L’Encyclopédie/1re édition/DISPOSITION

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DISPOSITION, s. f. (Belles-Lett.) partie de la Rhétorique qui consiste à placer & ranger avec ordre & justesse les différentes parties d’un discours.

La disposition est dans l’art oratoire ce qu’est un bel ordre de bataille dans une armée, lorsqu’il s’agit d’en venir aux mains ; car il ne suffit pas d’avoir trouvé des argumens & des raisons qui doivent entrer dans le sujet que l’on traite, il faut encore savoir les amener, les disposer dans l’ordre le plus propre à faire impression sur l’esprit des auditeurs. Toutes les parties d’un discours doivent avoir entre elles un juste rapport, pour former un tout qui soit bien lié & bien assorti ; ce qu’Horace a dit du poëme, étant exactement applicable aux productions de l’éloquence :

Singula quæque locum teneant sortita decenter.

La disposition est donc l’ordre ou l’arrangement des parties d’un discours, qu’on met ordinairement au nombre de quatre ; savoir l’exorde ou début, la narration, la confirmation, & la peroraison ou conclusion : quelques-uns cependant en distinguent jusqu’à six ; savoir l’exorde, la division, la narration, la confirmation, la réfutation, & la peroraison, qu’ils expriment par ce vers technique :

Exorsus, narro, seco, firmo, refello, peroro.

Mais il est beaucoup plus simple de comprendre la division dans l’exorde, & la réfutation dans la confirmation.

La disposition est ou naturelle ou artificielle ; la naturelle est celle dans laquelle on vient de ranger toutes les parties du discours. En effet, ce ne sont pas les regles, mais la nature elle-même qui dicte que pour persuader les auditeurs, 1°. il faut les disposer à écouter favorablement les choses dont on veut les entretenir. 2°. Il faut leur donner quelque connoissance de l’affaire que l’on traite, afin qu’ils sachent de quoi il s’agit. 3°. On ne doit pas se contenter d’établir ses propres preuves, il faut renverser celles de ses adversaires ; & enfin lorsqu’un discours est étendu, & qu’il est à craindre qu’une partie des choses qu’on a dites ne se soit échappée de la mémoire des auditeurs, il est bon de répeter en peu de mots sur la fin ce qu’on a dit plus au long.

Parmi les modernes, un discours se distribue en exorde, division ou proposition, premiere, seconde, & quelquefois troisieme partie, & peroraison ; & dans l’éloquence du barreau on distingue l’exorde, la narration ou le fait, ou la question de droit, la preuve ou les moyens, la replique ou réponse aux objections, & la conclusion, ou, comme on dit en style de palais, les conclusions.

Par disposition artificielle on entend celle où pour quelque raison particuliere on s’écarte de l’ordre naturel, en mettant une partie à la place de l’autre. Voyez chaque partie du discours sous son article, Exorde, Narration, Confirmation, & c. (G)

Disposition, (Medecine.) διάθεσις, signifie l’état du corps humain, dans lequel il est susceptible de changement en bien ou en mal, comme de recouvrer la santé s’il l’a perdue ; d’être affecté de maladie, ou d’un plus grand dérangement de fonctions, lorsque la maladie est déjà établie : ainsi ce terme se prend en différens sens ; on l’exprime communément en latin par le mot diathesis, qui est le même qu’en grec : on dit diathesis inflammatoria, disposition à l’inflammation ; scorbutica, au scorbut, & c.

Le mot disposition est encore employé quelquefois pour habitude. Voyez Habitude. (d)

Disposition, (Jurisp.) est un acte qui ordonne quelque chose, ou qui contient quelque arrangement des biens de celui qui dispose. (A)

Dispositions d’un acte, en général sont les conventions & les arrangemens portés dans l’acte. (A)

Dispositions d’un arrêt ou autre jugement, c’est ce qui est ordonné par le jugement. Les dispositions sont toutes renfermées dans la derniere partie du jugement, qu’on appelle le dispositif. (A)

Disposition caduque, est une chose ordonnée par un jugement ou autre acte, qui demeure sans exécution, parce qu’elle ne peut plus avoir lieu, soit par le décès de quelqu’un, ou par quelque autre évenement. (A)

