Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ9.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux, (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21), p. 79-97).
HÂS 9, 10, 11 — HÔM YASHT
Les trois chapitres qui suivent forment un tout absolument un ; à la différence des précédents, ils se rapportent à un seul et même Génie, Haoma, dont la glorification poétique 1[1] et le culte font leur objet. Le premier chapitre est exclusivement consacré à sa glorification : dans les deux autres, la liturgie se mêle à la poésie : elle domine dans le troisième, qui se termine par la cérémonie essentielle du culte de Hoama, le prêtre buvant le Haoma préparé (Hâ XI, 9-1 1). C’est le second acte du sacrifice considéré dans son ensemble ; nous venons d’assister au premier, la consommation du Myazda (fin du Hâ VIII).
Le premier chapitre du Hôm Yasht est le plus important de l’Avesta pour l’histoire comparative des croyances de la Perse avestéenne et de l’Inde védique : c’est là que se retrouvent la plupart des mythes et des personnages communs aux deux systèmes, et c’est le texte qui établit le plus clairement la parenté ancienne de ces deux systèmes, quel que puisse être d’ailleurs le caractère exact de cette parenté, — parenté d’origine ou parenté d’alliance, — et si profondes que soient les modifications qu’ils ont subies l’un et l’autre. L’offrande de Haoma est le centre du sacrifice mazdéen, comme l’offrande de Soma est le centre du sacrifice védique. D’un côté, comme de l’autre, il s’agit d’une plante enivrante qui concentre en elle toutes les vertus naturelles et surnaturelles de la nature végétale et dont la sève, goûtée par le prêtre, confère à lui et à la communauté toutes les félicités terrestres et célestes. Les deux plantes ont le même nom, car Haoma est la forme que Soma devait prendre en zend, et il est possible qu’à une époque très ancienne la plante employée ait été la même des deux côtés. Enfin, non seulement les deux cultes sont essentiellement identiques dans leur objet et leur intention, mais le développement mythique qui s’est produit autour de Soma se retrouve dans ses grandes lignes autour de Haoma, et nous rencontrons les mêmes personnages debout autour de l’un et de l’autre. Les prêtres mythiques de Soma et les créateurs de son culte se nomment dans les Védas Vivasvat, Yama, fils de Vivasvat, Trita Âptya : les premiers prêtres de Haoma sont Vîvanhañt, le père de Yima ; Âthwya ; Thrita (voir §§ 4, 7, 10, texte et notes).
Le culte de Haoma est donc antérieur au Zoroastrisme, qui en a parfaite conscience : car Zoroastre nous est présenté comme le fils d’un prêtre de Haoma, qui ne vient que le quatrième dans la succession des grands adorateurs du dieu-plante, et la légende ne fait ici que consacrer un souvenir historique.
Si par le fond, le Hôm Yasht remonte aux plus anciennes traditions de la religion iranienne, par la forme il appartient aux couches les plus récentes. Il contient un passage qui permet, je crois, d’en déterminer la date maximum avec une certaine vraisemblance. C’est le passage sur l’usurpation du roi impie Keresâni (§ 24) ;
« Haoma a renversé du trône ce Keresâni qui s’était levé dans l’ambition du pouvoir, qui disait : « Désormais le Prêtre du feu n’ira plus à son gré « par le pays enseigner la loi ! » Il allait détruire toute prospérité, il allait abattre toute prospérité[2]. »
On a souvent rapproché ce Keresâni, renversé par Haoma, du Kriçânu des Védas, le gardien jaloux du Soma céleste, l’archer qui lance sa flèche contre le faucon divin qui a enlevé Soma pour l’apporter aux hommes (Rig Véda, IV, 27, 3). Le rapprochement est frappant et peut-être exact ; peut-être y a-t-il eu un temps où les Iraniens connaissaient un Keresâni mythique, qui retient Haoma dans le ciel et l’envoie aux hommes. Mais une chose certaine, c’est que ce nom de Keresâni, quelle qu’ait été sa valeur ancienne, est appliqué par l’auteur de ces lignes à un personnage purement humain, qui doit trouver sa place dans le cadre de l’histoire de la Perse, telle qu’il se la représentait, soit authentique, soit légendaire. Nous devons donc nous demander quelle est, dans les idées parsies, la domination usurpatrice qui a pu un instant étouffer le Zoroastrisme et qui, si elle avait duré, l’aurait anéanti ? J’avais émis jadis 3[3] l’hypothèse que Keresâni représenterait peut-être le grand ennemi des Mages, l’auteur de la Magophonie, Darius, fils d’Hystaspe. Mais quelque liberté que la tradition prenne avec l’histoire, elle ne pouvait aller jusqu’à faire de Darius un maître passager renversé par le Magisme. La grande usurpation, la seule qui ait failli détruire le Zoroastrisme, celle à laquelle la tradition parsie, aussi haut qu’on peut la suivre, c’est-à-dire dès l’époque sassanide, attribue la décadence de la religion et la perte de la plus grande partie des livres sacrés, c’est celle d’Alexandre le Rûmî, qui, dit-elle, brûla l’exemplaire complet de l’Avesta contenu dans la bibliothèque royale de Persépolis, et massacra les Dastûrs, les Juges, les Herbads, les Prêtres et les Sages de l’Iran, avant d’être enfin précipité dans l’enfer 4[4]. Nous entendrons donc la phrase citée plus haut : « Haoma a renversé Alexandre, prescripteur de la religion de Zoroastre. » Mais l’idenlification que nous proposons de Keresàni et d’Alexandre ne repose pas seulement sur une induction historique : elle peut aussi invoquer le témoignage direct d’une ancienne tradition. Le Bahman Yasht, texte pehlvi du haut moyen âge, passant en revue les rois bienfaiteurs et restaurateurs de la religion, cite dans le nombre « les rois arsacides qui chassent du monde l’hérésie qui y dominait et détruisent l’impie Alexandre, le Kilisyâk ». Or, le mot Kilisyâk est précisément le terme qui, dans la traduction pehlvie du Hôm Yasht, rend Keresâni. Kilisyâk, il est vrai, est un nom commun, non pas un nom propre : mais rien ne prouve non plus que Keresâni soit, ni pour l’auteur ni pour la tradition, un nom propre ; l’emploi du démonstratif tem avec Keresânim porte plutôt à penser qu’il est déjà dans l’Avesta une simple épithète. D’ailleurs Kilisyâk se retrouve comme traduction du mot keresa, dont sont probablement dérivés et Keresâni et Kilisyâk, et qui désigne un être malfaisant, exorcisé par Zoroastre en compagnie des brigands et des démons 5[5], de sorte que nous arrivons à la conclusion que Keresâni est employé directement, sous sa forme pehlvie, comme désignation d’Alexandre.
