L’Encyclopédie/1re édition/ORDONNANCE

La bibliothèque libre.
◄  ORDISSUS
ORDONNÉE  ►

ORDONNANCE, s. f. (Jurisprudence.) est une loi faite par le prince pour régler quelques objets qui méritent l’attention du gouvernement.

Le terme d’ordonnance vient du latin ordinare, qui signifie ordonner, c’est-à-dire, arranger quelque chose, y mettre l’ordre. En effet, on écrivoit anciennement ordrenance, pour exprimer quelque arrangement ou disposition. Ce terme se trouve employé en ce sens dans quelques anciennes chartes & ordonnances ou réglemens, comme dans l’accord ou concordat fait en 1275 entre Jean dit le Roux, duc de Bretagne, & quelques-uns des barons & grands nobles de la province ; sauf, y est-il dit, l’ordrenance resnable au juveigneur, c’est-à-dire, sans préjudice de la disposition convenable que le puîné (junior) peut faire. Ce concordat est à la fin de la très-ancienne coutume de Bretagne : cependant le terme ordinare se trouve employé dans le tems de la seconde race, pour dire ordonner. Aimoin qui vivoit dans le neuvieme siecle, dit en parlant des capitulaires de Charlemagne, liv. V. chap. 35. placitum generale habuit ubi per capitula, qualiter signum Franciæ, filuus suus Ludovicus regeret, ordinavit.

Du latin ordinare on a fait ordinatio ; un grand nombre des anciennes ordonnances latines commençoient par ces mots, ordinatum fuit. De tout cela s’est formé le terme françois d’ordrenance ou ordonnance : on disoit aussi quelquefois ordrenement pour ordonnement ; & quoique dans l’origine ce terme d’ordonnance ne signifiât autre chose qu’arrangement ; néanmoins comme ces arrangemens ou dispositions étoient faits par une autorité souveraine, on a attaché au terme d’ordonnance l’idée d’une loi impérative & absolue.

Le terme françois d’ordonnance, ni même le latin ordinatio, dans le sens où nous le prenons pour loi, n’étoient point connus des anciens.

Les réglemens que firent les anciens législateurs chez les Grecs, étoient qualifiés de loi.

Il en fut de même chez les Romains : ils appelloient loi les réglemens qui étoient faits par tout le peuple assemblé à la réquisition de quelque magistrat du sénat.

Le peuple faisoit aussi des lois avec l’assistance d’un de ses magistrats, tels qu’un tribun ; mais ces lois étoient nommées plébiscites.

Ce que le sénat ordonnoit s’appelloit un senatus-consulte.

Les réglemens faits par les empereurs, s’appelloient principum placita ou constitutiones principum. On verra que cette derniere dénomination a été aussi employée par quelques-uns de nos rois.

Les constitutions des empereurs étoient générales ou particulieres.

Les générales étoient de trois sortes : savoir, des édits, des rescripts & des decrets.

Les édits étoient des constitutions générales que le prince faisoit de son propre mouvement pour la police de l’état ; il y avoit d’autres édits qui étoient faits par les magistrats, mais qui n’étoient autre chose que des especes de programmes publics, par lesquels ils annonçoient la forme en laquelle ils se proposoient de rendre la justice sur chaque matiere pendant l’année de leur magistrature. Nous n’avons pas en France d’édits de cette espece ; mais nos rois font aussi des édits qui ont le même objet que ceux des empereurs, & qui sont compris sous le terme général d’ordonnances.

Les rescripts des empereurs étoient des réponses aux requêtes qui leur étoient présentées, ou aux mémoires que les magistrats donnoient pour savoir de quelle maniere ils devoient se conduire dans certaines affaires. Nous avons aussi quelques anciennes ordonnances, ou lettres de nos rois, qui sont en forme de rescripts.

Les decrets étoient des jugemens que le prince rendoit dans son consistoire, ou conseil sur les affaires des particuliers ; ceci revient aux arrêts du conseil privé. Les qualifications de decret ou d’édit se trouvent employées indifféremment dans quelques anciennes ordonnances de nos rois.

