Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/101-110

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Fascicules du tome 3
pages 91 à 100

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 101 à 110

pages 111 à 120


☞ Jean Cimeliers, ancien Poëte François, dit qu’amour lui a emblé le cœur pour le mettre en la puissance de sa Dame ; & puisqu’il est en son danger, il ne peut l’en retirer.

En ce sens danger est corrompu de dominari, l’o changé en a, comme les Latins prononçoient de ὀρθιος, arduus, de ὀξιδιον, acetum, & nous de βίοτος, viande. Et ce qui appartient encore mieux à ce propos, Dam & Dame de Dominus, & Danjon de Dominium ou Dominicum, duquel nos Ancêtres appeloient le logis du Maître.

On le prenoit jadis pour congé ou indulgence, comme dans Alain Charrier.

Poine, paour, pauvreté, perte & doute
Ont occupé si ma pensée toute,
Qui’il n’en faut rien fors que par leur danger.

Ainsi les deniers qu’on paye aux Seigneurs féodaux pour obtenir congé de vendre la terre qui releve d’eux, lesquels deniers s’appellent communément ventes, & en Normandie, treizièmes, souloient être appellés dangers ; en quel sens je l’ai lu en un vieux recueil d’Arrêts des Eschiquiers de Normandie, au rapport d’un prononcé à la S. Michel, l’an 1299. & d’un autre de 1301. & les fiefs en possession desquels n’est loisible d’entrer sans congé du Seigneur de qui ils relèvent, sont pour même raison appelés fiefs de danger, c’est-à-dire fiefs de congé. En cette signification danger est corrompu de indulgere, la première syllabe omise.

C’est en cette troisième signification qu’en termes des Eaux & forêts il se dit du profit que le Roi tire du congé qu’il donne de couper son bois à la commodité du Tréfonsier. Pour le droit de gruerie il prend le tiers ou autre portion, & une autre pour le danger, c’est-à-dire pour le congé, indulgence ou permission de couper le bois à l’appétit du Tréfonsier. Cristophe Bérault, Avocat au Parlement de Rouen, des droits de tiers & de danger, gruerie & grairie.

Danger. Dans toute notre ancienne Poësie est une personne fâcheuse, qui s’oppose à nos volontés, à nos désirs.

DANGEREUSEMENT. adv. Avec danger. Periculosè. Cet homme a été dangereusement blessé. Ablanc. Il est dangereusement malade. La Chamb.

DANGEREUX, euse. adj. Qui met en danger, qui expose au danger. Periculosus. Les combats de mer sont fort dangereux. Les chemins par les montagnes sont dangereux, pleins de précipices & de brigands. De tendres entretiens sont trop dangereux pour les spectateurs. S. Evr. J’approuve le dessein que vous avez fait de vous désabuser de la fortune & de la quitter comme une maîtresse dangereuse. Voit. Les plaisirs sont des amusemens dangereux. Boss. Une personne sage méprise les froides & dangereuses fictions des Romans. Id. Les vertus sont plus dangereuses que les vices, quand on en fait un mauvais usage. Till. De tout tems rien n’a été plus dangereux parmi les hommes qu’un mérite éclatant. S. Réal.

Un plaisir indiscret est toujours dangereux. Vill.

Vos yeux sçavent lancer de trop dangereux traits. Corn.

On dit aussi, qu’un homme est dangereux, pour dire qu’il ne fait pas bon s’attaquer à lui. On dit aussi, qu’il est dangereux, lorsque sa doctrine ou ses mœurs sont corrompues, & qu’il y a danger à le fréquenter.

Foible ou perfide ami, quand il est écouté,
Dangereux ennemi, quand il est rebuté. Vill.

☞ On le dit à peu près dans le même sens d’un homme que l’on croit propre à se faire aimer des femmes.

En termes d’Eaux & forêts, on appelle Sergens dangereux, des Sergens traversiers qui alloient autrefois faire des visites de forêts en forêts extraordinairement, pour voir si les Sergens & Gardes ordinaires faisoient leur devoir. Ils avoient inspection sur les forêts où le Roi a le droit de tiers & de danger, & c’est de-là qu’on leur a donné le nom de dangereux. Voyez de Lauriere sur Ragueau, Apparitor saltuarius.

En termes de Fauconnerie, on appelle un oiseau dangereux à dérober les sonnettes, celui qui est sujet à s’écarter.

☞ DANGILON. Voyez Damgillon.

DANGU. Bourg du Vexin Normand sur la petite rivière d’Epte. Dangutum. Guillaume le Breton en parle. L. V.

DANIEL. s. m. Nom d’homme. Daniel. Le Prophête Daniel, qui est le quatrième des grands Prophêtes, comme on parle, étoit de la Tribu de Juda & de la famille Royale. Daniel étant encore enfant, fut emmené en captivité à Babylone, la troisième année du règne de Joakim, qui est la 3328e. du monde. Il vécut jusqu’à l’an 3416. du monde, auquel tems Cyrus le Grand étoit Roi de Perse, & Darius Médus Roi de Babylone. La Prophétie de Daniel, dans le texte original, est écrite partie en Hébreu, partie en Chaldaïque. voyez S. Jérôme, S. Epiphane, les PP. Pererius, Salien, Petau, Labbe, Jésuites, le Cardinal Bellarmin, aussi Jésuite.

Le nom de Daniel est un mot Hébreu, qui veut dire, Dieu est mon Juge.

DANIEL (Le Port). Port de mer dans la baie des Chaleurs, sur la côte orientale de l’Acadie. Portus Danielis. Son entrée a une bonne demi-lieue d’ouverture ; les deux côtés ne sont que rochers assez hauts, sa gauche en entrant a des rochers qui s’avancent vers l’eau, en sorte qu’il faut ranger la côte à droite pour y entrer, un navire n’y peut entrer plus avant qu’un bon quart de lieue : on y peut mouiller l’ancre.

DANISMEND. s. m. Terme de Relation. Templorum Turcicorum Minister. Les Danismends sont en Turquie les gens de loi qui font le service dans les Mosquées sous l’Iman, qui est leur chef & comme le Curé de la Mosquée ; les Danismends sont comme les Prêtres habitués des Paroisses chez nous.

DANK ou DANEK. Terme de Relation. Le premier est Persien, & le second a la prononciaton Arabe. C’est la sixième partie d’une drachme Arabique, qui pèse douze carats, ce sont donc deux carats, que les Arabes appellent Kerath, au plurier Kerathith, dont chacun pese quatre de nos grains. D’Herbelot.

C’est aussi une petite monnoie d’argent, dont six font la drachme d’argent, qui revient à notre gros. Hégiage fut le premier qui en fit battre. Le pluriel de danek est daovanik. Id. Voyez aussi Castel, au verbe דנק, daneka, qu’il interprète : minutias rerum sectatus fuit, obolatim numeravit : & d’où il tire dank ou danek. Le dank ou danek, réduit à nos monnoies, vaut un sou un denier & un tiers de denier.

☞ DANKON. Ville de Perse, grande, mais peu considérable. Longitude 78 degrés 15′. latitude 37. degrés 20′.

DANNA. Ville de la Terre-Sainte, dans la Tribu de Juda, Jos. XV. 49. Danna. Les Septante l’appellent Ρεννά, parce qu’ils ont pris un ד pour un ר, ou que les Copistes avant eux étoient tombés dans cette faute. Adrichomius la place au midi de la Tribu de Juda, du côté de la mer méditerranée. Ziegler l’appelle Doumach, & d’autres Edenna.

DANNEBERG. Ville d’Allemagne dans la Basse-Saxe, capitale d’un Comté de même nom. Danneberga, Dannorum mons. Ce nom fait croire que les Danois l’ont bâtie ou habitée. Danneberg est située sur la rivière de Tetza à une lieue de son embouchure dans l’Elbe.

Le Comté de Danneberg est un petit pays du Cercle de la Basse-Saxe. Dannebergensis Comitatus. Il est borné au couchant par le Duché de Lunebourg, & au nord par ceux de Lavembourg & de Meckelbourg. Les Etats de Brandebourg le confinent des autres côtés. Ce Comté a eu autrefois ses Comtes particuliers ; le dernier, nommé Nicolas, le donna à Othon le Belliqueux, Duc de Brunswick, moyennant une pension usagère de douze marcs d’argent, Maty.

DANNEBROCK. L’Ordre de Dannebrock. Ordo Dannebrogicus. Ordre de Chevalerie en Danemarck. Quelques écrivains, amateurs des fables, font remonter l’origine de cet Ordre jusqu’au tems de Dan, fils du Patriarche Jacob, qui, selon eux, fut le premier Roi de Danemarck, & donna son nom à ce Royaume. Ils disent que ce Roi prétendu étant sur le point de livrer une bataille l’an du monde 2898. vit descendre en l’air une grande croix blanche, qui fut le signe de la victoire qu’il remporta, ce qui fut cause qu’il institua un Ordre, auquel il donna son nom, & celui de broge, qui en Danois signifie peinture.

D’autres plus raisonnables, comme Bartholin, dans sa dissertation sur l’origine de cet Ordre, croient que Waldemar II. en a été l’instituteur vers l’An 1219. Cet Ordre, si cela est, s’abolit dans la suite. Christierne V. le rétablit en 1672. & il y a même plus d’apparence qu’il en fut l’Instituteur plutôt que le restaurateur. Ce fut à l’occasion de la naissance de son fils Christierne-Guillaume qu’il l’établit. Voyez le P. Héliot, T. VIII. C. 61.

DANNEMARC. Voyez Danemarck.

