Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Ha 1. - Appendice B.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux, (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21), p. 25-33).
Appendice B. — Les Génies des veilles (Gahs)
I. Les Génies des veilles, Asnyas ou Gâhs ; Hàvani, Rapithwina, Uzayêirina, Aiwisrùthrima Aibi-gaya, Ushahina. — II. Les auxiliaires des Gâhs : Sâvaṅhi, Fràdaṭ-fshu, Fràdaṭ-vîra, Fràdaṭ-vîspām-hujyàiti, Berejya. — Vîsya, Nmànya, Zañtuma, Dahyuma, Zarathushtrôtema.
I. Les Gâhs. — La journée est divisée en cinq parties ou veilles dites en zend Asnya 1[1], plus tard Gâh 2[2]. Ce sont :
1o Hâvani 3[3], Hâvan, le Gâh du matin (prâtassamdhyà, N.), commence à l’aurore (Bd. XXV, 9).
ce point (Y. XIV, I ; XIX, 50) des renseignements qui malheureusement ne pourraient que nous induire en erreur. Pour lui, le terme le plus haut de la série, la dahyu, n’est qu’un village (grâma) et vîs et zañtu sont les minces intermédiaires qui peuvent se trouver entre la maison et le village. Il définit les quatre termes d’après le nombre de couples ou de ménages qu’ils représentent : nmânem est la maison qui contient sept couples 9[9] ; la vîs en contient quinze ; le zañtu en contient trente ; la dahyu en contient cinquante. Le village aurait été l’horizon politique le plus lointain qu’atteignît l’œil des créateurs du Zoroastrisme. Nériosengh, ou plutôt le commentateur qu’il reproduit, a certainement été la victime d’une illusion qui vient de ce que le mot dahyu a subi, de la langue ancienne à la nouvelle, une déchéance profonde et est devenu le nom du village, deh. Dans l’Avesta il a certainement un sens plus large, et c’est le même probablement qu’il a en vieux perse. Dans les inscriptions achéménides, en effet, dahyu est le nom donné aux grandes provinces, on peut dire aux royaumes, dont la réunion formait l’empire du Roi des Rois. La Perse, la Médie, la Susiane, l’Assyrie, etc., toutes les satrapies sont des dahyus. Si le mot a la même force en zend, le dahyupaiti « le chef de dahyu », sera soit un satrape, soit un roi, selon qu’il y a ou non un pouvoir centralisé, selon que le Roi des Rois est un souverain à la façon des Achéménides ou à la façon des Arsacides. Or, quand on voit Mithra invoqué dans le carnage par les dainhupaitis luttant les uns contre les autres ou contre les hordes envahissantes (Yt. X, 8) ; ou le dainhupaiti Aurvasâra en guerre contre le roi des Aryens Husravah (Yt. XV, 3 1) ; ou Ahriman, pour tenter Zoroastre, lui promettant le bonheur de Vadhaghna, le dainhupaiti (Vd. XIX, 6, 23) ; ou Mithra nommé le dainhupaiti universel et l’institution du dahyupat rapportée à Hoshang qui fut le premier roi et qui régna sur toute la terre (voir p. 14, note 43), il devient clair que les ambitions et les grandeurs du dainhupaiti ancien ne sont pas celles d’un maire de village et que la dahyu est dans l’Avesta, comme dans
les inscriptions perses, une vaste unité, un pays au sens large du mot 10[10]. Si l’on se reporte à la hiérarchie sassanide, qui très vraisemblablement reproduit en gros la division ancienne, on trouve l’empire divisé en grandes provinces répondant aux anciennes satrapies, et administrées par des satrapes nommés marzbân « qui garde le marz ». Le nom de ces provinces, dont nous ne connaissons que l’équivalent arabe, balad « pays », était sans doute marz. Nous avons donc dahyu balad (marz ? ) et daṅhupaiti marzbân. Passons au zañtu.