Il suit de là que notre texte est postérieur à la mort d’Alexandre, et plus exactement à la chute de la domination grecque ; car cette domination a survécu dans l’Iran de près de deux siècles à son fondateur et ce n’est que vers l’an 140, après les victoires de Mithridate le Grand, le véritable fondateur de l’empire arsacide, que l’Iran a été définitivement affranchi des Grecs. Mais si notre texte, comme il semble assez probable, a en vue, non pas seulement la chute des Grecs, mais aussi la restauration de la religion, il faudra descendre bien plus bas encore que l’an 140. Le triomphe des Arsacides ne fut pas le triomphe immédiat du Zoroastrisme, et l’hellénisme resta à la mode bien longtemps après la chute du joug hellénique. La renaissance zoroastrienne semble avoir été inaugurée dans le premier siècle de notre ère par l’Arsacide contemporain de Néron, Vologèse, qui est probablement le principal des Arsacides auxquels fait allusion le passage cité plus haut du Bahman Yasht : c’est à lui du moins que le Dînkart attribue la première réunion des fragments dispersés de l’Avesta (Haug, Pahlavi-Pazend Glossary, p. 150). Nous conclurons donc que notre passage, et par suite tout le Hôm Yasht. qui offre une unité trop parfaite pour qu’il y ait à le scinder, est postérieur à la chute de la domination grecque en Iran, et fait allusion à une situation qui nous renvoie, soit à l’an 140 avant notre ère, soit à l’an 50 de notre ère.
Le chapitre ii du Hôm Yasht (Hâ X) contient une expression qui, sans permettre d’arriver à une date absolue, prouve d’une façon nouvelle et toute différente l’âge récent du Yasht dans l’ensemble de la littérature avestéenne. Il y est fait l’éloge de ceux qui offrent à Haoma du gava-irista, c’est-à-dire « ce qui est mêlé à la viande » (Y. X, 13, 38). On verra dans le commentaire (note 41) que cette expression énigmatique renvoie, par abrégé, à une formule d’un usage fréquent et signifie « l’ensemble des offrandes énumérées dans la formule qui clôt les Yashts ». Ce passage suppose donc l’existence littéraire de cette formule et du gros de la littérature où elle paraît, et l’on peut dire d’une façon générale que le Hôm Yasht suppose l’existence des Yashts proprement dits.
Enfin le Hâ X décrit un certain nombre d’opérations qui ne sont accompagnées ni d’indications liturgiques dans les manuscrits à kiryâs, ni en fait d’aucun acte dans la célébration du sacrifice. Ces opérations sont accomplies au cours d’un Hâ postérieur, le Hâ XXVII, et nous n’avons ici qu’un rappel littéraire et anticipé de ces opérations ; preuve que le morceau n’était point nécessaire pour l’accomplissement du sacrifice et qu’il constitue une addition poétique, qui d’ailleurs aurait été mieux placée après le Hâ XXVII.
HÂ 9 — HÔM YASHT 1
[27]
a
- ↑ 1. La plus grande partie du Hôm Yasht est écrite en prose rythmée.
- ↑ Haomô temeit yim Keresânîm apakhshathrem nishâdhayat, yô raosta khshathrô-kâmya, yô davala : nôit mê apâm âthrava aiwishtish vercidhyé daińhava caràt ; hô vîspê vereidhinâm vanàt, ni vispê vereidhinâm janât.
- ↑ 3. Dans l’introduction à mon Vendidad anglais, 1880, p. lii, note.
- ↑ 4. Ardâ Virâf, 1. — Cf. le Grand Bundahish, p. 249 : « Plus tard sous le règne de Dârâ, fils de Dàrâ, le Kaisar Alaksandar fondit d’Arûm, envahit l’iranshehr, tua le roi Dârâ, détruisit toute la race royale, les Mages et les grands d’Iranshehr. Il éteignit nombre de feux sacrés, enleva le Zend de la Religion mazdéenne et l’emporta en Arûm, brûla l’Avesta même et divisa l’iransbehr entre quatre-vingt-dix petits princes. » — Ces textes sont post-sassanides ; mais le Minokhard, qui est de l’époque sassanide, suppose ces traditions. Il cite comme les trois pires tyrans qui aient été, et comme les plus aimés d’Ahriman qui aurait voulu les rendre immortels, Zohâk, Afrâsyâb et Alexandre (VIII, 29 ; cf. Bahman Yasht, III, 34). Zohâk et Afrâsyâb sont antérieurs à Zoroastre et n’ont pu proscrire les prêtres du feu : Alexandre seul a pu le faire. — Cf. la Légende d’Alexandre chez les Parses dans nos Essais orientaux.
- ↑ 5. Srôsh Yasht, 6. En traduisant Keresa « l’impie » ou « l’idolâtre », on ne serait pas loin sans doute du sens qui y était attaché. Au moyen âge le mot Kilisyâk désignait les chrétiens (Tarsâkadinî ; N.) : l’assonance de Christos et de Keresàni a pu y contribuer : mais l’identification de Keresàni avec Alexandre le Rûmî y conduisait directement, les Rûmîs du moyen âge étant chrétiens.
- ↑ 1. Au matin, l’heure du Yasna et du Haoma : cf. page 10, note 16.
- ↑ 2. « Comme il voulait laver l’autel du feu » (âtashgâs) ; ou, comme dit la traduction persane du Munich, « le faire pâv et pâdyàb » ; c’est un des premiers actes du préliminaire (v. Paragra et cf. Dâdistân, XLVIII, 21. A chaque Gâh d’ailleurs on lave la pierre Adosht et l’Âtashdân (Anquetil, II, 569).