DANOIS, OISE. s. m. & f. Nom d’un peuple d’Europe qui habite le Danemarck. Danus. Les anciens habitans de ce que nous appelons aujourd’hui Danemarck, étoient les Cimbres. C’est pour cela que la Jutlande étoit appelée par les anciens Chersonèse Cimbrique ; mais depuis plusieurs siècles les Danois ne sont qu’un peuple mêlé de plusieurs autres qui s’y sont jetés : car on dit que le Christianisme ayant chassé l’Idolâtrie des bords du Rhin & de toute l’Allemagne, ce qu’il y a eu de Payens opiniâtres parmi les Saxons & les autres peuples de Germanie s’étoient jetés dans ces pays septentrionaux, où ces nouveaux hôtes trouvèrent des hommes aussi féroces qu’eux, & aussi entêtés du culte de leurs Idoles. Quoi qu’il soit, ces peuples se trouvant trop resserrés dans leurs Îles & leur presqu’île, sortirent souvent de leur pays dans la suite, & inonderent les pays voisins. Cependant les Danois conquérans de l’Angleterre au commencement du IXe siècle, n’étoient pas seulement des Danois, mais des Corsaires qui venoient de la Norwege, de la Scandinavie & de la Vindélicie, ou Vandalie, aussi bien que du Danemarck. Il y a de l’apparence, dit un Historien moderne, qu’ils prirent eux-mêmes le nom de Danois, comme le plus fameux, & leurs flottes n’arboroient point d’autre pavillon que celui de Danemarck. Ils parurent dès l’an 787. & firent descente dans le Royaume de Westsex ; mais ils furent chassés. Ils revinrent en 794. & débarquèrent dans la Northumbrie, d’où ils furent encore repoussés. En 834 leur flotte composée de vingt-cinq vaisseaux aborda les côtes d’Angleterre, & y débarqua des troupes. Ils combattirent Egbert & le vainquirent. L’année suivante ils firent encore descente dans l’ouest du pays de Galles. Les habitans se joignirent à eux, mais ils furent battus. En 838. une flotte de trente voiles fit descente à Southampton, & un autre à Portsmouth. L’année suivante ils firent encore deux descentes, & en 840. une autre à l’embouchure de la Tamise. On combattit l’an 843. Ethelulphe, successeur d’Egbert, commandoit la flotte en personne : il fut vaincu. En 845. ou selon d’autres, en 848. les Anglois eurent leur revanche. En 854. il reparurent, non plus en pirates, mais en conquérans. Leur flotte forte de cent cinquante voiles fit descente à l’embouchure de la Tamise ; ils s’emparerent de Cantorbery & de Londres, les pillerent, & y mirent garnison ; battirent Bertulphe, Roi de Mercie, & malgré trois batailles qu’ils perdirent sur terre ou sur mer, se logerent dans la petite Île du Thanet, que forme la rivière de Stour, vers l’embouchure de la Tamise, & qui étoit alors un havre considérable, où leur flotte hiverna. Ils battirent les Anglois, qui les en voulurent chasser & s’y maintinrent malgré eux. Enfin, après différentes descentes, en 867. ou 869. profitant du soulevement des petits Rois de Mercie & de Northumbrie, ils commencerent à s’établir, donnèrent un Roi aux Northumbriens, tuerent l’année suivante S. Edmond, donnèrent neuf batailles en 871. ou 872. & combattirent toujours ainsi jusqu’environ 912. que le Roi Edouard soumit à la Monarchie Angloise tous ceux qui s’étoient établis en Angleterre. Mais en 1002. Ethelrede, par le conseil de son Général d’armée nommé Hueux, ayant fait massacrer en un même jour les Danois dans toute l’Angleterre, Swenon, Roi de Danemarck, vint en 1004. pour venger ce massacre, & après une guerre de neuf ans, en 1013. conquit toute l’Angleterre, après avoir vaincu Ethelrede, qui fut abandonné de son armée, & obligé de se retirer en Normandie. Le règne des Danois en Angleterre finit en 1042, & dura plus de deux cens ans, à compter depuis la première irruption l’an 835. Voyez Cambden p. 101. & suiv.

Les Anciens ayant connu les peuples de la Chersonese Cimbrique sous le nom de Godanes, ou Codanes, celui de Danois en est venu, & est resté après eux aux peuples des Îles autrefois habitées. Chorier. Hist. de Dauph. T. I. p. 157. Selon Cluvier. Germ. Ant. L. III. C. 34. p. 140. le mot de Danois vient de Dan, qui est, comme nous l’avons dit au mot Dan, le nom du Dieu Theuth. Bien plus, Dan & Theuth, selon lui, sont un même nom, ils ont une même signification, même origine. Ce sont seulement deux différens dialectes. De Theuth, Θεῦθ, on a fait Ζεῦθ, Ζεύς, puis de Ζεύς, Ζδεύς, Δεύς, Δίς, Ζής, Ζάς, Ζήν, Ζάν, Δήν, Δάν. Dan & Theuth étant donc le même mot, Danus ou Danois, & Thuto, Theuton, sont le même nom ; & les Danois & les Teutons, le même peuple.

DANS. Préposition de tems & de lieu. In. avec l’acc, quand il est joint à des verbes qui signifient du mouvement ; avec l’ablatif quand les verbes ne signifient point de mouvement : il faut excepter les occasions où la préposition dans se trouve avec un nom de ville, car alors on la supprime en Latin, selon les règles de la Grammaire Latine. Ces deux propositions dans & en ont tant de rapport & de ressemblance, qu’il est assez difficile de dire précisément quand il faut mettre l’une plutôt que l’autre.

☞ On met, par exemple, toujours en devant les noms de Royaumes & de Provinces ; jamais devant les noms propres des villes, & il n’est jamais suivi des articles le, la ; & dans ne se met jamais devant un mot d’où l’article est retranché. Ainsi l’on dit, en Espagne, dans l’Espagne ; dans Paris, dans la ville. Je suis en peine, je suis dans la peine.

Ce mot vient de de & intus, selon Nicod & Ménage.

Dans, se dit en plusieurs occasions, quand il est question de marquer la disposition du corps, de l’esprit ou des mœurs, l’état de la fortune. Il est dans le dessein de se marier. Il languit dans une grande misère Je ne donne pas dans votre sens. Il est dans la joie de son cœur. Vous n’avez jamais rencontré dans mes yeux que de l’amour. On dit aussi qu’un homme a une affaire dans la main, dans sa poche, dans sa manche, pour dire qu’il en est assuré, qu’il en est le maître. Dans Plutarque, pour dire, dans les Œuvres de Plutarque, & non pas chez Plutarque, comme quelques-uns disent. Vaug. Rem

☞ Lorsqu’il s’agit du lieu, dit M. l’Abbé Girard, dans a un sens précis & défini, qui fait entendre qu’une chose contient ou renferme l’autre, & marque un rapport du dedans ou du dehors. On est dans la chambre, dans la maison, dans la ville, dans le Royaume, quand on n’en est pas sorti, ou qu’on y est rentré.

En a un sens vague & indéfini, qui indique seulement en général où l’on est, & marque un rapport du lieu où l’on se trouve à un autre ou l’on pourroit être ; on est en ville lorsqu’on n’est pas à la maison ; en campagne ou en province quand on a quitté Paris. On met en prison, & l’on met dans les cachots.

☞ Lorsque ces mots sont employés pour indiquer l’état ou la qualification, dans est ordinairement d’usage pour le sens particularisé, & en pour le sens général ; ainsi l’on dit, vivre dans une entière liberté, être dans une fureur extrême, tomber dans une profonde léthargie ; mais on dit, vivre en liberté, être en fureur, tomber en léthargie.

Cette préposition mise devant un nom de temps, marque quelquefois un temps à venir, le temps où une chose commencera, ou se fera, le temps au bout duquel elle se fera. Il arrive dans trois jours, dans trois semaines, dans trois mois. Cette ville sera prise dans vingt jours de tranchée ouverte. Intra. Mais dans, mis ainsi devant un nom de temps, ne marque point la durée du temps ; ainsi un Poëte, en parlant des derniers événemens de la guerre qui finit par la paix d’Utrecht, ne s’est pas assez bien exprimé quand il a dit :

Grand Roi, rien ne t’arrête ; & tes efforts puissans
Reparent dans trois mois les pertes de trois ans.

Il faisoit dire en trois mois, & non pas dans trois mois.

☞ Lorsqu’il est question du temps, dans marque plus particulièrement celui où l’on exécute les choses, & en marque plus proprement celui qu’on emploie à les exécuter. La mort arrive dans le temps qu’on y pense le moins, & l’on passe en un instant de ce monde en l’autre.

Dans, se met quelquefois pour la préposition avec. Il faisoit cela dans la pensée d’en tirer de l’utilité. Il alla à Paris dans le dessein, dans la vue de s’y établir. Eo consilio, eo animo.

Dans, s’emploie aussi pour pendant. Per. Il sera honoré dans toute la postérité. Port-R. Que ne ferois je point, si j’étois contente de vous, puisque je suis transportée d’amour, dans le temps où j’ai le plus de sujet de m’en plaindre. Let. Portug.

☞ Il est quelquefois synonyme à selon. Cela est vrai dans les principes d’Aristote. Il entend cela dans le sens de S. Augustin.

Dans l’idée, dans la tête. On a dans l’idée ce qu’on pense, on le croit. On a dans la tête ce qu’on veut ; on y travaille. Les imaginations sont dans l’idée, les desseins dans la tête. Les Courtisans se mettent aisément dans l’idée que le Prince doit faire leur fortune ; mais il en est peu qui se mettent dans la tête de le mériter par des services marqués au coin de la vertu.

Ce qui vient d’être dit de la préposition dans se réduit à-peu-près aux choses suivantes. Elle marque 1o. le lieu : être dans un jardin, dans une bibliothèque ; de l’argent qui est dans une cassette. 2o. Le temps : dans la saison où nous sommes, dans deux jours, dans un mois. 3o. La situation du corps : être dans une posture incommode, peindre une figure dans une belle attitude. 4o. La disposition du corps : être dans une parfaite santé, dans le redoublement de la fièvre. 5o. La manière d’agir & de vivre : vivre dans la débauche, dans l’oisiveté, dans la retraite. 6o. La profession & les différens états de la fortune : être dans le ministère, dans l’épée, dans la robe, être dans la faveur, dans la disgrace, dans la misère, dans l’abondance. 7o. La disposition de l’ame : être dans la crainte, dans la joie, dans le doute, dans l’affliction. 8o. Le motif & l’intention : faire quelque chose dans la vue de plaire à Dieu, dans la crainte de lui déplaire, dans le dessein, dans l’espérance. 9o. La manière de faire les choses, de les prendre : Juger dans la rigueur, prendre dans un bon sens, dans un sens moral, dans la pensée de l’auteur, &c. Voyez la Grammaire Françoise de M. l’Abbé Regnier. Le P. Bouhours, dans ses Remarques nouvelles sur la langue, observe que lorsqu’il s’agit d’autre chose que de la demeure, on se sert d’ordinaire de dans, comme, on cherche partout un tel, sans qu’on le puisse trouver, il est néanmoins dans Paris. Le même Auteur remarque que si deux personnes qui sont dans Paris se parlent, il y a plus de délicatesse & de perfection à dire. Il n’y a personne dans Paris que j’estime plus que vous, qu’à dire, il n’y a personne à Paris ; mais que la dernière façon de parler est meilleure si les deux personnes sont hors de Paris ; & de même de tous les autres noms de villes, Rome, &c.

