Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ10.

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Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 98-108).




HÂ 10 — HÔM YASHT 2

Le Râspî jette de l’encens sur le feu.


1. Qu’ils s’enfuient d’ici 1[1] ! Que s’enfuient les Daêvas et les adorateurs des Daêvas 2[2].

Que le bon Sraosha 3[3] demeure ! Qu’ici demeure Ashi Vanuhi 4[4] ! Qu’ici se plaise Asbi Vanuhi, dans cette maison qui est à Ahura, qui est à Haoma, saint de naissance !


2 (4). Je célèbre à haute voix ton mortier inférieur 5[5], où sont déposées les tiges 6[6], ô dieu à la belle intelligence !
Je célèbre à haute voix ton mortier supérieur 5, avec lequel je le frappe de toute ma force d’homme 7[7], ô dieu à la belle intelligence !


3 (6). Je célèbre les nuages et la pluie qui font grandir ton corps sur le sommet des montagnes.

Je célèbre les hautes montagnes où tu as poussé 8[8], ô Haoma !
4 (8). Je célèbre la terre sillonnée de voies 9[9] et large, docile au désir du Seigneur 10[10] et pleine de bonté 11[11], qui te porte, ô saint Haoma !

Je célèbre la terre où tu pousses 12[12], odorant et fortifiant 13[13], belle plante omnisciente 14[14].

O Haoma, tu pousses sur la montagne. Puisses-tu croître dans tous les sens 15[15], car tu es clairement la source de la sainteté 16[16] !
5 (11). Grandis par ma parole 17[17] !

Le Râspî se joint ici au Zôt et jette de l’encens sur le feu.
dans tous tes troncs 18[18], dans toutes tes branches 18[18], dans toutes tes tiges 18[18] — dans tous tes troncs, dans toutes tes branches, dans toutes tes tiges !


Le Zôt seul :


6 (13). Haoma grandit quand on le loue, et aussi l’homme qui le loue en devient plus victorieux.

La moindre offrande de Haoma, la moindre louange de Haoma, la moindre gorgée de Haoma suffit à tuer mille Daêvas.
7 (15). Tout le mal fait par les démons 19[19] disparaît à l’instant de la maison où l’homme fait le service de Haoma 20[20], où il loue Haoma guérisseur. Santé et guérison paraissent 21[21] dans son bourg et dans sa maison.
8 (18), Toutes les autres ivresses vont avec Aêshma à l’arme meurtrière 22[22] :

l’ivresse de Haoma va avec la joie sainte du cœur 23[23] : l’ivresse de Haoma est légère 24[24].

Celui qui traite Haoma [tendrement] comme un petit enfant, Haoma pénètre son corps pour la santé.
9 (23). Haoma, donne-moi de ces vertus salutaires, avec lesquelles tu sais guérir ! Haoma, donne-moi de ces forces de victoire, dont tu abats victorieusement les ennemis !

Je viens à toi 25[25], ô Haoma, en ami et en chantre : car Ahura Mazda a proclamé l’ami et le chantre au-dessus même d’Asha Vahishta 26[26].
10 (26), C’est un dieu bon qui t’a formé, vaillant et sage 27[27] ; c’est un dieu bon qui t’a déposé, vaillant et sage, sur la hauteur de la Haraithi 28[28].
11. De là des oiseaux divins 29[29] t’ont porté dans tous les sens sur le Shkata
Upairisaêna 30[30], sur le Staêra qui a sa tête dans les étoiles 31[31], sur le Kusrâ-
dha Kusrô-patâdha 32[32], sur la passe de Pawràna 33[33] et sur les Montagnes Blanches 34[34].
12 (31). Et en tous ces lieux 35[35] tu pousses en espèces multiples, ô Haoma savoureux 36[36], couleur d’or.

Les vertus de santé se mêlent en toi, pris dans la mesure du bon sens 37[37]. Égare l’esprit de celui qui m’insulte 38, trouble l’esprit de celui qui se dresse devant moi, l’insulte aux lèvres 38[38].
13 (35). Prière à Haoma qui fait que le pauvre se sent aussi grand que le plus riche 39[39] !
Prière à Haoma qui fait que le pauvre se sent aussi grand que s’il possédait la science parfaite 40[40]

Tu rends maint homme plus prospère et plus sage ; l’homme qui te donne, ô Haoma d’or, l’offrande de bœuf et celles qui suivent 41[41].
14 (39). Ne sois pas comme l’étendard de peau de bœuf ! ne te sépare pas rapidement de moi 42[42] !