Enfin, les constitutions particulieres étoient celles qui étoient faites seulement pour quelque personne ou pour un certain corps, de maniere qu’elles ne tiroient point à conséquence pour le général. On trouve quelques anciennes ordonnances latines de nos rois, qui sont pareillement qualifiées de constitutions : présentement ce terme n’est plus usité. Ces sortes de constitutions revenoient aux lettres-patentes que nos rois accordent à des particuliers, corps & communautés.

Les ordonnances qui avoient lieu en France du tems de la premiere race, reçurent divers noms : les plus considérables furent nommées lois, comme la loi gomberte, la loi ripuaire, la loi salique ou des Francs.

Il y eut encore quelques autres lois faites par nos rois de la premiere race, pour d’autres peuples qui étoient soumis à leur obéissance, telles que la loi des Allemands, celles des Bavarois & des Saxons, celle des Lombards, &c. Toutes ces lois ont été recueillies en un même volume sous le titre de lois antiques.

La loi salique ou des Francs, qui est une des plus fameuses de ces lois, est intitulée pactum legis salicæ ; il est dit qu’elle a été résolue de concert avec les Francs.

La loi des Allemands faite par Clotaire, porte en titre dans les anciennes éditions, qu’elle a été résolue par Clotaire, par ses princes ou juges, c’est-à-dire par trente-quatre évêques, trente-quatre ducs, soixante-douze comtes, & même par tout le peuple.

La loi Bavaroise, dressée par le roi Thiery, revûe par Childebert, par Clotaire, & en dernier lieu par Dagobert, porte qu’elle est l’ouvrage du roi, de ses princes & de tout le peuple chrétien qui compose le royaume des Mérovingiens.

La loi gombette contient les souscriptions de trente comtes, qui promettent de l’observer, eux & leurs descendans.

La principale matiere de ces lois, ce sont les crimes & sur-tout ceux qui étoient les plus fréquens chez des peuples brutaux, tels que le vol, le meurtre, les injures ; la peine de chaque crime y est réglée selon les circonstances, à l’égard desquelles la loi entre dans un fort grand détail, voyez ce qui est dit de ces lois dans l’histoire du Droit françois de M. l’abbé Fleury, & ce qui a été dit ici au mot code des lois antiques, & au mot lois antiques, & aux articles où il est parlé de chacune de ces lois en particulier.

Il y eut quelques lois de la premiere race qui furent nommées édits, tel que l’édit de Théodoric, roi d’Italie, qui se trouve dans ce code des lois antiques.

D’autres furent nommées en latin constitutiones.

D’autres enfin furent appellées capitulaires, parce que leurs dispositions étoient distinguées par chapitres ou plutôt par articles que l’on appelloit capitula. Ces capitulaires se faisoient par nos rois dans des assemblées, composées d’évêques & de seigneurs ; & comme les évêques y étoient ordinairement en grand nombre, & que l’on y traitoit d’affaires ecclésiastiques, ces mêmes assemblées ont souvent été qualifiées de concile. Le recueil des capitulaires de l’édition de M. Baluze, comprend quelques capitulaires du tems de la premiere race, lesquels remontent jusqu’au regne de Childebert.

Les ordonnances qui nous restent des rois de la seconde race, sont toutes qualifiées de capitulaires, & comprises dans l’édition qu’en a donnée M. Baluze en deux volumes in folio avec des notes.

Les capitulaires de Charlemagne commencent en l’an 768, premiere année de son regne ; il y en a des regnes suivans, jusques & compris l’an 921, tems fort voisin de la fin du regne de Charles le Simple.

La collection des capitulaires porte en titre capitula regum & episcoporum, maximèque nobilium francorum omnium.

Et en effet, ils sont appellés par les rois leur ouvrage & celui de leurs féaux. Charlemagne en parlant de ceux faits pour être insérés dans la loi salique, dit qu’il les a fait du consentement de tous ; celui de 816 porte, que Louis le Débonnaire a assemblé les grands ecclésiastiques & laïcs pour faire un capitulaire pour le bien général de l’église ; dans un autre il remet à décider jusqu’à ce que ses féaux soient en plus grand nombre.

