L’Encyclopédie/1re édition/ONGUENT

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ONGUENT, s. m. (Pharmacie.) remede extérieur, qui ne differe du liniment que par la consistence, & qui même en differe à peine par cette qualité. Voyez Liniment.

On trouve dans toutes les Pharmacopées un si grand nombre d’onguens officinaux, que le médecin peut se dispenser dans tous les cas d’en prescrire de magistraux. Si l’indication ou le défaut d’onguens officinaux l’y obligeoient pourtant, il pourroit en faire composer facilement d’après cette unique notion de leur essence pharmaceutique ; savoir que pour former un onguent il suffit de mêler ou de faire fondre ensemble différentes matieres huileuses, grasses, balsamiques, résineuses, d’une telle consistance ou avec une telle compensation de consistance, que le mélange étant froid ait à-peu-près la consistance du saindoux.

Les proportions des ingrédiens qui different naturellement en consistance sont déterminées d’après l’observation pour les onguens officinaux, & consignées dans les Pharmacopées. Quant aux onguens magistraux, si l’on mêle ensemble deux drogues, dont l’une ait trop de consistance & l’autre trop peu, comme l’huile & le blanc-de-baleine, par exemple ; la cire & un baume naturel, liquide, &c. on doit se diriger par le tâtonnement, ajoutant de l’un ou de l’autre des ingrédiens, selon que l’exige la consistance qu’on a obtenue par une premiere épreuve, réitérant ces épreuves, &c.

Les onguens sont principalement destinés au traitement des maladies extérieures, telles que les douleurs des membres, les dartres, la galle, les tumeurs, les plaies, les ulceres, &c. On les emploie aussi quelquefois pour combattre des maladies internes ; l’application des onguens sur le côté dans la pleurésie, sur la région épigastrique, sur les hypochondres, sur la région des reins, sur la région ombilicale, hypogastrique, &c. Dans la pleurésie, le vomissement, & d’autres maladies d’estomac, diverses maladies du foie, de la rate & des reins ; certaines coliques intestinales, des maladies de la vessie, de la matrice, &c. cette application, dis-je, est comptée parmi les secours que la Médecine fournit pour la guérison de ces maladies. Voyez ces articles Thérapeutique & Topique.

On applique les onguens sur les plaies & les ulceres, &c. étendus sur des plumaceaux. Voyez Plumaceaux. Quand ils sont employés à cet usage particulier, ils sont plus connus dans l’usage ordinaire de la Chirurgie sous le nom de digestifs. Voyez Digestif. On les applique dans tous les autres cas, en en répandant une couche légere sur la partie affectée, les faisant pénétrer autant qu’il est possible par le moyen d’une légere friction, & recouvrant ensuite la partie de linges chauds. C’est évidemment de cette maniere d’appliquer l’onguent que cette préparation tire son nom : il est appellé unguentum, du mot ungere, oindre.

L’usage de se frotter les jointures, & même les membres & tout le corps avec des huiles & des baumes ou onguens, qui étoit fort en vogue parmi les anciens dans l’état de santé, soit dans la vûe de se parfumer, ou dans celle de donner de la souplesse ou de la vigueur à leur corps ; cet usage, dis-je, est absolument aboli parmi nous, & même la théorie regnante de la transpiration cutanée & sur la vertu obstipante des matieres huileuses, prononce hardiment que cette application est non-seulement inutile, mais même très-dangereuse. Il est constant cependant que des peuples entiers l’ont autrefois pratiquée, au-moins sans mauvais effet. Nous savons aussi que les Islandois & les Groenlandois, & quelques peuples du nord de l’Amérique, sont couverts constamment de peaux d’animaux bien enduites d’huile de poisson ; c’est-à-dire qu’ils sont habituellement dans un bain d’huile, & l’on ne voit point cependant que dans ces climats, où il y a d’ailleurs une cause toujours subsistante de transpiration retenue, la prétendue obstipation des pores de la peau par l’huile, occasionne des maladies particulieres.

Il paroit cependant que l’usage de se graisser le corps est assez inutile, & il est très-certainement fort sale & fort puant, fort décrié même quand ces onctions se font avec des parfums.

Ces considérations peuvent nous conduire, non pas à une vraie théorie de l’action des onguens dans les cas des maladies, mais au-moins à nous faire raisonnablement soupçonner que l’explication de leur vertu fondamentale & générique par l’obstipation des pores de la peau, est aussi précaire & aussi gratuite que la plûpart des théories médicinales.

Quant aux vertus particulieres des divers onguens qui sont tous dessicatifs, ou émolliens, ou maturatifs, ou mondificatifs, ou résolutifs, ou fortifians, &c. Voyez Dessicatif, Émollient, Maturatif, &c. & les articles particuliers qui traitent des divers onguens.

Il sera parlé de ces divers onguens, soit dans l’article des matieres qui leur donnent leur nom, par exemple au mot guimauve, de l’onguent d’althea ; au mot peuplier, de l’onguent populeum, &c. soit dans des articles exprès qu’on trouvera à la suite de celui-ci, ou sous leurs noms propres, martiatum, egiptiac, &c. pour les onguens les plus usités qui ne tirent pas leur nom de l’un de leurs ingrédiens. (b)

Onguent blanc de Rhasès, communément appellé blanc-rhasis, & par corruption blanc-raisin ; prenez cire blanche, trois onces ; huile d’olive, douze onces : faites-les fondre ensemble dans un vaisseau de fayence ; ajoutez ensuite céruse préparée & lavée trois onces ; retirez le vaisseau du feu, & agitez sans cesse avec un pilon de bois, jusqu’à ce que le mélange soit refroidi, & qu’il ait pris la consistance d’onguent : le blanc-rhasis est le remede par excellence des écorchures.

