Essai sur les mœurs/Chapitre 140
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CHAPITRE CXL.
Si une milice de cinq ou six cent mille religieux, combattant par la parole sous l’étendard de Rome, ne put empêcher la moitié de l’Europe de se soustraire au joug de cette cour, l’Inquisition n’a réellement servi qu’à faire perdre au pape encore quelques provinces, comme les sept Provinces-Unies, et à brûler ailleurs inutilement des malheureux.
On se souvient[1] que, dans les guerres contre les Albigeois, le pape Innocent III établit, vers l’an 1200, ce tribunal qui juge les pensées des hommes, et qu’au mépris des évêques, arbitres naturels dans les procès de doctrine, il fut confié à des dominicains et à des cordeliers.
Ces premiers inquisiteurs avaient le droit de citer tout hérétique, de l’excommunier, d’accorder des indulgences à tout prince qui exterminerait les condamnés, de réconcilier à l’Église, de taxer les pénitents, et de recevoir d’eux en argent une caution de leur repentir.
La bizarrerie des événements, qui met tant de contradictions dans la politique humaine, fit que le plus violent ennemi des papes fut le protecteur le plus sévère de ce tribunal.
L’empereur Frédéric II, accusé par le pape, tantôt d’être mahométan, tantôt d’être athée, crut se laver du reproche en prenant sous sa protection les inquisiteurs ; il donna même quatre édits à Pavie (1244), par lesquels il ordonnait aux juges séculiers de livrer aux flammes ceux que les inquisiteurs condamneraient comme hérétiques obstinés, et de laisser dans une prison perpétuelle ceux que l’Inquisition déclarerait repentants.
Frédéric II, malgré cette politique, n’en fut pas moins persécuté ; et les papes se servirent depuis, contre les droits de l’empire, des armes qu’il leur avait données.
En 1255 le pape Alexandre III établit l’Inquisition en France, sous le roi saint Louis. Le gardien des cordeliers de Paris et le provincial des dominicains étaient les grands inquisiteurs. Ils devaient, par la bulle d’Alexandre, consulter les évêques ; mais ils n’en dépendaient pas : cette étrange juridiction, donnée à des hommes qui font vœu de renoncer au monde, indigna le clergé et les laïques. Un cordelier inquisiteur assista au jugement des templiers ; mais bientôt le soulèvement de tous les esprits ne laissa à ces moines qu’un titre inutile.
En Italie les papes avaient plus de crédit, parce que, tout désobéis qu’ils étaient dans Rome, tout éloignés qu’ils en furent longtemps, ils étaient toujours à la tête de la faction guelfe contre celle des gibelins ; ils se servirent de cette Inquisition contre les partisans de l’empire (1302), car le pape Jean XXII fit procéder par des moines inquisiteurs contre Matthieu Visconti, seigneur de Milan, dont le crime était d’être attaché à l’empereur Louis de Bavière. Le dévouement du vassal à son suzerain fut déclaré hérésie : la maison d’Este, celle de Malatesta, furent traitées de même pour la même cause ; et si le supplice ne suivit pas la sentence, c’est qu’il était alors plus aisé aux papes d’avoir des inquisiteurs que des armées.
Plus ce tribunal s’établit, et plus les évêques, qui se voyaient enlever un droit qui semblait leur appartenir, le réclamèrent vivement : les papes les associèrent aux moines inquisiteurs qui exerçaient pleinement leur autorité dans presque tous les États d’Italie, et dont les évêques ne furent que les assesseurs.
(1289) Sur la fin du XIIIe siècle, Venise avait déjà reçu l’Inquisition ; mais si ailleurs elle était toute dépendante du pape, elle fut dans l’État vénitien soumise au sénat : la plus sage précaution qu’il prit fut que les amendes et les confiscations n’appartinssent pas aux inquisiteurs. On croyait modérer leur zèle, en leur ôtant la tentation de s’enrichir par leurs jugements ; mais, comme l’envie de faire valoir les droits de son ministère est chez les hommes une passion aussi forte que l’avarice, les entreprises des inquisiteurs obligèrent le sénat longtemps après, au XVIe siècle, d’ordonner que l’Inquisition ne pourrait jamais faire de procédure sans l’assistance de trois sénateurs. Par ce règlement, et par plusieurs autres aussi politiques, l’autorité de ce tribunal fut anéantie à Venise à force d’être éludée.