Charles le Chauve dit, tels sont les capitulaires de notre pere que les Francs ont jugé à-propos de reconnoître pour loi, & que nos fideles ont résolu dans une assemblée générale, d’observer en tous tems ; & dans un édit qu’il fit à Poissy en 844. pour une nouvelle fabrication de monnoie, il est dit que cet édit fut fait ex consensu, par où l’on entend que ce fut dans une assemblée du peuple.

Les capitulaires sont distingués en plusieurs occasions d’avec les autres lois qui étoient plus anciennes ; & en effet, il y avoit différence en ce que les capitulaires n’avoient été faits que pour suppléer ce qui n’avoit pas été prévû par les lois, cependant ils avoient eux-mêmes force de lois ; & l’on voit dans plusieurs capitulaires de Louis le Débonnaire & de Charles le Chauve, qu’ils ordonnent que les capitulaires seront tenus pour loi.

Ceux de Charlemagne forment même un corps complet de législation politique, ecclésiastique, militaire, civile & économique.

Les lois & capitulaires, tant de la premiere que de la seconde race, se faisoient donc dans des assemblées de la nation qui se tenoient en plein champ, & qu’on a appellées parlement, parce que c’étoit dans ces assemblées que l’on parloit & traitoit des affaires sur lesquelles le roi vouloit bien se concerter avec ses sujets.

Sous la premiere race, ces assemblées se tenoient au mois de Mars, d’où on les appelloit quelquefois champ de Mars ; d’abord toutes les personnes libres y étoient admises, le peuple comme les grands ; mais la confusion que cause toujours la multitude, fit que l’on changea bien tôt la forme de ces assemblées. On assembla chaque canton en particulier, & l’on n’admit plus aux assemblées générales que ceux qui tenoient quelque rang dans l’état ; les évêques y furent admis de sort bonne heure, c’est de-là que Grégoire de Tours, Reginon & autres auteurs nomment souvent ces assemblées synodes ou conciles.

Ces mêmes assemblées sont nommées dans la loi salique mallus, mot tudesque qui veut dire parole ; c’étoit-là en effet que la nation parlementoit avec le roi, c’est-à-dire conféroit, communiquoit avec lui ; elles furent aussi appellées judicium francorum & placitum, & dans la suite parlamentum parlement.

C’est dans ces assemblées que se faisoient les nouvelles lois & capitulaires, ou autres ordonnances ; on y délibéroit entr’autres choses de la conservation des lois & des changemens qui pouvoient être nécessaires.

Au reste, ces assemblées, soit générales ou réduites à un certain nombre de personnes, ne se tenoient point par une autorité qui fût propre à la nation ; & l’on ne peut douter, suivant les principes universellement reconnus parmi nous, que rien ne se faisoit dans ces assemblées que par la permission du roi.

Aussi voit-on que nos rois en changerent la forme, & même en interrompirent le cours, selon qu’ils le jugerent à propos : le pouvoir & la dignité de ces assemblées ne furent pas long-tems uniformes ; elles ne resterent pas non plus long-tems dans leur intégrité, tant à cause des différens partages qui se firent de la monarchie, qu’à cause des entreprises de Charles Martel, lequel irrité contre le clergé qui composoit la plus grande partie de ces assemblées, les abolit entierement pendant les vingt-deux ans de sa domination, ses enfans les rétablirent. Pepin les transfera au mois de Mai, il y donna le premier rang aux prélats ; Charlemagne rendit ces assemblées encore plus augustes, tant par la qualité des personnes qui s’y trouvoient, que par l’ordre qu’il y établit & par la bonté qu’il avoit d’écouter les avis de son peuple au sujet des lois que l’on proposoit dans ces assemblées, cherchant ainsi à prévenir toutes les difficultés & les inconvéniens qui auroient pû se trouver dans la loi.

Les lois antiques de la premiere race continuerent à être observées avec les capitulaires jusques vers la fin de la seconde race, dans tous les points auxquels il n’avoit pas été dérogé par les capitulaires ; la loi salique fait même encore une de nos plus saintes lois par rapport à l’ordre de succéder à la couronne.