DANSE. s. f. Mouvemens réglés du corps, sauts & pas mesurés qui se font en cadence, au son des instrumens ou de la voix. Saltatio, saltatus. Danse noble. Danse figurée. On a vu des danses de chevaux au Carousel du Roi Louis XIII. Les Sybarites sont les premiers qui ont inventé cette sorte de danse.

Ce mot vient de l’Allemand dantz, signifiant la même chose, & danser de dantzen. Bochard le dérive de l’Arabe tanza, signifiant aussi la même chose, & Guichart de l’Hébreu דנץ donts, qui signifie à-peu-près la même chose. Voyez Danser.

La danse est en usage chez tous les peuples, tant civilisés, que barbares. Elle a été pourtant estimée chez quelques-uns, & méprisée par les autres. La danse de soi n’est point mauvaise. Il y a, dit l’Ecclésiastique, un temps pour danser ; quelque fois même on en a fait un acte de religion ; ainsi David dansa devant l’Arche, pour honorer Dieu, & pour marquer l’excès de la joie qu’il avoit de voir venir l’Arche dans la ville de Sion. Socrate apprit à danser d’Aspasia. Ceux de Sparte & de Crète alloient à l’assaut en dansant. Au contraire, Cicéron fait reproche à Gabinius, homme Consulaire, d’avoir dansé. Tibère chassa de Rome les Danseurs. Domitien ôta du Sénat quelques Sénateurs pour avoir dansé.

Les anciens avoient trois sortes de danses : l’une grave, nommée Emmélie, qui répond à nos basses danses, & pavanes. La seconde était gaie, qu’ils nommoient Cordax, qui répond à nos gaillardes, voltes, courantes, & gavottes. La troisième nommée Siccinnis, entremêlée de gravité & de gaieté, qui répond à nos branles. Néoptolémus, fils d’Achille, enseigna à ceux de Crète une danse, appelée, Pyrrichie, ou la danse armée, pour s’en aider à la guerre. Pyrrichia, armata saltatio. Mais la fable dit que les Curètes inventèrent cette danse pour amuser le petit Jupiter avec le bruit de leurs épées, dont ils frappoient sur leurs boucliers. Diodore de Sicile, au IVe L. de sa Bibliothèque, dit que Cybèle, fille de Ménon, Roi de Phrygie, & de Dindymène sa femme, inventa beaucoup de choses, & entre autres le flageolet composé de plusieurs chalumeaux, la danse, le tambourin & les cymbales. Numa institua aussi une danse pour les Saliens, Prêtres de Mars, qui servoient avec des armes. Saltatio Saliaris. Et de ces danses on en a composé une qu’on appelle des Boufons ou Matassins, dont les Danseurs sont vêtus de petits corcelets avec des morions dorés, des sonnettes aux jambes, avec l’épée & le bouclier à la main. Mimicè saltare. On y fait plusieurs passages dont Thoinot Arbeau a donné la tablature en son Orchésographie. Lucien en a fait un Traité, & Julius Pollux un Chapitre. Il en est aussi parlé dans Athénée, Cælius Rhodiginus, & Scaliger. Quelques-uns ont dit que Castor & Pollux furent ceux qui apprirent l’art de la danse aux Cariens. D’autres disent qu’elle fut inventée par Minerve, qui dansa de joie après la défaite des Titans.

La danse est un effet & une marque de joie chez la plûpart des peuples. Il y a quelques nations dans l’Amérique méridionale qui dansent pour marquer leur tristesse. Voyez le P. Pelleprat dans la seconde partie de les Relations.

Thoinot Arbeau a donné une Orchésographie. Il y a quelque temps qu’un Maître ds Danse à Paris donna une Orchésographie, l’art marque les danses & les pas, comme on marque les tons en Plainchant & en musique. Le fameux Beauchamp prétendit être l’inventeur de ce secret, & il y eut un Arrêt en sa faveur. Vigenere traite sçavamment des danses antiques dans ses Annot. sur Tite-Live, p. 1291. & suiv.

Danse, se dit aussi d’un air à danser. On dit d’un bon Danseur, qu’il danse toutes sortes de danses. Telle danse est grave.

Danse, se dit aussi quelquefois pour la manière de danser. Saltatio. Il a une danse contrainte. Il y a plaisir à voir danser ce jeune Seigneur, sa danse est noble, libre, aisée.

On dit proverbialement & figurément, commencer la danse, pour dire, être le premier attaqué, soit en guerre, soit en procès, &c. Esther en danse, pour dire, s’y mêler, s’y embarrasser, quand l’affaire est commencée. On dit aussi, après la panse vient la danse ; pour dire, qu’après avoir bien bu & mangé, on veut rire d’une autre manière. En 1313. Guy Comte de Forès, après s’être croisé avec Philippe le Bel dans la grande assemblée que le Roi tint à Paris à la Pentecôte, retourna chez lui en Forès avec un grand nombre de Gentilshommes de son pays, qui l’avoient suivi, il leur donna une grande fête, accompagnée de bals, danses, & autres réjouissances ; mais pendant qu’on dansoit, le plancher de la salle tomba, écrasa la plûpart de ceux qui étoient de cette assemblée, blessa les autres qui en moururent quelque temps après. De-là vintle proverbe, danse de Forès, pour marquer une joie excessive suivie d’une malheureuse fin. Paradin, Annal. de Bourg. L. II. p. 308.

On dit : Ne doit point se mettre en danse qui ne veut point danser, pour dire que lorsqu’on s’est embarqué dans une affaire, il en faut essuyer les mauvais événemens comme les bons.

Danse-basse. Saltatio composita. On appeloit ainsi autrefois les danses régulières & communes, telles que sont celles des honnêtes gens : ces sortes de danses furent ainsi nommées, pour les distinguer des danses irrégulières, accompagnées de sauts, de mouvemens violens, de contorsions extraordinaires, telles que sont les danses des Pantomimes & des Saltimbanques : ces dernières sortes de danses se nommoient danses par haut. Saltatio sublimior.

Danse du Trihory. Danse ancienne de France. Saltatio trichorica. Eutrapel dans ses contes en parle ainsi : La danse du Trihory est trois fois plus magistrale & gaillarde que nulle autre. Et plus bas. La voix & le mot sont par entrelaceures, petites pauses & intervalles rompus, joints avec le nerf & corde de l’instrument, en sorte que la force de sa parole & sa grace y demeurent prins & englués, sans espérance de les pouvoir séparer, pour demeurer en vrai ravissement d’esprit, soit à joie, soit à pitié.

Danse Suisse. Saltatio Helvetica. Sorte de danse propre des Suisses, qui consiste dans un continuel traînement de jambes. Voyez les Notes sur Rabelais, p. 164. liv. IV. c. 38.

DANSER, v. n. Mouvoir son corps en cadence, à pas mesurés au son de la voix ou des instrumens. Saltare, movere corpus ad numeros. Saluste reproche à Sempronia, qu’elle sçavoit danser avec plus d’art & de curiosité, qu’il n’est bien séant à une honnête femme. S. Evr. Sans mentir cette Dame d’hier au soir est bien laide, & danse d’un méchant air. Let. Port.

☞ On le dit activement. Danser une courante, une sarabande, un branle, une bourée. Danser un ballet.

Ménage, après Saumaise, dit que ce mot vient de densare, signifiant condenser & fouler, parce que les Foulons avoient coutume de sauter & de danser en foulant leurs draps. Le mot danser vient de l’Allemand dantzen, qui veut dire la même chose. Voyez les étymologies rapportées ci dessus au mot Danse.

On dit proverbialement, qu’on fera bien danser quelqu’un, pour dire, le menacer de lui donner bien de l’exercice, & qu’on le mettra bien à la raison. On dit aussi d’un homme qui est entré dans une méchante affaire, qu’il en dansera, pour dire qu’il lui en coûtera bon. On dit aussi, qu’un homme ne sait plus sur quel pied danser, pour dire, qu’il ne sait plus où trouver de quoi vivre, qu’il ne sait plus que faire. On dit aussi, qu’un homme a dansé un branle de sortie, quand il s’en est allé de quelque lieu, ou quand on l’en a chassé. On dit qu’un homme paye les violons, & que les autre dansent, pour dire, qu’un homme fait tous les frais d’une affaire, & que les autres en ont tout le profit, ou ont l’honneur & le plaisir de la fête. On dit, toujours va qui danse, pour dire, qu’il n’importe pas de bien danser, pourvu qu’on ait la complaisance de danser avec les autres. On le dit figurément d’un homme qui fait tant bien que mal, mais le mieux qu’il peut, ce qu’il a à faire. On dit encore, il la dansera tout du long, c’est-à-dire, on le traitera à la rigueur, on ne lui donnera point de quartier.

Déjà plus d’une fois je vous avais fait grâce ;
Mais puisque pour le coup je vous tiens dans ma nasse,
Tout du long vous la danserez. La Font.

Danser la pâte. Terme de Boulanger, particulièrement en usage dans les Boulangeries où l’on cuit le biscuit de mer. C’est après que la pâte a été suffisamment pêtrie dans le pêtrin, la retourner à plusieurs fois sur une table, jusqu’à ce qu’elle soit bien ferme & ressuyée ; on la danse ordinairement pendant un quart-d’heure.

Dansé, ée. part. Un ballet bien dansé.

DANSEUR, euse. Nom qu’on donne généralement à tous ceux qui dansent. Saltator, saltatrix. Voilà un bon danseur. Cette Dame est la meilleure danseuse du monde. Cependant il se dit plus ordinairement d’un homme dont la profession est de danser. Danseurs, Danseuses de l’Opéra.

