Exercitation sur Baronius, Diatribe, 10, qu’il a vu un Manuscrit dans la Bibliothèque du Roi, qui traitoit de l’art de la Chrysopée. Gabriel Naudé, dans son Apologie pour les grands hommes accusés de magie, dit d’Agrippa, qu’à l’âge de vingt ans il fut retenu par quelques Seigneurs de France pour travailler à la Chrysopée.

Ce mot vient du grec χρυσὸς (chrusos), qui signifie, or, & de ποιεῖν (poiein), qui signifie faire.

CHRYSOPRASE. s. f. Pierre précieuse qui servoit de dixième fondement à la Jérusalem céleste, dont il est parlé dans l’Apocalypse, ch. XXI, vers. 20. Cette pierre, dit le P. Calmet, étoit d’un vert semblable à celui du porreau, mais tirant sur l’or, comme son nom le marque. Il est dit dans le Dictionnaire de Moréri, que sa lueur est fort épaisse & condensée ; & tire sur celle de l’or, qu’elle paroît marquetée de petites pointes ou traits de ce métal, & qu’elle fortifie la vue, réjouit l’esprit, & rend l’homme libéral & joyeux.

CHRYSOPRASIN. s. m. Sorte de pierre précieuse, de couleur verdâtre, qui est une espèce de béril.

CHRYSOR. s. m. Terme de Mythologie. Nom d’un Dieu des Phéniciens. Sanchoniaton, & après lui Phison de Bérite, disent dans Eusèbe, Præposit. Evang, Lib. I, que ce Chrysor étoit petit fils du Ciel supérieur ; que lui & un frere qu’il eut, mais qu’ils ne nomment point, furent les inventeurs du fer, & de ses différens usages, que Chrysor, qui est le Vulcain des Grecs & des Latins, avoit beaucoup étudié l’éloquence, la poësie lyrique, & la divination ; qu’il étoit aussi l’inventeur de l’hameçon, de l’appât, de la ligne à pêcher, &c. qu’il avoit été le premier Navigateur du monde, que pour toutes ces raisons, on lui avoit décerné les honneurs divins après sa mort, & qu’on l’appeloit encore Diamichius.

Ce nom pourroit bien venir du phénicien הרש, Hhracsch, qui signifie, forger, fabriquer.

CHRYSOSPLENIUM. s. m. Plante qui pousse de sa racine plusieurs feuilles semblables à celles du lière terrestre, rondes, dentelées, veluës, pleines d’un suc d’un goût stiptique & amer. Il s’élève d’entre elles de petites tiges, de la longueur de la main, divisées ordinairement en deux ou trois petits rameaux anguleux qui portent en leurs sommités de petites fleurs, formées en rosettes à quatre quartiers, d’une belle couleur dorée ; il leur succède des capsules à deux cornes qui renferment des semences, menues, rouges-brunes, ou noires. Elle croît dans les marais, au bord des ruisseaux, & autres lieux humides. Elle est bonne pour lever les obstructions du foie & de la rate ; ce qui lui a fait donner le nom de Chrysosplenium, de χρυσὸς (chrusos), or, & splen, la rate.

CHRYSOSTOME. s. m. Ce nom est grec, & signifie Bouche d’or, de χρυσὸς (chrusos), or, & στόμα (stoma), bouche. On donne ce surnom à deux Auteurs, à saint Jean Chrysostome, Patriarche de Constantinople, & à Dion le Sophiste ; & on le leur donne à raison de leur éloquence, & de l’élégance de leurs discours. Il n’est cependant bien en usage, sur-tout en notre langue, que pour le premier, dont il est presque devenu un second nom ; car on dit, S. Chrysostome, aussi-bien que S. Jean Chrysostome. Il ne faut pas écrire Chrisostome.

Il se dit d’un Prédicateur éloquent.

Chrysostome françois, censeur Evangélique,
Aussi profond Docteur, qu’Orateur pathétique,
Bourdaloue, il est vrai qu’on voit dans tes discours
Des beautés que l’art même ignorera toujours.

CHRYSULÉE. s. f. C’est le nom donné à l’eau régale, parce qu’elle dissout l’or, dont le nom grec est χρυσὸς (chrusos). Chrysulea.

CHTHONIES. s. f. pl. ou plutôt adj. pris substantivement. Terme de Mythologie. Fêtes que les Herminoniens célébroient en l’honneur de Cérès, à laquelle on immoloit plusieurs vaches. On publioit qu’il se faisoit un prodige dans ces sacrifices. C’est qu’après que la première vache qu’on assommoit étoit tombée, toutes les autres tomboient du même côté. Du mot grec χθὼν (chthôn), terre, & χθόνιος (chthonios), qui est par terre.

CHU.

CHÛ, UE, participe du verbe Choir ou cheoir. Au lieu du féminin chûe, on a dit autrefois chûte, ce qui ne s’est conservé que dans ces façons de parler proverbiales ; chercher chape-chûte , trouver chape-chûte ; pour dire, chercher, trouver quelqu’occasion de profiter de la négligence ou du malheur de quelqu’un. Acad. Fr. ☞ Et aussi trouver quelque chose de désagréable, à la place de ce qu’on cherchoit d’avantageux.

CHUANGO. s. Drogue médicinale qui vient de la Chine. Il s’en fait une grande consommation au Japon.

CHUCHETEMENT, CHUCHILLEMENT. s. m. Action de celui qui parle tout bas à l’oreille de quelqu’un. Susurratio. Le premier se trouve dans Pomey, le second dans ce Vers de La Fontaine.

Grand éclat de risée, & grand chuchillement,
Universel etonnement.

CHUCHETER, ou plutôt CHUCHOTER. v. n. L’Académie est pour le dernier. Parler bas à quelqu’un en présence d’autres personnes, dont on ne veut pas être entendu ; ou simplement, parler bas, en secret, à une ou à plusieurs personnes, pour n’être point entendu. Mussare, insusurrare, dicere aliquid in aurem. Il est de mauvaise grâce de chucheter, de parler à l’oreille devant les honnêtes gens. L’affaire dont vous me dites qu’on avoit tant chucheté. Bussi Rabutin.

Chucheter. Crier comme le moineau ou passereau. Le moineau chuchète, fritinnit. Le verbe fritinnire se trouve dans Varron, pour exprimer le cri de l’hirondelle. Le cri du moineau s’appelle guillery ; mais le verbe qui l’exprime est chucheter. Comme presque tous les oiseaux ont chacun une sorte de cri, le moineau en a un assez désagréable, & pour-lors on dit qu’il pepie : mais lorsqu’il chuchète, son ramage, sans être beau, a pourtant quelque chose de réjouissant.

CHUCHETEUR, EUSE, ou CHUCHOTEUR. s. Qui a coutume de chucheter. Mussitabundus. Les chucheteurs choquent, & sont odieux au reste de la compagnie.

☞ CHUCHEU. Grande ville de la province de Chékiang, dans la Chine, capitale d’un territoire de même nom. Elle est de 3° 5′ plus orientale que Peking, à 28° 12′ de latitude.

CHUCHOTER, v. n. se dit plus ordinairement que chucheter. Au reste, tous ces mots, chuchètement, chuchillement, chucheter, chuchoteur, ne sont que du style familier.

CHUCHOTERIE, s. f. signifie la même chose que chuchètement, & est beaucoup plus en usage : il est familier comme les autres.

☞ CHUCABUL ou CHUQUEBUL. Grande ville indienne en Amérique, dans l’isthme de la province de Jucatan. Elle n’existe plus aujourd’hui.

☞ CHUCUITO. Voyez CUYO

☞ CHULULA. Ville de l’Amérique septentrionale dans le nouvelle Espagne, près du lac Mexico.

☞ CHULUTECA. Contrée de l’Amérique septentrionale dans la nouvelle Espagne, à l’extrémité orientale de l’audience de Guatimala, avec une bourgade du même nom.

☞ CHUMBIBILCAS. Peuples de l’Amérique méridionale au Pérou, sur les bords de la rivière d’Abancai.

☞ CHUMPI. s. m. Nom d’une sorte de minéral qui se trouve dans les mines d’argent du Potosi. Il a les propriétés de l’Emeril auquel il ressemble beaucoup par sa couleur.

CHUNES. Peuple de l’Amérique méridionale. Chunus, a. Les Chunes sont voisins des Huilles, au dessous du Chili, en tirant vers le détroit de Magellan. Ils habitent, partie sur la côte, & partie dans les Îles qui sont en très-grand nombre tout près de la côte. Guatana, la plus voisine de l’Archipel de Chiloë, en est éloignées de trois journées de chemin. Ces peuples sont très-féroces. Les Îles qu’ils habitent sont si stériles, qu’à la réserve de Guatana, il n’en est aucune qui puisse nourrir plus de deux ou trois familles. Ils vivent de poissons & de ce que la mer jette sur la côte. Ce sont les femmes qui font la pêche : elles se plongent au fond de la mer, & y restent long-temps, après quoi elles reviennent avec bon nombre de poissons, qu’elles apportent dans des paniers qu’elles ont pendus au cou. Ils n’ont point d’eau douce, ou en ont peu. Ils tirent des loups marins une huile dont ils font leur boisson. Dans l’Île Guatana ils avoient du maïs dont ils faisoient du vin. La plûpart ont les cheveux roux, le tein olivâtre. Ils sont d’un naturel doux. Ils imitent cependant la fureur de leurs voisins. Dans les Îles plus éloignées, ils nourrissent des chiens qui ont le poil fort long, dont ils se font des camisoles qui ne leur couvrent que les épaules & la poitrine. Ils se couvrent la ceinture de feuilles de plantes marines durcies au soleil. Hist. Parag. L. VI, c. 9.

☞ CHUNGKING. Grande ville de la Chine, dans la province de Sukuen dont elle est cinquième Métropole. Elle est de 10° 23′ plus occidentale que Péking, sous le 30° 24′ de latitude.

☞ CHUPACHOS. (los) Peuple de l’Amérique méridionale au Pérou, au nord & au midi de la rivière qui porte leur nom.

CHUPIRE. s. m. Nom d’une plante qui croît en Amérique, & que les Mexicains appellent quauhtepatli ou arbre de feu. Elle ressemble à notre laurier-rose, mais elle est plus grande. Ses feuilles ont un pié de longueur, & trois pouces & demi de largeur. Son sac est rouge. Ceux du pays disent qu’il évacue les humeurs pituiteuses. Il y en a qui croient que cette plante est mortelle pour l’homme.

CHUPIRI. s. m. Arbrisseau des Indes occidentales, qu’on appelle autrement charapeti. Sa racine est grosse & longue, par dedans d’une couleur entre le blanc & le jaune, tirant sur le rouge. Ses feuilles sont semblables à celles de l’oranger, mais plus grandes. Ses fleurs sont jaunes & étoilées. Il a peu d’odeur & de saveur. On s’en sert de même que du gaïac contre les maladies vénériennes, la gale, & autres maux opiniâtres.