- ↑ 3. « Les trois Ashem vohù qui précèdent le Fravarânê » (Comm. P.). — Les Gâthas commencent théoriquement au Fravarânê final du Hôm Yasht (Y. XI, 16 ; v. Shâyast, XIII, 3).
- ↑ 4. Litt. « ta belle vie immortelle » : gayêhê : P. jân, N. jiva ; hvanvatô : P. nîvak kart (cf. Y. XIII, n. 15), N. sundarakrita. Remarquer que le réfléchi hvahê s’emploie avec la seconde personne (ou la première) aussi bien qu’avec la troisième : c’est l’emploi du védique sva.
- ↑ 5. « De l’âme des mortels » (P.) ; c’est-à-dire qu’il donne l’immortalité céleste.
- ↑ 6. « Cueille-moi » ; â màm yàsanuha ; litt. « désire moi vers toi ».
- ↑ 7. Saoshyañt, litt. « bienfaiteur » (voir p. 21, n. 3) ; désigne le plus haut degré de la sainteté mazdéenne, celui de la sainteté agissante et triomphante ; on peut définir le Saoshyañt le héros ou le grand homme du mazdéisme. Il s’emploie tantôt pour désigner les grands saints du jour (Y. XIII, 7, 24, et note 20 ; XIV, 1 [XV, 2] ; XX, 3, 6, etc.) ; tantôt, plus spécialement, pour désigner les héros, nés ou à naître, qui par leurs œuvres coopèrent ou coopéreront au triomphe final d’Ormazd et « feront le renouveau du monde » (frashô-carethràm ; Y. XXV, 5, 14) ; tantôt enfin, c’est le nom propre du plus grand de ces saints, le Sauveur, le fils encore à naître de Zoroastre (Sôshyans), qui doit régner à la fin des temps et présider à la résurrection (Yt. XIII, 62 ; XIX, 89 sq.).
- ↑ 8. kâ ahmâî ashish erenàvi : ashish, upakriti ; cf Yt. XVII, introduction ; erenâvi, kart, cakrishe, aoriste passif de ere-nu « faire » ; cf. note 68.
- ↑ 9. Voir l’introduction à ce Hâ.
- ↑ 10. Sur la légende de Yima Khshaêta ou Jamshîd, voir l’introduction au 2e Fargard du Vendidad.
- ↑ 11. « Sa qualité de bon pasteur consiste en ce qu’il tenait en bonne santé les troupeaux d’hommes et les troupeaux d’animaux. » (Vd. II, 2, 4).
- ↑ 12. Voir Yt. XIX, introduction.
- ↑ 13. hvaredaresô mashyanàm : la construction avec le génitif donne à l’adjectif le sens superlatif, hvaredaresô, c’est-à-dire « au regard bienveillant » ; « car on dit de celui qui regarde toutes les bonnes créatures d’un œil bienveillant qu’il a le regard du soleil, le soleil regardant d’un bon œil toute la création » (Shikand Gumânik, 1, 56).
- ↑ 14. hvairyàn hvarethem ajyamnem : il est difficile d’expliquer hvairyàn autrement que comme un pluriel optatif ; « il rendit, quand on (la) dévorerait, la nourriture inépuisable ». Le pehlvi a khorishn vashtamûnàn ( khôràn) « la nourriture de
- ↑ ceux qui mangent » (N. : kshuditânam « des affamés » ), comme si hvairyàn était un génitif pluriel à sens actif, ce qui n’est guère possible. — Glose : « quand un était mangé, un autre venait » (la multiplication des pains).
- ↑ 15. aurvahè ; Phl. arvand, N. utkrishtatara.
- ↑ 16. aotem, garemô : sarmâk, garmâk.
- ↑ 17. araskô. Phl. arishk, N. : îrshâ ; c’est le persan rashkn « envie, malice ».
- ↑ 18. L’àge paradisiaque, le sweet seventeen éternel. A la résurrection les enfants renaissent ayant l’age de quinze ans, les hommes l’âge de quarante (Bund. XXX, 28). Le moyen âge chrétien faisait renaître à l’âge de trente ans (Romania, 1880, 312).
- ↑ 19. Cf. Vd. II, 29, 80 ; Yt. IX, 8 ; XV, 15.
- ↑ 20. Après un règne prospère de six cent seize ans et six mois, Yima se laisse aveugler par l’orgueil, et se fait adorer comme dieu : aussitôt il perd le hvarenô, est renversé du trône et scié en deux par le serpent à trois têtes, Azhi Dahâka (v. Yt. XIX, 34 sq.). Le serpent Dahâka s’empare du trône de Yima et de ses deux femmes, Savahhavâc et Erenavâc (Yt. V, 34), désole la terre pendant mille ans et est à son tour renversé par Thraètaona, fils d’Athwya, qui l’enchaîne au mont Demâvand, où il restera prisonnier jusqu’à la fin des temps, pour être déchaîné une dernière fois et être anéanti par Keresàspa (Yt. XIII, 61).
L’histoire de Dahâka est un débris de l’ancienne mythologie naturaliste, évhémérisée au cours des temps. Le serpent aux trois têtes est le serpent de l’orage contre lequel, dans les Védas, lutte le dieu de la lumière : l’étage mythologique est encore bien clair dans la lutte entre Azhi Dahâka et le dieu du feu Âtar, qui est la contre-partie des luttes védiques entre Ahi (ou Vritra) et Indra (Yt. XIX, 47-50).
