L’Encyclopédie/1re édition/CHAPITEAU

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CHAPITEAU, s. m. terme d’Architecture, du Latin capitellum, est le sommet de quelque chose que ce soit. Il en est de cinq especes comme des colonnes, quoiqu’on en puisse composer à l’infini, selon la diversité des occasions qu’on a d’employer le talent de l’Architecte dans les pompes funebres, dans les fêtes publiques, & dans les décorations théatrales. Mais sans nous arrêter à ces dernieres, dont la composition par leurs différens symboles semble appartenir plûtôt à la Sculpture qu’à l’Architecture, nous traiterons en particulier des chapiteaux toscan, dorique, ionique, corinthien, & composite selon les Grecs, comme ceux qui ont été imités le plus universellement par les plus excellens Architectes, après avoir observé en général que le chapiteau est une des trois parties essentielles de la colonne (Voyez Colonne), & qu’il sert ordinairement à porter l’entablement. Voyez Entablement.

Le chapiteau toscan est composé de trois parties principales, non compris l’astragale ; savoir, le gorgerin, la cimaise, & le tailloir. Voyez ces mots. Toutes ses parties sont circulaires, à l’exception du tailloir qui est quarré, & peu chargées de moulures, à cause de la rusticité de l’ordre. Voyez Ordre.

Le chapiteau dorique est semblable au toscan, à l’exception de quelques moulures que le fust de la colonne moins rustique semble exiger : il a de hauteur, ainsi que le précédent, un module non compris l’astragale.

Le chapiteau ionique se fait de trois manieres : la premiere qu’on nomme antique, dont la forme principale consiste dans un tailloir quadrangulaire, au-dessous duquel sont deux volutes (Voyez Volute), entre lesquelles regne un membre d’Architecture nommé échigne ou quart de rond. Voyez Échigne. Ce chapiteau qui a été imité par les plus célebres Architectes François, au château de Maisons, aux Tuilleries, & dernierement à la fontaine de Grenelle, ne laisse pas cependant d’apporter quelques défauts de symmétrie lorsqu’il est vû sur l’angle, ses côtés étant dissemblables, c’est-à-dire le retour de ses faces étant orné d’un coussinet (Voyez Coussinet) ou balustre ; considération qui a porté nos Architectes François à imaginer le second chapiteau ionique nommé moderne, qui differe du précédent en ce que chacune de ses quatre faces sont ornées de deux volutes autorisées par les concavités de son tailloir, semblable en cela aux chapiteaux corinthien & composite.

Le troisieme chapiteau ionique differe des précédens en ce que, au-dessous des volutes, plusieurs Architectes, à l’imitation de Michel Ange, ont ajoûté une astragale (voyez Astragale) qui en donnant plus de hauteur à ce chapiteau, racourcit le fust de la colonne & la rend plus propre, quoique d’un genre moyen, à faire partie de la décoration d’un monument, où un ordre viril seroit hors de convenance, & où cependant un ordre ionique régulier ne pourroit convenir.

Le chapiteau corinthien est composé de deux rangs de feuilles, distribuées au nombre de seize autour de son tambour (voyez Tambour), & de seize volutes ou hélices, dont huit angulaires portent les carnes du tailloir, & les huit autres le bourrelet du tambour. Ces volutes ou hélices prennent naissance dans des culots soûtenus par des tigettes, Voy. Culots & Tigettes. Ce chapiteau, selon Vitruve, ne doit avoir que deux modules de hauteur. Voyez Module. Mais les Architectes modernes ayant reconnu que ce chapiteau réduit à deux modules, devenoit trop écrasé, lui ont donné deux modules un tiers : mais comme ce chapiteau pris aux dépens de la hauteur du fust le raccourcit considérablement, plusieurs d’entr’eux, tel que Perraut, ont donné à leur colonne corinthienne vingt-un modules de hauteur au lieu de vingt, ainsi qu’on peut le remarquer au peristil du Louvre. Ordinairement l’on met au chapiteau corinthien des feuilles d’olive, quelquefois l’on y préfere celles d’acanthe ou de persil ; mais comme ces dernieres sont d’un travail plus recherché, il n’en faut faire usage que lorsque le fust des colonnes est orné de cannelures à doubles listeaux, & enrichi de rudentures, d’ornemens, &c.

Vitruve donne à Callimachus, Sculpteur Grec, l’invention de ce chapiteau ; Villapande au contraire prétend qu’il avoit été exécuté bien avant Callimachus, au temple de Salomon. La seule différence qu’il nous rapporte, c’est que les feuilles étoient de palmier ; de sorte qu’il se pourroit bien que ces deux auteurs ayent raison, c’est-à-dine que le chapiteau corinthien ait pris son origine au temple de Salomon, & que Callimachus soit celui qui l’ait perfectionné : ce qui est certain, c’est que ce dernier a été si universellement approuvé, qu’aucun de nos Architectes de réputation n’a crû devoir lui apporter aucune altération, si ce n’est dans sa hauteur, ainsi que nous venons de l’observer. Voyez ce que Vitruve dit au sujet du chapiteau corinthien de Callimachus.