CHUPMESSAHITE. s. m. Nom de secte Mahométane. Les Chupmessahites sont des Mahométans qui croient que Jesus-Christ est Dieu, & le vrai Messie, le vrai Rédempteur du monde, sans cependant lui rendre aucun culte public, ni se déclarer. Bien des honnêtes gens parmi les Turcs, si l’on en croit Ricaud, sont Chupmessahites, & il y en a jusques dans le Serrail. Quelques-uns ont mieux aimé mourir que d’abandonner cette créance.

Chup en Turc, signifie, Appui, Protecteur, & Messahi, Chrétien, Chupmessahite, Protecteur des Chrétiens.

CHUQUELAS. s. m. Etoffe soie & coton, fabriquée aux Indes orientales.

☞ CHUQUIABO. Nom d’une contrée de l’Amérique méridionale, au pérou, dans l’Audience de Lima.

☞ CHURCO. Petite ville d’Asie en Turquie, dans la Natolie, sur la côte de Caramanie.

CHUS. Prononcez Cus. C’est le nom d’un des fils de Cham, qui eut en partage une partie de l’Arabie heureuse, que l’Ecriture appelle pour cela Chus, ou Terre de Chus, noms que les anciens Interprètes ont traduits par Ethiopien & Ethipie ; car l’Ethiopie, dans l’Ancien Testament, n’est point encore la partie d’Afrique à laquelle nous donnons ce nom, mais la Terre de Chus. Bochart prétend que c’est une faute de traduire Chus, כוש, par Ethiopie, & qu’il faut dire avec Jonathan l’Arabie. Il prétend aussi que la Terre de Chus & la Terre de Madian sont des synonymes. Voyez cet Auteur. Phaleg. Liv. IV, ch. 2. En Hébreu, c’est Chusch.

☞ CHUS, s. m. C’étoit une mesure des liquides chez les Grecs, χέρον (cheron), répandre. Elle contenoit, à ce qu’on croit, environ trois pintes & demie de Paris.

CHUSCHITE. s. m. & nom de peuple. Habitant de la Terre de Chus, descendant de Chus. Chuschita, Æthiops. Bochart, comparant les différens endroits de l’Ecriture où il est parlé des Chuschites, fixe leur première habitation sur les bords de la Mer Rouge, partie dans l’Arabie heureuse, partie dans l’Arabie pétrée ; de là une Colonie passa le Tigre, & s’établit dans la province appelée de leur nom Chusch, & Cuth par les Chaldéens ; Κίσσεια (Kisseia), Kissie, & Susiane par les Grecs, Chuzerau par les Perses ; & il conjecture qu’elle leur fut donnée par Nemrod, en reconnoissance de leurs services dans ses conquêtes. M. Huet ajoute qu’une autre Colonie traversa le détroit de la Mer Rouge, & pénétra dans l’Ethiopie. Cette Colonie ne paroît pas avoir passé là si-tôt.

CHUSISTAN. Prononcez Cusistan, Province du royaume de Perse. Chusistana, Susiana. C’est l’ancienne Susiane qui conserve encore son nom, mais corrompu. Elle a encore aujourd’hui Suse pour capitale, que l’on nomme Sus & Suster. Le Chusistan a l’Yerk Agemi au Couchant, au Levant le Farsistan, & au Midi le Golfe de Balsora. Voyez Chuschite, pour l’étymologie.

CHUT. Terme dont on se sert pour imposer silence. Silete, tacete, favete linguis.. Chut, le voici qui vient. Chut, qu’on ne fasse point de bruit. Térence a dit, st.

☞ CHÛTE. s. f. Mouvement d’un corps qui tombe. Lapsus, lapsio.. Il a fait une chûte dangereuse. Il est incommodé d’une chûte de cheval. Chûte sur un escalier. Scalarum lapsus.

☞ En Physique, c’est le chemin que fait un corps pesant, en s’approchant du centre de la terre. Le mouvement des corps graves augment dans leur chûte dans une certaine proportion qui a été inconnue aux Anciens. Galilée est le premier qui ait observé la loi de cette accélération ; & il a prouvé qu’un corps qui tombe, fait trois fois autant de chemin dans second instant de sa chûte, que dans le premier ; cinq fois autant dans le troisième, & ainsi de suite, suivant l’ordre des nombres impairs : 1, 3, 5, 7, 9, &c. Acceleratio motûs gravium juxta seriem numerorum imparium.

☞ On appelle chûte des feuilles, la saison où les feuilles tombent. Il mourut à la chûte des feuilles.

Chûte signifie figurément, le péché. Casus, lapsus, lapsio, prolapsio. S. Pierre pleura amèrement après sa chûte. Une femme s’affermit dans le crime, lorsqu’au lieu de l’épargner sur ses premières chûtes, on lui ravit le reste de honte qui la pouvoit retenir. De Vill. Dieu a permis la chûte infortunée du premier homme, quoiqu’il eût pû l’empêcher.

Chûte se dit encore pour décadence, disgrace, malheur. Casus, ruina. La chûte de Sejan est un exemple redoutable pour les favoris. Les Perses abattus par la mollesse & par les délices, ne purent s’opposer à la chûte de leur empire. Vaug. Quand les grands hommes tombent, leur chûte ne diminue rien de leur grandeur ; on les respecte comme des temples démolis. Bouh. L’Empire Romain, courant à sa ruine, entraîna les Sciences qui se trouvèrent accablées sous le poids de sa chûte. Bail.

Une aveugle terreur
Précipite la chûte, au lieu de l’empêcher. Quin.


Dans sa ruine, même il peut m’envelopper.
Il me peut, en tombant, écraser sous sa chûte. Corn.

☞ Cette façon de parler, accablé sous le poids de la chûte d’une chose, est absolument mauvaise. On est accablé sous le poids, sous les ruines d’une chose, mais non pas sous le poids de sa chûte. Une chûte ne pèse point, & ne sauroit accabler.

Chûte, en Littérature, se dit de la fin qui termine une petite pièce de poësie, un sonnet, un rondeau, un madrigal, de même que de la cadence & de l’harmonie qui termine une période : on le dit de même en musique, de celle qui termine un air. Clausula. La chûte de cette épigramme est heureuse. La chûte de cette épigramme est agréable. La chûte de cette période se précipite trop. La chûte d’un sonnet doit être noble & ingénieuse. S. Evr.. La chûte de cette période est brillante.

Mais n’imite jamais, par de burlesques tours,
De ces Prédicateurs l’éloquence fleurie,
Qu’une chûte de mots jette aux piés de Marie. Vill.

M. Rousseau parle ainsi de la chûte en musique, dans son Traité de la Viole. La chûte se fait lorsque, descendant par intervalle de tierce, on touche en passant du second coup d’archet la note dont la situation est entre les deux qui font la tierce. On peut sur une même note faire la chûte & la cadence sans appui. La chûte se peut faire quelquefois sur des notes en même degré. On ne doit jamais faire de chûte, lorsque la première note de la tierce est la fin d’une période de chant, & lorsqu’entre les deux notes qui font la tierce, il y a quelque pause. Toutes les tierces en descendant qui sont majeures, demandent une chûte : la chûte se fait quelquefois, lorsqu’on descend par intervalle de quarte. La chûte, au lieu de la cadence, sur les notes marquées d’un diêze & autres feintes, fait un bel effet. Dans les pièces où le mouvement veut être beaucoup marqué, il ne faut point faire de chûte. Pour pratiquer exactement la chûte, il faut observer les mêmes règles que pour l’appui de la cadence. La chûte est propre pour tous les différens jeux de la viole ; elle rend le jeu plus lié & plus doux. Dans les chants tendres & languissans, on la doit faire souvent au lieu de la cadence,pour rendre le chant plus pathétique. Dans les pièces qui expriment quelque chose d’épouvantable & terrible, elle se doit faire d’une manière brusque & précipitée.

Chûte, en fait de pièces dramatiques, & mauvais succès sont termes synomymes. Voyez Tomber dans cette acception.

On appelle chûte d’humeurs, un débordement des humeurs qui tombent du cerveau. Acad. Franç.. Effluentia.

Chûte de l’uvée. Terme de Médecin Oculiste. C’est un nom général que l’on donne à toutes les différentes espèces de staphyleme. Uveæ tunicæ procidentia. Demours.

Chûte de fondement, en Chirurgie, accident qui consiste en ce que l’intestin, appelé rectum, sort considérablement quand on va à la selle.

Chûte de matrice, c’est la descente de cette partie causée par le relâchement des ligamens qui la retiennent.

Chûte de la luette. On donne ce nom au relâchement de cette partie ou des amygdales.

Chûte, en Astrologie, est le signe où une Plan§te a moins de vertus & d’influence. Defectio. On l’appelle autrement, le signe de dejection.

Chûte, en termes de Jardinage, est le racordement de deux terrains inégaux, qui se fait par des perrons, ou par des gazons en glacis.

Chûte, terme d’Horlogerie. On s’en sert pour expliquer les effets d’un engrenage. Chûte est le synonyme de choc.

Chûte de festons & d’ornemens, en Architecture, ce sont des bouquets pendans de fleurs, ou de fruits, qu’on met dans des ravalemens de montans, pilastres & panneaux de compartiment de lambris. Implexi pendentesque encarpi. La chûte d’un toît, c’est la pente, ou l’égoût d’un toît. Fastigii declivitas.

Chûte d’Eau, en Méchanique, c’est la pente d’une conduite depuis son réservoir jusqu’à l’élancement d’un jet d’eau, qui ne monte jamais si haut que sa source. Aquarum devexitas, lapsus.

Chûte de Voiles, terme de Marine, c’est la longueur des voiles.

CHUTÉENS. s. m. pl. Peuples d’une province de Perse, appelée Chuta, à cause du fleuve Chut, & qui ayant été envoyés pour habiter la Samarie, qui étoit déserte depuis que Salmanasar en avoit fait esclaves les habitans, prirent le nom de Samaritains. Dieu ayant permis qu’un grand nombre de Lions sortissent des déserts & en dévorassent une partie, pour les punir de ce qu’ils avoient apporté leurs Idoles qu’ils adoroient à la façon des Gentils ; le Roi d’Assyrie prit soin de les faire instruire dans la religion des premiers habitans de cette terre, par un Sacrificateur des Juifs, qu’il fit venir. La crainte d’être dévorés par les lions, les fit se soumettre à quelques préceptes de la Synagogue ; mais en adorant toujours leurs idoles. Ils persévérèrent dans ce culte mêlé d’idolâtrie jusqu’au temps des Apôtres, que les Samaritains reçurent l’Evangile.

CHUTH. Voyez Chuschite.

CHY.

CHYLAAT. s. m. Espèce de robe de dessus, que le grand-Seigneur donne par distinction à ses Ministres, Bachas ou autres Officiers.