Une des formes védiques de ce mythe appelle le vainqueur Trita Âptya « Trita le fils des Eaux » et le montre tuant un monstre à trois têtes et à six yeux, ou à sept rayons (triçîrshânam saptaraçmim, X, 8, 8 : dàsam shalaksham triçîrshânam, X, 99, 6 : noter le mot dâsa, dont Dahâka est un dérivé ; I, 158, 4, le héros est appelé Tràitana et le monstre dâsa). Dans la légende iranienne, qui transforme le mythe en histoire, Azhi Dahâka, devenu Zohâk, est un tyran et un usurpateur étranger ; Thraètaona, Feridûn, est le libérateur. Feridûn est fils d’Athvin, de la famille de Jamshîd ; poursuivi par Zohàk, qui veut exterminer toute la famille royale, il est sauvé par l’ermite Hôm (transformation du dieu Haoma, dont Athwya fut le prêtre. - ↑ cf. XI, note 19). Avec le progrès de l’Évhémérisme, le serpent à trois têtes devient un mortel ordinaire, des deux épaules duquel sort un serpent qu’il faut nourrir de cervelle humaine (Shâh Nâma), et plus tard même ce n’est plus qu’un malheureux affligé de deux abcès à l’épaule (Mujmil).
Azhi Dahâka s’est survécu à lui-même sous la forme d’Azhdahà, nom du dragon dans les contes populaires. Au temps de Maçoudi, il désignait encore le tannin, le serpent de mer des Arabes, qui cause les trombes et les cyclones : il a sept têtes (I, 268). - ↑ 21. vîsô sùrayâo : cela signifie, dit le Commentaire « qu’il avait beaucoup de maisons par héritage paternel, que Dahàk lui avait enlevées par violence, et il exerça (?) la royauté de ses parents qui avait disparu (?) » (afzâr-visih anâ yahvûnt aiyhash khânak min apar-mândak î ahîlarân kabad yahvûnt, zakei Dahâk pun stahmakih lakhvdr vakhdûnt ; apash khutâih anâ khvêshâvand di padtâk là yahvûnt old dâsht. — Ce titre « d’une famille puissante » semble indiquer que Thraêtaona n’appartient pas à la famille royale, mais à une des grandes familles aristocratiques, rangées autour du trône et dont les représentants s’appelaient du titre de vîsô-puthra « fils de maison », devenu le vaspuhr et traduit par le Bar-bîtâ de l’époque sassanide (voir Vd. VII, 43, 114 ; Études iraniennes, II, 140).
- ↑ 22. hazaùra-yaokhshtim : traduction hypothétique. Le pehlvi le rend par un mot de lecture incertaine, hazâr v (ou ô) cvstar (dans Pt4 vcvstr) que Nériosengh traduit sahasrapranidhim « qui a mille espions » ou « mille serviteurs » et qui semble avoir été lu plus tard hazâr ôjastar, car une glose récente de Pt4, suivie par Frâmjî, a hazârgabrâ rdi zûr « qui a la force de mille hommes ». yaokhsti se retrouve ailleurs et traduit très diversement : kâmak « désir » (Vd. XIX, 30, 99) ; andêsha, vicârya « réflexion » (AT. VII, 5) ; il est dit de Mithra qu’il a « mille yaokhsti et dix mille yeux » (Yt. X, 82), ce qui fait supposer que yaokhsti pourrait signifier quelque chose comme « oreille », Mithra ayant « mille oreilles et mille yeux » hazanrogaoskem baêvarecashmanem ; cela expliquerait le kh pehlvi de ni-yôkhshitan « entendre », et peut-être aussi la traduction de Nériosengh.
- ↑ 23. Druj, de druj, tromper, mentir, nom donné aux puissances démoniaques en général et en particulier au démon qui s’empare des cadavres à la mort (Druj nasush). Druj est plus odieux que Daêva : l’enfer des archi-démons est appelé Drù-jaskân (Dâdistân, XXXIV, 4 ; cf. Vd. XIX, 41, 139).
- ↑ 24. drvañtem ; voir X, 16, note 50.
- ↑ 25. Proche parent mythique de Thraêtaona devenu l’Esculape de l’Iran : voir l’introduction du Vd. XX. — Les Sàmas forment une autre vis, qui se rattache au Saistàn, et à qui appartiennent, dans la forme postérieure de la Geste, telle qu’on le trouve dans Firdausi, Sâm, Zâlizer, Rustam.
- ↑ 26. tkaéshô est le dâtôbar, « le juge, celui qui décide et rend justice » (aighash vicîr û dâtôbarih kart)-, dàtôràzô est le législateur (dât-ârâstar) « celui qui établit de bonnes lois » (dât frârûn barâ anakhtânt). — L’on sait peu de chose de la légende d’Urvàkhshaya ; seulement qu’il fut tué par Hitâspa, à la couronne d’or, et vengé par son frère Keresàspa qui tua le meurtrier après l’avoir attelé à son char (Yt. XV, 28 ; XIX, 41).
- ↑ 27. Keresàspa, l’Hercule avestéen ; voir ses exploits Yt. XIX, 38-44.
- ↑ 28. uparôkairyô, aparkâr, litt. « aux actions supérieures » (extraordinaires ou bien triomphantes).
- ↑ 29. gaèsush, gêsvar « qui porte boucle ».}}
- ↑ 30. gadhavarô : « il fit beaucoup d’exploits avec cette massue » (P.).
- ↑ 31. Azhi Srvara : « Sa corne, dit une paraphrase pehlvie de la légende, traduite par M. West (Pahlavi Texts, II, 374), était, en hauteur, grande comme une branche d’arbre » (afash srûb and cand shâk pun bâlâi bût).
- ↑ 32. arshtyô-hareza : N. mushtyangushthatungam.
- ↑ 33. ayañha : pun zak akinin dêg.
- ↑ 34. Il prit chaud.
- ↑ 35. hvisat ; « il sauta sur les deux pieds » (P.). — hvîs est le thème d’aoriste du p. khâstan « sauter », khiz-am « je saute ».
- ↑ 36. fràsh ayañhô frasparat, frâj zak ahînin dêg frâj spûrt.
- ↑ 37. Voir vol. III, p. 21, §§ 32-33 et note ; et p. 59, § 32 et note 1.
- ↑ 38. C’est-à-dire malgré sa bravoure. — Naremanaô « cœur viril », épithète de
- ↑ Keresâspa, est devenue dans les remaniements littéraires de la légende un patronymique : dans le Shâh Nâma, Narîmân est le père de Sâm.