Un royaume où il semblait que l’Inquisition dût s’établir avec le plus de facilité et de pouvoir est précisément celui où elle n’a jamais eu d’entrée : c’est le royaume de Naples. Les souverains de cet État et ceux de Sicile se croyaient en droit, par les concessions des papes, d’y exercer la juridiction ecclésiastique : le pontife romain et le roi disputant toujours à qui nommerait les inquisiteurs, on n’en nomma point, et les peuples profitèrent, pour la première fois, des querelles de leurs maîtres ; il y eut pourtant dans Naples et Sicile moins d’hérétiques qu’ailleurs. Cette paix de l’Église dans ces royaumes prouva bien que l’Inquisition était moins un rempart de la foi qu’un fléau inventé pour troubler les hommes.
(1478) Elle fut enfin autorisée en Sicile, après l’avoir été en Espagne par Ferdinand et Isabelle ; mais elle fut en Sicile, plus encore qu’en Castille, un privilége de la couronne, et non un tribunal romain : car en Sicile c’est le roi qui est pape.
Il y avait déjà longtemps qu’elle était reçue dans l’Aragon : elle y languissait ainsi qu’en France, sans fonctions, sans ordre, et presque oubliée.
Mais ce ne fut qu’après la conquête de Grenade qu’elle déploya dans toute l’Espagne cette force et cette rigueur que jamais n’avaient eues les tribunaux ordinaires. Il faut que le génie des Espagnols eût alors quelque chose de plus austère et de plus impitoyable que celui des autres nations. On le voit par les cruautés réfléchies dont ils inondèrent bientôt après le nouveau monde. On le voit surtout ici par l’excès d’atrocité qu’ils mirent dans l’exercice d’une juridiction où les Italiens, ses inventeurs, mettaient beaucoup plus de douceur. Les papes avaient érigé ces tribunaux par politique ; et les inquisiteurs espagnols y ajoutèrent la barbarie.
Lorsque Mahomet II eut subjugué Constantinople et la Grèce, lui et ses successeurs laissèrent les vaincus vivre en paix dans leur religion ; et les Arabes, maîtres de l’Espagne, n’avaient jamais forcé les chrétiens régnicoles à recevoir le mahométisme. Mais après la prise de Grenade, le cardinal Ximénès voulut que tous les Maures fussent chrétiens, soit qu’il y fût porté par zèle, soit qu’il écoutât l’ambition de compter un nouveau peuple soumis à sa primatie. C’était une entreprise directement contraire au traité par lequel les Maures s’étaient soumis, et il fallait du temps pour la faire réussir. Mais Ximénès voulut convertir les Maures aussi vite qu’on avait pris Grenade. On les prêcha, on les persécuta : ils se soulevèrent ; on les soumit, et on les força de recevoir le baptême (1499). Ximénès fit donner à cinquante mille d’entre eux ce signe d’une religion à laquelle ils ne croyaient pas.
Les Juifs, compris dans le traité fait avec les rois de Grenade, n’éprouvèrent pas plus d’indulgence que les Maures. Il y en avait beaucoup en Espagne, Ils étaient ce qu’ils sont partout ailleurs, les courtiers du commerce. Cette profession, loin d’être turbulente, ne peut subsister que par un esprit pacifique. On compte plus de vingt mille Juifs autorisés par le pape en Italie : il y a près de deux cent quatre-vingts synagogues en Pologne. La seule province de Hollande possède environ douze mille Hébreux, quoiqu’elle puisse assurément faire sans eux le commerce. Les Juifs ne paraissaient pas plus dangereux en Espagne, et les taxes qu’on pouvait leur imposer étaient des ressources assurées pour le gouvernement : il est donc bien difficile de pouvoir attribuer à une sage politique la persécution qu’ils essuyèrent.
L’Inquisition procéda contre eux et contre les musulmans. Nous avons déjà observé[2] combien de familles mahométanes et juives aimèrent mieux quitter l’Espagne que de soutenir la rigueur de ce tribunal, et combien Ferdinand et Isabelle perdirent de sujets. C’étaient certainement ceux de leur secte les moins à craindre, puisqu’ils préféraient la fuite à la révolte. Ce qui restait feignit d’être chrétien. Mais le grand inquisiteur Torquemada fit regarder à la reine Isabelle tous ces chrétiens déguisés comme des hommes dont il fallait confisquer les biens et proscrire la vie.