Que les pensées 43[43] se répandent en moi, qu’elles aillent faisant le désir du Seigneur !

O saint Haoma, saint de nature, je le donne ce corps 44[44] qui me semble si beau.
15 (42). Je fais tomber en t’agitant 45[45] la maison de la méchante à l’esprit égaré 46[46], qui s’imagine tromper l’Athravan et Haoma, et qui elle-même est trompée et périt.

Celle qui reste assise à manger la part de Haoma 47[47] Haoma ne la rend pas mère d’Athravans, ni mère de beaux enfants 48[48].
16 (45), Il est cinq choses auxquelles je suis et cinq auxquelles je ne suis pas.

A la bonne pensée je suis, à la mauvaise ne suis pas.

A la bonne parole je suis, à la mauvaise ne suis pas.

A la bonne action je suis, à la mauvaise ne suis pas.

A l’Obéissance 49[49] je suis, à l’Indocilité ne suis pas.

Je suis au bon, au méchant 50[50] ne suis pas ;

et ainsi de ce jour, jusqu’àla fin des temps, l’heure où sera décidé entre les deux esprits.
17 (52). Et Zarathushtra dit :

Prière à Haoma, créé par Mazda !

Haoma, créé par Mazda, est bon. Prière à Haoma !

Je célèbre tous les Haomas, ceux qui sont sur le sommet des montagnes, ceux qui sont dans les profondeurs des plaines et ceux qui sont tenus en souffrance 51[51] dans le lien des Jainis 52[52]

Je te fais passer de la coupe d’argent dans la [coupe] d’or 53[53] : puissé-je ne rien répandre à terre d’une liqueur si précieuse !

18 (56). Voici tes Gâthas 54[54], ô Haoma ; voici tes chants de louange. Voici ta collation 55[55], voici tes paroles Arshukhdha 56[56], qui donnent la santé, qui donnent la victoire, qui guérissent en guérison 57[57].
19 (60). Et toi, donne-moi tes ivresses en retour !

Que tes ivresses me pénètrent, qu’elles me pénètrent en m’illuminant ! Ton ivresse est légère 58[58].

Pour devenir victorieux le fidèle le loue 59[59], selon celle parole des Gâthas :
20 (62). « Av bœuf m prière, du bœuf notre prière 60[60] ».

Au bœuf la parole, en lui la victoire 61[61].
En lui l’aliment, en lui le vêtement 62[62].

Que le laboureur travaille pour nous nourrir 63[63] !
21. Nous sacrifions à Haoma d’or, qui pousse haut 64[64].

Nous sacrifions à Haoma l’invigorant, qui fait croître le monde 64[64].

Nous sacrifions à Haoma qui éloigne la mort 64[64].

Nous sacrifions à tous les Haomas 65[65].

Nous sacrifions à la Vertu 66[66] et à la Fravashi de Zarathushtra, le Spitàma, le Saint d’ici-bas 67[67].

Yêńhê hâtâm.





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a


    évitô-kharedh-a [yào], paribhrashtabuddhi, est formé de évita qui est probablement avi-ita et de khradh [a] affaibli de khrat [u] ; cf. Y. XXVIII, 5, note 19.
    Le texte suppose ici un acte liturgique dont les kiryâs ne donnent pas l’indication (cf. p. 83). Le filtrage qui rejette les éléments impurs devient le symbole de la réjection des méchants.

    et mieux encore, et plus près de notre texte, dans le conte des Pages de Darius, lit, 18 : « Le vin fait que l’esprit du roi et celui de l’orphelin, celui de l’esclave et celui de l’homme libre, celui du pauvre et celui de l’homme riche, soient dans la même disposition… Il rend tout le monde riche, et fait qu’on ne parle plus que de millions » (tr. Reuss, La Bible, VIII, 626).
    Mais il ne faut pas oublier que Haoma n’est plus, s’il l’a jamais été, une liqueur enivrante à la portée de toutes les lèvres : il ne s’agit dans tout ceci que des quelques gouttes de Haoma, et le pauvre qui les boit est le prêtre qui seul a le droit d’en boire et seulement en cérémonie.