Après Azhi Dahâka, qui nous présent le dragon du mythe, Azhi Srvaranous présente le dragon des contes bleus. Le texte zend est le spécimen de terre ferme le plus ancien du conte de l’île-baleine, avec lequel nous avons tous fait connaissance par les Mille et une Nuits et Sindbad le marin. Le texte le plus ancien de la version maritime se trouve dans le Talmud, Baba Bathra, f. 73 b, dans la bouche d’un haggadiste célèbre, Rabba bar bar Hana : j’en donne la traduction, que je dois à l’obligeance de M. Loeb, parce que l’auteur a peut-être connu l’histoire de Srvara et de Keresâspa ; il vivait vers 330, époque où les rapports intellectuels étaient étroits entre les Juifs et les Mages. « Une fois nous voyagions sur un bateau et nous vîmes un poisson qui avait le dos couvert de sable, et de l’herbe croissait dessus : nous crûmes que c’était la terre ferme, nous descendîmes, nous y fîmes cuire notre pain et notre repas et quand son dos sentit la chaleur, il se retourna, et si nous n’avions pas été tout près du bateau, nous nous serions noyés. » Cf. le Livre des Rois, tr. Mohl (éd. in-8o), IV 7, 495. - ↑ 39. Zoroastre est né par Haoma. Dieu déposa sa Fravashi dans un plant de Haoma, qui, absorbé par Pourushaspa, devient dans le sein de sa femme le corps de Zoroastre (Dînkart, VII ; Shahristânî, tr. Haarbrücker, 1, 281 ; West, Pahlavi Texts, 1, 187) ; cf. Y. III, 2, 6 et note 7 ; Vd. XIX ; Yt. XIX, 81. Cf. Dâdistàn, XLVIII, 16 ; Zàd Sparam, XCI, 10, note.
- ↑ 40. Sur l’Airyana Vaèjô (Irân Vêj), voir Vd. 1, 3, 7 ; II, 21, 42. C’est dans l’Iran Vêj que Zoroastre célébra le premier sacrifice (Bund., XXXII, 3).
- ↑ 41. khraozhdyêhya frasrùiti : le comparatif a un sens intensif (glose : tûkhshdkihâ « avec énergie » ).
- ↑ 42. Le Yathâ ahù vairyô, pris comme symbole du culte zoroastrien : « c’est-à-dire, dit le Commentaire, c’est toi qui, le premier, offris le Yasht Nâvar »,
- ↑ 43. vîberethwañtem âkhtûîrim « qui se porte avec la parole quatre fois » (P.). L’Ahuna vairya est en effet du nombre des cathrushàmrùta ou prières quatre fois répétées (Vd. X, 12, 23) : il se répète en particulier quatre fois au pressurage de Haoma (Y. XXVII, 3).
- ↑ 44. Dans certaines occasions il se répète jusqu’à treize fois (Shâyast, XIX).
- ↑ 45. Sous une forme propre aux démons, et non pas sous la forme humaine, qui est précisément une forme que le malheur du temps les a forcés d’adopter. Voici quelques renseignements curieux, que le Commentaire nous fournit sur l’histoire des démons avant et après Zoroastre : « Ceux qui pouvaient rendre leur corps invisible, il brisa leur corps ; ceux qui ne pouvaient, il les brisa eux-mêmes (les anéantit). Le bris de corps consiste en ceci que depuis ce moment ils ne purent plus faire le mal sous forme démoniaque, si bien qu’ils ne le font plus à présent que sous forme d’animaux ou d’hommes. » cf. vol. II, 319, § 28.
- ↑ 46. hudhâtô, arshdàtü, vańhush dàto : le pehlvi semble entendre « qui donne bien ; qui donne avec justice (à qui il faut donner) ; qui donne le bien ». Toujours la même amphibologie du sens de dà ; cf. p. 50, n. 4.
- ↑ 47. hvaresh (hu-varez-s), hûkâmakômand ; cf. verezyańuha, page 15, note 48.
- ↑ 48. urunaêca pàthmainyôtemô ; « c’est par toi que se fait le mieux le viatique [anbàr « la provision «] de l’âme ; car c’est toi qui rends propre au Garôtmân » (P.). — pàthmainyô est l’adjectif d’un substantif pàthman, probablement, dérivé de pàth « chemin » ; c’est donc exactement viaticum.
- ↑ 49. ni mruyé : litt. « je dis en bas », c’est-à-dire « je fais descendre par ma parole ». cf. Yt. XXIV, 39.
- ↑ 50. madhem : N. vidyâ, P. farhang, cf. μανθ-άνω ; voir Yasna X, n. 22.
- ↑ 51. mastîm vîspô-paèsańhem « la science qui a toutes les formes ».
- ↑ 52. yatha taurvayêni vîspanàm thishvatàm thaêshâo ; formule fréquente, imitée des Gâthas : yâ daihishvatô dvaêshào taurvayâmâ, Y. XXVIII, 6 c.
- ↑ 53. Yàtu-s et Pairika-s, magiciens et magiciennes. Bien que Yâtus et Pairikas soient souvent cités ensemble, ils ne sont pas du même ordre : Yàtu, devenu le persan jâdû « sorcier », semble toujours s’appliquer aux hommes ; il désigne les suivants
- ↑ des pratiques ahrimaniennes ; cf. page 76, note 8. Pairika, l’origine de la Péri moderne, la fée belle et dangereuse, semble toujours désigner une créature surnaturelle (cf. Vd. I, 10, 36 ; Y. XVI, 8 [XVII, 46] ; Yt. VIII, 8, 39, 50). Le correspondant féminin de yàtu est la Jahika (v. plus bas, § 32, 101).
- ↑ 54. sàthràm : P. sâstârân, N. anydtjânâm ; dans les traductions persanes, zàlim ; désigne généralement le pouvoir impie, le gouvernement anti-zoroastrien.
- ↑ 55. kaoyâm karafnàmca, P. ktkàn karpân, N. adarçakânâm, açrotrînâmca, « les kavis et les karapans, ceux qui sont aveugles et sourds dans les choses de Dieu », c’est-à-dire qui ne voient pas la vérité du Zoroastrisme, qui n’entendent pas sa parole. Sourd et aveugle sont devenus des termes de théologie courante et paraissent dans l’édit de Yazdgard V, promulgant le Mazdéisme en Arménie comme religion d’Etat (vers l’an 450) : « Vous saurez que tout homme qui habite sous le ciel, qui ne suit pas la loi mazdéenne, est sourd, aveugle, trompé par les Dévs d’Ahriman » (Elisée, Soulèvement national de l’Arménie chrétienne, tr. Garabed, p. *26).
