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Fragments sur les campagnes d’Italie et de Hongrie/Texte entier

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FRAGMENTS


SUR LES


CAMPAGNES D’ITALIE ET DE HONGRIE.


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AVANT-PROPOS.




Après la fin de la campagne de Hongrie, deux jeunes officiers de cavalerie, portant moustache, habit blanc et bottes à l’écuyère, se promenaient bras dessus, bras dessous, dans la ville ennuyeuse de T…

« Comment, s’écria l’un en regardant son camarade, comment ferons-nous cet hiver pour ne pas mourir d’ennui, accoutumés comme nous le sommes au mouvement et aux fortes émotions de la guerre, et à être tirés à coups de canon de notre flegme stoïque et militaire ?

— J’y ai déjà pensé, répondit l’autre, et je crois avoir trouvé un moyen qui unit l’utile dulci. Tu sais qu’en Italie j’étudiais avec passion le hongrois. Eh bien, avec cette conséquence qui me caractérise, je veux, maintenant que nous sommes en Hongrie, apprendre l’italien.

— L’idée est bonne et ne manque pas d’originalité, reprit le premier. Quant à moi, j’ai aussi un projet, qui est — d’écrire mes réminiscences. Si Salomon, qui avait sept cents femmes, belles comme des reines, et trois cents concubines, a écrit, et non sans succès, le livre de la Sagesse, pourquoi ne réussirais-je pas, moi, à faire une petite brochure amusante et sans prétention ?

Il avait, lui, sept cents femmes et trois cents concubines, ce qui fait, si je ne me trompe, en tout mille empêchements. Moi, pour le moment, je n’en ai aucun : l’avantage est donc tout de mon côté.

Celui de nos deux officiers qui n’était jamais parvenu, en Italie, à apprendre la langue des Magyares, n’apprit guère en Hongrie à traduire le Dante.

Quant à l’autre, tint-il sa résolution ?

Ce livre, lecteur, en est la preuve.


FRAGMENTS SUR LES CAMPAGNES D’ITALIE ET DE HONGRIE.




CHAPITRE PREMIER.


Malbrouque s’en va-t-en guerre,
Mironton, tonton mirontaine ;
Malbrouque s’en va-t-en guerre,
Ne sait quand reviendra.

(Chanson de Marlborough.)


Un historien italien, parlant de Charles d’Anjou, duc de Bourgogne, dit : « Il était un prince sage, magnanime et sévère, fidèle à ses promesses, et aussi généreux de son bien que cupide de celui d’autrui ; d’ailleurs il était fort religieux et homme de bien, autant que peut l’être un soldat. (E per quanto può esser un soldato dabbene.) »

En lisant ces paroles, il y a quelques jours, je pensais à ce que certain philosophe a dit : « Quand je me considère isolément, je suis bien peu de chose ; mais je croîs dans ma propre opinion à mesure que je me compare. » C’est là la réponse que nous autres soldats faisons à Gio Villani (c’est le nom de l’historien) et à tous ceux qui pensent comme lui. Derniers descendants des vaillants chevaliers d’autrefois, nous sommes fiers de notre noble métier des amies ; nous sentons tout ce qu’il y a de sublime dans le sacrifice de la vie, que nous sommes toujours prêts à offrir, et nous croyons que le dernier de ceux qui portent l’habit de soldat est digne d’égards et de considération. Honte à tous ceux qui en jugent autrement !

Je te salue, ô noble armée d’Autriche, école chevaleresque de preux et de galants hommes ; c’est toi qui reçois dans tes rangs l’étranger que la liberté a chassé de son pays : aussi fut-ce un beau jour pour moi que celui où, chétif enfant arrivé d’outre-mer, pour la première fois j’endossai ton uniforme sans tache.