  1. 1. Chassés par l’encens : cf. Vd, VIII, 79-80 [246].
  2. 2. vi daèvàonhù vi daèvayo, non pas « les Daêvas et les Daêvis (Daêvas femelles) » ; daèvayô = P. shêdâ ayyârîh, N. devasahâyyâs « amis des Daêvas », c’est-à-dire shêdâyâzak « adorateurs des Daêvas » ; daêvi est un adjectif masculin formé de daéva sur le type âhùiri, zarathushtri.
  3. 3. Le Génie de l’obéissance à la loi : voir Y. LVI-LVII.
  4. 4. La piété et les biens qu’elle apporte en récompense : voir Yt. XVII.
  5. 5. Le havana, le mortier où l’on broie le Haoma, est composé de deux parties, qui sont : le mortier proprement dit et le pilon, appelés dans les textes postérieurs hâvan et dast ( « la main » ). L’Avesta n’a pas deux termes spéciaux : havana désigne tout l’instrument, et le mortier proprement dit est appelé fratarem havanem, « hâvan inférieur, ou partie inférieure du hâvan » et le pilon uparem havanem ou « partie supérieure du hâvan ».

    fratarem, frôttûm « inférieur » : fratara est le premier de deux en partant d’en bas.

    uparem, apartûm « supérieur ». Dans les kiryâs de Pt4 ad Y. XXVII, 1, le pilon est appelé apar hâvan, v. Yasna XXVII, note 1.
  6. 6. Litt. « qui prend tes tiges » ; le pehlvi : « où je prends tes tiges, c’est-à-dire où je les mets ».
  7. 7. En broyant le Haoma. On attendrait ici l’indication liturgique correspondante : mais les opérations nécessaires ont été faites dans le Paragra et nous n’avons ici qu’un rappel littéraire de ces opérations.
  8. 8. urùrudhusha : rôst yakôyamûnî ; 2e pers. sing. parfait moyen : * rurudhishê.
  9. 9. perethwim, identique étymologiquement au sscr. prithivim « la terre » littéralement « la large », a pris en zend, sous l’influence de peretu « passage, pont », le sens de « qui a des passages » vitargômand, c’est-à-dire où l’on passe aisément, plat.
  10. 10. Voir Yasna I, note 48.
  11. 11. hvâparàm, khvâpar « bon, miséricordieux » (en sscr. kshamâpara ; karunàpara ; Shikand Gûmânîk) ; un des noms d’Ormazd (voir vol. II, Namâzi khâvar).
  12. 12. La terre particulière où a poussé le Haoma que l’on offre.
  13. 13. aurvô-carànem ; P. arvandîh kartàr havâ-î ; N. sâdhanatvam kritvâsi : le mot est construit adverbialement ; « en faisant force » ; peut-être s’agit-il de la force qu’il prend, non de celle qu’il donne.
  14. 14. Traduction douteuse : uta mazdào huruthma. Le pehlvi ne traduit mazdâo, ni par Auhrmazd ni par dànâk, ce qui semblerait indiquer qu’il n’avait point mazdâo : il traduit mas « grand ». Un bon manuscrit, MP, porte mazâo ; mais, comme l’observe avec raison M. Geldner, tous les autres manuscrits ayant mazdâo, mazâo pourrait être une correction faite sur le pehlvi. J’ai traduit mazdâo dans son sens ordinaire adjectival : en le prenant comme nom propre, on traduira « belle plante de Mazda » ; avec la lecture mazâo, on traduira « grande et belle plante ».
  15. 15. vishpatha, bahupathishu, peut-être « dans les passes » ; cf. note 33.
  16. 16. « C’est-à-dire que tu fais croître les bonnes œuvres » (Comm. P.). — ashahê khào védique ritasya khà.
  17. 17. varedhayanuha mana vaca. Le pehlvi traduit : « Fais grandir pensées et paroles, c’est-à-dire rends-les meilleures », mana vaca étant considérés comme dvandva (cf. màsvaca, Y. IX, note 101) : mais la suite de la phrase et la phrase suivante rendent beaucoup plus vraisemblable qu’il s’agit de la croissance de Haoma même : d’ailleurs si mana était la pensée, on attendrait le troisième terme de la triade morale shyaothna, et la chose est si vraie que la traduction pehlvie, dans le vieux manuscrit J2, le supplée bravement (vâlini minishn gavishn kunishn).
    varedhay, quoique causal de forme, s’emploie au sens de grandir (Vd. IX, 48 [175]).
  18. a, b et c 18. vareshajîsh, skandha « la partie d’où sortent les branches » ; Frâmji a mul thad « la racine, le tronc ».

    fraspareghé ; P. spig, N. çâkhàsu.

    fravàkhshé : P. tâk, N. pallaveshu.