CHYLE. s. f. Terme de Médecine. ☞ Suc blanchâtre, formé de la partie la plus déliée des alimens digérés dans l’estomac & dans les intestins. Chylus. Les alimens se tournent en chyle dans le ventricule par le moyen d’un ferment volatile & salé que les glandes de sa membrane intérieure séparent. Ce chyle se perfectionne dans les intestins par le mêlange de la bile & du suc pancréatique. Ensuite il entre dans les veines lactées, qui le portent dans le réservoir de Pecquet ; de-la il passe dans le canal thorachique, qui aboutit à la veine souclavière-gauche. C’est dans cette veine que le chyle commence à se mêler avec le sang. Enfin, il est porté dans le ventricule droit du cœur, & de-là dans les poumons & dans toutes les autres parties du corps, confondu avec le sang. Les Anciens croyoient que le chyle se changeoit en sang dans le foie : d’autres ont cru que c’étoit dans le cœur. Les Modernes croient, avec plus de raison que ce changement se fait par le sang lui-même dans toutes les parties du corps.

Ce mot est grec, χυλὸς (chulos), il signifie suc.

CHYLEUX, EUSE, adj. Terme de Médecine. Qui appartient au chyle, qui tient du chyle. Chylosus, a, um. Un sang appauvri & dépouillé de sa partie onctueuse & chyleuse. Duverney, fils, Acad. 1702. Mém. p. 205.

CHYLIFERE ou CHYLIDAQUE. adj. m. & f. Terme d’Anatomie. C’est l’épithète qu’on donne aux petits vaisseaux qui portent & charient le chyle dans les diverses parties du corps. M. Guide, dans ses Observations des bons & mauvais usages du Quinquina, dit que tous les intestins ont des vaisseaux chyliferes, par le moyen desquels le vin & l’opium donnés en clystères peuvent enivrer & faire dormir. Ce terme est fort en usage dans la Médecine.

CHYLIFICATION. s. f. Formation du chyle, opération par laquelle la nature change en chyle les alimens que nous prenons. Chylopoesis, Chylificatio. La Chylification se fera premièrement en mâchant les alimens dans la bouche, en les mêlant avec la salive, & les broyant avec les dents. Ensuite étant tombés par l’œsophage dans l’estomac, le suc acide de ce viscère se mêle avec eux, les pénètre, les divise en particules si petites, qu’ils ne paroissent plus qu’une liqueur, laquelle comprimée par l’estomac est obligée de sortir par le pilore, et d’entrer dans les intestins. Là deux autres dissolvants, qui sont la bile, & le suc pancréatique, & qui ne sont pas moins puissans que la salive & l’acide de l’estomac, achevent de liquéfier ces alimens, & de diviser ce qu’ils y trouvent encore d’uni. Alors en coulant dans les intestins, ce qu’il y a de plus subtil, que nous nommons le chyle, entre dans les orifices des veines lactées premieres ou radicales ; dont tous le mésentère est parsemé, lesquelles, ou seules, ou avec les veines mésaraïques vont se rendre à des glandes, qui sont à la base du mésentère. Puis ce chyle est repris par les veines lactées secondaires, & porté à des glandes qui sont entre les deux tendons du diaphragme, connus autrefois sous le nom de glandes lombaires, & qu’on appelle aujourd’hui le réservoir de Pecquet, d’où il est conduit au cœur par le canal thorachique, & la veine souclavière, dans laquelle il commence à se mêler au sang. Le fondement de toute la Médecine consiste à rétablir dans un bon état la chylification troublée & viciée. Quelques Modernes croient que la chylification ne se fait point par voie de fermentation, mais par broyement & par trituration. Voyez Digestion.

CHYLOSE. s. f. Terme de Médecine, qui se dit de l’action par laquelle les alimens se tournent en chyle dans le ventricule. Voyez Chylification.

Ce mot est grec, χύλωσις (chulôsis).

CHYME. s. m. La même chose que Chyle.

CHYMIE. Voyez Chimie.

CHYMOSE. s. f. Chymosis. Terme de Médecine. C’est la seconde des coctions qui se font dans notre corps. C’est une coction ou une élaboration, une préparation réitérée de la plus impure & de la plus grossière partie du chyle, laquelle étant rebutée des veines lactées, & succée par les mésaraïques, est de-là portée au foie, pour y être de rechef cuite, purifiée & subtilisée ; & c’est d’elle, selon Rogers, dans ses Analecta inauguralia, que se sont ensuite formés les esprits naturels.

Ce mot est originairement grec, χύμασις (chumasis), de χυλὸς (chulos), succus, qui vient de χέω (cheô), fundo.

CHYPRE. Cyprus. L’une des plus grandes Îles de la mer Méditerranée. Elle est sur les côtes de l’Anatolie, dont elle n’est éloignée que de seize lieues. On la nomma autrefois Macarie, Macaria, c’est-à-dire, heureuse, fortunée. On prétend que ce fut à cause de sa fertilité, & de l’abondance des métaux qu’elle produisoit. Elle eut aussi les noms d’Acamantis, Cerastis, Amathusa, Aspelia, Cryptos, Colinia, & Spechia. Il y avoit surtout, dit-on, des mines de cuivre, qui a pris son nom Cuprum, de cette île. Les principales villes étoient Salamis & Paphos, dont l’une avoit un temple de Jupiter, & l’autre de Vénus. Toute l’Île étoit consacrée à cette Déesse, que Stésichore & Horace appelle Cyprigénie, c’est-à-dire, née en Chypre. L’an 696 de la fondation de Rome, Caton fut envoyé par les Romains en Chypre, & il la réduisit en Province de la République Saint Paul & Saint Barnabé y portèrent les premiers la foi. Saint Barnabé y mourut & y fut enterré, & son corps y fut trouvé sous l’empereur Zénon. César la donna à Cléopatre. Après sa mort, elle retourna aux Romains. Dans la division de l’Empire elle fut attribuée aux grecs. En 1191, Richard, roi d’Angleterre, allant à la conquête de la Terre-Sainte, prit Chypre, & la donna à Guy de Lusignan. Jean de Lusignan, III du nom, ne laissa que Charlotte, qui fut couronnée à Nicosie en 1458, & peu de temps après, dépossédée par Jacques, son frère batard. Jacques épousa Catherine, fille de Marc Cornato Vénitien, à laquelle le Sénat de Venise assigna une dot en l’adoptant. Jacques mourut, & laissa Catherine grosse d’un fils, qui ne vécut que deux ans. Alors les Vénitiens s’emparèrent de Chypre, malgré les protestations de Charlotte qui vivoit encore, & qui en fit donation à Charles Duc de Savoie son neveu. En 1571, Selim II l’enleva aux Vénitiens. Chypre est un des plus délicieux séjours du monde ; l’air y est si doux, que les jardins y sont remplis de fleurs en tout temps. La capitale de Chypre est Nicosie. Voyez Vigenere sur César.

Quelques-uns aujourd’hui écrivent Cypre, & veulent par conséquent que l’on prononce ainsi. L’usage est partagé ; Chypre paroît mieux. Ce nom, selon quelques Auteurs, vient de Cyprus, fils, selpn Eustahius, & selon Etienne de Byzance, de la fille de Cynyras, dont cependant il n’est parlé ni dans la fable, ni dans l’histoire. Ainsi il est plus vraisemblable que Cyprus vient de כיפּר, nom hébreu de cette Île. Les Turcs l’appellent Cobros.

Nous avons l’histoire de la guerre de Chypre écrite en latin par Antoine Maria Gratiani, & traduite en François par le Peletier, au commencement de laquelle il y a une description de l’Île.

Ordre de Chypre, Chevalier de l’Ordre de Chypre, ou du silence, & appelés aussi Chevaliers de l’Epée. Ordre militaire institué par Guy de Lusignan, Roi de Chypre, dès le commencement de son règne, c’est-à-dire, en 1192. La fin de cet Ordre étoit de s’opposer aux descentes & aux irruptions des Infidèles dans son Île. Il donna aux Chevaliers un collier composé de lacs d’amour de soie blanche entrelassés des lettres R & S en or. Au bout de ce collier pendoit une médaille d’or, dans laquelle il y avoit une épée dont la lame étoit d’argent, & la garde d’or, avec la devise Securitas Regni. Voyez Epée, Menenius, Favin, Justiniani, Hermant, Schornebek, & le P. Hélyot P. J. C. 36.

CHYPRE. Poudre de Chypre. Voyez Poudre.

CHYPRIOT ou CYPRIOT, OTTE. s. m. & f. Qui est de l’Île de Chypre ; Cyprius. Le traducteur de l’histoire de la guerre de Chypre, écrite en latin par Gratiani, dit toujours Chypriot. Les Juifs massacrèrent dans un même jour deux cents quarante mille Chypriots, pour se délivrer de la tyrannie de l’Empire Romain. Le Peletier. La chaleur du climat est cause que les Chypriots sont communément d’une taille médiocre, & plus approchants de la maigreur que de l’embonpoint. Id. Une Dame Chypriotte. Id.

CHYTRES. s. m. pl. Fête très-célèbre à Athènes, renouvellée tous les ans le 13 du mois Anthesterion, le troisième des Anthestéries. La solemnité consistoit à faire cuire dans une marmite des semences de toute espèce en l’honneur de Bacchus & de Mercure terrestre, qui conduisoit les ames aux enfers. Selon Athenée, l. 4, on représentoit ce jour-là des Tragédies & des Comédies. Ce qui donna occasion à l’établissement de cette Fête, c’est qu’après le déluge de Deucalion, ceux qui survécurent, offrirent à Mercure terrestre toutes sortes de graines & de semences, pour le rendre propice aux mânes de ceux qui avoient été submergés dans les eaux. Il n’étoit permis à personne de toucher à cette offrande, & aucun Prêtre n’y goûtoit. Voyez le Scholiaste d’Aristophane, (in Acharnan & ad Ranas.) Χύτροι (Chutroi), de χύτρα (chutra), olla.

☞ CHYTRINDA. C’étoit chez les anciens, ce que nous appelons aujourd’hui Colin-maillard.

☞ CHZÈPREG. Petite Ville de la basse Hongrie sur la rivière de Stob, entre Sopron & Gavarin.

CI.

CI, se joint souvent avec le pronom démonstratif. Celui-ci, cet homme-ci, pour opposer à celui-là, cet homme-là, & montrer la proximité ou l’éloignement de quelque chose. Hic. Cet homme-ci, cet homme-là, cette pièce-ci. Ceux qui disent, ce temps ici pour ce temps-ci, parlent mal. Quoique cette façon de parler ne soit pas très-élégante, l’on doit s’en servir quelquefois pour bien marquer ce qu’on veut dire. Vaug. Bouh.