C’était dans l’année ——, n’importe laquelle, qu’accompagné de mon père, j’arrivai (zu eines Stroms Gestaden, der nach morgen floss[1]) à Vienne, pour m’y enrôler dans l’armée de l’empereur. Un prince, la fleur de la chevalerie autrichienne, m’accueillit avec bienveillance et me reçut dans son régiment.

J’étais faible et jeune, comme je l’ai déjà dit, et ne connaissais presque pas la langue du pays : aussi n’était-ce pas le cœur léger que moi j’allais voir partir mon père, et que lui allait me laisser, seul et sans appui, dans une caserne de cavalerie et au milieu d’un pays étranger.

L’heure fatale du départ était arrivée ; je devais rentrer dans ma nouvelle demeure, la caserne, — Mon père m’accompagnait. — Pauvre père ! — Il prit cette dernière occasion de me répéter de bons conseils et les règles selon lesquelles je devais vivre pour faire mon chemin dans le monde.

— Mon fils, me dit-il, et ses paroles firent sur moi une profonde impression, c’est de toi et de toi seul que dépend ton succès. Même, si la fortune ne te sourit pas, souviens-toi bien que toute carrière que l’on poursuit avec persévérance pendant vingt ou trente ans, procure un avenir libre de soucis et une vieillesse honorée. Maintenant, adieu. N’oublie jamais que tu portes un nom que tu dois conserver sans tache ; aie toujours l’honneur devant les yeux, et prends pour règle de conduite cette devise inscrite sur le cachet que je t’ai donné : « Fais ce que dois, advienne que pourra. »

Nous étions seuls sur le glacis ; mon père s’arrêta et me serra dans ses bras ; à mon tour je lui dis adieu, et, le cœur gros, quoique l’œil sec — j’avais résolu de ne pas verser de larmes, pour lui montrer que je prenais mon parti en brave — je m’arrachai de lui. Je marchais, marchais, le cœur navré ; enfin, après une centaine de pas, comme par instinct, je me retournai : — mon père était encore au même endroit où je l’avais quitté, et, les bras croisés, me contemplait tristement. En le voyant ainsi, je ne fus plus maître de moi ; mes larmes jaillirent involontaires ; un dernier signe d’adieu, et puis nous nous perdîmes de vue.

Depuis cette époque, je me suis élevé petit à petit à la nature de la pierre, et d’autres séparations et d’autres affections brisées m’ont rendu le cœur calleux.

Ne sachant pas l’allemand, le sergent qui m’apprit l’exercice avec la carabine et qui m’enseigna à monter à cheval, fut réduit à me donner mes leçons en latin, qu’il parlait couramment. L’allemand ne me parut pas d’ailleurs trop difficile ; je m’étonnais au commencement, il est vrai, qu’on y dît la soleil, et le lune ; que ni la femme, ni la fille, ni la demoiselle, n’y fussent du genre féminin ; que l’on y nommât les gants, des souliers de main, et un dé, un chapeau pour le doigt ; mais maintenant, au contraire, il me paraît singulier que le Français n’ait qu’un seul et même mot pour exprimer le sentiment qu’il éprouve pour l’amante devant laquelle il se met à genoux, et pour dire ce qu’il sent pour la jument à laquelle il donne un coup de cravache ; en un mot, qu’il dise : J’aime ma femme, mon cheval et les pommes de terre, ce qui en allemand serait extrêmement choquant.

Je m’accoutumai facilement et bien vite à la vie et au régime militaires, et je sus me faire des amis que j’ai conservés jusqu’à ce jour.

L’obéissance militaire, chez beaucoup de gens, le résultat de la conviction et puis de l’habitude, fut chez moi un instinct. Je trouve que c’est une belle chose que de bien obéir. Par penchant je vénère le sabre, cet emblème de la justice et de la force matérielle, et j’admire le pouvoir absolu et inflexible, depuis celui qui repose dans les mains du dernier caporal, jusqu’à la toute-puissance infinie du Très-Haut. Combien de fois dans la société ne voit-on pas de jeunes fats, dans lesquels on désespérait de trouver étoffe ou matière de quoi en faire des hommes, qui, après une seule année de service, se transforment soudain et deviennent non-seulement hommes, mais hommes accomplis. Comment cela ? c’est fort simple ; dans cette courte année ils ont appris à obéir et par conséquent à commander ; or, qui sait bien obéir et bien commander prend déjà par lui-même une position dans le monde.