    Pt4. : cigûn gûft dû bâr gûftan ; kulâ 2 bâr Râspikic lvatâ Zôt barâ gavishn ; bôt ol âtash yahbûnishn. — Le Râspî se joint au souhait de Zôt parce qu’il y coopère en acte en jetant l’encens sur le feu.
  19. 19. fràkeresta, de fra-kereñt, le mot employé en parlant des créations d’Ahriman (voir Yasna IX, note 74). — âhitish, âpâdas.
  20. 20. hât upàzaiti, bâstân madam apâkînînd aîgh barâ obdûnind. bât « toujours » indique la continuité, répond assez au préfixe persan hamî.
  21. 21. cithrem « [devient] manifeste ».
  22. 22. Aêshma, le démon de la colère (d’où le persan khishm « colère ») ; l’ivresse des autres liqueurs rend violent et colère. — <span class="coquille" title="madhàonhô ">maidhyâonhô : cf. Nirang., § 29. « ivresses » ; il y a en zend deux mots madha, l’un signifiant « science » et répondant à μανθ- cf. Y. IX, 17, 54 ; l’autre « ivresse », répondant au sanscrit mada (cf. le persan mast = * mad-ta, masta). Le pehlvi traduit l’un et l’autre par mâyishn qui couvre deux mots différents, l’un abstrait de madh, l’autre de mad ; cf. madhu « vin » traduit mâî (Vd. V, 52, 153 ; persan mai).
  23. 23. Ou « avec la sainteté et la joie » : il s’agit « des bonnes œuvres qui tiennent l’homme en joie » (kâr karfak gabrâ pun râmishn yakhsûnêt).
  24. 24. reñjaiti, sapûk… lâ mandûm ê i girân « est légère, n’est point chose lourde ».
  25. 25. Litt. « je te reçois », c’est-à-dire « je te suis ami et te chante » (Comm. P.).
  26. 26. urvathem staotârem vañañhem dadhô aokhta Ahurô Mazdaô yatha ashem yat vahishtem : le seul mot faisant difficulté est dadhô qui rompt le rythme et dont la valeur grammaticale dans la phrase est obscure. Voici le pehlvi : dôst sitâyîtâr râi ô li gûft Auhrmazd aîgham shapir yahbûnt min ahlâyih î pahlûm ; aîgh dîn bûrtâr shapir yahbûnt aîgh din, mâ dîn ic ravâkih pun râs î dîn-bûrtârân shâyat yahvûnt « quant à l’ami et au chantre, Auhrmazd m’a dit : Je l’ai créé meilleur qu’Asha Vahishta ; c’est-à-dire que l’apôtre est supérieur à la Religion, car la propagation de la religion ne se fait que par l’apôtre ». — dadhô est donc rendu « j’ai créé » et semble répondre au sanscrit dadhâu.
  27. 27. hvâpâo, hvâpar (voir note 11) ; tatakhshat « t’a donné forme ».
  28. 28. « Il t’a créé dans le ciel (pun mînôî), et t’a déposé dans le monde terrestre » (pun gîtî). — La Haraithi bareza, appelée plus souvent Harabarezaiti, Harborz, Alborz, est l’Elburz, la chaîne qui dresse ses cimes colossales au sud de la Caspienne et dont le faîte le plus élevé est le volcan du Demâvand (5, 628 mètres de haut selon Ivachintzov ; E. Reclus, Géographie, IX, 157). L’Alborz est l’arête de la géographie mythologique de la Perse : il entoure la terre et monte jusqu’au ciel, le soleil, la lune et les étoiles passent au travers dans leur course quotidienne, et toutes les montagnes de la terre s’en détachent comme les branches de l’arbre se détachent du tronc (Bund., XII).