Du reste, toutes ces lois anciennes & le surplus de la loi salique elle-même, ainsi que les capitulaires, sans avoir jamais été abrogés formellement, tomberent peu-à-peu dans l’oubli, à cause du changement qui arriva dans la forme du gouvernement, lequel introduisit aussi un nouveau droit.

En effet, les inféodations qui furent faites vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme race, introduisirent le droit féodal.

Sous Louis le Gros, lequel commença à affranchir les fiefs de son domaine, tout se régloit en France par le Droit des fiefs, celui des communes & bourgeoisies, & des main-mortes.

Tous ces usages ne furent point d’abord rédigés par écrit dans une révolution, telle que celle qui arriva dans le gouvernement ; on étoit beaucoup plus occupé à se maintenir par les armes, que du soin de faire des lois.

Depuis les capitulaires qui finissent, comme on l’a dit, en 921, l’on ne trouve aucune ordonnance faite par les rois de la seconde & de la troisieme races jusqu’en 1051, encore jusqu’à S. Louis ; si l’on en excepte une ordonnance de 1188. sur les décimes, & celle de Philippe Auguste en 1190, ce ne sont proprement que des chartres ou lettres particulieres ; dans le premier volume des ordonnances de la troisieme race, on n’a inséré que dix de ces lettres, qui ont été données depuis l’an 1051. jusqu’en 1190, étant les seules qui contiennent quelques réglemens, encore ne sont-ce que des réglemens particuliers pour une ville, ou pour une église ou communauté, & non des ordonnances générales faites pour tout le royaume.

Les ordonnances que nous avons depuis Henri I. sont toutes rédigées en latin jusqu’à celle de S. Louis de l’année 1256. qui est la premiere que l’on trouve écrite en françois, encore est-il incertain si elle a été publiée d’abord en françois ou en latin. Il y en eut en effet encore beaucoup depuis ce tems qui furent rédigées en latin ; on en trouve dans tous les regnes suivans jusqu’au tems de François I, lequel ordonna en 1539. que tous les actes publics seroient rédigés en françois ; mais pour ce qui est des ordonnances, elles étoient déja la plûpart en françois, si ce n’est les lettres patentes qui regardoient les provinces, villes & autres lieux des pays de droit écrit, qu’on appelloit alors la languedoc, lesquelles étoient ordinairement en latin : les ordonnances générales, & celles qui concernoient les pays de la languedoil ou pays coutumier étoient ordinairement rédigées en françois, du-moins depuis le tems de S. Louis.

Les anciennes ordonnances, chartes ou lettres de nos rois ont reçu selon les tems diverses qualifications.

Henri I. dans des lettres de l’an 1051, portant un réglement pour la ville d’Orléans, qualifie lui-même sa charte testamentum nostræ autoritatis, quasi testimonium ; on remarque encore une chose dans ces lettres & dans quelques autres postérieures, c’est que quoique la personne de nos rois fût ordinairement qualifiée de majesté, ainsi que cela étoit usité dans le tems de Charlemagne, néanmoins en parlant d’eux-mêmes, ils ne se qualifioient quelquefois que de sérénité & de celsitude, celsitudinem nostræ serenitatis adierit, mais le style des lettres de chancellerie n’étoit alors ni bien exact, ni bien uniforme, car dans ces mêmes lettres on trouve aussi ces mots nostræ majestatis autoritate.

Les lettres de l’an 1105. par lesquelles Philippe I. défend de s’emparer des meubles des évêques de Chartres décédés, sont par lui qualifiées en deux endroits pragmatica sanctio ; on entendoit par-là une constitution que le prince faisoit de concert avec les grands de l’état, ou, selon Hotman, c’étoit un rescrit du prince non pas sur l’affaire d’un simple particulier, mais de quelque corps, ordre ou communauté ; on appelloit un tel réglement pragmatique, parce qu’il étoit interposé après avoir pris l’avis des gens pragmatiques, c’est-à-dire des meilleurs praticiens, des personnes les plus expérimentées ; sanctio est la partie de la loi qui prononce quelque peine contre les contrevenans.