Ce Torquemada, dominicain, devenu cardinal, donna au tribunal de l’Inquisition espagnole cette forme juridique opposée à toutes les lois humaines, laquelle s’est toujours conservée. Il fit en quatorze ans le procès à près de quatre-vingt mille hommes, et en fit brûler six mille avec l’appareil et la pompe des plus augustes fêtes. Tout ce qu’on nous raconte des peuples qui ont sacrifié des hommes à la Divinité n’approche pas de ces exécutions accompagnées de cérémonies religieuses. Les Espagnols n’en conçurent pas d’abord assez d’horreur, parce que c’étaient leurs anciens ennemis et des Juifs qu’on immolait. Mais bientôt eux-mêmes devinrent victimes ; car lorsque les dogmes de Luther éclatèrent, le peu de citoyens qui fut soupçonné de les admettre fut immolé. La forme des procédures devint un moyen infaillible de perdre qui on voulait. On ne confronte point les accusés aux délateurs, et il n’y a point de délateur qui ne soit écouté. Un criminel public et flétri parla justice, un enfant, une courtisane, sont des accusateurs graves ; le fils même peut déposer contre son père, la femme contre son époux ; enfin l’accusé est obligé d’être lui-même son propre délateur, de deviner et d’avouer le délit qu’on lui suppose, et que souvent il ignore. Cette procédure, inouïe jusqu’alors, fit trembler l’Espagne, La défiance s’empara de tous les esprits ; il n’y eut plus d’amis, plus de société : le frère craignit son frère, le père, son fils. C’est de là que le silence est devenu le caractère d’une nation née avec toute la vivacité que donne un climat chaud et fertile. Les plus adroits s’empressèrent d’être les archers de l’Inquisition sous le nom de ses familiers, aimant mieux être satellites que suppliciés.
Il faut encore attribuer à ce tribunal cette profonde ignorance de la saine philosophie où les écoles d’Espagne demeurent plongées, tandis que l’Allemagne, l’Angleterre, la France, l’Italie même, ont découvert tant de vérités, et ont élargi la sphère de nos connaissances. Jamais la nature humaine n’est si avilie que quand l’ignorance superstitieuse est armée du pouvoir.
Mais ces tristes effets de l’Inquisition sont peu de chose en comparaison de ces sacrifices publics qu’on nomme auto-da-fé, acte de foi, et des horreurs qui les précèdent.
C’est un prêtre en surplis, c’est un moine voué à l’humilité et à la douceur, qui fait dans de vastes cachots appliquer des hommes aux tortures les plus cruelles. C’est ensuite un théâtre dressé dans une place publique, où l’on conduit au bûcher tous les condamnés, à la suite d’une procession de moines et de confréries. On chante, on dit la messe, et on tue des hommes. Un Asiatique qui arriverait à Madrid le jour d’une telle exécution ne saurait si c’est une réjouissance, une fête religieuse, un sacrifice, ou une boucherie ; et c’est tout cela ensemble. Les rois, dont ailleurs la seule présence suffit pour donner grâce à un criminel, assistent nu-tête à ce spectacle, sur un siége moins élevé que celui de l’inquisiteur, et voient expirer leurs sujets dans les flammes. On reprochait à Montezuma d’immoler des captifs à ses dieux : qu’aurait-il dit s’il avait vu un auto-da-fé ?
Ces exécutions sont aujourd’hui plus rares qu’autrefois ; mais la raison, qui perce avec tant de peine quand le fanatisme est établi, n’a pu les abolir encore[3].
L’Inquisition ne fut introduite dans le Portugal que vers l’an 1557, quand ce pays n’était point soumis aux Espagnols. Elle essuya d’abord toutes les contradictions que son seul nom devait produire ; mais enfin elle s’établit, et sa jurisprudence fut la même à Lisbonne qu’à Madrid. Le grand-inquisiteur est nommé par le roi et confirmé par le pape. Les tribunaux particuliers de cet office, qu’on nomme Saint, sont soumis, en Espagne et en Portugal, au tribunal de la capitale. L’Inquisition eut dans ces deux États la même sévérité et la même attention à signaler son pouvoir.
