L’Encyclopédie/1re édition/CHEF
* CHEF, s. m. c’est proprement la partie de la tête qui seroit coupée par un plan horisontal qui passeroit au-dessus des sourcils. C’est dans l’homme la plus élevée ; aussi le chef a-t-il différentes acceptions figurées, relatives à la forme de cette partie, à sa situation, à sa fonction dans le corps humain. Ainsi on dit le chef d’une troupe ; le chef d’une piece d’étoffe, &c. Voyez ci-après les principales de ces acceptions.
Chef, (Jurisprud.) Ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes, selon les autres termes auxquels il se trouve joint. Nous allons les expliquer par ordre alphabétique.
Chef d’accusation, c’est un des objets de la plainte. On compte autant de chefs d’accusation que la plainte contient d’objets ou de délits différens imputés à l’accusé.
Chef d’un arrêt, sentence, ou autre jugement, est une des parties du dispositif du jugement qui ordonne quelque chose que l’on peut considérer séparément du reste du dispositif. On dit ordinairement tot capita tot judicia, c’est-à-dire que chaque chef est considéré en particulier comme si c’étoit un jugement séparé des autres chefs ; de sorte que l’on peut exécuter un ou plusieurs chefs d’un jugement, & appeller des autres du même jugement, pourvû qu’en exécutant le jugement en certains chefs, on se soit réservé d’en appeller aux chefs qui font préjudice.
Chef-cens, est le premier & principal cens imposé par le seigneur direct & censier de l’héritage, lors de la premiere concession qu’il en a faite, & qui se paye en signe & reconnoissance de la directe seigneurie. On l’appelle chef-cens, quasi capitalis census, pour le distinguer du sur-cens & des rentes seigneuriales qui ont été imposées en sus du cens, soit lors de la même concession, ou dans une nouvelle concession, lorsque l’héritage est rentré dans la main du seigneur.
Le chef-cens emporte lods & ventes ; au lieu que le surcens, ni les rentes seigneuriales, n’emportent point lods & ventes, lorsqu’il est dû un chef-cens, la directe seigneurie de l’héritage étant en ce cas attachée particulierement au chef-cens.
La coûtume de Paris, art. 357. en parlant du premier cens l’appelle chef-cens, & dit que pour tel cens il n’est besoin de s’opposer au decret ; & la raison est, que comme il n’y a point de terre sans seigneur, on n’est point présumé ignorer que l’héritage doit être chargé du cens ordinaire, qui est le chef-cens.
Dans tous les anciens titres & praticiens, le cens ordinaire n’est pas nommé autrement que chef-cens, capitalis census. Voyez in donat. belgic. lib. I. cap. xviij. Il est dit dans un titre de l’évêché de Paris de l’an 1306, chart. 2. fol. 99. & 100. sub retentione omnis capitalis census. La charte d’Enguerrand de Coucy, sur la paix de la Fere, de l’an 1207, dit de fundo terræ & capitali. Dans plusieurs chartulaires, on trouve chevage pour chef cens. Et à la fin des coûtumes de Montdidier, Roye, & Peronne, on trouve aussi quevage, qui signifie la même chose, ce qui vient de quief ou kief, qui en idiome picard signifie seigneur censier. Voyez Brodeau, sur le tit. ij. de la coûtume de Paris, n. 15.
Chef de contestation, se dit de ce qui fait un des objets de contestation.
Chef, crime de lese-majesté au premier chef, est celui qui attaque la Majesté divine ; du second chef, c’est le crime de celui qui attente quelque chose contre la vie du Roi ; & au troisieme chef, c’est lorsqu’on attente quelque chose contre l’état, comme une conspiration ; tel est aussi le crime de fausse monnoie. On distingue ces crimes par premier, second, & troisieme chef, parce que les peines en sont reglées par différens chefs des reglemens. L’ordonnance de 1670, tit. j. art : 11. a consacré ce terme, en disant que le crime de lese-majesté en tous ses chefs est un cas royal. Voyez la confér. de Guénois, dans ses notes sur le titre du crime de lese-majesté.
Chef de demande, signifie un des objets d’une demande déjà formée en justice, ou que l’on se propose de former. Chaque chef de demande fait ordinairement un article séparé dans les conclusions de l’exploit ou de la requête ; cependant quelquefois les conclusions englobent à la fois plusieurs objets. Les affaires qu’on appelle de petits commissaires, font celles où il y a trois chefs de demande ; & les affaires de grands commissaires, celles où il y a au moins six chefs de demande au fond.