Danseur de Corde. Homme qui danse sur une corde tendue en l’air. Schœnobates. Un Professeur de Philosophie de Dantzic fit en 1702 une dissertation sur les danseurs de corde, de funambulis, pleine d’érudition & de grande connoissance de l’antiquité. Il définit un danseur de corde, un homme qui marche sur une grosse corde attachée à deux poteaux opposés, c’est là précisément ce que signifie le mot Latin funambulus, composé de funis, une corde, & d’ambulo, je marche : mais nos danseurs de corde font plus, non-seulement ils marchent, ils dansent encore & voltigent sur la corde.

Les Anciens ont eu leurs danseurs de corde aussi bien que nous ; les noms de Neurobates, Schœnobates, & en Latin funambulus, qui marche sur la corde, se trouvent part-tout. Ils avoient encore des Cremnobates & des Oribates, c’est-à-dire, des gens qui marchoient sur le bord des précipices. Bien plus, Suétone dans Galba, c. 6. Séneque, dans son Epitre 85. & Pline, L. VIII. c. 2. parlent d’Eléphans auxquels on apprenoit à marcher sur la corde. Acron, ancien Grammairien & Commentateur d’Horace, dit sur la Satyre Xe. du premier Livre, que Messala Corvinus s’est le premier servi du mot funambulus, & Térence ensuite. M. Grodeek, qui est le Professeur donc nous avons parlé, prétend qu’il se trompe, & que Messala ne vivoit qu’après Térence. Il a raison, & Acron confond Valerius Messala, à qui l’on donna le nom de Corvinus dans la guerre contre les Gaulois l’an de Rome 405. deux cens ans environ avant Térence : il le confond, dis-je, avec un de ses descendans, qui fut un Orateur fameux du tems d’Horace.

Les Danseurs de corde des Anciens exerçoient leur art de quatre différentes manières. Les premiers voltigeoient autour d’une corde, comme une roue autour de son essieu, & s’y suspendoient par les pieds ou par le cou. Les seconds y voloient de haut en bas, appuyés sur l’estomac, ayant les bras & les jambes étendues. Les troisièmes couroient sur la corde tendue en droite ligne, ou du haut en bas. Les derniers enfin non-seulement marchoient sur une corde, mais ils y faisoient aussi des sauts périlleux, & plusieurs tours. La Mare, Tr. de Pol. T. I. p. 434. Voyez Schœnobate.

Les Danseurs de corde qui sont en Orient, font des sauts & des tours plus extraordinaires & plus périlleux cent fois que ceux d’Occident.

DANTE. s. m. Animal qui naît en Afrique, & qui est fort vîte. Il est gros comme un petit bœuf. Il a les jambes courtes & le cou fort long : ses oreilles ressemblent à celles des chèvres, & il a une corne au milieu de la tête qui se courbe en rond comme un anneau, & qui est façonnée. Le dante est blanchâtre, & il a les ongles des pieds noirs & fendus : sa chair est très-bonne, & de sa peau on fait de très-belles rondaches, dont les meilleures sont à l’épreuve des flèches. Ab.

DANTZICK, DANZIC ou DANTZIG. Ville de Pologne dans la Prusse Royale, sur l’embouchure occidentale de la Vistule. Gedanum, Dantiscum. C’est une des villes Anséatiques. Elle passe pour une des plus grandes villes de l’Europe. On la divise en vieille & nouvelle. C’est Primislas, Roi de Pologne, qui en 1295. la fortifia ; mais on croit que ce sont les Danois qui l’ont fondée, & qui d’abord bâtirent là une forteresse qu’ils nommèrent Dans Wick. Danorum vicus. Bourg des Danois : selon Cluvier néanmoins, Germ. Ant. L. III. c. 34. du nom Dan, Dieu des Germains, on a fait Codan, Godan, Godanskr, d’où est venu en Latin Godanum, Godanske, Danske, Dantske, & par corruption, Dantzig. V. au mot Danois, ce que c’est que Dan, & d’où vient ce mot. Dantzic est, selon Messieurs de l’Académie des Sciences, au 54e. degré 22. min. de latitude, & au 3854e. de longitude, différent de 18. degrés de la longitude de Paris, qui est 20 degrés. R. Curiker a fait en Allemand une Description de Dantzick, qui contient aussi l’histoire de cette ville. Elle fut imprimée à Amsterdam en 1686.

DANTZICK-HOR. s. m. Monnoie d’argent qui se fabrique à Dantzick, ville de la Prusse Royale, & qui a cours à Riga, à Conisberg, & presque dans tout le Nord.

DANTZICOIS, OISE. Qui est de Dantzick. Gedanensis. Cluvier étoit Dantzicois.

DANUBE. Danubius, Ister. Le Danube est le plus grand fleuve de l’Europe après le Volga. Il prend sa source à Eschingen, village de la Principauté de Furstemberg, traverse la Suabe, la Bavière, l’Autriche, la Hongrie, la Servie & la Bulgarie, & se décharge dans la mer noire par deux embouchures. Il en avoit autrefois six, mais quatre ont été bouchées par les sables. Il parcourt six à sept cens lieues de pays, & commence à porter bateau à Ulm dans la Suabe. Il reçoit un grand nombre de rivières : en Allemagne, le Lech, l’Iser & l’Inn à droite ; le Nab & la Morave à gauche : en Hongrie le Raab, la Drave & la Save à droite ; & la Teisse à gauche : en Servie, la Nissava ; & en Bulgarie du côté gauche, l’Olt, le Misowo & le Pruth. Il baigne un fort grand nombre de villes considérables ; en Allemagne, Ulme, Donawert, Neubourg, Ingolstat, Ratisbone, Passaw, Lints, Krembs & Vienne ; en Hongrie, Presbourg, Javarin, Cran, Vicegrad, Bude, Vacie, Pest, Colocz & Bodrog ; en Servie, Belgrade, Sémendrie & Widdin ; & en Bulgarie, Axiopoli & Silistrie.

Homère n’a point parlé du Danube, mais Hésiode en parle, Theogon. v. 339. & c’est le plus ancien Auteur qui en ait fait mention. Des deux noms que ce fleuve a eu dans l’antiquité, Danubius & Ister, le premier se donnoit depuis sa source jusqu’à Belgrade, ou jusqu’à Axiopoli, & le second depuis là jusqu’à la mer. Le Géographe Etienne dit que les Scythes l’appeloient Matoas, qui signifioit la même chose en leur langue que ἄτιος, en Grec, c’est-à-dire, Qui ne fait point mal ; & qu’ils lui donnoient ce nom, parce qu’ils le passoient très-souvent, & toujours sans danger ; mais qu’ayant une fois fait quelque perte en le traversant, ils le nommerent δανουϐις, δανουτις, qui veut dire, Auteur de dommage. C’est de-là, selon cet Auteur, que s’est fait Danubius, mais ce n’est-là qu’une fable. Caton, dans ses Origines, vouloit qu’il eût pris ce nom des Danois, qui vivoient sur ses bords. Quelques-uns disent que ce mot s’est fait de Tonnam, mot Allemand formé de Tonna, Tonnerre, & qu’il lui fut donné à cause du bruit que font ses eaux. Rhénanus & Vadianus disent que Danubius s’est dit pour Abnobius ou Abnovius, & que ce nom lui est venu du mot Abenow, Abnoba, en Suabe, duquel il prend sa source. Cette opinion est la plus probable & paroît sûre ; car on disoit autrefois Abnaw pour Abnow : en ajoutant l’article die, le fleuve s’est appelé die Abnaw, & par contraction, Danaw, comme en effet les Allemands l’appellent encore à présent. Ajoutez que c’étoit vers sa source, comme on l’a dit ci-dessus, qu’il avoit ce nom. Isidore prétend que c’est la quantité de neiges qui grossissent ce fleuve qui l’a fait appeler Danubius, comme si l’on disoit Danivius. D’autres, qu’il s’est appelé Danuf, parce qu’il coule sus, c’est-à-dire, vers des lieux plus élevés que sa source. On peut voir les différentes opinions des Anciens sur la source du Danube, dans Guillaume Stuck, sur Arrien, p. 164. & dans Hoffman au mot Danubius, où il a ramassé presque tout ce qui se peut dire de ce fleuve.

DANZEL. s. m. Vieux mot, qu’on a dit pour Damoiseau, nom qu’on donnoit autrefois aux jeunes gens de grande maison.

DAO.

DAOLO. s. m. Terme de Mythologie. Faux Dieu des Tunquinois. C’est le Dieu des voyageurs. Les paysans & le menu peuple, quand ils se mettent en colère, invoquent ordinairement un Démon qu’ils nomment Dao-Lô, & qui est le Dieu tutélaire de ceux qui voyagent ; & ils le prient qu’il les fasse périr auparavant que de joindre la fin de leur carrière, ou qu’il les remette en la puissance d’un autre Démon, qu’ils appellent Hankien. Marini.

DAP.

DAPHCHA, DAPHCA. Et selon la prononciation Hébraïque Dophca. Lieu de l’Arabie Pétrée, où les Israëlites firent leur neuvième station, Nombr. XXXIII. 12. 13. Ce lieu étoit dans le désert de Sin, entre Sin & Alus. Les Septante disent Ραφανά, Raphana, mais la Vulgate est conforme à l’original Hébreu.

DAPHNE. Nom d’un fauxbourg d’Antioche, dans lequel il y avoit un Temple & un Oracle fameux d’Apollon. Daphne. Il étoit du côté du midi de la ville. Il en est parlé Machab. II. IV. 33. C’étoit un lieu délicieux près de l’ancienne Antioche. Ce lieu étoit en Syrie ce qu’étoit Bayes en Italie, & Canopus près d’Alexandrie en Egypte, c’est à dire, très-agréable ; mais très-décrié pour la débauche & la dissolution des mœurs. S. Jean Chrysostome, dans son homélie sur Saint Babylas, & Sozomène disent qu’un homme qui avoit de l’honneur & de la pudeur n’y pouvoit aller.