  29. 29. atha speñta-fradakhshta meregha « des oiseaux ayant les caractéristiques divines » (amat yazdân pun dakhshak i mûrvân barâ kart havâ-ê [lire havâ-and ? ] « des dieux ayant pris le caractère d’oiseaux ». — C’est ainsi que le Soma védique est apporté du ciel par un faucon. — vîzhvàcô, jût jût ; cf. sscr. vishvańc.
    Suit une série d’άπαξ λεγόμενα sur lesquels la tradition elle-même ne connaît rien :
    danâ vàcak azand, zand là gûft « sur ces mots il n’y a pas de zand ; on ne [nous] a pas dit de zand » (d’explication traditionnelle). Elle a pourtant bien reconnu qu’il s’agit « du nom des montagnes et des plaines où pousse Haoma » (sham î zak kôfihâ û dashtîhâ manash Hôm yakoijamûnât).
    L’identification de ces noms serait importante, sinon pour l’histoire du culte même, au moins pour la détermination de la plante ; malheureusement le texte est trop corrompu et par suite les lectures trop incertaines, et d’autre part la géographie comparative de la Perse est trop peu avancée pour permettre des identifications certaines.
  30. 30. shkata upairîsaêna, ô shkaft î aparsîn « vers les sh-k-f-t de l’Aparsîn » ; le mont Aparsîn est dit dans le Bundahish, XII, 21, kabad sh-k-f-t « qui a beaucoup de skikaft » ; il y a en persan un mot shikaft qui signifie « caverne, grotte » et l’on pourrait traduire « les grottes de l’Upairisaêna ». Mais il y a un homonyme qui signifie « merveilleux » (d’où le vicitra de Nériosengh) : dans ce sens kabad shikaft serait « la montagne aux nombreuses merveilles » et comme shkata paraît ailleurs comme partie du nom propre de l’Upairisaêna (Yt., IX, 3), il est peut-être plus sùr d’y voir l’adjectif shikaft. Ce qui importe davantage, c’est l’identification de l’Upairisaêna. L’Aparsîn, d’après le Bundahish, est la plus grande montagne après l’Elburz ; c’est la montagne d’où sortent le Harê-Rüd, le Hêtûmand (Helmend) et les rivières de Marv et de Balkh (XX, 16, 17, 22, 23), ce qui identifie avec une précision parfaite l'Upairisaêna avec la chaîne dite le Kôhi-Bàhâ, c’est-à-dire avec la branche orientale de l’Hindù-Kûsh, qui est haute de 5,486 mètres et d’où sortent les quatre rivières nommées, le Harê-Rûd et le Helmend au sud, la rivière de Merv à l’est, celle de Balkh au nord (Reclus, l. L, p. 36).
    D’après un autre passage du Bundahish, XII, 9, l’Aparsîn commence au Saistân et finit au Khùzistàn, donnée qui contredit la précédente ; mais Zâd Sparam, VII, 7, au lieu de Khùzistàn lit Cînistàn, « du Saistân à la Chine », ce qui devient exact, surtout si on ne limite pas l’Upairisaêna à la partie de l’Hindû-Kush comprise entre les sources de la rivière de Merv et de l’Helmend — rien dans les termes du Bundahish n’impose cette limitation — et si on l’identifie d’une façon générale à l'Hindû-Kush (le Paropanise) : l’Hindû-Kush s’étend en effet du bassin du Saistân au bassin chinois.