Il se joint avec l’interrogant qu’est-ce, & se met immédiatement après, qu’est-ce-ci ? Acad. Fr.

☞ On s’en sert aussi avec quelques propositions. Par-ci, par-là, pour dire, en divers endroits. On trouve par-ci, par-là de beaux endroits dans ce discours.

☞ De même avec les prépositions devant, après, dessus, dessous. Nous avons vu ci-dessus, ci-devant, en parlant de ce qui précède : nous verrons ci-après, pour désigner ce qui suit dans un discours. Suprà, infrà. Ci-dessous gît. Style d’épitaphe.

☞ Pour marquer le temps, on le met encore après la préposition entre. Entre-ci & demain nous verrons bien des choses. Entre-ci & là il y a loin. Expression peu noble.

CIA.

CIACALE. s. m. Je ne sais comment exprimer autrement en notre langue un animal de l’Asie mineure, dont parlent Busbequius & Du Loir. Ciacalis. Il est de la taille du renard & participe de sa nature & de celle du loup. Ce sont ceux que Busbequius appelle Ciacales, & qu’il rencontra sur le chemin d’Amasie, Du Loir, p. 50. On pourroit l’appeler Λυκώλαπηξ (Lukôlapêx), Lupivulpis. Peut-être est-ce celui que les Grecs appellent Κυναλώπηξ (Kunalôpêx), c’est-à-dire, comme traduit Henri-Etienne, Canivulpis.

☞ CIALIS. Royaume de la Tartarie indépendante, entre le Royaume d’Eluth, les grands déserts sabloneux, le grand Tibet & le Turkestan, avec une capitale de même nom, sur la route de Samarcand à la Chine.

☞ CIAMPA. Petit Royaume d’Asie, tributaire de la Cochinchine, borné à l’orient & au midi par la mer, au nord par le désert de la Cochinchine, à l’occident par le Royaume de Camboga.

☞ CIANGLO. Ville de la Chine, dans la Province de Fokien, département de la ville de Jenping.

☞ CIARTAM. Ville & Province d’Asie, dans la Tartarie, sous la domination du Grand Cham.

CIB.

CIBAGE. s. m. Arbre qui croît aux Indes Orientales, & qui ressemble beaucoup à un pin. Ray, cité par James.

☞ CIBAO. Province de l’Île de S. Domingue, en Amérique.

CIBAR. s. m. Nom d’homme. Eparchius. S. Cibar, reclus à Angoulême, naquit à Périgueux dans le sixième siècle, & mourut le 1 Juillet en 581. Voyez sa vie dans les Acta SS. Benedict. c. I, p. 267. Ce mot s’est formé du mot Saint & du nom Eparque. Saint Eparque, Saint Epar, Saint Par, Saipar, Saibar, Séber, Sibar, Cibar.

☞ CIBAUDIÈRE. s. f. Nom qu’on donne sur les côtes de Flandre & de Picardie à des filets pour la pêche, nommés ailleurs folles.

CIBOIRE. s. m. Vaisseau sacré en forme de grand calice couvert, qui sert à conserver les hosties consacrées pour la communion des Chrétiens. Augustissimæ Eucharistiæ sacra pixis. On gardoit autrefois le ciboire dans une colombe d’argent suspendue dans les baptistères, ou sur les tombeaux des Martyrs, ou sur les autels. Le troisième Canon du II Concile de Tours ordonne que l’on placera le ciboire où repose le corps du Seigneur, non pas au rang des images, mais sur la croix, qui étoit au haut de l’autel.

Il semble que ce mot ait été pris de ciborium, qui est en usage chez les Grecs & chez les Latins. Hésichius a cru qu’il vient originairement des Egyptiens, & qu’il signifie en leur langue le fruit d’une certaine féve d’Egypte. On a appelé de certains vases ciboires, parce qu’ils étoient faits comme ces féves d’Egypte. Horace s’est servi du mot de ciboria en ce sens-là, comme l’a remarqué l’ancien Scholiaste Latin. Il se peut aussi faire que ces vases aient été nommés ciboires, parce qu’ils étoient faits de ces féves d’Egypte. On a donné dans la suite des temps le nom de ciboires aux vases sacrés, où l’on conserve les hosties. Quelques Théologiens ont cru qu’ils ont été ainsi appelés, parce que le pain qui nous nourrit pour la vie éternelle y est conservé. Ugution dit que ciborium est proprement un vase destiné ad ferendos cibos.

Chez les anciens Ecrivains ce mot se disoit de toute sorte de construction faite en voûte, portée sur quatre piliers. Voyez Acta SS. Febr. T. III, p. 104, c. D. p. 105, B. & April. T. II, p. 11, E. où l’on voit par la description d’un ciboire de marbre, soutenu de quatre colonnes de marbre, & imposé sur un autel, que c’est la même chose que baldaquin. Voyez ce mot. Chez les Auteurs Ecclésiastiques, c’est aussi un petit dais ou voile élevé & suspendu sur quatre colonnes sur le maître autel. On en voit encore en quelques Eglises à Paris & à Rome. Les Italiens appellent encore ciborio. un tabernacle isolé. On a dit qu’on posoit des ciboires sur les corps des Saints & des Martyrs, parce qu’on les enterroit sous les autels.

☞ CIBOLA ou CIVOLA. Province de l’Amérique septentrionale, dans le nouveau Mexique que les Espagnols nomment la nouvelle Grenade, à cause d’une ville de ce nom qu’ils y ont bâtie.

CIBOULE. s. f. Petit oignon qui a peu de tête, qu’on emploie à différens usages dans les cuisines, dans les salades & dans les ragouts. Cepula, diminutif de cepa, d’où le mot est dérivé. Voyez Oignon. Les ciboules ne se multiplient que de graine, qui est de grosseur de la poudre à canon ordinaire, un peu plate d’un côté, & à demi ronde de l’autre, & cependant un peu longue, en ovale, & blanche dedans. La Quint.

CIBOULETTE. s. f. Petite ciboule servant aux mêmes usages. Cepula minor.

☞ CIBOUNDOI. Nom d’une Province de l’Amérique méridionale, dans la nouvelle Grenade.

CIC.

CICATRICE. s. f. ☞ Marque des plaies & des ulcères qui reste après la guérison. C’est une nouvelle peau plus blanche, plus lisse, moins poreuse & moins sensible que la première. Cicatrix. Il a le corps couvert de cicatrices. Les cicatrices des plaies reçues à la guerre sont honorables. Regardez ces visages hâves, ces corps hideux de plaies, & tout couverts de cicatrices. Vaug. Quelques-uns tirent ce mot de quasi circa cutem. D’autres disent que cicatrix, latin, d’où vient le françois cicatrice, est dit comme occæcatrix ou cæcatrix, du latin cæcare, occære, parce que la cicatrice n’est que obductio vulneris, ce qui cache la plaie.

Cicatrice se dit aussi figurément, des plaies qui sont faites à l’honneur. Après que les plaies que fait la calomnie sont refermées, les cicatrices demeurent toujours. Ablanc.

CICATRICULE. s. f. du latin cicatricula. Petite cicatrice. Petite tache blanche qu’on remarque sur la membrane du jaune d’un œuf, où se fait la fécondation. Le petit poulet qui est dans l’œuf dans un état de nymphe, & caché sous la peau d’un vermisseau, se nourrit d’abord du blanc de l’œuf, & ensuite du jaune lorsqu’il est un peu fortifié, & que ses parties commencent à s’affermir. C’est sur la membrane qui environne le jaune, que se trouve la cicatricule ou petite tache blanche qui est seule le véritable germe où réside le vermisseau. L’œuf où ce petit germe est entré devient fécond. Celui où il ne se trouve point manque de germe, & ne contient que des nourritures stériles. Les femelles donnent quelquefois des œufs sans avoir eu la compagnie du mâle : mais il n’en provient rien. Spectacle de la nature. Voyez génération, fecondation, & les articles relatifs.

☞ CICATRISANS, terme de Médecine, adj. employé substantivement. On entend par ce mot les remèdes propres à sécher & consolider les plaies & les ulcères, & à accélérer la cicatrice. Cicatricantia remedia, cicatricem inducentia, maturantia. Cicatrisatif n’est pas usité.

☞ CICATRISER. v. a. Quelques-uns ont écrit cicatricer. L’usage est pour le premier. Faire une ou plusieurs cicatrices. Cicatricare. On lui a cicatrisé tout le corps. La petite vérole lui a cicatrisé le visage.

Cicatriser, avec le pronom personnel. v. récip. se dit des plaies presque guéries, & qui se reprennent. Coalere, coalescere. Cette plaie commence à se cicatriser. Jam coalescit vulnus. On ne sauroit croire avec quelle facilité cette plaie, toute dangereuse qu’elle étoit, s’est cicatrisée. Incredibile est quàm facilè coaluerit vulnus.

Cicatriser, en Botanique, c’est conduire une plaie à parfaite guérison. Les plaies qu’on couvre de thérébentine se cicatrisent plus promptement que celles qui restent à l’air. Il reste dessus une marque qu’on nomme cicatrice. Duh.

☞ CICATRISÉ, ÉE. part. & adj. Plaie cicatrisée. Vulnus obductum cicatrice. Visage cicatrisé, couvert de cicatrices. Cicatricosus.

Son front cicatrisé rend son air furieux. Boil.

☞ Regnier a dit dans son mauvais langage :

Pour moi, si mon habit tout cicatrisé,
Ne me rendoit du peuple & des grands méprisé,
Je prendrois patience

CICCUS. s. m. C’est, selon Hésychius, une espèce de petite sauterelle. On en fait si peu de cas, que cela a donné lieu à un proverbe qui marque le mépris. C’est encore une espèce d’oie sauvage, selon Aldrovand. Κίκκος (Kikkos). Ornithologie, L. XIX, c. 10.

CICERO, s. m. terme d’Imprimerie, est le caractère entre le petit Romain & le S. Augustin. C’est le caractère de ce Dictionnaire.

CICÉROLE. s. f. Espèce de pois chiches. Cicera, ou cicercula. On dit aussi des cices.

CICÉRONE. s. m. C’est le nom qu’on donne en Italie à ceux qui font voir les curiosités d’une ville aux étrangers. Comme j’ai été deux fois à Venise, je sers de cicérone à deux Comtes de Bohême que j’ai connus à Prague. Baron de Pollnitz.

CICÉRONIEN. adj. Qui imite le style de Cicéron. Qui est en bon latin, comme celui de Cicéron. Le style du discours latin sur la spiritualité & l’immortalité de l’ame, n’est nullement Cicéronien. Observations sur les Ecrits modernes.

A cette élégance Troyenne,
Tant soit peu Cicéronienne,
Didon de rire s’éclata,
Toute la troupe l’imita.

Scarron, Virg. trav. l. 1, p. 69.