Ah ! nulle meilleure école que l’armée pour un jeune homme, s’il a reçu de Dieu ce certain quelque chose qui se voit, qui se sent, mais qui ne peut s’exprimer : le cachet de gentilhomme. Ce cachet, Dieu seul peut le donner. Sa Majesté l’empereur peut faire un noble, il est vrai ; mais un gentilhomme, non pas. Vashington lui-même, quoique à la tête d’une révolution, disait à ses compatriotes : « Pour vos officiers, choisissez des gentilshommes. »

Ayant parlé plus haut d’avoir fait des amis, c’est ici, je crois, l’endroit le plus convenable de parler de l’esprit d’amitié et de fraternité militaire qui règne dans notre armée. Tous les officiers du même rang sont camarades, se tutoient partout où ils se rencontrent, et sont amis dès le premier abord.

Rien n’est plus agréable, surtout en marche et en voyage, que, partout où l’on arrive, sans introduction ni lettre de recommandation, de n’avoir qu’à dire : Je suis le lieutenant ou capitaine tel et tel, pour être partout le bienvenu, et pour se trouver entouré de bons camarades au milieu d’une ville ou d’un pays étranger. Allez de la Pologne à Milan, de la frontière de Saxe à celle de la Turquie ; partout, sans exception, vous trouverez le même accueil bienveillant et la même réception amicale.

L’armée autrichienne se distingue en outre par un esprit cosmopolite et essentiellement militaire, dû principalement au grand nombre d’hommes bien nés et de gentilshommes de tous les pays qui servent dans nos rangs, et qui, oubliant leur patrie, deviennent Kaiserlich de cœur et d’âme. Moi aussi je suis de ce nombre ; mon drapeau était blanc, il est devenu noir et jaune, et, je le jure par les armes de mon père, noir et jaune il restera.

Nous ne sommes ni Allemands, ni Hongrois, ni Italiens, ni Polonais, mais nous formons un corps qui, selon mon opinion, ne possède pas les plus mauvaises qualités de tous ces pays. Grâce d’ailleurs à la divisibilité des propriétés qui appauvrit à pas lents, mais sûrs, presque toute notre aristocratie, nous avons dans l’armée une grande quantité de pauvres gentilshommes, et l’on sait — je ne le dis pas parce que j’en suis un moi-même — qu’ils font les meilleurs officiers. Mais revenons à l’esprit de fraternité et à l’accueil amical dont je parlais tout à l’heure.

Mahomet a dit : « Sois bienveillant à celui qui vient chez toi : quand il entre, il t’apporte la bénédiction divine ; quand il part, il emporte avec lui tes péchés. » Dans les tribulations des dernières années, si la bénédiction de Dieu ne nous a pas manqué, ce fut ce lien fraternel qui nous unit tous qui certes, autant qu’autre chose, nous l’avait mérité. C’est avec beaucoup de justesse que Béranger dit :

      L’amitié, que l’on regrette,
      N’a point quitté nos climats :
      Elle trinque à la guinguette,
      Assise entre deux soldats…

Ces lignes me rappellent une aventure arrivée à deux de nos officiers, gentilshommes de campagne hongrois, classe prototype de tout ce qu’il y a de bon camarade, d’hospitalier, de brave et de franc, quoique de tant soit peu turbulent.

Ils étaient deux amis : l’un, capitaine, était assis avec d’autres officiers, qui, comme lui, passaient la partie agréable de la journée qui suit le dîner, à causer, à boire du vin ou du café et à fumer cigare, pipe ou chibouque. Une fumée mystique enveloppait la société et rendait presque invisible notre capitaine, de la bouche duquel sortaient des bouffées à rendre jaloux un bateau à vapeur. Il n’en était pas encore au café, et avait devant lui un grand verre de Bohême, curieusement ciselé, à demi rempli de vin rouge de Bade.