Chef de l’edit, premier & second chef de l’édit ou de l’édit des présidiaux : on entend par-là les deux dispositions de l’édit du mois de Janvier 1551, portant création des présidiaux. Le premier chef de cet édit est que les présidiaux peuvent juger définitivement par jûgement dernier & sans appel, jusqu’à la somme de 250 liv. pour une fois payer, & jusqu’à dix liv. de rente ou revenu annuel, & aux dépens à quelque somme qu’ils puissent monter. Le deuxieme chef de l’édit est qu’ils peuvent juger par provision en baillant caution, jusqu’à 500 livres en principal, & jusqu’à 20 livres de rente ou revenu annuel, & aux dépens à quelque somme qu’ils puissent monter, & en ce dernier cas l’appel peut être interjetté en la cour ; de sorte néanmoins qu’il n’a aucun effet suspensif, mais seulement dévolutif. On appelle une sentence au premier ou au second chef de l’édit, celle qui est dans le cas du premier ou second chef de l’édit. V. Edit des Présidiaux & l’article Présidiaux.
On se sert aussi des termes de premier & second chef, pour exprimer les deux dispositions de l’édit des secondes nôces. Voyez Edit des secondes noces & l’article Secondes noces.
Chef, (greffier en) voyez Greffier en chef.
Chef d’hommage, en Poitou, est la même chose que principal manoir ou chef-lieu, c’est-à-dire le lieu où les vassaux sont tenus d’aller porter la foi. Voy. la cout. de Poitou, art. 130 & 142. & Boucheul, ibid. Gloss. de Lauriere, au mot chef.
Chef d’hosties ou hostises, que l’on a dit aussi par corruption ostizes & ostiches, ne signifie pas un seigneur chef d’hotel ou chef de sa maison, comme on le suppose dans le dictionnaire de Trevoux au mot chef ; il signifie seigneur censier ou foncier, du mot chef qui signifie seigneur, & d’hostizes qui signifie habitation, tenement, terre tenue en censive. On en trouve plusieurs exemples dans les anciens titres & dans les anciens auteurs. Beaumanoir, chap. iij. des contremans, art. 26. dit que ostiches sont terres tenues en censive : c’est aussi de-là qu’a été nommé le droit d’ostize ou hostize, dont il est parlé en l’art 40. de la coûtume de Blois ; & c’est ainsi qu’on le trouve expliqué dans le traité du franc-aleu de Galland, ch. vj. de l’origine des droits seigneuriaux, p. 86. & 87. & dans le gloss. de M. de Lauriere, aux mots hostes & ostizes. Pontanus, art. 40. de la coûtume de Blois, verbo ostiziæ, p. 219. dit que c’est le devoir annuel d’une poule due par l’hôte ou le sujet au seigneur, pour son foüage & tenement ; car anciennement on comptoit quelquefois le nombre de feux par hostes ou chefs de famille, hospites, & du terme hoste on a fait hostize. Dans le petit cartulaire de l’évêché de Paris, qui étoit ci-devant en la bibliotheque de MM. Dupuy, & est présentement en celle du Roi ; on trouve fol. 51., un titre de Odo évêque de Paris, de l’an 1199, qui porte Terram nostram de Marnâ, in quâ nemus olim fuisse dignoscitur, ad hostisias dedimus & ad censum, tali modo quod qualibet hostisia habebit octo arpennos terra cultibilis, & unum arpennum ad herbergagium faciendum ; de illo autem arpenno in quo erit herbergagium, reddetur annuatim nobis, vel episcopo Parisiensi qui pro tempore fuerit, in nativitate beatæ Mariæ, unus sextarius avenæ ; in festo sancti Remigii, sex denarii Parisienses censuales ; & de singulis verò arpennis, in prædicto festo sancti Remigii, sex denarii censuales. Dans un autre titre du même Odo de l’an 1203, fol. 60. il est dit : Pro hostisiâ quæ fuit Guillelmi de Mondon, &c. V. Brodeau sur Paris, tit. des censives, n. 8.