Cicéronien. s. m. Scrupuleux imitateur du style de Cicéron. M. Desjardins, Principal du Collège de S. Quentin, recommande d’aimer & de bien étudier Cicéron ; mais il condamne cette admiration superstitieuse, qui à la renaissance des lettres enfanta la secte des Cicéroniens, dont l’extravagance alloit jusqu’à mépriser tous les ouvrages écrits d’un style différent de celui de Cicéron, & jusqu’à interdire aux jeunes gens la lecture des autres Ecrivains de l’antiquité, & à les borner à l’imitation servile de ce fameux Orateur. Erasme a finement raillé ces esprits superstitieux dans on Dialogue intitulé : Ciceronianus. Obser. sur les Ecr. mod. T. 14, p. 129.

On a vû autrefois les Cicéroniens, secte ridicule, se croire des Cicérons, lorsqu’avec les expressions élégantes & les tours harmonieux de l’Orateur Romain, ils avoient réussi à former un discours dépourvû de sens & de raisonnement. En vain sait-on s’exprimer, si on ne sait pas penser, & envain pense-t-on, si l’on ne sait pas construire ses pensée, en observant l’ordre que la nature & la saison prescrivent. Observ. sur les Ecr. mod. T. 20, p. 242, 243.

☞ CICÉRONISER. v. n. Affecter le style de Cicéron. Trop curieux d’étaler les richesses de sa belle latinité, Lambin cicéronise à outrance, & ne cesse de répandre à pleines mains les fleurs d’une élocution inépuisable. Tourreil.

CICLAMEN. s. m. Voyez Pain de Pourceau. C’est la même plante.

CICLAMOR. s. m. On dit mieux orle. C’est, en termes de Blason, une espèce de bordure de l’écu, ou de quelques-unes des pièces dont il est orné.

CICOGNAT. s. m. Prononcez le c comme un g. Petit de la cigogne, ciconeau. Ciconiæ pullus. Ciconeau est plus usité.

☞ CICOGNE. s. f. On prononce, & même on écrit cigogne. Ciconia. Oiseau de passage qui a les pattes, le cou & le bec fort longs, ce dernier rouge, & qui vit d’insectes. Son pennage est blanc, excepté l’extrémité des aîles qui est noire. Elle a aussi un peu de noir aux cuisses & à la tête. Elle a le tour des yeux garni de plumes, & la peau fort noire en cet endroit. Elle choisit les plus hauts arbres dans les lieux marécageux pour y faire ses petits ; elle couve l’espace de trente jours, & ne pond que quatre œufs. On dit que la cicogne nourrit son pere & sa mere, lorsque la vieillesse leur ôte le moyen de chercher leur vie, ce qui fait croire qu’elles vivent long temps.

Il y a deux espèces de cicognes, la blanche, de laquelle nous parlons ici, & la noire, que les Egyptiens appeloient ibis, dont nous parlerons à ce mot. La noire n’est pas oiseau de passage, mais demeure toujours dans le même pays. La blanche se plaît particulièrement dans les prés & dans les étangs. Il y en a en quantité en Allemagne & en Suisse. Elles s’en vont à la mi-Août, & reviennent au Printemps. Bellon dit que la dernière qui arrive au lieu où elles s’assemblent pour partir, est tuée. Aldrovand dit que c’est proche du Tésin qu’elles font leurs assemblées ; & qu’après avoir tenu conseil entr’elles, elles partent la nuit.

Il y a dans le Cabinet de la Société Royale de Londres une tête d’une cicogne des Indes, que personne n’avoit décrite avant Grew, qui l’a fait dans le Musœum Regalis Societatis.

On dit que c’est la cicogne qui a appris aux hommes l’invention des clystères. La cicogne tient l’aîle baissée en volant. On croit que le bruit qu’elle fait vient de son bec dont les deux parties frappent l’une contre l’autre avec beaucoup de violence. La cicogne est le symbole de la reconnoissance. Le Roi de la Chine, pour marque de sa Royauté, porte deux cicognes en broderie sur la poitrine, avec une perle au haut du bonnet ; ce qui n’est permis qu’à lui seul. Elle est appelée ciconia, quod sit cicuris & benignæ naturæ, dit Martinius ; parce qu’elles est d’un naturel doux & tout-à-fait apprivoisé, demeurant volontiers parmi les hommes. Junius rapporte dans son Histoire de Hollande, qu’on a vu une cicogne revenant à son nid qui alloit être consumé par les flammes d’un incendie, qui en étoit tout près, faire de grands efforts pour retirer ses petits du danger où ils étoient, & ne l’ayant pû faire à cause qu’ils n’avoient point de plumes, s’étendre dans son nid, & le laisser brûler en les couvrant de ses aîles. On trouve dans le troisième Livre de Vossius, de Idol. c. 82, 84, 85, 93, 96, 97, à peu près tout ce que l’antiquité a dit des cicognes.

Une cicogne qui nourrit son pere & sa mere vieux, avec ce mot, dulci pro munere vitæ, est une devise de Lucarini, pour exprimer la reconnoissance. Et avec ce mot, Par pari ferunt, elle est de Scipion Bargagli. On donna pour devise à Ranution I, Duc de Parme, une cicogne qui tue des serpens, avec ce mot Servat & prostigat ; & à Philippe III, Roi d’Espagne, Donec conficiam ; pour marquer sa piété & son zèle à exterminer les Mores d’Espagne. Celle-ci est d’Emmanuel Thesauro.

Sur les médailles, la cicogne qui nourrit le pere & la mere durant leur vieillesse est le symbole de la Piété ; elle se met ordinairement à côté de cette Déesse, ou des enfans qui ont singulièrement honoré leurs parens. J. Jobert.

On appelle proverbialement des contes à la cicogne, des contes faits à plaisir, des contes de vieilles, dont on amuse les petits enfans. Fabulæ.

Cicogne est aussi une certaine machine à tirer de l’eau. Tolleno. Tachard.

CICONNEAU. s. m. Prononcez & écrivez. Cigonneau. Petit de la cigogne. Ciconniæ pullus.

Les ciconneaux nourrissent leurs parens, lorsqu’ils sont trop vieux pour chercher leur vie. Faultrier.

CICUTAIRE. s. f. Cicutaria. Plante ombellifère dont les feuilles approchent en quelque manière de celles de la ciguë ; c’est apparemment à cette ressemblance qu’elle doit son nom. Sa racine est vivace, assez grosse, branchue ; du collet de cette racine sortent quelques feuilles fort amples, d’un vert-foncé, découpées en plusieurs segmens, qui sont recoupées en d’autres plus menus, taillées en manière de pinnules de Fougère. Les queues qui les portent sont branchues, épaisses à leur naissance, d’où sort une tige plus grosse que le doigt, noueuse, creuse, haute de trois à quatre piés, & garnie de quelques feuilles qui prennent origine des nœuds, & qui ressemblent aux premieres. Elle est divisée en quelques branches à son extrémité, qui soûtiennent chacune une ombelle de fleurs pâles, auxquelles succèdent des fruits composés de deux grosses semences longuettes, voûtées & cannelées sur leur dos, d’une couleur tirant sur le blond. L’odeur de ses feuilles est un peu désagréable.

CID.

CID. s. m. C’est le nom que donnèrent à Dom Rodrique Dias de Bivar cinq Rois Maures qu’il vainquit. Ce Dom Rodrigue est ce guerrier fameux du onzième siécle, plus connu en France sous le nom de Cid, depuis la Tragédie de Corneille, dont il est le sujet, que par ses victoire, & la part qu’il eut à celles d’Alphonse III.

Cid est un nom arabe, qui signifie Chef, Commandant, Général, Gouverneur, petit Roi. Il vient de קאד, qui signifie gouverner, administrer, commander. De là se dit קאיד, Ceid, d’où s’est formé Cid.

Cid. s. m. Tragédie de Pierre Corneille. Jamais pièce de théâtre n’eut un si grand succès. M. Pelisson, dans son Histoire de l’Académie, dit qu’en plusieurs Provinces de France il étoit passé en proverbe de dire, cela est beau comme le Cid. Si ce Proverbe a péri, il faut s’en prendre aux Auteurs qui ne le goûtoient point, & à la Cour, ou ç’eut été très-mal parler que de s’en servir sous le ministère du Cardinal de Richelieu. Vie de M. Corneille l’aîné, par M. de Fontenelle son neveu. Au sentiment de M. de Voltaire, qui se connoît si bien en pièces de Théatre, & qui en a fait lui-même de si applaudies, ce n’est ni aux Auteurs, ni au Cardinal de Richelieu qu’il faut s’en prendre, mais à Cinna & à d’autres Tragédies de Corneille, plus belles que le Cid.

☞ CIDAMBARAM. Ville des Indes, au Royaume de Gingi, sur la côte de Coromandel.

CIDARIS. s. m. C’étoit une espèce de Diadême que portoient les Rois d’Arménie, assez semblable à la Thiare des Perses. Cette Thiare étoit de deux sortes : la droite, & celle qui étoit renversée. Celle-ci pouvoit être portée par tous les sujets du Prince ; au lieu que l’autre étoit réservée aux Rois seuls, & à ceux qu’il désignoient pour leurs successeurs. Plutarque, in Artaxerxes.

☞ CIDAYE. Ville maritime d’Asie, dans l’Île de Java, au Royaume de Jurubeya. Le Roi y fait sa résidence.

CIDRE. s. m. Boisson faite de pommes pillées & pressurées. Le cidre de pommes s’appelle du Pommé, vinum pomaceum ; celui de poires du Poiré, vinum pyraceum. Le meilleur cidre se fait en Normandie. Le fruit à couteau ne vaut rien pour faire le cidre. On emploie des pommes rustiques, dont il faut bien connoître les différens sucs, afin de les combiner convenablement, & de corriger les uns par les autres.

☞ Pour avoir du cidre fort, on le laisse reposer sur sa lie & couvert de son chapeau. Si l’on veut un cidre doux & agréable, il faut le tirer au clair lorsqu’il commence à gratter doucement au palais ; c’est ce qu’on appelle cidre paré.

☞ On prétend que le cidre est pectoral, humectant & rafraichissant. En général il ne convient qu’à ceux qui en ont fait usage dès leur jeunesse.

