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L’Encyclopédie/1re édition/ALLIAGE

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ALLIAGE, s. m. (Chimie.) signifie le mêlange de différens métaux. Alliage se dit le plus souvent de l’or & de l’argent qu’on mêle séparément avec du cuivre ; & la différente quantité de cuivre qu’on mêle avec ces métaux, en fait les différens titres.

L’alliage de l’or & de l’argent se fait le plus souvent pour la monnoie & pour la vaisselle.

L’alliage de la monnoie se fait pour durcir l’or & l’argent, & pour payer les frais de la fabrique de la monnoie, & pour les droits des Princes. L’alliage de la vaisselle se fait pour durcir l’or & l’argent.

L’alliage est différent dans les différentes Souverainetés, par la différente quantité de cuivre avec laquelle on le fait. L’alliage de la monnoie d’argent d’Espagne differe de celui des monnoies des autres pays, en ce qu’il se fait avec le fer.

Tout alliage durcit les métaux ; & même un métal devient plus dur par l’alliage d’un métal plus tendre que lui : mais l’alliage peut rendre, & il rend quelquefois les métaux plus ductiles, plus extensibles ; on le voit par l’alliage de la pierre calaminaire avec le cuivre rouge, qui fait le cuivre jaune. De l’or & de l’argent sans alliage ne seroient pas aussi extensibles que lorsqu’il y en a un peu.

L’alliage rend les métaux plus faciles à fondre, qu’ils ne le sont naturellement.

L’alliage des métaux est quelquefois naturel lorsqu’il se trouve des métaux différens dans une même mine, comme lorsqu’il y a du cuivre dans une mine d’argent.

Le fer est très-difficile à allier avec l’or & l’argent : mais lorsqu’il y est une fois allié, il est aussi difficile de l’en ôter.

L’alliage du mercure avec les autres métaux se nomme amalgame. Voyez Amalgame. Lorsqu’on allie le mercure en petite quantité avec les métaux, qu’il ne les amollit point, & qu’au contraire il les durcit, on se sert aussi du terme d’alliage, pour signifier ce mêlange du mercure avec les métaux ; & cet alliage se fait toûjours par la fusion, au lieu que l’amalgame se fait souvent sans fusion. Voyez Allier, Mercure. (M)

Tout le monde connoît la découverte d’Archimede sur l’alliage de la couronne d’or d’Hieron, Roi de Syracuse. Un ouvrier avoit fait cette couronne pour le Roi, qui la soupçonna d’alliage, & proposa à Archimede de le découvrir. Ce grand Géometre y rêva long-tems sans pouvoir en trouver le moyen ; enfin étant un jour dans le bain, il fit réflexion qu’un corps plongé dans l’eau perd une quantité de son poids égale au poids d’un pareil volume d’eau. Voyez Hydrostatique. Et il comprit que ce principe lui donneroit la solution de son probleme. Il fut si transporté de cette idée, qu’il se mit à courir tout nud par les rues de Syracuse en criant, εὐρήκα, je l’ai trouvé.

Voici le raisonnement sur lequel porte cette solution : s’il n’y a point d’alliage dans la couronne, mais qu’elle soit d’or pur, il n’y a qu’à prendre une masse d’or pur, dont on soit bien assûré, & qui soit égale au poids de la couronne, cette masse devra aussi être du même volume que la couronne ; & par conséquent ces deux masses plongées dans l’eau doivent y perdre la même quantité de leur poids. Mais s’il y a de l’alliage dans la couronne, en ce cas la masse d’or pur égale en poids à la couronne, sera d’un volume moindre que cette couronne, parce que l’or pur est de tous les corps celui qui contient le plus de matiere sous un moindre volume ; donc la masse d’or plongée dans l’eau, perdra moins de son poids que la couronne.

Supposons ensuite que l’alliage de la couronne soit de l’argent, & prenons une masse d’argent pur égale en poids à la couronne, cette masse d’argent sera d’un plus grand volume que la couronne, & par conséquent elle perdra plus de poids que la couronne étant plongée dans l’eau : cela posé, voici comme on résout le problème. Soit P le poids de la couronne, x le poids de l’or qu’elle contient, y le poids de l’argent, p le poids que perd la masse d’or dans l’eau, q le poids que perd la masse d’argent, r le poids que perd la couronne, on aura pour le poids que la quantité d’or x perdroit dans l’eau, & pour le poids que la quantité d’argent y perdroit dans l’eau : or ces deux quantités prises ensemble doivent être égales au poids r perdu par la couronne.