En Espagne, après la mort de Charles-Quint, elle osa faire le procès au confesseur de cet empereur, Constantin Ponce, qui mourut dans un cachot, et dont l’effigie fut brûlée après sa mort dans un auto-da-fé.
En Portugal, Jean de Bragance, ayant arraché son pays à la domination espagnole, voulut aussi le délivrer de l’Inquisition ; mais il ne put réussir qu’à priver les inquisiteurs des confiscations. Ils le déclarèrent excommunié après sa mort. Il fallut que la reine sa veuve les engageât à donner au cadavre une absolution aussi ridicule que honteuse. Par cette absolution, on le déclarait coupable.
Quand les Espagnols s’établirent en Amérique, ils portèrent l’Inquisition avec eux. Les Portugais l’introduisirent aux Indes occidentales, immédiatement après qu’elle fut autorisée à Lisbonne.
On connaît l’Inquisition de Goa. Si cette juridiction opprime ailleurs le droit naturel, elle est dans Goa contraire à la politique. Les Portugais ne sont dans l’Inde que pour y négocier ; le commerce et l’Inquisition paraissent incompatibles. Si elle était reçue dans Londres et dans Amsterdam, ces villes ne seraient ni si peuplées ni si opulentes. En effet, quand Philippe II la voulut introduire dans les provinces de Flandre, l’interruption du commerce fut une des principales causes de la révolution. La France et l’Allemagne ont été heureusement préservées de ce fléau. Elles ont essuyé des guerres horribles de religion ; mais enfin les guerres finissent, et l’Inquisition une fois établie est éternelle.
Il n’est pas étonnant qu’on ait imputé à un tribunal si détesté des excès d’horreur et d’insolence qu’il n’a pas commis. On trouve dans beaucoup de livres que ce Constantin Ponce, confesseur de Charles-Quint, condamné par l’Inquisition, avait été accusé au saint-office d’avoir dicté le testament de l’empereur, dans lequel il n’y avait pas assez de legs pieux, et que le confesseur et le testament furent condamnés l’un et l’autre à être brûlés ; qu’enfin tout ce que put Philippe II fut d’obtenir que la sentence ne s’exécutât pas sur le testament de l’empereur son père. Tout cela est manifestement faux : Constantin Ponce n’était plus depuis longtemps confesseur de Charles-Quint quand il fut emprisonné ; et le testament de ce prince fut respecté par Philippe II, qui était trop habile et trop puissant pour souffrir qu’on déshonorât le commencement de son règne et la gloire de son père.
On lit encore dans plusieurs ouvrages écrits contre l’Inquisition que le roi d’Espagne Philippe III, assistant à un auto-da-fé, et voyant brûler plusieurs hommes, juifs, mahométans, hérétiques, ou soupçonnés de l’être, s’écria : « Voilà des hommes bien malheureux de mourir parce qu’ils n’ont pu changer d’opinion ! » Il est très-vraisemblable qu’un roi ait pensé ainsi, et que ces paroles lui aient échappé ; il est seulement bien cruel qu’il ne sauvât pas ceux qu’il plaignait. Mais on ajoute que le grand-inquisiteur, ayant recueilli ces paroles, en fit un crime au roi même ; qu’il eut l’impudence atroce d’en demander une réparation ; que le roi eut la bassesse d’en faire une, et que cette réparation à l’honneur du saint-office consista à se faire tirer du sang que le grand-inquisiteur fit brûler par la main du bourreau. Philippe III fut un prince borné, mais non d’une imbécillité si humiliante. Une telle aventure n’est croyable d’aucun prince ; elle n’est rapportée que dans des livres sans aveu, dans le tableau des papes, et dans ces faux mémoires imprimés en Hollande sous tant de faux noms. Il faut être d’ailleurs bien maladroit pour calomnier l’Inquisition, et pour chercher dans le mensonge de quoi la rendre odieuse.
Ce tribunal, inventé pour extirper les hérésies, est précisément ce qui éloigne le plus les protestants de l’Église romaine : il est pour eux un objet d’horreur ; ils aimeraient mieux mourir que s’y soumettre, et les chemises ensoufrées du saint-office sont l’étendard contre lequel ils sont à jamais réunis.