M. Huet, ancien Evêque d’Avranches, dans ses origines de Caën, p. 144, prouve que l’usage du cidre étoit établi à Caën dès le treizième siècle, puisqu’il en est fait mention dans les Lettres Patentes de Philippe le Bel, & que Guillaume le Breton, qui vivoit au commencement du XIIIe siècle, appelle le pays d’Auge, Siceræque tumentis, Algia potatrix. M. Huet ajoute, l’usage du cidre, pour le dire en passant, est plus ancien en France qu’on ne s’imagine : sous les enfans de Constantin on accusoit les Gaulois d’aimer le vin, & diverses autres liqueurs qui ressembloient au vin, comme nous l’apprend Ammien Marcellin. Les Capitulaires de Charlemagne mettent au nombre des métiers ordinaires celui de Siceratores ; ce que l’on explique, ceux qui savent faire de la bière, du pommé, du poiré, ou toute autre liqueur bonne à boire. D’où il paroît que le mot de cidre, qui est le même que sicera, ne se restreignoit pas comme aujourd’hui au seul pommé, mais qu’il s’étendoit à toutes les liqueurs qui enivrent, comme le mot hébreu, d’où il est venu. Néanmoins l’usage du cidre eut peu de cours en France dans la suite. Je crois même que notre Province ne l’a pas pris des François contemporains de Charlemagne, mais plutôt des Basques, dans le commerce que la pêche leur donnoit avec les Normans. Dans la Coutume de Bayonne & de Labour, l’on voit plusieurs titres touchant les cidres ; & les Basques l’ont appris des Afriquains, où il étoit autrefois fort commun, comme le témoignent Tertullien & S. Augustin.

Ce mot, selon quelques-uns, vient du latin sicera, ou de l’hébreu Sechar, ou enfin du bas-breton Sistre, qui signifient, dit-on, tout breuvage qui peut enivrer, soit qu’il soit fait de grains, ou de pommes, de palmes, ou d’autres fruits. D’autres le dérivent du latin Ceria, qui est expliqué à Cervoise. Il pourroit bien être ou Norman, ou Saxon, ou Danois d’origine.

CIE.

CIEL. s. m. Orbe azuré & diaphane, qui environne la terre ; région éthérée au dessus de l’élémentaire, dans laquelle se meuvent tous les astres. Cœlum. ☞ Dans l’ancienne Astronomie, le mot de ciel signifie un orbe particulier, l’espace que parcourt une planète dans toute l’étendue de son cours. Les Anciens ont admis autant de cieux solides, qu’ils ont observé de mouvemens différens : comme si cette solidité étoit nécessaire pour soûtenir les astres qui y sont attachés. Ainsi ils en ont mis sept pour les sept planètes. Le ciel, de la Lune, de Mercure, de Venus, du Soleil, de Mars, de Jupiter & de Saturne. Le huitième est pour les étoiles fixes, qui est le Firmament. Ptolomée ajouta un neuvième ciel, qu’il appela le premier mobile, ☞ lequel communiquoit le mouvement aux autres. Voy. Ptolomée. Ensuite Alphonse, Roi de Castille, ce Roi plus physicien que dévot, qui disoit qu’il auroit donné de bons avis à Dieu, s’il l’avoit appelé à son conseil, quand il créa le monde ; Alphonse, dis-je, imagina deux autres cieux de cristal, pour expliquer certaines irrégularités qu’il croyoit avoir observées dans le ciel, comme le mouvement de titubation ou de trépidation, c’est-à-dire, l’inclination de l’axe de la terre, &c. On faisoit ces cieux de cristal, afin qu’ils pussent donner passage à la lumière : on ajouta enfin un douzième ciel auquel on donna le nom d’empirée, dont on fit le séjour de Dieu. Quelques Astronomes en ont admis beaucoup d’autres, selon leurs différentes hypothèses. Eudoxes en a admis 23, Calippus 30 ; Regiomontanus 33, Aristote 47 Fracastor 78 ; comme témoigne Vitalis, après Jonston. D’ailleurs, il faut remarquer que les Astronomes ne se mettent pas fort en peine si les cieux qu’ils admettent sont réels ou non. Il leur importe peu que leurs hypothèses soient vraies, ou qu’elles ne le soient pas, pourvu seulement qu’elles servent à rendre raison de tous les mouvemens célestes, & qu’elles s’accordent avec les Phénomènes. Pour les systêmes nouveaux, voyez Descartes, Tycho, &c.

Le ciel a servi de corps à plusieurs devises. On en fit une sur le Cardinal de Richelieu, où le ciel étoit représenté ; ces mots Mens agitat molem, ou Mens sidera volvit, montroient que comme il y a une intelligence qui donne le mouvement au ciel, le génie du Cardinal Richelieu étoit l’ame de tout ce qui se faisoit dans le Royaume.

Ce mot n’est que d’une syllabe en vers, tant au pluriel qu’au singulier.

Ce mot vient du latin cœlum : quelques-uns le dérivent à cœlando, comme qui diroit gravé parce qu’il est marqué de diverses étoiles, ou opus cœlatum variis imaginibus, comme dit saint Ambroise dans son Hexaméron ; mais il vaut mieux le dériver du grec κοῖλως (koilôs), concavus, profundus. Quand nous regardons le ciel, il nous paroît comme une immense concavité, une grande voûte.

☞ On dit poëtiquement, la voûte des cieux ; pour dire, le ciel.

Ciel se prend aussi pour le paradis, le séjour de Dieu & des Bienheureux. On lui a donné le nom d’Empirée à cause de sa splendeur, du mot grec Εμπυρος (Empuros), qui est de feu, enflammé, brillant comme du feu. Dans ce sens nous disons, gagner le ciel ou le royaume des cieux. Quelques-uns un peu trop scrupuleux, ont cru qu’il valoit mieux dire le royaume de Dieu que le Royaume du ciel ou des cieux. L’Ecriture a fait ces mots synonymes. Nous disons à Dieu dans nos prières : Notre pere qui êtes dans les cieux.

☞ Les Anges rebelles furent précipités du ciel. La Vierge est la Reine du ciel.

Enfin je ne vois rien qui soit plus odieux
Que des gens que l’on voit d’une ardeur peu commune,
Par le chemin du ciel courir à leur fortune. Mol.

Ciel se prend aussi pour Dieu même, pour sa providence & pour sa justice. Ce mot est souvent employé dans l’Ecriture, Deus, cœli Deus. Le ciel est offensé, c’est-à-dire, que Dieu est offensé. Pour soûtenir l’honneur de la Religion, souvent nous nous dispensons de ses loix, & liés d’intérêts avec le ciel, nous nous imaginons que les injures que nous recevons sont les siennes. Les Tyrans ne sont que les ministres des vengeances du ciel, qui veut châtier les hommes dans sa colère. S. Evr.

De l’intérêt du ciel pourquoi vous chargez-vous ?
Pour punir le coupable a-t-il besoin de nous ? Mol.

On peut impunément, pour l’intérêt du ciel,
Etre dur, se venger, faire des injustices ;
De la dévotion c’est là l’essentiel. Des Houl.

On sait assez ce que l’on entend ici par le mot de dévotion.

Prends ton glaive & fondant sur ces audacieux,
Viens aux yeux des mortels justifier les Cieux. Boil.

Le ciel a pour nos vœux une bonté cruelle,
Il devroit être sourd aux aveugles souhaits. La Font.

On dit, graces au ciel ; pour dire graces à Dieu. Le ciel m’est témoin ; pour dire, Dieu m’est témoin. Lever les yeux au ciel ; pour dire, implorer le secours divin. Ô terre ! ô ciel ! est aussi une invocation, une admiration. C’est un coup du ciel, un effet extraordinaire de la bonté de Dieu.

On dit figurément, voir les cieux ouverts ; pour dire, avoir une grande joie, se trouver dans un grand bonheur.

On dit, les mariages sont faits au ciel ; pour dire, qu’ils sont résolus par la Providence.

On dit, en termes de l’Ecriture, un ciel d’airain ; pour dire, une grande sécheresse. Et on s’en sert aussi pour dire, un ciel inéxorable, un ciel sourd aux vœux. Acad. Fr.

Ciel, en Mithologie. Le ciel étoit une divinité particulière, que les grecs appeloient Οὔρανως (Ouranôs), Uranus, & les latins, Cœlus. Selon Platon dans son Timée, le Ciel & la Terre enfantèrent l’Océan & Thétys, & par eux tous les autres Dieux. Hésiode dit la même chose, Théog. v. 45, & 106. Le même Poëte v. 126 dit que ce fut la Terre qui mit le Ciel au monde, afin qu’il la couvrît, & qu’il fût la demeure des Dieux. Il fut aussi son mari, & ils eurent ensemble plusieurs enfans, entr’autres l’Océan, Cœus, Crius, Ypérion, Japet, Thoas, Rhéa, Thémis, Mnémosyne ou la Mémoire, Phœbé ou la Lune, Thétys, Saturne, les Cyclopes, Cottus, Briarée & Gygès. Hésiod. Theog. v. 133 & suiv. Les Anciens ont souvent confondu le Ciel, ou Cœlus, avec Saturne son fils, & même avec Jupiter son petit-fils, n’en faisant qu’une même divinité. La plûpart des choses qu’ils disent du Dieu Cœlus, ou du Ciel, sont prises de l’histoire de la création décrite par Moïse au commencement de la Ganèse, ou de la tradition des peuples sur cela, qui dans la suite s’est mêlée de fables.

Varron de ling. Lat. L. IV, dit que les Dieux sont le Ciel & la Terre, & que ce sont les mêmes que Sérapis & Isis en Egypte. Philon de Bérite dit dans Eusèbe que le Ciel étoit fils du Dieu Elion עליון, en hébreu, c’est-à-dire, très-haut ; & qu’il eut quatre fils, Ilus ou Saturne, Bérule, Dagon & Atlas. Voyez, sur ce Dieu, Vossius, de Idol. L. I, c. 33. L. II. C. 36 & 38.

Chez les Athéniens le Ciel & la Terre présidoient aux mariages ; c’est pour cela qu’on leur faisoit un sacrifice avant les nôces.

Selon le P. Kirker, Œd. Æg. T. II, p. I, p. 100. Le Ciel, Cœlus, n’est autre chose que la première cuase. Saturne sont fils est le premier esprit, ou le premier entendement, Prima mens, & Jupiter fils de Saturne, étoit l’ame du monde.

Ciel, en termes d’Astrologie, signifie seulement les influences des astres. Siderum vis, cœli defluvium. Les Astrologues, pour duper le monde, ont tâché de persuader que les cieux sont un livre où Dieu écrit l’histoire du monde, & qu’il n’y a qu’à en savoir lire l’écriture, qui n’est autre chose que l’arrangement des étoiles. Ainsi on dit, il eut en naissant, le ciel favorable, le ciel contraire, selon que les astres bénins ou malins, ont présidé à sa naissance. Les Astrologues appellent aussi le milieu du ciel, la maison qui est la plus haute, où est le Zénith ; & le plus bas du ciel, celle qui est la plus basse.

Ciel, en Chimie, est la partie la plus pure, la plus parfaite, la plus épurée des corps ; c’est la quintessence des minéraux, des végétaux, des animaux.

Ciel se prend aussi pour un climat éloigné, un pays différent de celui où l’on est, & surtout quand a passé la Ligne. Cœlum. Il est allé voyager vers le Midi, habiter sous un autre ciel & sous d’autres astres ; sous un ciel plus doux. J’ai enfin quitté ces climats où la neige couvre la surface de la terre, & me voilà sous un ciel pur & serein. Le Ch. de M. Je viens chercher le repos sous un ciel étranger. S. Evr. On a beau changer de ciel, on ne change point d’esprit. Cœlum non animum mutant qui transmare currunt.