    Le Bundahish dit au même passage que l’on appelle l’Apârsîn (sic) « montagne de Perse » ; c’est une fantaisie étymologique née de l’assonance d’Apàrsîn avec Pàrs.

    Le nom Upairisaêna signifie « qui est au-dessus de l’aigle », c’est-à-dire plus haut que le vol de l’aigle ; une sorte d’ά-ορνοζ, comme celle que les Macédoniens rencontrèrent au bord de l’Indus.
  31. 31. avi Staêra stârô-sâra, nom poétique comme celui d’Upairisaêna : staêra rappelle de près le Taêra, sommet de l’Alborz où se lèvent les astres : mais l’assonance est sans doute accidentelle. Si l’identification de Pawràna avec la passe de Parvân est exacte (note 33), il faut chercher le mont Staêra dans le massif de Ghorband.
  32. 32. Si l’identification de Pawràna avec la passe de Parvàn est exacte (note 33), il faut chercher le Kusrô-patàdha ( « voie, passe de Kusra » ?) parmi les passes du Ghorband.
  33. 33. avi Pawràna vishpatha : Pawràna rappelle d’une façon frappante le nom de la passe de Parvàn, une des plus difficiles de l’Hindû-Kush (Wood-Yule, A journey to the source of the Oxus, p. lxx ; Baber, Mémoires, tr. Pavet de Courteille, I, 285). — vishpatha « ouverture de route » ?, de patha « route » et du préfixe séparatif vish.
  34. 34. avi Spita-gaona gairi « vers les montagnes à couleur blanche », ce qui serait en persan Sifid kôh. Il y a deux chaînes de ce nom dans la région où nous sommes transportés, toutes deux ramifiées du Kôhî-Bàbà (portion de l’Upairisaêna ; v. note 30) : l’une, qui s’en détache à l’est, forme la muraille sud du Harê-rùd, à laquelle répond de l’autre côté de la rivière, la muraille parallèle de la montagne Noire (Siyâh kôh) ; l’autre, qui s’en détache à l’ouest, court vers le Panjàb et longe au sud la rivière de Kàbul.
  35. 35. paurvatàhva ; on serait tenté de traduire « sur ces montagnes », d’après le sanscrit parvata ; mais montagne se dit gairi et rien ne prouve d’ailleurs qu’il n’y ait que des montagnes dans l’énumération précédente (cf. note 29). Le pehlvi traduit jivâk pùrtàk « lieux multiples » et y voit un dérivé de pouru en symétrie avec pourusaredhô, pûr-sartak. Nous le suivons.
  36. 36. gaoma, carp « gras » (dérivé de gao, vache, viande, graisse), est traduit dans l’Aogemaidê gaulya, angabin « sucré ».
  37. 37. vanhéush manañhô mayàbyò « dans la mesure de Vohûman ; c’est-à-dire juste ce qu’il faut ; non point comme le bish brâtân (nom d’une plante toxique, probablement enivrante ; Grand Bund., p. 118), ce qui arrive quand pour trop guérir on vous tue l’homme » (Comm. P.).
  38. 38. dushsañhahê ; dùshsakhunaîgham mandûm zîsht avash yamalalûnît. — paràca vaêpaya, paçcât parivartaya, N.
  39. 39. « Quand avec peu de chose il est aussi joyeux qu’avec quelque chose de grand » (Comm. P.).

    Le meilleur commentaire de ces vers, s’ils en avaient besoin, serait la chanson de Burns en l’honneur de John Barleycorn, le Haoma de l’Écosse :

    ’Twill make a maii forget his woe ;