Le vin était généreux, et le capitaine ne le trouvait que meilleur pour pouvoir le boire dans le susdit grand verre qu’il affectionnait fort, car sa mère le lui avait donné. Plus d’une fois, moi aussi, j’ai vu avec effroi circuler ce bocal, avec les mêmes sentiments qu’éprouva Waverley au dîner du baron Bradardine, qui en possédait un aussi en forme d’ours, avec la devise : Bewar the bar, et que, ainsi que celui du capitaine, il n’était pas permis de refuser de vider.

Soudain la porte s’ouvrit, et notre second gentilhomme, lieutenant, venant aussi de dîner et ayant l’œil et le teint un peu plus animés qu’à l’ordinaire, entra et s’assit près de son ami, qui, prenant la bouteille, remplit le verre fatal, et après avoir proposé, en fermant expressivement l’œil gauche, la santé d’une telle, l’offrit au nouveau venu, qui dans son enthousiasme hongrois, saisit le Verre, le vida d’un seul trait, et, s’écriant : « Jamais moins noble toast n’en sera bu ! » le jeta avec force à terre et le brisa en mille morceaux.

Le ciel qui s’obscurcit n’est pas si terrible que ne devint la figure du capitaine. L’autre le regarda avec étonnement.

— Quoi ! tu te fâches parce que j’ai cassé ce malheureux verre ?

— Malheureux verre ! Je l’ai depuis dix ans, et c’est ma mère qui me l’avait donné !

— Ah ! si j’avais su cela !… Je t’en demande mille pardons.

— Jamais je ne pourrai l’oublier.

— Quoi ! nous qui sommes amis depuis si longtemps, nous nous brouillerions pour un malentendu ! Veux-tu l’oublier ?

— Non !

— Non ?

Le lieutenant court à la hâte vers le sofa , ôte ses bottes et ses chaussettes, et, au grand étonnement de tous, se met pieds nus à danser une hongroise et à piétiner comme un fou sur les débris du verre brisé. Cette preuve sanglante de repentir et de dévouement fut plus que suffisante ; le capitaine se précipita vers lui et le serra dans ses bras.

Oreste était réconcilié avec Pylade.

Un jour, à Vienne, je me promenais avec un de mes camarades sur la place de St-Étienne, à l’ombre de la fameuse cathédrale du même nom, quand nous vîmes venir du Prater une voiture de la cour, attelée de six superbes bais, qui galopaient en désordre, et dont il était facile de voir que le cocher n’était plus le maître. Non loin de nous, les chevaux commencèrent à s’emporter. Mon camarade et moi, comme par instinct, nous sautâmes en avant, parvînmes à en attraper deux par les rênes et les arrêtâmes si vite, qu’effrayés, ils tombèrent sur le pavé. — La voiture s’arrêta. — Profitant du moment favorable, nous courûmes à la portière et l’ouvrîmes. — L’archiduchesse Sophie, mère de notre empereur, accompagnée d’une dame de cour, en descendit et, vu l’état alarmant des chevaux, dont la moitié était par terre tandis que l’autre se cabrait, s’en retourna à pied au château.

Heureux de ce que nous avions fait pour si haute et si puissante dame, nous allions continuer notre promenade, quand un monsieur en bourgeois m’aborda, et me demanda si j’avais eu l’intention de l’insulter. Je le regardai d’abord avec étonnement ; mais bientôt je me rappelai qu’en effet au moment d’arrêter les chevaux, ce même monsieur s’étant trouvé sur mon chemin, lui aussi, pour rendre ses services, j’avais été réduit à la triste nécessité de lui donner un coup de coude pour passer en avant. C’était ce coup de coude qui nous faisait faire connaissance.