- ↑ 56. mairya, P. mar, N. nriçàsa ; généralement traduit en persan par râhzan « voleur de grand chemin ».
- ↑ 57. Ashemaogha, Ashmôgh et Aharmôk, généralement traduit « hérétique », désigne le Mazdéen dans l’erreur. Une glose, malheureusement très corrompue, de l’Ormazd Yasht pehlvi, nous apprend qu’il y a trois sortes d’Yshmôgh : « celui qui trompe (frîftâr), celui qui est trompé (friftak) et celui qui se complaît en lui-même (khôt dôshak). Le frîftâr est celui qui égare sciemment les autres ; et celui qui ainsi fait passer pour mérite un acte coupable, ne fùt-il que de trois srôshcaranâm (le péché le plus léger, celui qui est puni de trois coups de fouet), ou réciproquement, est de son vivant margarzân (digne de mort) et après sa mort darvand (damné) : on ne doit pas manger ni converser avec lui et le Patet (la confession de repentir) ne peut rien pour lui ». Le friftak est sans doute la victime du frîftâr, c’est celui qui suit le frîftâr, tout en ayant « pensées pures et intentions de bonnes œuvres » (cf. note 91) : le Patet le sauve et pour lui s’applique le principe spayèiti (v. Vd. III, 41 sq.). Le khôt dôshak est sans doute celui qui suit ses idées personnelles au lieu de suivre l’enseignement du Dastûr : il semble traité comme le frîftâr, l’indépendance religieuse de l’Asraosha étant comptée parmi les pires péchés : cf. Minokhard, XLII, 10 (Yt. I, 10, dans G. Salemann, Ueber eine Parsenhandschrift, corrigé ici d’après ; même glose, mais incomplète, en sanscrit, dans les Etudes iraniennes, II, 258).
- ↑ 58. haênayàosca perethn-ainikayâo : hên-ic î frâkh-ânîk, aighashân marak kabad « la horde au large front, c’est-à-dire innombrable » (cf. Bahman Yasht, III, 71. haèna, le sscp, senà « armée », désigne en Iran l’armée d’invasion. Darius, à Persépolis, prie Auramazda de défendre le pays conte la haina (hacâ hainâyâ ; H, 16) : haina désigne sans doute ici déjà les hordes nomades du Touran et autres, car dans l’horizon politique de Darius on ne voit pas d’Etat organisé dont il eût à redouter les invasions.
- ↑ 59. Littéralement « qui trompe et qui fond » ; P. et N. : « qui fond avec perfidie ».
- ↑ 60. Vahishtem ahûm ; litt. « le monde excellent » ; le qualificatif vahishtem est devenu à lui seul, chez les Parsis, le nom du Paradis, bahisht. L’enfer se dit inversement acishtô ahu « le monde très mauvais » et duzh-ah pour * duzh-ahu « le mauvais monde », d’où le nom persan de l’enfer, dûzakh.
- ↑ 61. dareghô-jitîm ushtânahê, litt. « longue vie de Yushtâna » (l’âme en tant que principe de vie, jân).
- ↑ 62. fra-khshtànê, P. frâj sâtûnd, N. pracarâmo ; de khshtâ, forme énigmatique, qui ne peut venir de stà, lequel n’est jamais traduit par sâtûntan. Le kh peut être, ou inorganique comme dans khshmàkem, mutilé de yushmâkem, ou sorti de c devant consonne comme dans âkhtùirîm * âc(a)tùirîm.
- ↑ 63. aèshô, min khvâstâr « suivant mon désir » : cf. Y. XLVI, note 5.
- ↑ 64. tràfdhô : P. patîkh (pidikh khôshî, Lexique Sachau) ; N. samriddhas. — tràfdhô * τρεφ-τοζ, θρεπτόζ.
- ↑ 65. vanat-peshanem « détruisant (l’ennemi) dans la lutte ».
- ↑ 66. gadhem : N. nriçâsa. Lire le pehlvi Sag « le Scythe » (Études iraniennes, II, 335) ; écrit sak dans le Yt, XI, 5. — gadha afghan ghal « voleur » (Chants populaires des Afghans, p. xxvii).
- ↑ 67. Cf. Études iraniennes, II, 144.
- ↑ 68. aèibishyôi aurvañtô hita takhsheñti arenàum. Le pehlvi a : olâshân man arvand havâ-anâ ashân zakî farhâkht tûkhshâk ohdûnêd ; Nériosengh : teshâm ye çastrîmantas sahâyân (lire hayân ?) adhyavasâyînas kurute (kila açvân kshatriydnâm) ; ce qui donne pour la traduction traditionnelle : « aux guerriers qui rendent énergiques leurs chevaux », c’est-à-dire « qui les pressent, qui les poussent ». Cette traduction se justifie pour hita (farhâkht « dressé », en parlant du cheval de guerre ; Y. LVI, 10, 8), et pour arenàum, 3e pers. pl. aoriste actif du verbe ere-nu, dont nous avons en plus haut (note 8) l’aoriste passif erenàvi (erenâum est pour erenàun, comme thrizafem, yaum, ashaùm, dùm sont pour thrizafan, jaun, ashâun, dùn, par assimilation de la nasale à la labiale qui précède) : takhsh dans takhsheñti semble avoir été confondu avec tvakhsh qui est généralement traduit par son dérivé tûkhshâk : takhsh se présente comme un élargissement de tac « courir » (takhsh est resté dans l’afghan tsh-êdal, et l’abstrait * takhshti dans l’afghan tasht-êdal) : takhsheñti est l’accusatif pluriel neutre de takhshaùt « courant » et se rapporte à hita : littéralement : « qui font leurs coursiers courant ».
- ↑ 69. Cf. Y. XI, 2, 9, texte et note.