    ’Twill heighten all his joy…
  40. 40. yat usnäm aèti vaêdhya ; litt. « [aussi grand] que si la science va à son plaisir » (usâm, khorsandih ; vaêdhya est omis dans la traduction pehlvie, mais dans tous les passages traduits où il parait, il est rendu par âkâsih « connaissance » : Y. IX, 83 ; XIV, 7 ; XXII, 29 ; XXV, 18). Cette science parfaite est celle du chef suprême de la religion : car c’est la supériorité de science qui fait le chef des prêtres (mazishtaîsh vaèdhyàish, Y. XIII, 3 [XIV, 7]. La phrase revient donc, comme l’indique la glose, à celle-ci : « autant le Mobed des Mobeds a plaisir à son pouvoir suprême, autant lui a plaisir à son sacrifice » (min yashtàrîh).
  41. 41. yase tê hàdha…gava- iristahê hakhshaitè. M. Spiegel traduit : wer dir giebt was mit den Thieren zusammenhängt « qui te donne ce qui est en rapport avec les animaux » et voit là une allusion à la recommandation faite Y. XI, 5, d’offrir à Haoma la tête de tout animal que l’on égorge. M. de Harlez traduit : « Celui qui te mange (dans le sacrifice) mêlé au lait » : il assimile sans doute bakhsh au grec φαγ. Comme le zend n’a pas d’exemple de bakhsh au sens de « manger » et qu’il en a beaucoup de bakhsh au sens de « donner, partager », d’où le perse bakhsh-îdan < donner », et que d’autre part la tradition traduit khalkûnêt « il donne », il n’y a pas de doute que c’est M. Spiegel qui est dans le vrai et la seule difficulté est de déterminer le sens de gava-irista. Le pehlvi a gôsht-gûmîkht (N. go-samçlishtam) Arshûkht « ce qui est uni à la viande, c’est-à-dire Arshükht ». Arshûkht est le zend Arshukhdha « parole droite », c’est-à-dire l’Avesta récité comme il faut (v. Y. XVI, 1, note) : or une formule de style dans les Yashts nous montre l’Arshukbdha comme dernier terme d’une série d’offrandes dont gao est le premier terme : baoma yô gava baresmana hizvô-dahhanha màthraca vacaca shyaothnaca zaothrâbyasca arshukdhâêihyasca vàgbzbibyô « le Haoma avec la viande, le Baresman, la sagesse de la langue, le texte divin, la parole, les actes, les libations et les paroles droites » (Yt. V, 17 et passim). Cette énumération, qui est un abrégé de tout le sacrifice zoroastrien, commence par Haoma et la viande et termine par Arshûkht. Haoma étant dans notre passage hors de cause, puisqu’il est l’objet même du culte, le sacrifice comprendra toutes les offrandes depuis gava jusqu’à arshukhdha : notre phrase revient donc à : « celui qui t’offre le sacrifice zoroastrien ». Ce passage prouve aussi l’antériorité d’une littérature des Yashts sur le Hôm Yasht (voir plus haut, p. 83).
  42. 42. Phrase obscure. Le sens général est celui d’une prière adressée à Haoma de rester dans le corps de celui qui le boit, pour y produire ses effets fortifiants et sanctifiants. Le pehlvi dit : « De même que l’étendard de cuir ne peut rester dans un même endroit » (sans doute à cause du vent qui l’agite) « ainsi, à cause de ma condition de pécheur, tu ne restes pas en moi. » — gaush drafsha : P. tórâ drafsh, N. gopatàkâya « étendard de bœuf », c’est-à-dire de peau de bœuf, de cuir : c’est d’un tablier de cuir que le forgeron Kàveh a fait l’étendard de la Perse. — àsitô vàrem acairè : P. tiz min vârùm sàtûnî ; Nériosengh a âçuvigrahàt pracara « [ne] va [pas] vite eu séparation (?) » : cependant vârùm est généralement traduit dans les gloses persanes dil « cœur », de sorte que le pehlvi signifierait : « ne sors pas vite de mon cœur ».
  43. 43. madhò : P. minishn, N. vidyâ. Peut-être « les ivresses » (v. note 22) : le texte semble Jouer sur les deux idées, ici et § 19.
  44. 44. imàm tanûm, le corps de Haoma, incarné dans la plante ; c’est Haoma-plante offert à Haoma-Dieu ; voir § 21, note 64. — Cf. Y. XI, 10 [25].
  45. 45. avanharezàmi janyôîsh ; en filtrant le Haoma dans la tasse à neuf trous (bard shahkùnam pun zanishn, aighat bard palâyam « je fais tomber en frappant, c’est-à-dire que je te filtre » ).
  46. 46. C’est-à-dire les femmes de maison, trop bonnes ménagères, qui dérobent à Haoma la part qui lui revient, à savoir la langue, la mâchoire et l’œil gauche de l’animal qu’on égorge (Y. XI, 5, 17). Mauvaise économie qui leur coûtera cher. Cf. § 17. — Les mots que nous traduisons « la maison de la méchante » sont ùnàm mairyayào que Nériosengh traduit çrenim nriçâsânâm « la ligne des meurtriers » et glose vargam nikrishtânâm « la troupe des méchants ». Cette traduction concorde, au moins dans la glose, avec la lecture du pehlvi dans l’édition imprimée, dastak î sarîtarân. Mais les vieux manuscrits ont gristak « le terrier » c’est-à-dire « la demeure » (en parlant des êtres ahrimaniens ; Yd. III, 11, 33) ; quant au mot principal ùnâm, il est rendu dans Pt4 par le groupe qui sert à écrire khorsand, dans J2 par vnannind. Je ne puis déchiffrer le mot ; mais d’après la glose il peut être un synonyme de grîstak : or, le Vd. XVII, 3, 5 connaît un mot una « trou », traduit ou transcrit vnân. Il semble donc difficile de douter de l’identité de notre ùna avec le una du Vendidad.