Ce reglement n’est pas le seul qui ait été qualifié de pragmatique sanction ; il y a entr’autres deux ordonnances fameuses qui portent le même titre ; l’une est la pragmatique de S. Louis du mois de Mars 1268 ; l’autre est la pragmatique-sanction faite à Bourges par Charles VII. au mois de Juillet 1438.

Les lettres de Louis le Gros, de l’année 1118, concernant les serfs de l’église S. Maur des fossés, sont qualifiées dans la piece même de decret ; & dans un autre endroit d’edit, nostræ institutionis edictum ; mais dans ces premiers tems il se trouve fort peu d’édits : ce terme n’est devenu plus usité que depuis le xvj. siecle, pour exprimer des lois générales, mais ordinairement moins étendues que les ordonnances proprement dites.

Le terme d’institution dont on vient de parler se trouve employé dans d’autres lettres du même prince, de l’an 1128, où il dit instituo & decerno, ce qui annonce encore un decret.

Dans d’autres lettres de l’an 1134, il dit volumus & præcipimus.

Louis VII. dans des lettres de l’an 1145, dit, en parlant d’un reglement fait par son pere, statutum est à patre nostro.

Les lettres du même prince touchant la régale de Laon, sont intitulées carta de regalibus laudunensibus ; mais on ne peut assurer si ce titre vient du copiste ou de l’original.

La plûpart de ces lettres sont plutôt des privileges particuliers que des ordonnances ; cependant, comme elles ont fait en leur tems une espece de droit, on les a compris dans la collection des ordonnances. Philippe-Auguste étant sur le point de partir pour la Terre-sainte, en 1190, fit une ordonnance, qui est intitulée testamentum ; c’est un réglement pour la police du royaume : il a été qualifié testament, soit parce que le roi y fait plusieurs dispositions pour la distribution de ses trésors, au cas que lui & son fils vinssent à mourir pendant ce voyage, ou plutôt cette ordonnance a été qualifiée testament, dans le même sens que la chartre d’Henri premier, quasi testimonia nostræ autoritatis : quoi qu’il en soit, ce testament est regarde par quelques-uns comme la plus ancienne ordonnance proprement dite, du tems de la troisime race. Le roi ne s’y sert pourtant point du terme ordonnons, mais de ceux-ci volumus, præcipimus, prohibemus, qui reviennent au même ; & il ne qualifie ce testament à la fin que de præsentem paginam, de même que d’autres lettres qu’il donna en 1197. Cette expression se trouve encore dans plusieurs autres lettres postérieures ; mais ces mots sont désignatifs & non qualificatifs.

Les premieres lettres où il se soit servi du terme ordinamus, sont celles qu’il accorda à l’université en 1200.

Ce terme ordinamus ou ordinatum fuit, fut souvent employé dans la suite pour exprimer les volontés du prince : cependant elles n’étoient pas encore désignées en françois par le terme d’ordonnance.

En faisant mention que les lettres alloient être scellées du sceau du prince, & souscrites de son nom ; on mettoit auparavant à la fin de la plûpart des lettres cette clause de style, quod ut firmum & stabile maneat, ou bien quod ut stabilitatis robur obtineat ; on forma de-là le nom de stabilimentum ou établissement, que l’on donna aux ordonnances du roi.

Beaumanoir dans ses coutumes de Beauvaisis dit, que quand le roi faisoit quelque établissement spécialement en son domaine, les barons ne laissoient pas d’en user en leurs terres, selon les anciennes coutumes ; mais que quand l’établissement étoit général, il devoit avoir cours par-tout le royaume ; & nous devons croire, dit-il, que tel établissement étoit fait par très-grand conseil, & pour le commun profit.

Les seigneurs barons s’ingéroient alors de faire aussi des établissemens ou ordonnances dans leurs domaines, ce qui étoit un attentat à l’autorité royale, lequel fut depuis réprimé.