1o | Ushahina | Berejya | Nmânya | |
(moitié de la nuit depuis minuit). |
(génie qui fait croître les grains). |
Sraosha Rashnu Arshtât |
(génie de la maison). (dâtôbar, juge). | |
2o | Hâvani | Sâvanhi | Vîsya | |
(matinée). | (le grand bétail). | Mithra Râma Hvâstra |
(du bourg) (magûpat, prêtre). | |
3o | Rapithwina | Frâdat-fshu | Zantuma | |
(midi). | (le petit bétail). | Asha Vahista Âtar |
(du district) (rat, évêque) 21[21]. | |
4o | Uzayêrina | Frâdat-vîra | Dahyuma | |
(après midi, soirée). | (les hommes). | Apâm Napât | (du pays) Magû-andarzpat, inspecteur du culte 21[21] | |
5° |
Aiwisrûthrima Aibigaya | Frâdat-vîspãm-hujyâiti | Zarathushtrôtema | |
(première moitié de la nuit). | (les fruits). | Fravashayô Ama |
(de toute la communauté religieuse) (Magûpatân-Magûpat, chef suprême de la religion). |
Appendice C. — Les Génies du mois
Le mois. — Le mois dure trente jours ; l’année, qui est solaire et composée de trois cent soixante-cinq jours, contient douze mois faisant 360 jours (30 × 12 360), plus cinq jours complémentaires. L’année 1[22] commençait à l’équinoxe du printemps, soit le 21 mars. Les douze mois sont consacrés chacun à une divinité spéciale dont ils portent le nom :
1. | Farvardin, | commençant le | 21 mars | en zend le mois des | Fravashis |
2. | Ardibahisht, | — | 20 avril, | — | Asha Vahishta |
3. | Khordâd, | — | 20 mai | — | Haurvatât |
4. | Tir, | — | 19 juin | — | Tishtrya |
5. | Murdâd, | — | 19 juillet | — | Ameretât |
6. | Shahrévar, | — | 18 août | — | Khshathra Vairya |
7. | Mihr, | — | 17 septembre | — | Mithra |
8. | Âbân, | — | 17 octobre | — | Apô |
9. | Âdar, | — | 16 novembre | — | Âtar |
10. | Dai, | — | 16 décembre | — | Dathush |
11. | Bahman, | — | 15 janvier | — | Vohu Manô |
12. | Asfandârmad, | — | 14 février | — | Spenta Ârmaiti |
- ↑ 1. Asnya ; adjectif dérivé de azan « jour » (* aznya).
- ↑ 2. Persan gâh, pehlvi gâs, le terme employé chez les Parsis pour désigner les cinq moments du jour ; est sans doute identique avec gâh, gâs « lieu », du perse gàthu, zend gàtu. Il ne faut pas confondre ce gâh, gâs, de gàthu, avec gâh, gâs, nom des Gâthas (v. Yasna XXVIII et suite), et par extension des cinq jours complémentaires qui prennent le nom des cinq Gâthas (v. Appendice D). gâh, gâs, moment du jour, n’est point identique avec gâh, gâs, lieu (du perse gâthu), mais avec gâh, gâs, la Gâtha : hâvan gâs est proprement « [le temps où l’on célèbre] les Gâthas de Hâvani » (Nirangistân, 46 ;. Le nom des gâhânbâr a la même origine, car « célébrer les Gâhânbârs » se dit « chanter les Gâthas » (v. Nirang., § 41, n. 2 ; § 42, n. 2, etc.).
- ↑ 3. Hàvani, commence à l’aurore ; tire sans doute son nom des rites de Haoma qui se font à cette heure (havana « mortier à presser le Haoma » = sscr. savana « pressurage de Soma ») : voir Y. IX, 1.
- ↑ 4. Rapithwina, adjectif dérivé de rapithwa « midi » (aux deux sens du mot) ; sous-entendu zrvan : « le temps de midi ». Sa durée n’est pas déterminée par les textes.
- ↑ 5. Le Gâh Uzìrìn va de Rapitvîn à l’apparition des étoiles (Bund. XXV, 9). — Uzayèirina est un adjectif formé par le même suffixe que Rapithwina, de ayar « jour » et uz, indiquant enlèvement ; c’est le temps « où le jour s’en va ». Cf. uz-irô, l’après-midi, de uz et ayar.
- ↑ 6. De l’apparition des étoiles à minuit. Le sens du nom est obscur : les deux mots qui le composent semblent se rapporter à la récitation des Gâthas : awisrùthrima est dérivé de sru « entendre » et « faire entendre, chanter » ; cf. gàthanàm frasraothrem « l’action de chanter les Gâthas » ; aibigaya serait dérivé, par la même préposition, de * ga-i, sscr. gâ-y « chanter », d’où gàthà.
- ↑ 7. Ushahina, de minuit à la disparition des étoiles ; nommé d’après l’aurore qui le termine (ushah).