Chef-lieu, est le principal lieu d’une seigneurie, où les vassaux sont obligés d’aller rendre la foi & hommage, & de porter leur aveu & dénombrement, & où les censitaires sont obligés d’aller porter les cens & passer déclaration. Le chef-lieu est ordinairement le château & principal manoir de la seigneurie : mais dans des endroits où il n’y a point de château, c’est quelquefois une ferme qui est le chef-lieu ; quelquefois c’est seulement une vieille tour ruinée : dans quelques seigneuries où il n’y a aucun château ni manoir, le chef-lieu est seulement une piece de terre choisie à cet effet, sur laquelle les vassaux sont obligés de se transporter pour faire la foi & hommage. Le chef-lieu appartient à l’aîné par préciput, comme tenant lieu du château & principal manoir. Voyez Aînesse, Préciput, Principal Manoir. Voyez l’auteur des notes sur Artois, pp. 86. 353. 362. Dans la coûtume du comté de Hainaut, la ville de Mons qui en est la capitale est appellée le chef-lieu. A Valenciennes, & dans quelques autres coûtumes des Pays-bas, ce terme de chef-lieu se prend pour la banlieue. Voyez Doutreman, en son hist. de Valencien. part. II. ch. jv. p. 279. & 280. Enfin il signifie encore la principale maison d’un ordre régulier ou hospitalier, ou autre ordre composé de plusieurs maisons : par exemple, la commanderie magistrale de Boigny près Orléans, est le chef-lieu de l’ordre royal, militaire & hospitalier de S. Lazare.
Chef-mets ou Chef-mois, (Jurispr.) en quelques coûtumes, est le principal manoir de la succession, comme en Normandie. Voyez aussi la coûtume de Surene, art. iij. Voyez le mot Mex. (A)
Chef du nom & armes, dans les familles nobles, est l’aîné ou descendant de l’aîné, qui a droit de porter les armes pleines, & de conserver les titres d’honneur qui concernent sa maison.
Chef-d’ordre, est la principale maison d’un ordre régulier ou hospitalier, celle dont toutes les autres maisons du même ordre dépendent, & où se tient le chapitre général de l’ordre. Les abbayes chefs-d’ordre sont toutes régulieres, telles que Cluny, Prémontré, Citeaux, &c. L’art. 3. de l’ordonnance de Blois veut qu’à l’égard des abbayes & monasteres qui sont chefs-d’ordre, comme Cluny, Citeaux, Prémontré, Grammont, le Val-des-Ecoliers, S. Antoine de Viennois, la Trinité dite des Mathurins, le Val-des-Choux, & ceux auxquels le droit & privilége d’élection a été conservé, & semblablement ès abbayes de Pontigny, la Ferté, Clairvaux, & Morimont, qu’on appelle les quatre premieres filles de Citeaux ; il y soit pourvû par élection des religieux profès desdits monasteres, suivant la forme des saints decrets & constitutions canoniques. Voyez ci-dev. au mot Chef-lieu, vers la fin.
Chef-seigneur, (Jurisp.) ce terme a différentes significations, selon les coutumes ; dans quelques-unes il signifie le seigneur suzerain ; dans d’autres il signifie tout seigneur féodal, soit suzerain ou simple seigneur censier ou foncier. Par l’art. 166. de la coûtume de Normandie, le chef-seigneur est celui seulement qui possede par foi & par hommage, & qui à cause dudit fief tombe en garde ; & comme tout fief noble est tenu par foi & hommage & tombe en garde, il s’ensuit que quiconque possede un fief noble est chef-seigneur, à l’exception des gens d’église, parce qu’ils ne tombent point en garde à cause de leurs fiefs nobles. Il suit aussi de cet article que tout chef-seigneur ne releve pas immédiatement du Roi, parce que cet article ne demande pas que le possesseur de fief tombe en garde royale, mais seulement en garde ; ce qui peut convenir à la garde seigneuriale comme à la garde royale. Voyez les coûtumes de Ponthicu, art. 110. Anjou, 201. & suiv. Maine, 216. & suiv. Norman. anc. ch. xjv. xxxjv. xxxvj. Et liv. I. de l’établissem. pour les prevôtés de Paris & d’Orléans. Le grand coûtum. liv. il. ch. xxvj. & liv. IV. ch. v. Galland, du franc-aleu, p. 78. Gloss. de Lauriete, au mot chef-seigneur.
Chef de sens, se dit d’une ville principale qui est en droit de donner avis aux autres villes & lieux d’un ordre inférieur qui lui sont soûmises : par exemple, la ville de Valenciennes est chef de sens de son territoire. Voyez les articles 145. & 146. de cette coûtume.