    mairyayâo est le génitif féminin de mairya (proprement « bandit » ; v. IX, note 56) ; cf. upasma traduit ûnig (Yasna LXX, 46, éd. Sp. : Yp. I, n. 4).
  47. 47. « C’est-à-dire qu’elle n’offre pas le darûn de Hôm, mais le mange [elle-même] » (Comm. P.).
  48. 48. Contra, Y. LX, 22, 72.
  49. 49. Sraoshahê, l’obéissance à la loi d’Ahura, qui se marque en suivant en toute circonstance les conseils d’un directeur, Ratu ou Dastûr.
  50. 50. ashavan, drvañt désignent le bon et le méchant du monde naturel et du monde surnaturel ; c’est-à-dire que ashavan désigne : 1o l’homme de bien ; 2o le Dieu du bien (Auhrmazd) ; 3o le bienheureux ; drvant désigne : 1o le méchant ; 2o le Démon ; 3o le damné. — drvañt, de dru « courir » signifie proprement durgati « qui marche mal, à la mauvaise voie » (Nériosengh). — Cf. Y. XLIII [XLII], 7, c.
  51. 51. àzahu deretàonhù, pim tangih yakhsanùnt ; « quand on le traite mal » (P).
  52. 52. jaininâm, jahi ; la mauvaise femme qui le fraude de sa part ; v. § 15.
  53. 53. Ou peut-être : « de la coupe d’argent je verse dans le [liquidej d’or ». La coupe d’argent est le zôhrbarân (z. zaothro-barana ; Vp. X, 2 XI, 2), le vase qui contient l’eau zôhr que l’on mêle au Hôm pour faire le Paràhôm; cf. Paragra et Y. XXVII.
  54. 54. « Comme les autres dieux sont réjouis par les Gâthas, toi tu l’es par ce Fargart » (P.).
  55. 55. cicashànâo. Le Commentaire pehlvi suppose ici la consommation même du sacrifice:« on boit trois fois et l’on jette quelque chose à la fin »; c’est-à-dire sans doute que l’officiant prend trois gorgées de Haoma et jette le reste qui est supposé reçu par Haoma même, qui est sa cicashâna.
  56. 56. Peut-être faut-il traduire:« Ces louanges, ô Haoma, sont tes Gàthas ; ces paroles Arshukhdha sont ta collation » ; c’est-à-dire ces louanges sont pour toi ce que les Gâthas sont aux autres dieux ; ces Arshûkht (ces Bishàmrùta et ces Cathrushamrùta) te servent de darûn.
  57. 57. Le Commentaire pehlvi rappelle ici, fort à propos, les mots du § G : « aussi l’homme qui le loue en devient plus victorieux ».
  58. 58. Voir notes 22 et 43.
  59. 59. vàrethraghnîsh heñtem, locution participiale.
  60. 60. gavé nemô gavé nemô ; même formule deux fois répétée, dans deux intentions opposées. Le Commentaire rend clairement la symétrie : « celui qui [donne] au bœuf sa prière — de l’eau et du fourrage, — celui-là a du bœuf sa prière — du lait et des petits [man ô gôspand nyâyishn, miâ uvâstar, ash min gôspand nyâyishn, skîr uvajak] ; cf. Y. LVIII, 3 [LVII, 9]. Le rapport avec ce qui précède est expliqué comme il suit : « De même qu’il est dit dans les Gâthas que qui [donne] sa prière au bœuf a du bœuf sa prière, de même ici je dis que celui qui loue Hôm devient plus victorieux. » — Les Gâthas proprement dites ne connaissent pas cette formule qui appartient à un texte perdu. La suite se retrouve citée dans le Bahram Yt., § 61.
  61. 61. gavé ukhdhem gavé verethrem : la traduction pehlvie du Bahram Yt., l. l., a pour le premier terme : tôrâ râi pun shirin sakhun barâ yamalalûnam « je parle au bœuf avec une parole douce ». En continuant la série des do ut des, le sens sera que l’animal traité doucement nous donnera plus de force. Noter que ukhdha n’est pas la parole quelconque, mais la parole de bonté et de charité (celle de jùdangôi ; cf. Vp. III, note 4).
  62. 62. Ou peut-être : « A lui l’aliment, en lui le vêtement : en retour de la nourriture que nous lui donnons, il nous donnera des vêtements » (sa peau, dont nous nous vêtirons).
  63. 63. Citation des Gâthas, XLVIII [XLVII], 5 ; voir là le Commentaire.
  64. a, b et c 64. Cette triple invocation à Haoma se rapporte, selon le Dastûr Peshotan (Dînkart, p. 336, note), à trois formes différentes de Haoma : le Haoma d’or qui pousse haut (herezañtem) est le Haoma-plante, le Haoma matériel qui est dans la main du prêtre ; le Haoma invigorant, qui fait croître le monde (fràshmîm frâdat-gaêthem), est le Haoma-Dieu, l’izad Hôm ; le Haoma qui écarte la mort (dùraoshem) est le Haoma blanc ou Gaokerena, dont la liqueur, bue par les hommes à la résurrection, leur donnera l’immortalité (cf. Vd. XX, 4, 17).
  65. 65. Tous les Haomas du monde, à côté du Haoma de ce sacrifice. Cf. Y. I, notes 45-46.
  66. 66. ashîm, l’ensemble de ses bonnes œuvres (ahlâyîhci, î kâr karfak).
  67. 67. Voir plus haut, page 50, note 7 et page 89, note 39.