- ↑ 70. Et qui l’invoquent. Peut-être : « Aux femmes près d’enfanter ». Frâmjî traduit « qui n’ont pas encore eu d’enfant » : c’est ainsi que l’entend Nériosengh, avec ajâtakebhyô, et peut-être le pehlvi avec âzâtân qui peut se lire azâtan. Mais azâtân ne peut guère signifier « qui n’a pas d’enfant » : il signifie « qui n’est pas encore né » (Y. XXIV, 14 ; LXIV, 22 ; Vp. XII, 21). D’ailleurs l’â du préfixe empêche de voir un négatif dans le mot zend.
- ↑ 71. Les Nasks, c’est-à-dire les livres saints : l’Avesta complet en formait vingt et un.
- ↑ 72. aghravô, agrift, aigh là sarîtûnt yakôyamûnd « non prises, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas connu d’homme » ; N. aparinîta « non épousées » : ag-hru est le sanscrit agrù. Le zend a un verbe gar, synonyme de garb : cf. aibigairyâ, XI, 17 (XII, 2) ; âghairyât, Yt. XIII, 50, 70 ; gravasca, infra, note 82.
- ↑ 73. Keresâni représente Alexandre et l’oppression hellénique qui un instant a refoulé le Mazdéisme : voir l’introduction à ce Hâ, pages 80 sq.
- ↑ 74. yô davata : l’Avesta, reflétant le dualisme du système religieux dans le détail
- ↑ 75. Le clergé, étant une caste fermée, ne pouvait se recruter sur place, surtout dans les provinces nouvelles où le progrès de la conquête ou de la propagande portait le Mazdéisme : il était donc en partie ambulant. Par exemple, la conquête de la Cappadoce, vieux pays aussi peu iranien que possible, y avait amené un vaste afflux de Mages (Strabon, XV, 14). Il y avait toujours des Athravans sur les routes, soit appelés par les familles perses du pays, soit en quête d’une bonne cure, comme c’est encore aujourd’hui le cas dans le clergé parsi. Aussi le Yasna invoque (XLII, 6 XLI, 35) « l’arrivée des prêtres qui viennent du lointain, désireux de sanctifier le pays ». — apàm : P. akhar, N. paçcât ; ahvishtish : P. apar-éshinarishnîh, N. adhikâdhyayanatayâ (ceci donne l’origine probable de ushtâd « maitre », qui serait aiwishtâiti).
- ↑ 76. Voir la note suivante.
- ↑ 77. man lâ frâj min hampûrsakîh zakî arshûkht gavishn ham pûrsnhâ, âigh mandùmê lâ yamalalùnî î Auhrmazd dar hampûrsakih lâ gûft « toi qui ne converses sur les paroles Arshûkht que sur conversation ; c’est-à-dire que tu ne dis rien qu’Auhrmazd ne t’ait révélé ». Ces paroles droites, Erezbukhdha, Arshûkht, sont les paroles de l’Avesta ; voir Yasna XVI, 1, note.
- ↑ 78. L’aiwyàonhanem ou kôsti, la ceinture du Parsi. — paurvanîm, N. : prâktanâm « antique » ; le pehlvi semble être paran (perse parana « antérieur »), c’est ainsi du moins que l’a lu Nériosengh. — Parvîn étant un nom des Pléiades, Haug a cru les reconnaître dans paurvanim et a traduit « the star-studded, spirit-fashioned girdle [the belt of Orion] leading the Paurvas » (Essays on the Parsis, 2e éd., p. 182). Cf. Yt. X, 90.
- ↑ 79. Glose : « La Religion est assimilée à un aiwyâonhanem, c’est-à-dire que comme le kôstî fait un avec le fidèle, ainsi la religion fait-elle un avec Hôm (cf.Vd.XVIII, !). Elle fait un avec Hôm signifie que tant qu’on n’a pas bu le Hôm, on n’est pas fidèle parfait. L’acte de boire le Hôm est un des actes du sacrifice » (voir Y. XI, 9, 24).
Cette ceinture mystique est dite « brodée d’étoiles et faite dans le ciel » ou peut-être - ↑ 80. Sur les montagnes où il pousse (cf. Y. X, 11, 28).
- ↑ 81. dràjanhê ahvidhàitîshea, glosé « jusqu’à la résurrection » : dràjah signifie donc dareghô zrvan « le temps long », c’est-à-dire toute la durée du temps fini (cf. Y. LXII, 3 — LXI, 8) ; aiwidhàiti, madam sâtûnishn, uparipravrittyâ, désigne l’écoulement du temps.
- ↑ 82. gravasca màthrahé semble construit avec aiwyàstô. Le mot pehlvi qui traduit gravasca est perdu dans nos manuscrits : c’était sans doute vakhdânt « pris », car Nériosengh a grihîta ; litt. « prises de la Parole Sainte, de l’Avesta » (de gar « prendre » ; cf. note 72).
- ↑ 83. thrimâica yat pouruhaokhshnahê, patikhic î pur bôjishnih, khvâstak î man nîvakîh î kabad ajash « la prospérité qui a beaucoup de confort ; c’est-à-dire la fortune qui apporte beaucoup de bonnes choses ». — « confort » pour bôjishnih n’est qu’un à peu près : le mot signifie « délivrance » de buj (N. : çuddhi) ; c’est l’affranchissement de tous les ennuis de la pauvreté.
- ↑ 84. gramentàm : la traduction « furieux » est toute hypothétique (d’après grańta) : le pehlvi a garân mân khâtâi (M, 57 0000000 « seigneur de maison cruel ( ?) » ou mieux « prince cruel » en identifiant mân au suffixe de shâd-mân (dérivé de manô ; Ėtudes iraniennes, I, 261). Le pehlvi garân mân serait une traduction étymologique, assez exacte néanmoins quant au sens. Cf. ces mots du Dînkart IX, 24, 5 : mânâki old-î pun garân màn shadîtûnt tir, « comme une flèche lancée avec fureur ».
- ↑ 85. aènańhô : P. kînîk, vinàskâr ; N. dvêshî, pâpakâri.
- ↑ 86. verenùidhi : P. vartin ; parivartaya.
- ↑ 87. skendem… kerenùidhi : tabrak obdûn, glosé akârîh barâ obdûnênd « on le réduit à l’impuissance ».