— Monsieur, lui dis-je, je me rappelle en effet vous avoir poussé dans mon empressement d’atteindre les chevaux de son altesse impériale ; mais le coup de coude que vous avez reçu n’était destiné qu’à celui, en général, qui me bouchait le chemin où le devoir m’appelait, et nullement, je vous l’assure, à vous en particulier. Je suis d’autant plus fâché de ce qui est arrivé, que je crois avoir remarqué que vous aussi, Monsieur, étiez en train de porter vos secours. D’ailleurs, cela s’entend : je suis tout-à-fait à votre disposition.

Ma déclaration fut plus que satisfaisante : il ôta poliment son chapeau et s’en alla. Je dois lui rendre la justice de dire qu’il avait l’air d’un homme comme il faut.




CHAPITRE II


Abend ward’s and wurde Morgen,
Nimmer, nimmer, siand ich still ;
Atter iminer btieb^â Vëtborgen
Was ich suche, was ich vill.

Schiller : le Pèlerin.

Du Wird’s kreuzlustlig werden,
Wenn die Zeit einmal kimmt,
Dass ein Bauer dem andern
Beim Ohrwaschel nimmt.

(Chanson dans le dialecte dé la haute Autriche.)

Quelque temps après, avec le régiment, je partis de Vienne, et nous allâmes, en remontant le Danube, dans un des pays les plus beaux de la terre : la haute Autriche et le Salzbourg.

Ce serait aussi ennuyeux pour vous, lecteurs, de lire que pour moi d’écrire l’histoire des années de paix profonde que nous passâmes alors, mais qui d’ailleurs ne devaient pas durer longtemps : aussi ne ferai-je le récit de cette génération entière de passions qui, selon la Rochefoucauld, s’engendrent et se succèdent dans le cœur de l’homme : l’amour, le jeu, le vin, les chevaux, etc., etc. Ce livre ne racontera que des faits : je ne veux ouvrir mon cœur à personne.

Tout en fumant la pipe du repos, nous commenPage:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/32 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/33 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/34 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/35 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/36 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/37 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/38 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/39 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/40 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/41 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/42 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/43 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/44 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/45 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/46 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/47 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/48 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/49 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/50 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/51 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/52 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/53 pays antique, avec son immense population, avec sa stabilité fabuleuse et presque surhumaine, et avec son ancienne dynastie qui remonte jusqu’aux dieux, pourrait nous donner (outre le thé et la porcelaine) une leçon à apprendre et un exemple à imiter, au moins en partie[2].

Un article déréglé de journal m’a fait errer jusqu’à Pékin ; est-ce par pur hasard ? Non, non ; je crois que ce fut par une affiliation d’idées plus simple que l’on ne serait tenté de le croire au premier abord ; et plus j’y pense, plus je suis convaincu que la presse libre pourrait un beau jour nous y mener tous tant que nous sommes. Mais revenons à Vérone.

Notre jeune empereur, encore archiduc, y était alors et prit part à plus d’une expédition. En Hongrie aussi, je l’ai vu, plus d’une fois, le jour du combat, au milieu de nos rangs. Près de Komorn, nous eûmes même l’honneur de charger l’ennemi sous ses yeux. Que Dieu le conserve longtemps, car assurément, dans notre Autriche plus que tout autre part,

    … Cesare e Roma
     Sono in due nomi, solo una cosa.

De lui aussi l’on peut dire, tout jeune qu’il est :

    Qu’il est de ses sujets le vainqueur et le père.

CHAPITRE III.


… Semblable à César, à son heure suprême,
Qui du manteau sanglant s’enveloppe lui-même,
Quel que soit le destin que couve l’avenir,
Terre ! enveloppe-toi de ton grand souvenir.

(Lamartine. À l’Italie.)

……… Go sirrah, trudge about
Through fair Verona.

Shakspeare.