Disposition captatoire : on appelle ainsi dans les testamens & autres actes de derniere volonté, les dispositions qui tendent à engager celui à qui on donne quelque chose à faire de sa part quelque libéralité : par exemple, s’il est dit, j’institue Titius pour telle part qu’il m’instituera son héritier, ces sortes de dispositions sont reprouvées comme n’étant pas de vraies libéralités ; mais ce n’est pas une disposition captatoire, que de donner quelque chose en reconnoissance de ce que l’on a déjà reçû. Voyez les lois 70 & 71. ff. de hæred. instit. Cujas, ibid. Godefroi, sur la loi 11. cod. de testam. milit. Maynard, liv. VIII. chap. lxj. Carondas, livre VIII. rép. lx. & au mot Testament. (A)

Disposition à cause de mort, est un acte fait en vûe de la mort, & par lequel on déclare ses dernieres volontés. On entend quelquefois par ce terme l’acte qui contient les dispositions, & quelquefois les dispositions mêmes.

Il y a trois sortes d’actes, par lesquels on peut faire des dispositions ; savoir les donations à cause de mort, les testamens, & codiciles.

On peut aussi en faire par une institution contractuelle, par une convention de succéder, par une démission ou partage, fait par les pere & mere entre leurs enfans.

Les dispositions à cause de mort sont révocables de leur nature jusqu’au dernier moment de la vie, à moins qu’elles ne participent en même tems de la nature des actes entre-vifs, comme les institutions contractuelles. Voyez Donation, Testament, Codicile, Institution, Substitution, Legs, Démission, Partage. (A)

Disposition causée, c’est lorsque le jugement ou l’acte sont motivés. (A)

Disposition comminatoire, c’est lorsqu’une convention ou un jugement prononce une peine ou une déchéance, faute de faire quelque chose dans un certain tems. Quoique cela n’ait point été fait dans le tems marqué, on n’en est pas déchû irrévocablement ; parce que la disposition n’est réputée que comminatoire : c’est pourquoi il faut obtenir un autre jugement, qui faute d’avoir satisfait au premier, déclare la peine ou déchéance encourue, à moins qu’il ne fût dit par le premier jugement, qu’en vertu de ce jugement & sans qu’il en soit besoin d’autre, la disposition aura son effet. Voyez Comminatoire & Défaut (A)

Disposition conditionnelle, est celle dont l’exécution dépend de l’évenement de quelque condition. (A)

Dispositions des Coutumes, sont ce qui est ordonné par le texte des coûtumes. Chaque article de coûtume forme une disposition particuliere, & même en renferme quelquefois plusieurs. Voyez ci-devant Coutumes. (A)

Disposition de derniere volonté, est un acte fait en vûe de la mort, par lequel on ordonne quelque chose au sujet de ses biens, pour avoir lieu après sa mort. Voyez ci-devant Disposition à cause de mort. (A)

Disposition entre-vifs, est ce qui est ordonné par un acte entre-vifs, & pour avoir son exécution entre-vifs. La disposition entre-vifs est opposée à la disposition à cause de mort ; une vente, un échange, sont des dispositions entre-vifs : un legs est une disposition à cause de mort. (A)

Disposition gratuite, est celle qui est faite par pure libéralité, comme une donation ; à la différence d’un bail, où la chose est donnée pour en tirer une rétribution. (A)

Disposition irrévocable, est un acte au sujet duquel on ne peut varier, tel qu’une donation entre-vifs ; au lieu que les dispositions de derniere volonté sont révocables jusqu’à la mort. (A)

Disposition d’un jugement, est ce que le jugement ordonne, soit sur le différend des parties, soit par forme de réglement. Chaque disposition d’une sentence ou arrêt forme comme autant de jugemens séparés : c’est pourquoi l’on dit, tot capita, tot judicia ; & il est permis de se pourvoir contre une disposition sans attaquer les autres, sauf à celui qui soûtient le bien-jugé, à faire voir la relation qu’une disposition peut avoir avec l’autre. (A)

Disposition de l’homme, s’entend de tout ce que les hommes peuvent ordonner par acte, soit entre-vifs, ou à cause de mort. La disposition de l’homme est opposée à celle de la loi ; & la maxime en cette matiere est que la disposition de l’homme fait cesser celle de la loi. Ce n’est pas que les particuliers ayent le pouvoir d’abroger les lois : cela signifie seulement que la disposition de l’homme prévaut sur celle de la loi, lorsque celle-ci n’a ordonné quelque chose que dans le cas où l’homme n’en auroit pas ordonné autrement, ou lorsque la loi a disposé simplement sans défendre de déroger à sa disposition. (A)