L’Inquisition a été moins cruelle à Rome et en Italie, où les Juifs ont de grands priviléges, et où les citoyens sont tous plus empressés à faire leur fortune et celle de leurs parents dans l’Église qu’à disputer sur des mystères. Le pape Paul IV, qui donna trop d’étendue au tribunal de l’Inquisition romaine, fut détesté des Romains ; le peuple troubla ses funérailles, jeta sa statue dans le Tibre, démolit les prisons de l’Inquisition, et jeta des pierres aux ministres de cette juridiction : cependant l’Inquisition romaine, sous Paul IV, n’avait fait mourir personne. Pie IV fut plus barbare[4] : il fit brûler trois malheureux savants, accusés de ne pas penser comme les autres ; mais jamais l’Inquisition italienne n’a égalé les horreurs de celle d’Espagne. Le plus grand mal qu’elle ait fait à la longue en Italie a été de tenir autant qu’elle l’a pu dans l’ignorance une nation spirituelle. Il faut que ceux qui écrivent demandent à un jacobin permission de penser, et les autres, permission de lire. Les hommes éclairés, qui sont en grand nombre, gémissent tout bas en Italie ; le reste vit dans les plaisirs et l’ignorance ; le bas peuple, dans la superstition. Plus les Italiens ont d’esprit, plus on a voulu le restreindre ; et cet esprit ne leur sert qu’à être dominés par des moines dont il faut baiser la main dans plusieurs provinces ; de même qu’il ne leur a servi qu’à baiser les fers des Goths, des Lombards, des Francs, et des Teutons[5].
Ayant ainsi parcouru tout ce qui est attaché à la religion, et réservant pour un autre lieu l’histoire plus détaillée des malheurs dont elle fut en France et en Allemagne la cause ou le prétexte, je viens au prodige des découvertes qui firent en ce temps la gloire et la richesse du Portugal et de l’Espagne, qui embrassèrent l’univers entier, et qui rendirent Philippe II le plus puissant monarque de l’Europe.
- ↑ Voyez chapitre lxii.
- ↑ Chapitre cii.
- ↑ Le célèbre comte d’Aranda a détruit en 1771 une partie de ces abus abominables, et ils ont reparu depuis. (K.) — Voyez le Dictionnaire philosophique, au mot Aranda.
- ↑ Aucun pontife, dit l’auteur de l’Essai historique sur la puissance temporelle des papes, n’a fait brûler à Rome plus d’hérétiques ou de personnes suspectes d’hérésie. On remarque parmi les victimes de son zèle plusieurs savants, et surtout Paléarius, qui avait comparé l’Inquisition à un poignard dirigé sur les gens de lettres, sicam districtam in jugula litteratorum. (B.)
- ↑ Depuis que M. de Voltaire a écrit ce chapitre, l’Inquisition a été détruite à Milan, sous le règne de l’impératrice Marie-Thérèse, d’après les conseils du comte de Firmian, à qui l’Italie doit la renaissance des lumières que, depuis le temps de Fra-Paolo, la superstition se flattait d’avoir pour jamais étouffées.
Ce tribunal vient d’être détruit en Sicile par M. de Caraccioli, vice-roi de cette île, l’un des hommes d’État de l’Europe les plus savants et les plus éclairés, et que nous avons vu longtemps à Paris un des hommes les plus aimables de la société. La liberté du commerce des grains, celle de fabriquer et de vendre du pain vient d’être accordée par lui à ce pays, où de si mauvaises lois avaient si longtemps rendu inutiles et la fertilité du sol, et les avantages de la situation la plus heureuse, et le génie des compatriotes de Théocrite et d’Archimède.
Cependant l’Inquisition a repris de nouvelles forces en Espagne : elle oblige plusieurs jeunes Espagnols qui annonçaient des talents pour les sciences de renoncer à leur patrie. Elle a poursuivi Olavidès, qui avait créé dans un désert une province peuplée d’hommes laborieux et pleins d’industrie, mais qui avait commis le plus grand des crimes aux yeux des prêtres, celui d’avoir bien connu toute l’étendue du mal qu’ils ont fait aux hommes. (K.)