Chef d’une sentence, voyez ci-devant Chef d’un arrêt, sentence, &c. (A)
Chef d’escadre, (Marine.) c’est un officier général de la Marine, qui commande une escadre ou une division dans une armée navale : son rang répond à celui de maréchal de camp sur terre, avec lequel il roule lorsqu’ils se trouvent ensemble. La marque distinctive du chef d’escadre à la mer, est la cornette qui lui sert de pavillon. Voy. Cornette.
Le chef d’escadre, en l’absence du lieutenant général de la Marine, fait les mêmes fonctions, soit à la mer soit dans les ports. Voyez à l’article Lieutenant général.
Les chefs d’escadre ont séance & voix délibérative dans le conseil de guerre, chacun suivant leur ancienneté.
Autrefois en France on divisoit la marine du roi en six escadres, sous les titres de Poitou, de Normandie, de Picardie, de Provence, de Guienne, & de Languedoc ; mais cette division n’a plus lieu, & le nombre des chefs d’escadre n’est pas limité : actuellement il y en a quatorze en France. (Z)
Chef d’Académie, (Manege.) est un écuyer qui tient une académie, où il enseigne à monter à cheval. Voyez Académie. (V)
* Chef, s. m. (Blason.) se dit de la partie supérieure de l’écu, mais plus ordinairement d’une de ses parties honorables, celle qui se place au haut, & qui doit avoir le tiers de sa hauteur : elle peut être ou échiquetée, ou emmanchée, ou dentée, ou herminée, ou losangée, &c. Voyez ces mots.
Le chef est abaissé, quand la couleur du champ le détache du bord supérieur de l’écu, le surmonte & le retrécit ; surmonté, quand il est détaché par une autre couleur que celle du champ ; bandé, quand il a une bande ; chevronné, quand il a un chevron ; palé, quand il a un pal, &c. (Voyez Bande, Chevron, Pal, &c.) ; cousu, quand il est de couleur ; retrait, quand il a perdu une partie de sa hauteur ; soûtenu, quand il n’y a que les deux tiers de sa hauteur au-dessus de l’écu, & que le tiers inférieur est d’un autre émail. Voy. le Dictionn. de Trév.
* Chef, couper en chef, expression usitée dans les carrieres d’ardoise Voyez l’article Ardoise.
* Chef, (Boulang.) se dit du moreeau de levain plus ou moins gros, selon le besoin qu’on prévoit, pris sur celui de la derniere tournée, pour servir à la sournée suivante. Voyez Pain.
* Chef, (Coffret.) ce terme est, chez ces ouvriers, synonyme à brin ou à bout : ainsi quand il leur est ordonné de coudre les ourlets & trépointes des malles & autres semblables ouvrages à deux chefs de ficelle neuve & poissée, cela signifie à deux bouts ou à deux brins de ficelle, &c. Ainsi le chef n’est ni la ficelle simple, ni la double ficelle ; c’est un brin ou un bout de la ficelle double.
* Chef, (Manufact. en soie, en laine, & en toile.) c’est la premere partie ourdie, celle qui s’enveloppe immédiatement sur l’ensuple de devant, & qui servira de manteau à la piece entiere quand elle sera finie. Le chef des pieces en toile est plus gros que le reste ; celui des ouvrages en laine & en soie ne doit être ni plus mauvais ni meilleur, à moins que l’espece d’étoffe qu’on travaille ne demande qu’on trame plus gros, afin d’avoir en commençant plus de corps, & de résister mieux à la premiere fatigue de l’ourdissage. Les pieces de toile, de laine & de soie, s’entament par la queue, & le chef est toûjours le dernier morceau que l’on vend : la raison en est simple ; c’est que c’est au chef que sont placées les marques, qui indiquant le fabriquant, la qualité de la marchandise, celle de la teinture, la visite des gardes & inspecteurs, l’aunage, &c. ne doivent jamais disparoître.
* Chef, (Œconom. rustiq.) terme synonyme à piece ; ainsi on dit cent chefs de volaille, pour dire cent pieces de volaille. Il s’applique aussi aux bêtes à cornes & à laine, quand on fait le dénombrement de ce qu’on en a ou de ce qu’on en vend ; cent chefs de bêtes à cornes, cent chefs de bêtes à laine. Le mot chef ne s’employe cependant guere que quand la collection est un peu considérable, & l’on ne dira jamais deux chefs de bêtes à cornes.
Chef, terme de riviere ; c’est ainsi qu’on appelle la partie du devant d’un bateau foncet.
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