☞ Tout conspiroit à faire de ce lieu un séjour délicieux : l’air y étoit le meilleur du monde ; le territoire admirable de sa nature, le devenoit encore plus par l’art, & fournissoit toutes sortes de fruits ; des bois de haute futaie, de petits bosquets, des eaux excellentes, toutes les commodités de la vie y attiroient une infinité de ces gens qui veulent goûter les douceurs d’une vie tranquille & aisée, de-là le proverbe : Daphnicis moribus vivere.

Il y a plusieurs loix ou rescrits des Empereurs, dans le Code, qui défendent de couper ce bois, qui étoit composé principalement de cyprès & de lauriers. On y voyoit une Idole fameuse d’Apollon qui rendoit des oracles, & qui fut rendue muette, comme Sozomene le rapporte, L. V. c. 18. Il y avoit un autre temple consacré à Diane. Les Juifs y avoient aussi une fameuse Synagogue, dont S. Jean Chrysostome parle souvent dans ses Homélies contre les Juifs d’Antioche.

Ce nom fut apparemment donné à ce lieu du mot Grec Δάφνη, laurus, parce qu’il y avoit beaucoup de lauriers. Bochart, dans son Chanaan, L. I. c. 1. prétend que ce mot est Hébreu & Phénicien, & qu’on a dit Daphne pour Taphne, les Grecs ajustant les mots Hébreux, de sorte qu’ils semblent être nés chez eux. Quoi qu’il en soit, ce lieu changea de nom dans la suite, & prit celui de Nero, qui, quoi qu’en dise Hoffman, ne vient pas vraisemblablement du Grec Νηρόν, qui signifie un lieu humide & aquatique, ni du Syriaque נר, qui ne se dit peut-être point, mais de l’Hébreu נהר, nathar, dans la forme Syriaque, נהר, nehar, & נהרא, nehara, qui signifie un ruisseau, une rivière, & figurément, un lieu bien arrosé.

Daphné, est aussi un lieu d’Egypte proche de Péluse, dont parle Etienne de Byzance.

Daphné est encore une montagne de l’Attique, ainsi nommée à cause de la quantité de lauriers-roses qui y croissent. Il y a un Monastère de Caloyers, aussi appelé Daphné, du nom de la montagne. Voyez M. Spon, dans son Voyage de la Grèce, P. II. pag. 275. & Wheler, Voyage d’Athènes, T. II. Liv. III.

Daphné. s. f. Terme de Mythologie. Fille de Tirésias, dont parle Diodore, prophétisa à Delphes, & y acquit le nom de Sibyle. On dit qu’elle n’employoit dans ses réponses que des vers d’Homère.

Daphné. Fille du Fleuve Pénée, laquelle fut métamorphosée en Laurier.

Daphné, autre Nymphe de la montagne de Delphes, qui fut choisie, selon Pausanias, par la Déesse Tellus, pour présider à l’Oracle qu’elle rendoit en ce lieu, avant qu’Apollon en fût en possession.

☞ DAPHNÉEN. Surnom donné à Apollon, à cause du célèbre temple qu’il avoit à Daphné, Fauxbourg d’Antioche.

DAPHNELÆON. s. m. Laurinum, ou huile de baie de laurier. Voyez en la préparation dans le Dict. de James. Ce mot vient de δάφνη, laurier, & ἔλαιον, huile.

DAPHNÉPHORIES. s. f. pl. Terme de Mythologie. Fêtes que l’on célébroit tous les neuf ans dans la Grèce, en l’honneur d’Apollon. Un jeune homme choisi parmi les meilleures familles, bien fait, fort & robuste, portoit en pompe une branche de laurier chargée d’un globe de cuivre, duquel pendoient plusieurs autres petits globes. Le premier désignoit le Soleil ; le second un peu plus petit désignoit la Lune, & les autres les étoiles. Les couronnes qui environnoient ces globes marquoient les jours de l’année. Le jeune homme ministre de cette fête s’appeloit Daphnéphore.

DAPHNIS. s. m. Nom d’homme. Daphnis. C’est un nom de Berger célèbre par les idylles, les eglogues des Poëtes de toutes les nations. M. d’Urfé a fait le mot de Daphnis du genre féminin dans son Astrée. Le Cavalier Marin a fait la même chose, & ils ont attribué tous deux aux femmes ce nom, que les autres n’ont donné qu’aux hommes. Théocrite & Virgile ont pleuré dans leurs ouvrages bucoliques la mort de Daphnis. Daphnis étoit fils de Mercure, il fut changé en rocher.

DAPHNIS. Fontaine voisine de Réblatha, ville de la Tribu de Nephthali, & des eaux du Méron. La Vulgate seule donne le nom de Daphnis à cette fontaine ; car le texte Hébreu & les Septante ne lui en donnent point.

DAPHNITE. s. f. Pierre figurée qui imite les feuilles du laurier.

DAPHNOMANCIE. s. f. Divination par le laurier consacré à Apollon. On la pratiquoit de deux manières.

☞ La première, en jetant une branche de laurier dans le feu, si elle pétilloit en brûlant, on en tiroit un heureux présage ; si elle ne faisoit point de bruit, c’étoit un mauvais signe.

☞ La seconde, en mâchant des feuilles de laurier, qui inspiroit, disoit-on, le don de prophétie.

☞ DAPHNOMANCIEN, enne. Celui ou celle qui se vante de deviner par le laurier.

DAPIFER. s. m. Nom de dignité & d’Office, Grand-Maître de la maison de l’Empereur. Dapifer. Ce nom est Latin, composé de daps, dapis, qui signifie un mets, une viande qui le sert sur la table, dans un repas,& qui se mange, & de fero, je porte. Aussi il signifie proprement Porte-mets, Porte-viande, un Officier qui porte les mets, qui sert la table. Quoique ce nom soit purement Latin, on ne laisse pas de s’en servir en François, comme a fait M. de Marca, dans son Hist. de Béarn, Liv. VI. c. 2. Ce titre de dapifer est un nom de dignité & d’office dans la Maison Impériale, que l’Empereur de Constantinople donna au Roi de Russie, comme une marque de faveur. Cet office étoit nommé en France anciennement dapiférat & Sénéchaussée, qui comprenoit l’intendance sur tous les offices domestiques de la Maison Royale, ainsi que Hugues de Cleriis, ancien Auteur, a expliqué dans le Commentaire qu’il en fit il y a six cens ans, en faveur de Foulques Comte d’Anjou, à qui le Roi Robert donna en héritage l’investiture du dapiférat de la Maison Royale ou la Sénéchaussée du Royaume, comme parle ce Hugues, que le P. Sirmond a publié en ses notes sur Géoffroy de Vendôme, De Marca. La Maison de Moncade, en Catalogne, a pris indifféremment le surnom de Moncade & celui de dapifer. Le titre de dapifer est même le surnom le plus ordinaire dans les actes publics, & le plus ancien dans cette illustre Maison, qui représente l’ancienne dignité du dapiférat de France, dont le premier de cette race avoit été pourvu sous Charlemagne. Id. C’est de la qualité de dapifer, qui est originaire dans cette maison, qu’elle a pris le sujet du blason de ses armes, qui sont six tourteaux. Id. Voyez encore le Glossaire de Du Cange & Hoffman.

Au reste, le dapifer n’étoit pas seulement un Officier de la maison des Princes, les particuliers avoient aussi des dapifers, comme ils ont aujourd’hui des Intendans & des Maîtres-d’hôtel. Quoiqu’il paroisse par ce qu’on a rapporté de M. de Marca, & par les preuves qu’il en donne à l’endroit cité, & qui sont aussi indiquées par Surita, en ses Annales, Liv. I. c. 2. & par Fra-Francisco Diego, dans son Histoire des Comtes de Barcelone, quoiqu’il paroisse, dis-je, par-là, que le dapiférat étoit établi sous Charlemagne, on n’en trouve aucune mention plutôt, & Hincmar lui-même n’en parle point dans le dénombrement des offices du Palais de ce Prince ; ainsi il paroît que c’est l’époque de l’institution de cet Office. Sous les Ottons le nom & le titre de dapifer devint plus commun. Il est encore resté jusqu’à ce tems-ci en Allemagne, & le Comte Palatin a été dapifer de l’Empire. Limnæus & Hoffman. Depuis 1623. c’est l’Electeur de Bavière ; il prend le titre d’Archidapifer de l’Empire. Son office est, au couronnement de l’Empereur, de porter à cheval les premiers plats à la table de l’Empereur. Les différentes Fonctions de la charge de dapifer lui ont fait donner par les Auteurs anciens plusieurs noms différens, parce qu’il assembloit les Officiers de la cuisine à leur table, & que de-là il portoit & faisoit porter les mets à la table du Prince ; on l’a appelé Ἐλέατρος en Grec, & eleater en Latin, de ἐλεόν, table de cuisine ; dipnocletor, celui qui assemble les Officiers pour le repas, de δεῖπνον, cœna, epulum, cibus, & καλέω, voco ; Convocator, parce qu’il avoit l’intendance de la table : Trapezopœus, de τράπεζα, mensa, table, & ποιέω, je fais, je dresse ; Architriclinus, Maître, Intendant de la salle à manger : parce qu’il goûtoit les viandes avant que de les faire servir, on le nomme Progeusta, Protogeusta, de πρό, ante, ou πρῶτος, primus, & γεύω, gusto ; & Prægustator, mot Latin qui signifie la même chose, de præ & gusto. Dans des tems plus bas on l’a nommé en Orient domestique, domesticus, Mégadomestique, Megadomesticus, magnus domesticus, Œconome, Œconomus, Majordome, Majordomus, Sénéchal, Seneschallus. Voyez Domestique. Schalcus, Gastaldus, Assesseur, Assessor, Præfectus, ou Præpositus mensæ Intendant de la table, Princeps Coquorum, Prince ou Maître des Cuisiniers, & même Magyrus, du Grec μάγειρος, Cuisinier.

Sous la troisième race de nos Rois, il y avoit plusieurs Dapifers, & le Grand Dapifer portoit à l’armée la bannière royale.