Le soleil brillait, les oiseaux chantaient, etc., etc., et c’est pendant ce que Dieu a fait de plus beau sur la terre, un bel giorno d’Italia, qu’eut lieu, le 6 mai, la bataille de Sainte-Lucie.

La cavalerie, ce jour-là, ne fut, malheureusement, que spectatrice inactive des hauts faits de nos frères d’armes, tout impatients que nous étions d’essayer nos bonnes lames.

Le 10e bataillon de chasseurs défendait le cimetière du village, et résista longtemps aux attaques consécutives de troupes toujours nouvelles ; enfin, les Piémontais s’emparèrent de la position, et, avec un sang-froid et un appétit qui leur font honneur, mirent de suite le pot au feu. Sic vos non vobis melificatis apes : ce fut nos grenadiers hongrois qui eurent tout le profit de leur soupe ; car, pour la deuxième fois, nous reprîmes le cimetière, et quoique, le soir, la position Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/56 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/57 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/58 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/59 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/60 constitution ; il n’y a pas un système qui impose la nécessité absolue de gouverner par la duperie, qui exige l’usage continuel d’influences indirectes et honteuses, de transactions lâches et sans fin, de ruses éternelles et indignes de tout gouvernement fort, et qui ne peuvent que faire rougir tout honnête homme réduit à la triste nécessité de s’en servir.

Béranger met dans la bouche de Dieu ces paroles peu respectueuses :

     À ma barbe, quoi ! des pygmées,
     M’appelant le Dieu des armées,
     Osent, en invoquant mon nom,
     Vous tirer des coups de canon !
    Si j’ai jamais conduit une cohorte.
  Je veux, mes enfants, que le diable m’emporte !
   Je veux bien que le diable m^emporte !

Cependant, malgré l’opinion du chansonnier français, je maintiens non-seulement que Dieu est le Dieu des armées, mais je crois qu’il l’est maintenant plus qu’il ne le fut jamais.



CHAPITRE IV.


Guil. — Tramar pus ognun.
Lor. — Pochi eseguir.

(Alpieri.)
La basse soumission qui nous porterait

à mépriser le chien, devient un mérite lorsque l’on considère son courage, sa

fldénté, sa reconnaissance.
(Maebtat.)

La tête de l’homme peut être comparée à une bibliothèque plus ou moins en désordre : souvent, par exemple, quoique Ton soit certain que l’idée que l’on y cherche y soit cachée dans Dieu sait quel coin, pourtant on n’est pas en état de la trouver ; puis, voilà. qu’une autre fois, d’une manière tout à fait inattendue et au moment où l’on y pense le moins, on met la main dessus, absolument comme si c’était un livre que l’on cherchait.

Or, n’étant pas disposé à fouiller trop longtemps dans les recoins de ma bibliothèque, et n’ayant nullement la prétention de vouloir écrire un livre dont la profondeur et l’ordre soient étonnants, je citerai mes anecdotes absolument comme je les trouve sous la main. Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/63 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/64 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/65 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/66 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/67 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/68 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/69 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/70 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/71 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/72 et l’on aime certes autrement sous le brûlant soleil de l’équateur que dans les neiges et les frimas du Nord.

Les voyageurs disent que la nature n’a donné qu’à l’Europe la véritable femme, et l’a parodiée ailleurs. « Sans cette attention de la nature, dit un auteur français, la fidélité serait impossible dans les voyages lointains. Les épouses des savants ne permettraient pas à leurs maris d’explorations équinoxales, et la science serait bien ignorante aujourd’hui. Si dans les archipels de l’Océanie on trouvait des Vénus de Médicis succombant devant un grain de verroterie ou un petit miroir de deux pences, les trois quarts des hommes se feraient marins, et l’équilibre social en souffrirait mortellement. » Si les femmes de l’Europe sont les plus belles du monde, les plus laides de l’Europe ne sont pas en Italie. Ici la langue mélodieuse, les soirées ravissantes, et enfin les éclairs qui jaillissent des yeux veloutés ne peuvent manquer de produire leur effet et de vous forcer à aimer.