Le chapiteau composite a été inventé par les Romains d’après l’imitation des chapiteaux ionique & corinthien ; c’est-à-dire que les deux rangs de feuilles sont distribués autour de son tambour au nombre de seize, comme au précédent, & que son extrémité supérieure est terminée par les volutes & le tailloir du chapiteau ionique moderne, ce qui rend en général ce chapiteau moins leger que le corinthien ; aussi l’ordre composite ne devroit-il jamais être placé sur le corinthien, contre le système néanmoins & l’opinion de la plûpart de nos Architectes François. Ce chapiteau composite est suivi avec moins de sévérité dans l’Architecture que le corinthien, & est quelquefois susceptible d’attributs ou d’allégories relatives aux usages des bâtimens où il est employé : cependant il ne le faut pas confondre avec le chapiteau composé, ce dernier devenant arbitraire, pourvû toutefois qu’on ne tombe pas dans l’abus que la plûpart des Architectes Romains en ont fait, & singulierement les Architectes gothiques, qui non contens d’en avoir altéré les proportions, l’ont enrichi d’ornemens chimériques, peu convenables à l’Architecture réguliere & susceptible d’imitation.

Les cinq chapiteaux dont nous venons de parler ; sont également applicables aux colonnes comme aux pilastres, ne différant que dans la forme de leur plan. Voyez Pilastre ; voyez aussi les cinq desseins de ces chapiteaux dans les Planches d’Architecture. (P)

Chapiteau ; on appelle ainsi, dans l’Artillerie, deux petites planches de huit ou dix pouces de longueur sur cinq ou six de largeur, qui forment ensemble une espece de petit comble ou de dos d’âne ; on s’en sert pour couvrir la lumiere des pieces, & empêcher que le vent n’emporte l’amorce, ou qu’elle ne soit mouillée par la pluie. Voyez la figure du chapiteau, Pl. VI. de Fortification, fig. 6. (Q)

Chapiteau d’artifice, c’est une espece de cornet ou de couvercle conique, qu’on met sur le pot au sommet d’une fusée volante, non-seulement pour le couvrir, mais aussi pour percer plus aisément l’air en s’élevant en pointe.

Chapiteau, (Chimie.) le chapiteau est la piece supérieure de l’alembic des Chimistes modernes, qui est composé d’une cucurbite (Voyez Cucurbite) & de son chapiteau. Ce dernier instrument est un vaisseau le plus ordinairement de verre ou d’étain, dont la meilleure forme est la conique, ouvert par sa base & muni intérieurement d’une gouttiere circulaire, tournée vers le sommet du cone environ un ou deux pouces, selon la grandeur du vaisseau, au-dessus de la base du chapiteau. La gouttiere du chapiteau est le plus ordinairement continuée par un tuyau qui perce la paroi de ce vaisseau, & qui est destiné à verser au-dehors une liqueur ramassée dans cette gouttiere.

Le chapiteau pourvû de ce tuyau nommé bec du chapiteau, sert aux distillations proprement dites, ou distillations humides. Voyez Distillation.

Le chapiteau qui n’a point de bec, ou dont le bec est scellé hermétiquement, ou seulement exactement bouché, s’appelle chapiteau aveugle ou borgne ; celui-ci est employé dans les sublimations ou distillations seches. Voyez Sublimation.

Les Chimistes se servent dans plusieurs cas d’un chapiteau d’étain, enfermé dans un vaisseau destiné à contenir une masse considérable d’eau froide, par l’application de laquelle ils cherchent à rafraîchir ce chapiteau. Voyez Réfrigérent & Distillation.

On a long-tems employé le cuivre étamé à la construction de ces chapiteaux à réfrigérent, mais on ne les fait plus que de l’étain le plus pur, parce qu’on s’est apperçu que plusieurs des matieres qui s’élevoient dans les distillations faites dans cet appareil, se chargeoient de quelques particules de cuivre ; ce qui ne nuisoit pas moins à l’élégance de ces produits, qu’à leur salubrité. Voyez Cuivre.

Le chapiteau de verre muni d’un réfrigérent, est un vaisseau de pur apparat : le meilleur verre ne tient pas long-tems aux fréquentes alternatives de caléfaction & de refroidissement qu’il doit essuyer dans ce genre de distillation, où on employe le chapiteau à réfrigérent.

La tête de more est une espece de chapiteau presque rond & le plus souvent sans gouttiere, muni d’un bec à sa partie latérale, ou quelquefois même à son sommet. Ce vaisseau qui a le défaut essentiel de laisser retomber la plus grande partie des vapeurs qui se sont condensées contre sa voûte, n’est plus en usage que chez les distillateurs d’eau-de-vie : mais comme ces ouvriers ne rafraîchissent pas leur chapiteau, & que cette liqueur passe presque entierement sous la forme d’un torrent de vapeurs qui enfile le bec de la tête de more sans se condenser contre ses parois, dès qu’une fois elles sont échauffées, le manque de gouttiere n’est presque d’aucune importance dans cette opération.

La distillation à l’alembic recouvert d’un chapiteau sans gouttiere, répond exactement à la distillation par la cornue. Voyez Cornue. (b)

Chapiteau, (Papet.) couvercle de cylindres, du moulin à papier à cylindres. Voyez-en la description & l’usage à l’art. Moulin à papier à Cylindres, & la fig. Pl. II. de Papeterie.