Disposition libre, est un acte fait par quelqu’un de sa bonne volonté, sans aucune force ni contrainte, & sans suggestion ni captation de personne. Voyez Captateur, Force, Violence, Suggestion. (A)

Disposition de la loi, est tout ce que la loi ordonne : & l’on entend par-là non seulement ce qui est porté par les lois proprement dites, telles que les lois romaines, & les ordonnances, édits, & déclarations ; mais aussi toute disposition qui a force de loi, telles que les coûtumes, & même les usages non écrits qui s’observent de tems immémorial. La disposition de l’homme fait cesser celle de la loi. Voyez ci-dev. Disposition de l’homme, & Loi. (A)

Disposition modale, est celle à laquelle le testateur a attaché une certaine charge, de faire ou donner quelque chose en considération de sa libéralité, & après que le légataire l’aura reçûe. Il y a quelques lois qui donnent le nom de condition, à ce qui n’est proprement qu’un mode, quoique le mode soit différent de la condition affirmative & de la condition négative. Voyez Mode. (A)

Disposition négative, est la disposition d’une loi qui se contente d’ordonner quelque chose, sans défendre de faire aucune convention ou disposition au contraire. Tel est l’article 139. de la coûtume de Reims, qui porte : « homme & femme conjoints par mariage, ne sont uns & communs en biens meubles & conquêts faits durant & constant le mariage ». Cette disposition est simplement négative, parce que quoiqu’elle n’établisse pas la communauté, elle ne défend pas aux parties de la stipuler. Ce ne sont pas les termes négatifs qui forment ce que l’on appelle une disposition négative ; car une disposition de cette espece peut être conçûe en termes affirmatifs, qui soient équipollens à des termes negatifs. La disposition simplement négative est opposée à la disposition prohibitive, qui défend de rien faire de contraire à ce qu’elle ordonne. Il y a des dispositions qui sont tout à la fois négatives prohibitives ; c’est-à-dire qui en rejettant quelque usage, défendent en même tems de déroger à cette disposition. Voyez ci-après Disposition prohibitive. (A)

Disposition onéreuse, est un acte qui transmet à quelqu’un une chose à titre onéreux, & non à titre lucratif. (A)

Disposition pénale, voyez Loi pénale.

Disposition prohibitive, est une disposition d’une loi ou d’un jugement, qui défend de faire quelque chose. Il n’est pas permis aux parties de déroger à ces sortes de dispositions : tel est, par exemple, l’article 330. de la coûtume de Normandie, qui porte : « quelque accord ou convenant qui ait été fait par contrat de mariage, les femmes ne peuvent avoir plus grande part aux conquêts faits par le mari, que celle qui est reglée par la coûtume à laquelle les contractans ne peuvent déroger ». Cette disposition est tout à la fois prohibitive négative. Il y a des dispositions où la prohibition n’est pas si marquée, & qui ne laissent pas d’être prohibitives négatives ; telles que l’article 251. de la coûtume de Paris, « nul ne peut être héritier & légataire ». Voyez ci-devant Disposition négative, & la treizieme question des dissertations de M. Boulenois. (A)

Disposition rémunératoire, est un acte qui a pour objet de récompenser quelqu’un des services qu’il a rendus. (A)

Disposition de Sentence, c’est ce qui est ordonné par une sentence. Voyez ci-devant Disposition d’un arrêt. (A)

Disposition testamentaire, c’est une chose qui est ordonnée par testament. Voy. Testament. (A)

Disposition d’une armée, (Art mil.) c’est la position ou l’arrangement que lui donne le général. Voy. Ordre de bataille. La meilleure disposition d’une armée, selon Vegece, n’est pas tant celle qui nous met en état de battre l’ennemi, que celle qui l’affame & le ruine à la longue. C’étoit aussi le sentiment de César : ce fameux Romain, dans la guerre d’Afranius, ayant coupé les vivres à l’armée ennemie, & étant pressé par ses soldats de profiter de l’occasion de combattre, ne voulut pas hasarder de braves soldats, ni se mettre au pouvoir de la fortune ; parce qu’il n’est pas moins du devoir d’un grand capitaine de vaincre son ennemi par adresse, que par force. Comm. de César par d’Ablancourt. (Q)

Disposition, en Architecture, est la distribution juste de toutes les différentes parties d’un bâtiment, conformément à leur nature & à leur utilité. Voyez Ordonnance.

Disposition, (Jard.) Voyez Distribution.