Le Dapifer des Barons & des Gentilshommes, connoissoit autrefois des causes qui étoient du ressort & de la Jurisdiction de son maître, & il étoit chef de sa Justice ; & dans la suite il fut appelé Sénéchal de la Cour du Baron ou Sénéchal du manoir, Seneschallus Curiæ Baronis, Seneschallus manerii. Sigebert, à l’an 1160, parle d’un Robert de Neubourg qu’il qualifie Dapifer & Justicier de toute la Normandie. Le Duc de Suabe ne dédaignoit pas autrefois d’être Dapifer de l’Abbé de Saint Gai, & de le servir, lorsqu’on le faisoit Prince à la Cour Impériale. Voyez Conrad de Faburtia, Rer. Alleman. Tom. I. part. 1. Il étoit aussi du devoir du Dapifer de porter l’étendard de son Maître, & par conséquent d’assembler & de conduire ses vassaux à la guerre.

En Angleterre la Charge de Dapifer a été peu illustre. Dans les subscriptions des anciennes Chartres de ce Royaume, le Dapifer est toujours un des derniers. Voyez sur tout ceci M. du Cange, Gloss.

DAPIFÉRAT. s. m. Office, Charge, Dignité, qualité de Dapifer. Dapiferi munus, officium, dignitas. Dapiferatus. Le Dapiférat étoit une ancienne dignité dans la maison des Empereurs, & dans cellf de nos Rois, au moins depuis Charlemagne. Voyez Dapifer. Voyez aussi Lymnæus, Jus public. Imp. L. III. c. 9 §. 20. & suiv. Imhoff. Not. Imp. L. II. c. 6. Ce dernier, Liv. VII. c. 18. §. 9. traite encore du Dapiférat, & pour me servir de son terme du sous-dapiférat de l’Empire.

DAPIKEN. Terme de Relation. Vingt-quatrième & derniere partie de l’année des Cathaïens, dont chacune est de quinze jours, & leur tient lieu de mois & de semaine. D’Herbelot.

D’APRÈS. Sorte d’adverbe & de préposition. Dessiner d’après l’antique, d’après nature. Colorier d’après le Titien. De Pilles. Ad exemplum alicujus pingere, Pictorem aliquem imitari. Voyez au mot Après.

On se sert aussi de cette expression dans un sens métaphorique : Je ne vous ai loué dans mes vers, je ne vous ai dépeint que d’après la renommée, c’est-à-dire, je n’ai rien dit de vous que ce que tout le monde en sait, ce que la rénommée en publie, je n’ai rien mis du mien, je n’ai rien inventé pour vous flatter.

DAR.

DARA. Voyez Darha.

DARABGUIERD. Ville de Perse. On trouve aux environs de cette ville du sel de toutes couleurs, blanc, noir, rouge & verd. long. 80d 15′. lat. 39d 15′.

DARARIEN, enne. s. m. & fem. Nom de secte parmi les Arabes. D’Herbelot l’appelle Darariorum. C’est une secte d’impies & d’hérétiques, qui ont pris leur origine d’un imposteur nommé Darari, lequel étant venu de Perse en Egypte sous le Kalifat de Hakem, vouloit persuader au peuple, que Hakem étoit Dieu ; mais le peuple le tua. Cette secte s’étendit fort sur la côte maritime de Syrie, & dans le mont Liban. D’Herb.

DARAS. Ville de la Mésopotamie. Théodore le Lecteur qui vivoit dans le VIe siècle, nous assure que l’Empereur Anastase ayant bâti vers l’an 508 la ville de Daras en Mésopotamie, il y fit transporter le corps de Saint Barthélemi. Tillemont.

DARBY ou DERBY. Province d’Angleterre, qui a titre de Comté. Darbia. Elle a la Province de Stafford au couchant, & celle de Leicester au midi, celle d’Yorck au septentrion, & le Nottingham au levant. Le Comté de Darby, en Anglois Darby-Shire, est arrosé par la rivière de Darvent, qui le coupe en deux parties, dont l’une est le Darby oriental, & l’autre le Darby occidental.

DARCE & DARCINE. Voy. Darse.

DARD. s. m. Javelot, arme de trait, qui est un bols ferré & pointu par le bout, qu’on lance avec la main. Jaculum. Décocher un dard. Lancer un dard.

Mars nous apprend l’usage
Des flèches & des dards,
La victoire est son ouvrage.
Il a formé les Césars. P. du Cerceau.

Ce mot vient de dardus, qui se trouve dans quelques Auteurs Latins. Ménage. D’autres croient qu’il vient du mot arc, auquel on joint l’article de apostrophe. Borel le dérive du Grec ἄρδις, M. Huet remarque que le mot dard se trouve dans la langue de Galles dans la même signification.

Dard, est aussi une espèce de demi-pique que les petits garçons qui vont à S. Michel portent pour se défendre.

Les dards sont un ornement particulier d’Architecture, on en met aux corniches alternativement avec des oves ; ces dards sont fort courts, & il n’y a proprement que le fer du dard dans chaque figure.

Dards, en Serrurerie. On en place sur les portes de fer & sur les grilles pour servir de chardons & de défenses.

Dards, se dit aussi en Jardinage de certains filets longs & menus qui sont vers le milieu de certaines fleurs, comme ceux qui sortent du fond d’un lis, d’un œillet, d’une tulipe, & qui sont autour du pistil ou tuyau où est la graine, Stamina. Les arrosemens frais & gras font du bien à l’œillet, quand il commence à pousser son dard. Culture des Fleurs.

☞ Ce n’est pas là précisément ce qu’on entend par dard. Les Jardiniers & les Fleuristes appellent proprement dard ce que les Botanistes nomment le pistil des fleurs ; & de ce mot ils ont fait dardiller, qui signifie pousser le dard. Voyez Pistil.

Dard, terme d’Astronomie. C’est le nom d’une des Constellations septentrionales, qui s’appelle autrement la flèche ou le javelot. Elle n’est composée que de cinq étoiles.

Dard-à-Feu, terme d’Artificier. Sorte de feu d’artifice qu’on jette sur les ouvrages, ou dans les vaisseaux des ennemis. Jaculum ignitum, igniferum.

Dard, se dit figurément en choses morales, d’une action, d’un trait, d’un tour rempli de malignité, qui cause beaucoup de mal. Tela, jacula. Vous avez ouï dire quelles flèches & quels dards le Diable décocha contre Job sans le pouvoir ébranler. Maucroix.

Dard, est aussi un petit poisson de rivière, qui est blanc & de la longueur du hareng, qui va fort vite dans l’eau, & est fort sain ; car on dit, sain comme un dard. On l’appelle autrement vendoise, en Latin jaculus ; parce qu’il se lance comme un dard.

DARDA, ou TARDA. Petite ville de la Basse Hongrie, dans le Comté de Baranswar, du côté de la Ville de ce nom. C’est un très-petit endroit.

DARDANAIRE. s. m. Usurier, Monopoleur, nom que l’on donnoit anciennement à ceux qui causoient la cherté des marchandises, & sur-tout des grains, en les achetant, & en les resserrant, pour en faire augmenter le prix, & les revendre ensuite très-cher. Dardananus, æruscator, directarius, sitocapelus, annonæ flagellator, seplafiarius. Ils furent appelés Dardanaires d’un certain scélérat nommé Dardanus, qui faisoit périr les biens de la terre par maléfices, Voyez Turnébe. L. IX. C. 17. L. XI. C. 4. Philostrate, Apollon. vitâ L. I. C. 11. L. XXXVII. ff. de pœnis. Cujas, Obs. L. X. C. 21. Godefroy, Leg. 6. ff. de extraord. crim Calv. Lexic. Celsus Burgalius, Tract. de dolo, L. III. C. 3. n. 8. Columelle, L. X. de cultu hortor. Henrigius, de Dardanariis & Æruscatoribus. Solon fit une loi contre les Dardanaires. Voyez de la Mare, Tr. de Pol. T. II. p. 948. & suiv.

DARDANELLES. s. f. plur. Dardanellæ. C’est le nom de deux Châteaux qui sont sur le détroit de Gallipoli, ou des Dardanelles, l’un en Asie, nommé le Château de Natolie, & l’autre en Europe, appelé le Château de Romanie. Ces deux Châteaux, dstinés à garder le passage du détroit, ne sont qu’à un mille, d’autres disent à une demi-lieue l’un de l’autre. Ils sont garnis d’une trentaine de gros canons, chacun de soixante livres de calibre, & toujours prêts à tirer. Plusieurs croient que ces Châteaux sont au lieu où étoient autrefois Sestos & Abydos ; mais Wheler prétend que c’est à une lieue de là au nord. Voyez Abyde. Tous les vaisseaux Chrétiens qui passent ce détroit doivent aller aborder au Château d’Asie, & y payer cent pistoles. On ne souffre pas qu’il en passe plus de cinq chaque fois. C’est Mahomet II. qui les fit bâtir. On a donné à ces châteaux le nom de Dardanelles, de Dardanus, ancien Roi de Phrygie.

On a encore donné dans la suite le nom de Dardanelles à deux autres Châteaux qui sont dans une situation pareille aux deux dont on vient de parler, & destinés au même usage. Ce sont les Châteaux qui sont sur le passage du golfe de Patras dans celui de Lépante, donc l’un est en Grèce, & s’appelle le Château de Romélie, & l’autre en Morée, qui se nomme le Château de Morée. Les Vénitiens ont été jusqu’en 1715 les maîtres de ces dernières Dardanelles. On les appelle encore les Châteaux de Lépante, & ils sont où étoient autrefois le Schium & l’Anti-Rhium des Anciens.

Le détroit des Dardanelles, ou de Gallipoli, fretum Dardanellarum, ou Gallipolitanum, c’est le canal de la mer Méditerranée qui joint la mer de Marmara à l’Archipel, qui prend ses noms de la ville de Gallipoli & des Dardanelles qui sont sur ses côtes. C’est l’Hellespont des Anciens. Hellespontus. Ce détroit est entre la presqu’île de la Romanie en Europe, & l’Anatolie en Asie ; il a environ quinze lieues de long du septentrion au midi. Son entrée du côté de l’Archipel n’a pas plus de cinq quarts de lieue de largeur, & elle est gardée par deux Châteaux que Mahomet IV y fit construire l’an 1658, & dont l’un porte le nom de Château Neuf d’Europe, & l’autre de Château-Neuf d’Asie. Il est encore plus étroit entre les Dardanelles, & plus encore à une lieue au nord, où sont les restes de Sestos & Abydos, selon Wheler. La mer de Zabache, la mer Noire, & celle de Marmara, se déchargent par ce canal dans l’Archipel ; car lorsque l’on passe de l’Archipel dans la mer de Marmara, on sent la résistance de la mer, & l’on a besoin d’un vent favorable pour la vaincre & pour avancer. Au contraire quand on vient de la mer de Marmara à l’Archipel, on se sent porté par les eaux, quand on manqueroit le vent.