Onguent epispastique, (Pharmacie.) prenez onguent populeum, une once ; onguent basilicon & cantharides récentes en poudre, de chacun demi-once : mêlez, faites un onguent selon l’art.

Autre onguent epispastique sans cantharides : prenez semence de moutarde en poudre, demi-once ; pyrethre, staphyzaigre, poivre long, le tout en poudre, de chacun un gros ; euphorbe en poudre, quinze grains ; onguent basilicon, deux onces ; térébenthine suffisante quantité : mêlez, faites un onguent selon l’art. Voyez les usages de l’un & l’autre onguent à l’article Vésicatoire.

Onguent gris, est en Pharmacie le même que l’onguent mercuriel : il est bon contre les poux. On peut employer à sa place l’onguent indiqué & décrit dans la maladie pédiculaire. Voyez Pédiculaire.

Onguent de la mere, (Pharm. & Mat. méd. exot.) cet onguent appellé quelquefois aussi onguent brun, unguentum fuscum, est ainsi décrit dans la Pharmacopée de Paris : prenez de sain-doux, de beurre frais, de cire jaune, de suif de mouton & de litharge préparée, de chacun demi-livre ; d’huile d’olive une livre : cuisez en brassant à la maniere des emplâtres jusqu’à ce que votre matiere prenne une couleur brune très-foncée : cette préparation a plutôt la consistance d’emplâtre que celle d’onguent, comme nous l’avons déjà remarqué au mot emplâtre. Voyez cet article.

L’onguent de la mere est d’un usage fort commun à Paris : il tient lieu dans la pratique journaliere des pansemens de presque tous les emplâtres simplement émolliens, adoucissans & maturatifs. Voyez Emplatre, Chirurgie.

Onguent de la comtesse, (Pharmac. & Mat. médic. exot.) prenez noix de galle cueillies avant leur maturité, une once ; noix de cyprès, semences d’épine-vinette & de plantain, écorce de grenade, de chacun deux gros ; sumac & alun de roche, de chacun demi-once : mêlez, faites une poudre. D’autre part prenez cire jaune, trois onces ; huile d’olive, demi-livre ; mastic, deux gros : faites fondre ces matieres ensemble, & mêlez-y exactement votre poudre pour faire un onguent selon l’art.

Cet onguent est composé de plusieurs styptiques très-puissans, parmi lesquels on ne devroit point trouver les semences d’épine-vinette & de plantain, & le mastic, dont la vertu astringente est supposée très gratuitement, & qui du-moins n’a nulle proportion avec celle des autres ingrédiens.

Il n’est pas étonnant que l’invention de cet onguent soit dûe, ou au-moins attribuée à une femme, puisque c’est un remede de toilette.

Quoique ce remede soit principalement connu par l’abus qui en a été fait, les Médecins sont cependant obligés d’en conseiller quelquefois l’usage, pour remédier, par exemple, au relâchement du vagin, qui suit souvent des accouchemens laborieux. Le mangonium virginitatis qu’on execute facilement au moyen de ce remede ou de remedes analogues, doit être regardé, ce semble, comme une action licite, & même comme un acte très-méritoire, comme une tromperie obligeante, lorsqu’il s’agit d’assurer les douceurs d’un commerce légitime.

Au reste, comme l’huile & la cire qui constituent l’excipient de cet onguent n’ajoutent rien à son efficacité, qu’ils la diminuent au contraire : & que d’ailleurs lorsqu’il a été appliqué les liqueurs aqueuses ne l’enlevent point, ne lavent point la partie qui en est enduite, il est plus utile & plus commode de substituer à cet excipient huileux une quantité convenable de conserve de roses, dont la vertu est analogue à celle des poudres, & qui est facilement emportée par les lotions aqueuses. (b)

Onguent hémorrhoïdal, (Pharmacie.) cet onguent est décrit de la maniere suivante dans la pharmacopée de Paris sous le nom d’unguentum hemorrhoidale extemporaneum, c’est-à-dire pour être préparé sur le champ.

Prenez onguent populeum & nutritum de chacun trois onces, trois jaunes d’œufs, saffran en poudre une drachme & demie, opium une drachme ; mêlez, faites un onguent.

Cet onguent paroît très-propre à calmer les douleurs atroces qui accompagnent souvent les paroxysmes d’hémorrhoïde. (b)

Onguent mercuriel citrin pour la galle, voyez Mercure, Mat. méd.

Onguens froids, les quatre, (Pharmacie.) on trouve classés sous ce titre dans les anciennes pharmacies l’onguent album rhasis, le cérat de Galien, l’onguent rosat & l’onguent populeum. Voyez Onguent rhasis, Cérat de Galien, Peuplier & Rose, Pharmacie.

On a aussi rangé quelques onguens sous la dénomination commune d’onguens chauds ; mais ils sont beaucoup moins usités que les précédens.

Onguent sympathique, sorte d’onguent qu’on suppose guérir les blessures sans l’appliquer sur la plaie, mais seulement à l’arme qui a blessé. Voyez Poudre sympathique & Transplantation. Voyez Unguentum armarium.