La premiere ordonnance que l’on trouve, intitulée établissement, est celle de Philippe Auguste, du premier Mai 1209. Il n’y a cependant pas dans le corps de la piece la qualification de stabilimentum, comme elle se trouve dans plusieurs autres semblables établissemens : il est dit en tête de celui-ci, que le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de Boulogne & de S. Pol, le seigneur de Dampierre, & plusieurs autres grands du royaume de France, sont convenus unanimement, & ont confirmé par un consentement public, qu’à l’avenir on en useroit pour les fiefs, suivant ce qui est porté ensuite ; ce qui feroit croire que les établissemens étoient des ordonnances contestées avec les barons, & pour avoir lieu dans leurs terres, aussi bien que dans celle du domaine.

Cependant le roi faisoit aussi des ordonnances qui n’avoient lieu que dans son domaine, & qu’il ne laissoit pas de qualifier d’établissement, ce qui se trouve conforme à la distinction de Beaumanoir.

C’est ainsi que Philippe-Auguste fit, en Mars 1214, une ordonnance touchant les Croisés, qui est intitulée stabilimentum cruce signatorum, dans le second registre de Philippe-Auguste, qui est au trésor des chartres ; & néanmoins dans le premier registre il y a d’autres lettres touchant les Croisés, qui sont intitulées carta.

On remarque seulement dans cet établissement, que le roi y annonce, que du consentement du légat, il s’est fait informer par les évêques de Paris & de Soissons de quelle maniere la sainte Eglise avoit coutume de défendre les libertés des Croisés, & qu’information faite pour le bien de la paix entre le sacerdoce & l’empire, jusqu’au concile qui devoit se tenir incessamment, ils avoient arrêté que l’on observeroit les articles qui sont ensuite détaillés à la fin de cet article ; le roi ordonne qu’ils seront observés dans tout son domaine jusqu’au concile ; mais il a soin de mettre, que c’est sans préjudice des coutumes de la sainte Eglise, du droit & des coutumes du royaume de France, & de l’autorité de la sainte Eglise romaine : on voit par-là qu’il n’avoit pas fait tout seul ce réglement ; qu’il n’avoit fait qu’adopter ce qui avoit été reglé par le légat & par deux évêques, & c’est apparemment pour cela qu’il le nomme établissement.

Son ordonnance du mois de Février 1218 touchant les Juifs, est qualifiée par lui de constitution : elle commence par ces mots hæc est constitutio ; ainsi, toute ordonnance n’étoit pas qualifiée d’établissement.

On a encore de ce prince deux établissemens sans date ; l’un intitulé stabilimentum, qui est rédigé dans le goût des capitulaires : en effet, il commence par ces mots primum capitulum est, & ensuite secundum capitulum, & ainsi des autres : chaque capitule contient une demande faite au roi, laquelle est suivie de la réponse ; celle qui est faite au premier article, est conçue en cette forme : responsio ; in hoc concordati sunt rex & barones. Les autres réponses contiennent les accords faits avec le clergé : ce concordat ne doit pourtant pas être considéré comme une simple convention, parce que le roi, en se prêtant à ce concordat, lui donnoit force de loi.

L’autre établissement, qui est la derniere ordonnance que l’on rapporte de Philippe-Auguste, commence par ces mots, hoc est stabilimentum quod rex facit judæis. Celui-ci est fait par le roi, du consentement de la comtesse de Troyes & de Guy de Dampierre ; & il est dit à la fin, qu’il ne durera que jusqu’à ce que le roi, ces deux seigneurs, & les autres barons, dont le roi prendra l’avis, le jugeront à propos.

Ce que l’on vient de remarquer sur ces deux derniers établissemens, confirme bien que l’on ne donnoit ce nom qu’aux réglemens qui étoient faits de concert avec quelques autres personnes, & principalement lorsque c’étoit avec d’autres seigneurs, & pour que l’ordonnance eût lieu dans leurs domaines.

Les historiens font mention de plusieurs autres ordonnances de Philippe-Auguste ; mais que l’on n’a pu recouvrer ; & il est probable que dans ces tems tumultueux, où l’on étoit peu versé dans les lettres, & où l’on n’avoit point encore pensé à mettre les ordonnances dans un dépôt stable, il s’en est perdu un grand nombre.