DARDANIE. Nom ancien de plusieurs lieux différens. Dardania. La Dardanie étoit une petite Province du Royaume des Troyens, située au septentrion de la Troade. La capitale de cette petite contrée s’appeloit aussi Dardanie, & étoit située à la source du Simoïs. Dardanie étoit aussi l’ancien nom de la Samothrace, si l’on en croit Etienne de Byzance.

On a encore appelé Dardanie une contrée de l’ancienne Mœsie, qui fut ensuite la Dacie méditerranée, & qui est aujourd’hui la partie méridionale de la Servie. Les peuples qui l’habitoient s’appeloient Dardaniens. Quant au nom des deux premiers lieux, il venoit de Dardanus, fils de Jupiter & d’Electre, qui ayant tué son frère Jasius, s’enfuit de Crète, ou, selon d’autres, d’Italie en Samothrace, puis en Asie, où il bâtit la ville de Dardanie, à laquelle il donna son nom, aussi bien qu’à tout son territoire. Apparemment que c’est aussi de lui que la Samothrace porta le même nom.

DARDANIEN, enne. s. m. & f. Nom d’un ancien peuple de l’Illyrie. Dardani ou Dardanii. Les Dardanniens habitoient la partie méridionale de ce que nous appelons la Servie. Voyez Dardanie.

DARDANIER. s. m. Vieux mot. Usurier, qui cache le blé & recèle d’autres provisions en attendant la cherté. Ce sont les termes de Nicod.

DARDANUS. s. m. Terme de Mythologie. Fils de Jupiter & d’Electre, une des filles d’Atlas, épousa la fille du Roi Teucer, & lui succéda dans son Royaume. Il bâtit au pied du mont Ida une ville qu’il appela de son nom Dardanie, & qui fut la célèbre Troye. Son règne fut long & heureux. Après sa mort, ses sujets reconnoissans le mirent au nombre des immortels.

DARDARIEN, enne. s. m. & f. Ancien peuple barbare qui habitoit le long des Palus Méotides. Consultez les Tables Géographiques du P. Lubin.

DARDE. s. f. Vieux mot, qui se disoit pour flèche. Sagitta.

DARDER. v. a. Lancer avec la main un dard, un javelot, ou autre arme. Jaculari.

On dit figurément que le soleil darde ses rayons, pour dire, qu’il lance ses rayons sur quelque chose. Vibrare radios.

On dit aussi darder un regard. Scar. La belle darde de ses yeux mille trépas. Voit.

Au dessous, & non loin, une nymphe hautaine,
Au travers de douze canaux,
Avec murmure au ciel, pousse & darde ses eaux. P. Buffier.

Darder, signifie aussi frapper d’un dard. Jaculo ferire. On eut bien de la peine à darder la baleine.

DARDE, ée. part.

DARDEUR. s. m. Celui qui darde quelque trait. Jaculator. Il rangea les dardeurs devant son aîle gauche. Ablanc.

DARDILLE. s. f. Terme de Fleuriste. C’est la queue d’un œillet. Morin, Cult. de fleurs. En Latin Cariophyli cauda.

DARDILLER. v. n. Terme de fleuriste, se dit de certaines fleurs, pousser son dard. Proferre, efferre stamina. L’œillet dardille. Voyez Dard.

☞ DAR-EL-HEMARA. Ville d’Afrique,, dans la Province de Fez, sur la montagne de Zarhan.

☞ DARGAN. Ville d’Asie, dans la contrée de Khuarezm, en Perse. Les Géographes du pays lui donnent 86d 26′ de long. & 40d 30′ de lat. Sept.

DARHA, ou DARA. Grande région du Biledulgérid, en Afrique. On la borne au nord par le Royaume de Maroc ; au levant par la Ségelmesse ; au couchant & au midi par le Tesset. Le Darha propre est au couchant.

La rivière de Darha est une rivière qui sort du mont Atlas, parcourt le Darha propre, & va se jeter dans un lac du Tesset.

Darha étoit encore une ville, capitale du pays de Darha. On l’appeloit autrefois Tétuf : elle est ruinée.

DARIABADIS. s. m. pl. Toile de coton blanche que l’on tire de Surate.

DARIDAS. s. m. Sorte de Taffetas des Indes, qui est fait avec de la soie qu’on tire des herbes.

DARIE. s. f. Nom de femme. Daria. Sainte Chrysante & Sainte Darie sont très-célèbres dans l’Eglise. Elles souffrirent à Rome, & l’on met communément leur mort sous l’Empereur Numérien, dont le règne commença en 283. & finit en 284. dans l’espace de huit ou neuf mois. Baillet.

Il ne faut point se servir de ce mot Darie pour les hommes qui ont porté le nom de Darius ; il faut retenir le mot Latin, comme a fait Vaugelas dans son Quinte-Curce & comme on fait toujours.

DARIEN. Ville de l’Amérique méridionale, dans la terre-ferme proprement dite, sur le bord occidental du Golfe d’Uraba. Dariena, Dariene. C’étoit autrefois une ville Episcopale, & considérable ; mais les Espagnols l’ont abandonnée, & son Evêché a été transféré à Panama.

Darien. Grande rivière de l’Amérique méridionale. Darienus fluvius, Dariena. Le Darien a sa source & une partie de son cours dans le Gouvernement de Popayan, il traverse une partie de celui de Carthagene, & se décharge dans le fond du Golfe de Darien, autrement d’Uraba.

DARINS. s. m. pl. Toiles de chanvre qui se fabriquent en Champagne.

DARIOLE. s. f. Pièce de Pâtisserie faite de crême, enfermée dans un petit rond de pâte, & couverte par dessus de bandelettes de pâte. Libi ac placentæ genus. Les enfans sont friands de darioles. Rabelais estimoit les darioles d’Amiens.

☞ DARIOLETTE. s. f. Terme dont on se servoit autrefois pour désigner une confidente d’une Héroïne de Roman, Suivante qui a la confidence de la Maîtresse, qui la sert dans ses intrigues amoureuses, & lui en procure de nouvelles. Ces sortes de personnages n’ont fait que changer de nom.

DARIQUE. s. m. Monnoie d’or, battue en Asie par l’ordre de l’un des Darius Rois de Perse. Daricus. Les Antiquaires ont supputé que le darique valoit deux drachmes Attiques, ou treize livres cinq sous monnoie de France.

Le darique étant supposé deux drachmes Attiques, pesoit 134. de nos grains. Voyez au mot Dragme. Or, en supposant l’or des dariques au même karat que le nôtre, & prenant le nôtre à 500 liv. le marc, 134. grains d’or, ou 1 gros 2 deniers, 4 grains, poids de darique, valent 19 livres 3 s. 1. denier & demi.

Les dariques étoient marqués d’un Archer, ou tireur d’arc, c’est pourquoi Plutarque, dans les Apophthegmes ou bons mots d’Agésilas, rapporte qu’if se plaignoit d’avoir été chassé d’Asie par trente mille Archers du Roi de Perse, entendant par-là des dariques marqués d’un Archer.

☞ DARLINGTON. Ville d’Angleterre dans le Comté de Duram.

DARMOUTH. Quelques-uns écrivent Dermout, en faveur de la prononciation. Ville d’Angleterre en Devonshire. Longitude 14. deg. 2. m. latitude 50. deg. 16. m.

DARMSTAT. Ville d’Allemagne dans le Landgraviat de Darmstat, à deux lieues du Rhin, & à cinq lieues au midi de Francfort. Darmstadium. Le Landgrave de Darmstat, que nous appelons en France le Prince de Darmstat, est de la famille de Hesse. George I. fils de Philippe le Magnanime, commença cette branche vers le milieu du seizième siècle.

DARNAMAS. s. m. C’est la meilleure toile de coton qui vienne de Smyrne.

DARNE. Voyez Dalle.

DARNETAL. Gros bourg de France en Normandie.

DAROCA. Ville d’Arragon, Province d’Espagne. Daroca. Elle est sur la rivière de Xiloca.

DAROGA. terme de Relation. Voyez Daruga.

DARON. Ville de Palestine en Asie. Darona, Agrippias. Elle est sur la mer Méditerranée, à trois lieues de Gaze au midi. Elle donne son nom à une contrée voisine. Daron étoit autrefois une ville Episcopale & considérable. Hérode le Grand la nomma Agrippias en l’honneur d’Agrippa. Il semble que ce ne soit pas l’ancienne Anthedon, comme on le croit ; car Pline fait entendre que celle-ci n’étoit point sur la côte comme Gaze, mais dans les terres. Gaza, dit-il, L. V. C. 13. & intus Anthedon.

DARREINEREMENT. adv. Vieux mot. Dernièrement. Postremò, nuper. Le Roi darreinerement trespassé. Joinville.

DARRÉNIER, ere. adj. Vieux mot. Dernier. Ultimus, postremus, a, um. Dès l’enfance jusqu’au darrénier point. Joinville.

DARRIER. adj. Vieux mot. Dernier.

DARSE. s. f. La partie d’un port de mer la plus avancée dans la ville, bordée d’un quai, & fermée d’une chaîne qui sert à retirer les bâtimens de mer, & à tenir à flot les bâtimens désarmés. Statio. La darse de Toulon, de Gênes. Quelques-uns écrivent darce & darcine, pour darse & darsine. On l’appelle aussi darsine sur la Méditerranée ; mais sur l’Océan, ces lieux retirés du grand port, où les navires sont plus en sureté s’appellent paradis, chambre, bassin.

DARTOS. s. m. Terme d’Anatomie. Muscle cutané du scrotum. Dartos, Dartus. Il est tissu de beaucoup de fibres charnues. On croyoit autrefois que le dartos étoit une continuation du pannicule charnu. Le dartos a plusieurs veines & plusieurs artères ; il enveloppe les deux testicules, & s’avance entr’eux pour les séparer. Voyez M. Dionis.