- ↑ 8. Frâdat-fshu, Frâdat-vìra, Frâdat-vîspām-hujyâiti signifient « Accroît-troupeaux ; Accroit-homme ; Accroît-toute-jouissance ». — Sàvaṅhi se rattache visiblement à savaṅh, auquel il est dans le rapport de hàvani à havana : c’est « celui qui produit l’accroissement ». — Berejya est obscur : on l’a rapproché, à cause de sa fonction, du persan birinj « le riz » ; mais la forme ancienne de birinj serait quelque chose comme virizi ou urvizi (sscr. vrihî). Le Gâh V, 6, met en rapport Berejya avec berej « désir » et peut-être y a-t-il là plus qu’un jeu de mots : l’exemple de Frâdat-vîspām-hujyâiti et même celui de Sàvaṅhi prouvent qu’il n’y a pas nécessairement accord entre le nom du Génie et sa fonction.
- ↑ 9. Sapta-nara nànyugmam et non paçu-nara… ; c’est la lecture du Yasna sanscrit du fonds Burnouf, no 1, dans les deux passages : on attend d’ailleurs un nom de nombre. — Les couples supposent sans doute un ménage ; autrement on aurait compté par têtes. Dans le régime patriarcal la maison peut compter aisément sept couples mariés, ce qui peut en Orient donner une cinquantaine de têtes.
- ↑ 10. Le sens élastique du français pays donne une idée de la façon dont la dahyu a pu se rétrécir comme elle l’a fait.
- ↑ 11. Shehr ne vient point de khshathra qui signifie pouvoir, royauté, et ne désigne point un lieu.
- ↑ 12. Ya’qùbî, cité dans Noeldeke, Tabari, 446. Peut-être les hauts fonctionnaires nommés shatardâr dans l’inscription de Sapor à Hàjîàbàd sont-ils des skahrig, des shὸithrapaiti ; cependant, comme ils sont cités avec les barbìtâ, les vazark et les àzât qui sont des degrés différents de noblesse, il est possible qu’ici sk-t-r représente Kshathra et que les shatardâr soient les « gens en autorité ». — Le vieux nom de Zantupaiti est peut-être resté dans le Zindkapet des historiens arméniens (Patkanian, Journal asiatique, 1866, I, 114) : Fauste, 4, 43, parle d’un Zindkapet mis par le roi de Perse à la tête d’une armée de quatre-vingt-dix mille hommes.
- ↑ 13. Le passage d’Ibn Khordadbeh sur astân n’est pas clair et astân pourrait être un synonyme de kûra. L’original est stàna « lieu » ; le chef d’un istàn était dit istàndàr, abrégé en istandàr, de * stànadàra : il est curieux de retrouver le mot en hindoustani : thànadàr « chef de poste, chef de police », de thàna = sthàna).
- ↑ 14. Ratu, quand il n’est pas transcrit rat, est traduit dastôbar.
- ↑ 15. Patkanian, dans le Journal asiatique, 1. 1.
- ↑ 16. Il l’est si peu que M. Patkanian traduit « le chef de la garde-robe des Mages », parce qu’il y a un mot arménien handerdz qui signifie « vêtement ».
- ↑ 17. Andarjpati aspvârakân, dans le Kâr Nâmak d’Ardshir, tr. Noeldeke, p. 62, note 3 ; Tabari, p. 389.
- ↑ 18. Ceci confirme la lecture proposée par M. Hoffmann (Auszüge aus Syrischen Akten, p. 50) pour le מןבךד בד cité dans l’histoire des martyrs de Karka de Slok : c’est un titre de fonctionnaire religieux qui est expliqué מןגבךרזבﬢ « ordonnateur du magisme ». M. Hoffmann, s’appuyant sur l’Andarjpati aspuârakân, propose avec raison de corriger en מןגןדרדזב Mogandarzbad.
- ↑ 19. Dans les Actes des martyrs de Perse, on voit souvent le chef de la kûra appelé Radh (Noeldeke, Tabari, 447). Il n’était pas rare, surtout en temps d’inquisition, que les hautes fonctions civiles fussent confiées à des mains cléricales.
- ↑ 20. En fait, on trouve mention d’un Andertsapat du Seistan (Patkanian, l. l.) : je ne sais s’il s’agit là d’un Andertsapat militaire ou laïque.
- ↑ a et b 21. Ces deux traductions n’ont qu’une valeur d’analogie.
- ↑ 1. L’année théorique : en fait, le quart de jour perdu chaque année faisait retarder le commencement de l’année d’un jour tous les quatre ans : au lieu de rétablir l’équilibre au moyen d’une année bissextile, on attendait que l’année fût en retard d’un mois, et on intercalait un mois tous les 120 ans. L’almanach cappadocien donne une forme encore plus fidèle : τεθευσία. Après la chute de