Ciel se prend aussi quelquefois pour l’air. Aer, Cœlum. Le Ciel est serein ; pour dire, il n’y a point de nuée dans l’air. Le feu du Ciel, c’est la foudre qui se forme dans les nuées. La rosée du ciel. L’arc-en-ciel qui paroît dans une nuée pluvieuse. La manne du ciel. Les oiseaux du ciel, qui volent dans l’air.

Sur la mer on dit, que le ciel se hausse ; pour dire, que le ciel s’éclaircit. Gros ciel ; pour dire, qu’il y a de gros nuages en l’air. Obscurum, nubilum. Ciel fin, c’est-à-dire, que le ciel est clair. Clarum, purum, nitidum. Ciel embrumé ; pour dire, que l’horison est couvert de nuages. Obscurum, nubilum.

Ciel se dit aussi du dais sous lequel on porte le S. Sacrement le jour de la Fête-Dieu. Il portoit le ciel à la Procession. Voyez dais.

☞ On le dit aussi du haut d’un lit. Le ciel de ce lit est trop bas. Superius lecti tegmen. dans cette acceptation & les suivantes, on dit ciels au pluriel, & non pas cieux.

Ciel, en termes de peinture, se dit d’un tableau qui représente le ciel pris pour l’air. Ainsi l’on dit faire peindre un ciel au plafon d’un cabinet. Ce Peintre fait bien les ciels. Un ciel doit être léger, vague & fuyant, afin que les objets qui le cachent en partie, paroissent en être détachés. On le dit de même des ciels représentés dans des tapisseries. Il ne faut pas trop de ciel dans une tapisserie.

☞ On le dit aussi des plafonds de l’Opéra, quand le théâtre représente un lieu découvert.

On appelle dans les carrières, le banc de ciel, celui qu’on laisse au dessus de la tête, & sous lequel on tire la pierre. C’est le premier banc qui se trouve au dessous des terres en fouillant les carrières, & qui leur sert de plat-fond dans sa continuité à mesure qu’on les fouille. Lapidicinæ camera.

Dixième ciel. Dans l’histoire des modes. Les femmes donnoient ce nom à un ornement de tête qui faisoit partie de la coëffure qu’elles nommoient commode.

Ciel se dit proverbialement en ces phrases. On dit : si le ciel tomboit, il y auroit bien des alouettes prises, pour se mocquer de ceux qui cherchent des précautions contre des accidens qui n’arriveront jamais. On dit de deux choses bien différentes, qu’elles sont éloignées comme le ciel l’est de la terre. On dit qu’on élève un homme jusqu’au ciel, jusqu’au troisième ciel ; pour dire, qu’on le loue excessivement. Qu’on ne voit ni ciel ni terre, lorsqu’on est aveugle, ou qu’on est dans une grande obscurité. Il a remué ciel & terre ; pour dire, il a fait tous ses efforts, il a employé toutes sortes de moyens pour faire réussir cette affaire. On dit encore, le ciel rouge au soir, & blanc au matin, c’est la journée du Pélerin ; pour dire, que cela présage une belle journée. On dit aussi, que les mariages sont faits au ciel ; pour dire, qu’ils ne se font que par l’ordre de la Providence.

☞ CIEME, Ville de la Chine, dans la province de Chanton, ou Xantang, au département de Laicheu, sous le 36e d. 22’ de lat.

CIERGE. s. m. Bougie ou chandelle de cire plus ou moins longue, qu’on pose sur des chandeliers, & qu’on brûle dans les cérémonies de l’Eglise. Morceau de cire étendu en long, & en forme de cône autour d’une mêche de coton, & percé par sa base pour pouvoir entrer dans le bout d’un chandelier. En Italie les cierges sont d’une même grosseur dans toute leur longueur ; en France ils se terminent en pointe forte alongée par en haut. Ils marchoient deux à deux un cierge en main. À la Chandeleur on porte des cierges à la Procession. Le Cierge béni, est celui qu’on brûle auprès des agonisans.

Les Payens se servoient de flambeaux dans les jours de cérémonies, comme dans les sacrifices, & dans les mystères de Cérès. On en mettoit aussi devant les statues des Dieux. Il y avoit aussi des illuminations à la porte des maisons où l’on célébroit quelque fête. Quelques-uns soûtiennent que les Chrétiens ont imité cette cérémonie payenne. D’autres prétendent qu’ils ont appris des Juifs à tenir des cierges allumés dans les Eglises. Apparemment comme dans les commencemens du Christianisme l’on s’assembloit dans des voûtes souterraines, il falloit nécessairement se servir de cierges & de flambeaux. On en eut même besoin depuis que l’on eut la liberté de bâtir des Eglises. Elles étoient construites d’une manière qu’elles recevoient peu de jour, afin d’inspirer plus de respect par l’obscurité. Ensuite l’on conserva cette coutume, qui ne contribue pas peu à rendre plus augustes les cérémonies des sacres mystères ; cette origine de l’usage des cierges est plus naturelle & plus vraie ; mais il y a long temps que les cierges, que la nécessité avoit introduits, sont devenus un ornement, & une chose de cérémonie. Saint Paulin, qui vivoit au commencement du cinquieme siècle, dit que les Chrétiens faisoient peindre les cierges. Le quatrieme Concile de Carthage, tenu vers la fin du quatrieme siècle, ordonne que quand on donnera l’ordre d’Acolyte à quelqu’un, l’Archidiacre lui mette entre les mains un chandelier avec un cierge. Saint Jérôme, contre Vigilance, C. 3, marque que l’usage étoit dès lors d’allumer des cierges dans l’Eglise, mais qu’on ne le faisoit cependant point le jour. Que si quelques séculiers, ajoute-t’il, ou quelques femmes le font par ignorance, ou par ignorance, ou par simplicité, quel mal y a-t’il ? Godeau remarque dans son Histoire Ecclés. L. III, C. 19. p. 282, que les Fidèles enterrant le corps de S. Cyprien martyrisé au milieu du troisieme siècle, allumèrent des cierges, quoiqu’ils lui rendissent les derniers devoirs en public. Voyez sur les cierges, & leur usage, Vossius, de Idolol. L. IV, C. 92.

Cet mot, cierge, vient de cerium, pour cereum. Ménage. Et Cereum, ou Cerium, vient de cera, cire.

On dit proverbialement, qu’un homme est droit comme un cierge, quand il se tient debout avec quelque affectation & quelque contrainte. On le dit aussi de toutes les autres choses qui sont droites, & posées perpendiculairement. Cette plante pousse ses jets, droit comme un cierge.

Cierge paschal. C’est un cierge qu’on porte le Samedi-Saint pour faire l’eau bénite, qui est béni par le Diacre, & allumé avec le feu nouveau. Cereus paschalis. Le Pontifical dit que c’est le Pape Zozime qui est l’Auteur de cette cérémonie ; mais Baronius remarque que l’usage en est plus ancien, comme il paroit par un hymne de Prudence. Ainsi il croit seulement que ce Pape en établit l’usage dans les Paroisses ; jusques là on n’en avoit usé que dans les grandes Eglises. Le P. Papebroch nous en a expliqué plus distinctement l’origine dans le Conatus Chronico-historicus, qui est dans le Propilæum ad Acta Sanct. Maii, p. 9, & dans les Paralypomena ad Conatum, qui sont à la fin du septieme tome des Saints du mois de Mai, p. 19, & voici ce qu’il en dit.

Quand le Concile de Nicée eut réglé le jour que l’on célébreroit la Pâque, il chargea le Patriarche d’Alexandrie d’en faire faire tous les ans le canon, & de l’envoyer au Pape. Toutes les autres fêtes mobiles se régloient sur celle de Pâques ; & l’on en faisoit chaque année un catalogue, que l’on écrivoit sur un cierge, cereus, que l’on bénissoit solemnellement dans l’Eglise. Ce cierge, selon M. l’Abbé Chastelain, n’étoit point une chandelle de cire faite pour brûler, il n’avoir point de mêche ; c’étoit seulement une colonne de cire faite pour écrire cette liste des fêtes mobiles, & qui suffisoit pour cela durant un an ; car dans l’Antiquité, quand on vouloit que quelque chose durâte toujours, on la gravoit sur le marbre, ou sur l’airain ; quand on vouloit qu’elle durât long temps, on l’écrivoir sur le papier d’Egypte, ou sur de l’écorce d’arbre ; mais quand on vouloit qu’elle durât seulement quelque temps, on se contentoit de l’écrire sur de la cire. Dans la suite on écrivit les fêtes mobiles sur du papier, ou sur un tableau ; mais on ne laissa pas d’attacher toujours l’un ou l’autre au cierge paschal ; ce qui se pratique encore à Notre-Dame de Roue, & dans tout l’ordre de Cluni, comme le P. Papebroch dit l’avoir appris de M. l’Abbé Chastelain. Telle est l’origine de la bénédiction du cierge paschal ; cérémonie qui ne commença pas néanmoins si-tôt à Rome, comme il paroît par l’Ordo Romanus, dans l’Office du Samedi-Saint, où il est dit que cette bénédiction se fait seulement in forensibus civitatibus, mais non pas dans Rome.

Deux choses prouvent l’antiquité de cette cérémonie. 1°. C’est que la formule d’invitation qui la précède, est la même qui se voit dans le Bréviaire Ambroisien, & qu’il semble, par deux Missels très-anciens, que S. Augustin la porta de Milan en Afrique. 2°. C’est que l’Auteur du Traité du cierge paschal, qui se trouve parmi les Ouvrages de S. Jérôme, étoit contemporain de ce Pere & de S. Augustin ; ou même plus ancien, puisqu’il écrivoit l’année que Gratien fut trahi par son armée, mis dans les fers, & enfin tué ; c’est-à-dire l’an 383 de J. C. Ces preuves sont bien plus solides que celles que l’on prétend tirer de l’hymne de Prudence, dont le titre étoit, Ad incensum lucernæ, qui signifie, Pour allumer la lampe, & que l’on a changé dans la suite, mal-à-propos en celui-ci, Ad incensum cerei paschalis, c’est-à-dire, Pour allumer le cierge paschal ; car il n’y a pas un mot dans cet hymne qui concerne le cierge paschal.