Je demeurais à N…, dans un palazzo dont, quoique je m’en souvienne fort bien, je ne décrirai pas l’architecture ; je vous dirai seulement que de ma chambre, qui donnait sur le jardin, l’on voyait deux fenêtres et un balcon (qui en Italie dit balcon, dit amour) qui attirèrent mon attention d’une manière toute particulière.


CHAPITRE V.


    Pur nel sonno, aimen talora
    Vien colei che m’inamora
    Le mie pene a consolar.
    Rendi amoar, se guisto oci,
    Pu veraci i sogni miei,
    O non farmi risvegliar.

(Metastasio.)

  Oh ! that I were a glove soon that hand
  That I might touch that cheek.

(Shakspeare.)

Le divin climat et le doux soleil du

    Bel paese, che l’Appenin parte
     E’l mar, circonda e l’Alpe

sont devenus proverbiaux, et ce n’est pas exagérer de dire que là seulement l’acte de vivre et de respirer nous cause un certain bien-être, et un sentiment suave et délicieux duquel on ne peut se rendre compte. C’est vraiment le pays

Where simply do ful that we breathe, that we live,
Are worth the best joys that life else where can give.

Là où respirer est un plaisir, lectrice, que doit y être l’amour ?

L’influence du climat sur le cœur n’est pas à nier, Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/75 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/76 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/77 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/78 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/79 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/80 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/81 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/82 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/83 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/84 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/85 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/86 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/87 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/88 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/89 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/90 Page:Cadiot - 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CHAPITRE XV.

Aïs die Brâcke war gescblagen, Dass man konnt’ mit Ross and Wagcn Frei passiren Aen Donau-Fioss. Bei Scmlin scblog er sein Lager Uni die Turlien za verjagen, Ihnen zum Spott and zcm Yerdrass. Am sechs nnd zwanzigsten Aagusl so eben Kani bci Donner, Wind ond Regen, Ein Spion und zeigtibm an : Da5s die Tûrken futtragiren, So vicl man nur kann vcrspâren An die dreimai bundert Uusend Mann. Als er diesf s bat vernommen, Liess er gleich zosammen kommen Seine General’ und Feld’marschall. Er that ie jnit instrairen, Wic sie soileu die Trupipen fûbrcn Und deu Felnd recbt groifen an. (Vieille chanson du prirue Eugine de Savoie.) 3 août. — A peine avions-nous dormi deux heures, que le bruit du canon nous éveilla. Les Hongrois, profitant du crépuscule, s’amusaient de l’autre bord à tirera mitraille sur nos patrouilles et à lancer des grenades sur la place où nous campions ; de notre côté, Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/163 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/164 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/165 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/166 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/167 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/168 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/169 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/170 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/171 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/172 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/173 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/174 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/175 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/176 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/177 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/178 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/179 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/180 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/181 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/182 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/183 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/184 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/185 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/186 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/187 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/188 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/189 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/190 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/191


CHAPITRE XVIII.


On dit que le peuple des Sarmates, en arrivant d’Asie en Europe, prit plus tard le nom de Slave, de la gloire (slava) qu’ils voulaient s’acquérir. Mais cela est une supposition mal

inventée.

Lelewel.

(Traduit du polonais.)


Soldat ! quelle est ta patrie ?[3]

Es-tu né dans le pays riant, entre l’Inn et la Morave : en Styrie, où le torrent rugit dans la vallée profonde ; ou bien es-tu fils de la terre du Tyrol, où l’avalanche s’écroule, où le chamois bondit de rocher en rocher, et où, au-dessus du pic des montagnes, l’aigle plane majestueux ?