Ce mot est purement Grec, δαρτός, excoriatus, pelle nudatus, de δέρω, excorio, peut être parce que ce muscle est sous la peau, sous le scrotum.

DARTRE. s. f. Maladie de la peau en forme de croûte, qui rend la peau galeuse & farineuse. Impetigo, lichen. On dit aussi Herpe. Herpes, etis, serpigo, papula. C’est une tumeur érésipélateuse, moins rouge que l’érésipèle, accompagnée de petites pustules qui rongent la peau & la rendent inégale. On la distingue en deux espèces, l’une simple, l’autre vive. La simple s’appelle herpe, ou dartre miliaire, herpes miliaris, herpes cenchrias. Elle est farineuse ou crustacée. La dartre vive, herpes serus, papula sera, esthiomenos, est rongeante & coulante, ou maligne & chancreuse. Les dartres sont quelquefois symptomatiques, & prennent le nom des maladies dont elles dépendent. Telles sont les dartres scorbutiques, véroliques. Les dartres causent de grandes démangeaisons.

Herpes est un mot Grec qui vient du verbe ἕρπειν, serpere, ramper, s’étendre, parce que la dartre, s’étend de plus en plus sur la peau. Cenchrias vient de κένχρος, milium, millet, à cause de la figure de ses pustules. Esthiomenos est aussi un mot Grec qui signifie exedens, depascens, rongeant.

Dartre, en maréchallerie, se dit des ulceres qui viennent à la croupe & à l’encolure des chevaux : elle leur cause une démangeaison, qui les oblige à gratter & à augmenter l’ulcère.

Dartreux, euse. adj. Qui est de la nature des dartres, qui tient de la dartre. Impetiginosus, a, um. Une érésipèle dartreuse. Duverney, Ac. des Sc. 1703. Mém. p. 18.

DARUGA. s. m. Terme de Relation. Le Daruga est un Officier de Justice chez les Perses. C’est comme le Lieutenant Criminel & de Police. Rerum capitallum, & ad urbanam administrationem pertinentium cognitor. Il y en a un dans chaque ville.

☞ C’est encore le nom d’une Cour Souveraine ou l’on juge les Officiers chargés du recouvrement des deniers publics, quand ils sont accusés de malversation.

DAS.

DASSERI. s. m. Terme de Relation. Docteur, Ministre de la Religion aux Indes. Disciple du Gourou qui est le chef de la Religion. Religionis apud Indos Minister. Plusieurs Dasseris disciples du Gourou, qui est le chef de la Religion auprès du Roi de Cagonti, vinrent de sa part trouver le Missionnaire pour entrer avec lui en dispute. Lettr. Ed. et Cur.

DASYME. s. m. Terme de Chirurgie. Maladie des yeux, qui ne diffère point du trachoma. Δασύμα de δασύς, rude.

DAT.

DATAINO. Voyez Dittaino.

DATAIRE. s. m. Officier le plus considérable de la Chancellerie Romaine, dont est pourvu un Prélat : & quand c’est un Cardinal, on l’appelle Prodataire, par les mains duquel passent tous les Bénéfices vacans (hors les Constitoriaux), lesquels il confere de plein droit. Ce nom vient de ce qu’il mettoit autrefois lui-même la date à toutes les suppliques : Datum Romæ, &c. Il y a aussi un Sousdataire & un Dataire, un Officier particulier pour le per obitum. Il a une infinité d’Officiers sous lui, comme les Réviseurs, Officiers de petites dates, de la componende, vingt Régistrateurs, & quatre Maîtres du Régistre, qui mettent la marque de leur régistrement par une grande R au dos de toutes les signatures, &c. Voy. sur le Dataire Baronius aux années 314, n. 72, 319, n. 30, 331, n. 23. Godefroi dans ses Prolégomènes sur le Code Théodosien, C. 9. Du Cange & les Macri dans leurs Glossaires.

DATE. s. f. Désignation du tems & du lieu où une action a été faite, où un acte a été donné & passé. Dies in epistolâ, in litteris adscripta. Les Lettres de Chancellerie de vieille date & surannées ne servent plus de rien. J’ai des nouvelles de plus fraîche date. La date de ce contrat est fausse, il a été antidaté. L’Eglise ne mettoit point autrefois de date à ses confessions de foi. Les Evêques Catholiques du Concile de Rimini disent aux Hérétiques : Que veut dire votre Formule datée de l’année & du jour du mois ? En a-t-on jamais vu de semblable ? N’y a-t-il point de Chrétiens avant cette date ? Et tant de Saints, qui avant ce jour-là se sont endormis au Seigneur, ou qui ont donné leur sang pour la Foi, ne savoient-ils ce qu’ils devoient croire ? C’est une preuve que vous laissez à la postérité de la nouveauté de votre doctrine. Les Ariens vouloient soutenir leur date par l’exemple des Prophètes, mais on leur répondoit que les prophètes, &c… L’Eglise a bien accoutumé de dater les actes des Conciles & les réglemens pour les affaires sujettes aux changemens, mais non pas les confessions de Foi, où elle ne fait que déclarer ce qu’elle a toujours cru. Fleur. Voyez saint Athanase, De Syn. & Socrate, L. II. C. 37.

On dit qu’un homme est le premier en date, pour dire qu’il est le premier, qu’il a l’avantage du tems. Antiquior. On colloque les créanciers en ordre suivant la date de leurs contrats, les premiers en date sont préférés. La date est nécessaire dans les contrats. La date prouve la perfection de l’acte. Dans l’usage l’omission de la date n’empêche pas que le contrat ne soit exécuté contre celui qui l’a passé.

☞ Une amitié de longue date, contractée de longue main, un événement d’ancienne date, arrivé depuis long-tems.

L’amitié qui nous lie est d’assez vieille date. R.

On dit figurément : Retenir date, pour dire, prendre un certain tems pour faire ou pour exiger quelque chose. Vous ne m’avez pu faire cette grace-là, je retiens date pour la première. Acad. Fr.

Ce mot vient de ce qu’au bas d’une lettre, ou d’un acte Latin on mettoit Datum, ou data tali loco, tali die, &c. c’est-à-dire, donné en tel lieu, tel jour : comme on le met encore dans les Déclarations, les Ordonnances, les Edits, Donné à S. Germain-en-Laye, donné à Versailles, le.. du mois.. de l’an.. C’est de-là que cette formule pour le lieu, & surtout pour le jour auquel un acte a été fait, s’est appelée date, & il n’y faut qu’un t : de-là on fait dater, & l’on trouve datare en ce sens dans la plus basse Latinité du quatorzième siècle. Voy. Acta Sanct. Maii, T. VII. p. 693. A.

Date, en Chancellerie Romaine, est une inscription qu’on fait faire sur un Régistre lors de l’arrivée d’un Courier, qui porte une procuration de résignation, ou une autre demande de Bénéfice. Actorum in codice dies adscripta postulati per nuncium Beneficii. Quand une provision est accordée, elle porte la date du jour qu’elle a été retenue. On a coutume de retenir plusieurs dates pour empêcher le concours des impétrations ; car quand il y en a plusieurs d’une même date, elles se détruisent l’une l’autre.

Petite date. C’est une date retenue en Cour de Rome sans envoyer la procuration pour résigner, ou la rétention de plusieurs dates inutiles, dont les provisions ne sont point levées. Procurata diei cujusdam adscriptio nullâ negotii gerendi præmissâ potestate. Il y a un grand Traité de Dumoulin contre les abus des petites dates. Il y a un Edit du Roi Henri II de 1550, qu’on appelle des petites dates, qui regle plusieurs choses touchant les prises de possession pour empêcher qu’on ne rende les Bénéfices héréditaires.

DATER. v. a. Mettre la date, ou nommer la date. In litteris, in actis diem adscribere, apponere. On ne datoit autrefois les arrêts par rapport, que du samedi, qui étoit le jour de la prononciation. Les Edits ne se datent que du mois où ils ont été donnés, sans coter le jour. Les déclarations & autres lettres ont leur date du jour du sceau qui est marqué au dos des lettres.

On dit fig. qu’un homme date de loin, pour dire qu’il parle d’une chose arrivée il y a long-tems, & cela ne se dit ordinairement que quand celui qui en parle a pu en être témoin, & qu’avec quelque reproche de vieillesse. Ac. Fr.

Dater se dit figurément pour dire, commencer d’un certain tems à faire ou à compter sur quelque chose. Incipere, initium sumere. Un Duc voulut regagner au siège de Mons l’estime de Louis-le-Grand qu’il avoit perdue. Il alla au feu en plusieurs occasions avec un sang-froid, une intrépidité & un jugement de Héros. Le Roi lui rendit alors son estime, & lui dit : M. le Duc, vous n’étiez pas content de moi, je n’étois pas content de vous ; oublions le passé, & dorénavant datons de Mons.

DATERIE. s. f. Office du Dataire, & le lieu où il exerce sa jurisdiction. Diarii adscriptoris munus, officina. Cette supplique doit passer par la Daterie, comme sont celles qui concernent tous les cas publics ; & celle-là par la Pénitencerie, comme celles qui regardent le secret de la conscience. La Daterie est composée de trois Officiers, dont le premier est le Dataire, ou Prodataire ; le second est le Sousdataire ; & le troisième le Préfet des vacances per obitum.

DATHEMAN. Nom d’un fort situé dans la terre de Galaad, à l’orient du Jourdain. Datheman étoit dans la Tribu de Gad entre Bosor & Maspha. 1. Machab. V. 9

DATIER. s. m. Nom usité dans l’Ordre de Fontévraud, pour dire, l’Annonce du jour de la Lune du Martyrologe. Chastelain. Indict. assignatio diei Lunaris, Monitio de die Lunæ.

Ce mot vient de date, parce que cette annonce est la date de la Lune.

DATIF. s. m. Terme de Grammaire. C’est le troisième cas de la déclinaison du nom. Dandi casus. Il marque ce à quoi la chose, ou l’action a du rapport. C’est proprement le cas de l’attribution ou de la destination. Du moins c’est là son usage le plus fréquent.