- ↑ 88. fratuyâo, frâj patûk havâ-ât « qu’il ne soit pas fort en avant » : noter la corrélation de fra-tu et patûk, qui montre que patûk pa-tûk. — zharetâra, v. note 74.
- ↑ 89. « C’est-à-dire qu’il ne puisse faire le mal avec ses mains » (Comm. P.). — gava, v. note 74.
- ↑ a et b 90. Parce qu’il jetterait sur elle le mauvais œil : cf. Y. XXXII, note 37. — ashi, v. note 74.
- ↑ 91. « De sorte que nous ne puissions plus avoir une bonne pensée » (Comm. P.) ; il s’agit de l’Ashemaogha trompeur (note 57).
- ↑ 92. nàshemnài ; N. vinâçayati. — vadare jaidhi est traduit en pehlvi padtâkini zanishn aighash cârak barâ yamalatûn « révèle-lui le coup, c’est-à-dire dis-lui un moyen [d’échapper] » : cette traduction n’est pas grammaticale, car jaidhi, traduit comme substantif, est un impératif, et vadare, traduit comme impératif, est une forme nominale ; mais on peut en tirer que vadare contient l’idée de « manifeste » ; et ailleurs en effet, dans vadare vôizhdat, Y. XXXII, 10 c, vadare est rendu comme substantif adverbial pun padtâkih « manifestement, publiquement ». La traduction grammaticale serait donc pun padtâkîh zanishn yahbûn, dont padtâkinîh zanishn est l’équivalent pour le sens.
- ↑ 93. simahé : P. sahmkûn, N. bhayamkara ; je ne sais s’il y a un rapport étymologique entre sima et sahm (qui serait * si-thma ?) ou si on a traduit par sahm à cause de la ressemblance accidentelle des deux mots. — vaêpa dans vishô-vaêpahè est traduit barâ âyâft, c’est-à-dire qu’il est analysé vi apa ou peut-être vi apaya (cf. note 101).
- ↑ 94. vîvarezdavatô : jût varzitâr [man jût varzît aîgh zak apâyît] « qui agit autrement qu’il ne faut ».
- ↑ 95. khrvîshyatô : khôrak boyahûn ; ou simplement « qui meurtrit ».
- ↑ 96. aiwivôizhdayañtahê : N. adhikânandadâtus ; lire adhikanindâdâtus(cf. Y. XXXII, 10 c : vadaré vôizhdat, parisphutam nindâm).
— kameredhem (v. note 74), construit avec kehrpem, en dépendance de nàshemnâi. - ↑ 97. Voir note 57 ; l’Ashemaogha est ici le mauvais prêtre qui ne fait point ce qu’il prêche.
- ↑ 98. En ce qu’il amène sa perdition.
- ↑ 99. Dans son enseignement, comme « Aêhrpat ou Dastôbar ».
- ↑ 100. màsvaca : P. minishn ûgavishn, N. manô vacô ; dvandva formé de manas vac.
- ↑ 101. nôit shyaothnàish apayañtahê, lâ pun kûnishn barâ âyâpit « ne l’atteint pas en actes ».
- ↑ 102. jahikayâi ; dans la Bundahish la Jahi personnifie le Génie de la débauche : sur terre, c’est la femme de mauvaise vie.
- ↑ 103. yàtumaityài, livrée au yàtu : V. note 53.
- ↑ 104. maodhanô-kairyâî : P. mûtak kartâr, N. mandatvam kurvânâyâm.
- ↑ 105. upastâhairyài, madam panâhih bûrtâr aigh panâhîh î vinâskârân obdûnand « qui apporte protection, c’est-à-dire qui protège les pécheurs ». Comme upasthà désigne en sanscrit les parties sexuelles de la femme, on a proposé : « qui s’offre, qui se donne » ; mais outre que dans ce sens l’emploi de bar avec upastà serait plus qu’étrange, la formule Auramazdà màm upastâm abara « Ahura Mazda me porta secours » empêche de traduire upastàhara autrement que « qui porte secours » ; il s’agit des secours de la magie que la Jahi met au service de ceux qu’elle séduit ; cf. note 106.
- ↑ 106. yèńhê, masculin, ne peut se rapportera la jahika ; il se rapporte aux esprits faibles qu’elle a séduits.
- ↑ 107. frafravaiti : P. frâj nafalûnît (ou fravît ?), prasphurati.
mieux « faite par les esprits célestes » (mînôyân tâshît), par une de ces métaphores, fréquentes dans le Mazdéisme, qui voient dans les objets familiers du culte une image des grands objets naturels ou spirituels. Les étoiles sont ici les pierreries d’une immense ceinture jetée autour du monde. La métaphore est développée et expliquée au long dans un vieux texte cité dans le Dâdistân, XXXIX, 11 : « Quand le Destructeur (Ahriman) fondit sur la création, la foule des démons et des Péris se précipita sur la terre et l’atmosphère et jusque sous la sphère des étoiles : et ils virent la multitude des lumières, et ce boulevard de la Gloire de la Religion, et la ceinture (parvand) de tous les bons désirs et de toutes les œuvres, brillante comme un kôstî lumineux… Cette grande gloire de la pure Religion, qui résout tous les doutes, est belle et brillante au loin, comme il est dit dans l’Avesta (mânsar) ; « l’Evanghin « brodé d’étoiles, fait par les esprits célestes (mainôkân tâshît), la bonne Loi des Mazdéens. »
du lexique, a deux mots différents pour le même acte ou le même objet, suivant qu’il s’agit d’un être ormazdéen ou d’un être ahrimanien. Ainsi en parlant des premiers « tête, main, pied, œil » se diront : bareshnu (manôthri, vaghdhana), zasta, pàdha, cashman ; en parlant des seconds : kameredha, gava, zharethra, ashi ; — « créer, parler, mourir » se diront en parlant des premiers : dà, aoj, vîtar ; en parlant des seconds : fra-kereńt, dav, fra-mir ; — « fils, femme (épouse) » se diront des uns : puthra, vañta ; des autres : hunush, jahi.
dav est proprement « bavarder » (pralap, N.).