Oh non ! ma patrie est plus noble et plus belle ! Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/193 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/194 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/195 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/196 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/197 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/198 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/199 Page:Cadiot - Fragments sur les campagnes d Italie.djvu/200

Ce nouvel outrage populaire n’a fait qu’accroître un peu plus le dégoût que chaque conservateur éprouve déjà à la vue de toute démonstration anarchique.

Quant aux libéraux, ils en furent glorieux sans doute ; le tour était trop de leur genre pour ne pas leur plaire. Quant à moi, cependant, si j’eusse été l’un d’eux, j’aurais rougi de honte en pensant que l’Angleterre constitutionnelle, après tant de démonstrations, tant de pétitions monstres et tant de meetings, n’avait trouvé d’autre moyen d’aider la Hongrie que celui de tirer lâchement la barbe à un vieillard sans défense, qui était venu chez les Anglais en se fiant à leur hospitalité.




CONCLUSION


   Te souviens-tu ?… Mais ici je m’arrête,
Car je n’ai plus de nobles souvenirs.
Viens avec moi partager ma retraite,
En attendant un meilleur avenir ;
Et si la mort, planant sur ma chaumière,
Vient m’appeler au repos qui m’est dû,
Tu fermeras doucement ma paupière,
En me disant : Soldat, t’en sonviens-tu ?

Parve, nec invideo, sine me, liber, ibis in urbem.


J’ai fini. Ce livre est bien court ; mais ma main, peu accoutumée à tenir la plume, est déjà fatiguée. Si, lecteur, tu as voulu trouver dans ces pages des plans de batailles et des secrets d’État, tu auras, j’en suis fâché, cherché et feuilleté en vain ; mais si tu n’as voulu que lire les souvenirs d’un soldat (et c’est mon titre), que les réminiscences d’un mousquetaire, peut-être t’aurai-je donné en t’amusant une idée assez exacte des événements auxquels j’ai pris part.

Le mot est profond, qui dit que la littérature est l’expression de la société. Si ma brochure parvenait un instant à être prise pour l’expression de cette classe qui, dans ces derniers temps, fut appelée à jouer un grand rôle, et à laquelle une mission providentielle est sans doute réservée dans l’avenir, j’aurais atteint le comble de mon ambition.

Même dans le cas fort douteux du succès de cet ouvrage, grâce à ma position et à mes occupations, ma plume n’écrira jamais plus un mot.

Lecteur, adieu donc !

À toi, ô lectrice, mon mot d’adieu sera plus cordial et moins court.

Mon pauvre livret, je le sais, est tout à fait indigne d’un seul de tes regards, à moins que tu ne daignes en prendre les faibles accents pour le mourant écho d’un temps qui n’est plus, d’un temps, ô femme, où ta faiblesse te rendait toute-puissante, où ta beauté excitait des hauts faits , et où ton inspiration divine jetait une sainte et douce lumière sur ce qu’on appelle maintenant le rude empire de l’épée.

Si, lectrice, en passant, par un beau jour d’été, près d’une vieille croix, au coin delà forêt ; si, en voyant les vénérables ruines d’un cloître, où jadis de saints hommes ont (sans risquer de passer pour fous ou pour trompeurs) voué leur vie à Dieu ; si enfin, en contemplant à la cime d’une montagne les vieilles tours couvertes de lierre de quelque haut domaine, une douce tristesse s’est emparée de toi, et que tu te sois promenée pensive et la tête baissée, — alors, ô lectrice, tu ne jetteras pas, dédaigneuse, dans un coin les réminiscences du mousquetaire, mais tu penseras bien de celui dont la main les a écrites.

FIN.


TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)


 189
  1. Au bord d’un fleuve qui coulait vers l’Orient. (Schiller.)
  2. Depuis que j’ai écrit ces lignes, des troubles ont éclaté en Chine ; la stabilité dé cet empire n’en est cependant guère moins un fait remarquable. Selon le proverbe anglais : Accidents will happen in the bert regulated families.
  3. J’ai écrit ceci pour ces gens qui croient que les mercenaires brutaux, nommés soldats, n’en ont point.