Donc . De plus on a x + y = P. Ces deux équations feront connoître les inconnues x & y. Voyez Equation.

Au reste pour la solution complette & entiere de ce problème, il est nécessaire, 1°. que l’alliage ne soit que d’une matiere ; car s’il étoit de deux, on auroit trois inconnues & deux équations seulement, & le problème resteroit indéterminé : 2°. que l’on connoisse quelle est la matiere de l’alliage ; si c’est de l’argent ou du cuivre, &c. (O)

Regle d’Alliage est une régle d’Arithmétique dont on se sert pour résoudre des questions qui ont rapport au mêlange de plusieurs denrées ou matieres, comme du vin, du blé, du sucre, des métaux, ou autres choses de différent prix.

Quand ces différentes matieres sont mêlées ensemble, la regle d’alliage apprend à en déterminer le prix moyen. Supposons par exemple, que l’on demandât un mêlange de 144 livres de sucre à 12 sols la livre, & que ce mêlange fût composé de 4 sortes de sucre, à 6, 10, 15 & 17 s. la livre ; si l’on vouloit déterminer combien il doit entrer de chaque espece de sucre dans cette composition, voici la regle qu’il faudroit suivre.

Placez l’un sous l’autre tous les prix, excepté le prix moyen. Que chaque nombre plus petit que le prix moyen soit lié à un nombre plus grand que le même prix ; par exemple liez 6 avec 15, & 10 avec 17 ; prenez ensuite la différence de chaque nombre au prix moyen, & placez ces différences de maniere que celle de 15 à 12 soit vis-à-vis de 6 ; celle de 6 à 12 vis-à-vis 15 ; celle de 12 à 17 vis-à-vis 10 : enfin celle de 12 à 10 vis-à-vis 17 ; ainsi que vous pouvez le voir dans l’exemple qui suit.

12 6 3 27
15 6 54
     
10 5 45
17 2 18
16 144

Remarquez qu’un nombre qui seroit lié à plusieurs autres nombres doit avoir vis-à-vis de lui toutes les différences des nombres auxquels il est lié.

Après cela faites cette proportion : la somme de toutes les différences est au mélange total donné, comme une différence quelconque est à un quatrieme nombre, qui exprimera la quantité cherchée de la chose vis-à-vis laquelle est la différence, dont vous vous êtes servi dans la proportion ; l’opération étant achevée, vous trouverez qu’il faudra 27 livres du sucre à 6 sols, 54 du sucre à 15 sols, 45 du sucre à 10 sols, & 18 du sucre à 17 sols.

Observez cependant que souvent ces sortes de questions sont indéterminées, & qu’elles sont par conséquent susceptibles d’une infinité de solutions ; ainsi qu’il est facile de s’en convaincre pour peu que l’on soit versé dans l’Algebre, ou même que l’on fasse un peu d’attention à la nature de la question, qui fait assez comprendre qu’en prenant un peu plus d’une espece de matiere, il en faudra prendre un peu moins des autres, vû que le total en est déterminé.

Ceux qui seront curieux de voir une explication plus étendue de la regle d’alliage & d’en avoir même une pleine démonstration, pourront consulter Wallis, Taquet dans son arithmétique, & le sistème d’arithmétique de M. Malcolm. (E)

Alliage, est dans l’Artillerie le mêlange des métaux qui s’employent pour former celui dont on fait les canons & les mortiers. Voyez Canon. (Q)

Alliage (à la Monnoie) est un mêlange de différens métaux dont on forme un mixte de telle nature & de tel prix que l’on veut. Dans le monnoyage, l’alliage est prescrit par les Ordonnances : mais l’on altere les métaux avec tant de précaution, que par ce mêlange l’or & l’argent ne sont que peu éloignés de leur pureté. L’alliage est nécessaire pour la conservation des especes ; il donne au métal monnoyé assez de dureté ; il empêche que les frais ne diminuent le poids des especes ; il augmente le volume, & remplit les dépenses de fabrication. Les Ordonnances ayant prescrit le titre de l’alliage, on ne peut se dispenser, si le titre géneral de la matiere fondue est trop bas, d’y mettre du fin ; si au contraire le titre est trop haut, de le diminuer par une matiere inférieure, telle que le cuivre, &c. Le procédé de l’alliage des monnoies est expliqué à l’article Monnoie.