Au reste le P. Papebroch croit que ce que M. l’Abbé Chastelain pensoit de cette colonne de cire, peut s’être observé à Rome ; mais il juge avec raison qu’ayant été instituée pour être une figure de J. C. ressuscité, & apparoissant à ses disciples, & afin que pour représenter ce mystère, elle brûlât pendant les Saints mystères, jusqu’au jour de l’Ascension qu’on l’éteint ; cela suppose qu’elle avoit une mèche, & que c’étoit véritablement un cierge. Saint Ennode, Evêque de Pavie, au commencement du sixieme siecle, nous a laissé parmi ses œuvres deux bénédictions du cierge paschal. La forme de cette bénédiction n’étoit pas la même par tout ; la plus généralement reçue étoit celle que nous avons retenue, & qui commence par Exultet jam Angelica turba. Elle est ancienne ; mais on ne voit pas sur quel fondement on l’attribue à Saint Augustin, ou à S. Léon. C’étoient les Diacres qui faisoient cette bénédiction, même en présence de l’Evêque ou du Prêtre Officiant. Voyez Baillet, T. IV, p. 274.

Cierges d’eau se dit en hydraulique, dans la décoration des jardins, de plusieurs jets d’eau, menus & perpendiculaires, fournis sur la même ligne, par le même tuyau dans des maisons de plaisance, & dans des bassins de fontaine, ou dans des cascades. Expressa salientibus in aquis cereorum forma, ac dispositio, aqua saliens cereum imitans, referens. On les nomme grilles d’eau, quand ils sont près les uns des autres, cancelli.

Cierge se dit encore d’une espèce de gros chardon que les Caraïbes appellent akoulerou. Il croît comme un gros buisson touffu garni de toutes parts d’épines fort pointues & déliées. Il pousse en son milieu neuf ou dix tiges, sans branches ni feuilles, qui sont hautes de neuf à dix piés, & cannelées comme de gros cierges. Ces tiges sont aussi munies d’épines piquantes comme de fines aiguilles, qui étant extrêmement perçantes, ne permettent point qu’on puisse toucher cette plante de quelque côte que ce soit. Le dedans, ainsi que l’écorce, est assez mollasse & spongieux. Chaque cierge porte en une saison de l’année des fleurs jaunes, ou violettes, entre les tiges cannelées de sa tige. À ces fleurs succède un fruit en forme de grosse figue. Il est assez délicat & bon à manger. Les oiseaux en sont fort friands ; mais ils ne peuvent le béqueter qu’en volant, à cause que les aiguillons qui le conservent de toutes parts, ne leur permettent pas de s’arrêter, ni sur le buisson, ni sur les tiges. Les Indiens ont l’adresse d’en détacher le fruit avec de petites perches fendues par le bout. Le lendemain, nous fîmes encore six lieues entre des collines chargées de ces arbrisseaux, que les Espagnols nomment organum, & que les Françoise appellent cierges épineux. On diroit, à les voir de loin, que ce sont une infinité de flambeaux de cire verte. Let. cur. et édif. T. XI.

On cultive, depuis quelques années, au jardin Royal des plantes à Paris, une espèce de cierge épineux qu’on nomme cierge du Pérou, Cerus Peruvianus. Il est haut de plus de 23. piés, & a demi-pié de diamètre ; il est droit, & a cinq à six pans ou côtés qui sont garnis à leur marge, & par intervalles, de quelques toupets d’épines fort affilées, & longues d’environ un pouce. Les fleurs qu’il a données sont sorties au dessus de ses toupets, & étoient longues de près d’un demi-pié, composées d’un calice fait en forme d’entonnoir vert, écailleux, creux, pour laisser passer le style qui surmonte l’embryon qui est vert, & sur lequel toute la fleur pose ; ce calice soûtient deux rangs de pétales blanchâtres, & un peu lavés de pourpre, & qui sont étroitement unis avec ce calice par leur base ; ses étamines étoient en grand nombre. Cette fleur passe fort vîte, & étant épanouie, elle a plus de cinq pouces de diamètre. Du Tertre parle des cierges épineux des Iles d’Amérique. Le P. Plumier a rangé sous les Melocactus plusieurs espèces de cierges qui s’y trouvent. Ces plantes sont pleines de suc, & servent aux animaux pour désaltérer leur soif.

CIERGE, en conchiliologie. Nom d’un coquillage de mer, qu’on appelle autrement Onyx. Cereus, concha, Onyx. Le cierge ou onyx est une espèce bien rare. Gersaint. Un grand cierge ou onyx des plus blancs. Cette coquille est difficile à trouver. Id.

CIERGER une étoffe. C’est mettre de la cire liquide aux endroits par où elle a été coupée, de peur qu’elle ne s’effile. On dit plus communément bougier, à cause que cela se fait avec une petite bougie allumée. Voyez ce mot.

CIERGIER. s. m. Marchand qui vend des cierges, ou l’Ouvrier qui les fait. Cereorum Opifex. À Paris on l’appelle plutôt Marchand Cirier.

CIERVE. s. f. Vieux mot qui a été dit autrefois pour Biche. On disoit cierve au lieu de cerve, comme cévron pour chevron, & cerve étoit la femelle du cerf.

Ce mot s’étoit formé du latin cerva, biche.

CIEZ. s. m. Vieux mot. Cheveux.

CIG.

CIGALE. s. f. Insecte qui vole & fait en été dans la campagne un bruit aigre & importun que l’on prend mal-à-propos pour une sorte de chant. Cicada. Il y a deux espèces de cigale, dont les premières ne chantent point, qui sont les moindres, qui meurent les dernières, & qui ont le corps tout d’une venue, ce sont les femelles. Les secondes sont celles qui chantent, qui viennent les dernières, & qui meurent les premières : ce sont les mâles. Celles-ci ont le corps presque coupé par le milieu. Elles font leurs petits dans les terres qui se reposent, & sont en grande abondance quand la saison est pluvieuse. Elles ne viennent point dans les lieux où il n’y a point d’arbres ; mais elles haïssent pourtant les forêts froides & ombrageuses. D’abord elles naissent comme un petit ver en terre, d’où sont faites les meres cigales, qui sont bonnes à manger avant qu’elles sortent de la coquille dont elles sont environnées. Les Orientaux en vivent. Les cigales seules n’ont point de bouche ; mais au lieu de bouche, elles ont à l’estomac une pointe semblable à une langue, qui leur sert à lécher la rosée. Elles ont l’estomac creux comme un tuyau, qui leur sert à former leur chant. Dioscoride dit que les cigales roties & mangées sont bonnes pour les douleurs de la vessie ; & Galien ajoute que quelques-uns ordonnent trois, ou cinq, ou sept cigales sèches, avec pareil nombre de grains de poivre, contre la colique, & qu’il faut prendre par intervalle & au fort de la maladie. D’autres se servent de leur cendre pour faire uriner, & rompre la pierre.

Les cigales sont des mouches à quatre aîles. Elles sont réellement gastrimythes ou ventriloques. L’instrument qui exécute leur prétendu chant, est une espèce de tambour ou de tymbale qui se trouve sous le ventre. Le chant n’appartient qu’aux mâles, ains que chez les oiseaux. Voyez-en la méchanique, dans l’Hist. de l’Académie des Sciences, 1740, page 8.

Ménage dérive ce mot françois du mot latin cicada. Charleton le dérive de citò, & cado, parce que les cigales tombent & disparoissent bientôt, ou de Κιου (Kiou), αδων (adôn) comme si on disoit l’insecte qui chante, Κιου (Kiou), kit, ou qui fait Κιου (Kiou) en chantant.

Le chant des cigales est fort importun.

La cigale ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue,
Quand la bise fut venue. La Font.

La cigale étoit dédiée à Apollon, comme au Dieu de la voix & du chant. Il ne semble pourtant pas que ce fût pour la beauté de son chant, car on appeloit un mauvais Poëte une cigale ; mais c’étoit parce qu’elle a beaucoup de voix, qu’elle chante continuellement. Voyez sur les cigales Vossius, de Idol. L. IV, c. 67, 85.

Une cigale, avec ce mot de Virgile, Sole sib ardenti, Ec. II, 13, ou avec ce vers de Petrarque,

Infin al’ hora estrema,

Est la devise d’un travail infatigable & d’une persévérance constante.

Cigale de rivière. Cicada fluvialis. Petite mouche qui a six piés, qu’on voit sur l’eau, qui ne diffère de la cigale de terre, que parce qu’elle a la tête plus avancée.

Cigale de mer. Cicada marina. Poisson crustacé, ressemblant à la langouste, mais plus petit. Elle a une queue comme l’écrevisse ; & sa chair a le même goût que l’écrevisse de mer. Elle rougit en cuisant.

☞ On appelle cigale aux Îles Antilles les bouts de tabac que l’on fume sans pipe. Ce sont des rouleaux de tabac de la grosseur du petit doigt, dont on allume un bout pendant qu’on tient l’autre dans la bouche. Les Espagnols le nomment cigarros. Le tabac dont on les fait, se cultive principalement dans l’Île de Cuba.

CIGNE. Voyez Cygne.

CIGOGNAT. Voyez Cicognat.

CIGOGNE. Voyez Cicogne pour l’explication, & écrivez Cigogne.

CIGUË. s. f. Cicuta. Il faut dans ce mot un ë tréma, pour différencier la dernière syllabe de celle du mot fatigue. On doit observer la même ortographe dans le mot ambiguë, &c.

La ciguë est une plante ombellifère, qu’on range parmi les plantes venimeuses. On distingue la ciguë en deux espèces ; savoir, la grande & la petite. La ciguë simplement dite, ou la grande ciguë, cicuta major, a sa racine pareille à celle du panais, jaunâtre en dehors, blanchâtre en dedans, douceâtre au goût, & d’une odeur forte. Les feuilles qu’elle pousse sont découpées en plusieurs segmens, branchues comme celles du myrrhis, d’une odeur vireuse, âcre, d’un vert obscur. Sa tige s’éleve de quatre à cinq pié : elle est creuse, lisse, noueuse, branchue, garnie par intervalles de feuilles finement incisées, plus petites, à mesure qu’elles s’éloignent du bas de la plante. Cette tige & ses branches portent des ombelles de fleurs à cinq petites pétales blanchâtres, inégaux, disposés en fleurs de lis de France. À ces fleurs succèdent des semences aussi menues que celles de l’anis, arrondies, cannelées sur leur dos, & d’un vert-brun. Cette ciguë vient dans les endroits un peu humides, à l’ombre, près des masures, & le long des chemins. On a tant d’exemples fâcheux des mauvais effets de cette plante, qu’on ne sauroit en approuver l’usage interne. Il y a cependant des personnes qui la vantent comme un puissant sudorifique. On doit se contenter de l’appliquer extérieurement, pour résoudre les humeurs loupeuses, pour fondre les duretés de la rate, & du foie. Cette plante est la base de l’emplâtre qui porte son nom. Elle a été regardée par plusieurs Médecins comme un poison froid ; d’autres cependant, sur tout les modernes, la mettent au nombre des dissolvans & des poisons chauds. Les principales raisons qu’ils en apportent, comme on le voit dans Wepser, sont qu’elle pique la langue avec beaucoup