Ce fait est d’autant plus probable, que l’on sait qu’en 1194, Philippe-Auguste ayant été surpris près de Blois par Richard IV. roi d’Angleterre & duc de Normandie, avec lequel il étoit en guerre, il y perdit tout son équipage, les scels, chartres, & beaucoup de titres & papiers de la couronne.

Quelques auteurs néanmoins du nombre desquels est M. Brussel (usage des fiefs), tiennent que les Anglois n’emporterent point de registres, ni de titres considérables ; qu’on ne perdit que quelques pieces détachées.

Mais il est toujours certain, suivant Guillaume Brito, que cette perte fut très-grande, & que dans le grand nombre de chartres qui furent perdues, il y avoit sans doute plusieurs ordonnances, ou comme on disoit alors, établissemens. Le roi donna ordre de réparer cette perte, & chargea de ce soin frere Gautier ou Guerin, religieux de l’ordre de saint Jean de Jerusalem, évêque de Senlis, lequel étoit aussi garde des sceaux sous Philippe-Auguste, & fut ensuite chancelier sous Louis VIII. & saint Louis. Guerin recueillit tout ce qu’il put trouver de copies des chartres, & rétablit le surplus de mémoire le mieux qu’il put : il fut résolu de mettre ce qui restoit, & ce qui seroit recueilli à l’avenir en un lieu où ils ne fussent point exposés à tant de hasards ; & Paris fut choisi, comme la ville capitale du royaume pour la conservation de ces titres ; & il est à croire que les plus anciens furent enlevés par les Anglois, puisqu’il ne se trouve rien au trésor des chartres, que depuis le roi Louis le Jeune, dont la premiere ordonnance est de l’an 1145.

Telle fut l’origine du trésor des chartres, dans lequel une partie des ordonnances de la troisieme race se trouve conservée tant dans les deux registres du tems de Philippe-Auguste, que dans d’autres pieces qui sont dans ce dépôt.

Il y en a néanmoins cinq ou six qui sont antérieures à ces registres, qui ont été tirées de divers autres dépôts, comme de quelques monasteres, & une de 1137 tirée de la chambre des comptes.

Nous n’avons de Louis VIII. que deux ordonnances.

L’une de l’an 1223, touchant les Juifs, dans le préambule de laquelle il dit, fecimus stabilimentum super Judæos ; & un peu plus loin, stabilimentum autem tale est, c’est encore un concordat fait avec divers seigneurs, qui sont dénommés dans le préambule, tant archevêques qu’évêques, comtes, barons & chevaliers militum, lesquels, est-il dit, ont juré d’observer cet établissement.

L’autre, qui est de l’année suivante, concernant des mauvaises coutumes de la ville de Bourges, qui avoient été abolies, fait mention d’une ordonnance de Philippe-Auguste, qu’il qualifie in litteris suis. Louis VIII. ne désigne point celle-ci par le terme de stabilimentum ; mais il met à la fin la clause ordinaire ut autem hæc omnia stabilitatis robur obtineant, præfatam paginam sigilli nostri autoritate, &c. C’est le prince qui ordonne seul de l’avis toutefois de son conseil, magno nostrorum & prudentium consilio.

S. Louis, dans son ordonnance de 1228, se sert tantôt du terme ordinamus, & tantôt de ceux de statuimus ou mandamus.

Dans celle de 1230, il dit statuimus, & plus loin, hæc statuta faciamus servari ; & vers la fin il ajoute hæc voluimus & juravimus. Cette ordonnance est faite par le roi, de sincerâ voluntate nostrâ & de communi consilio baronum : le roi ordonne tant pour ses domaines que pour les barons ; cette ordonnance n’est pourtant pas qualifiée d’établissement : les réglemens qu’elle contient ne sont qualifiés que de statuts ; mais le roi déclare qu’il veut qu’elle soit gardée par ses héritiers, & par ses barons & leurs héritiers, & l’ordonnance est signée par sept barons différens, lesquels mettent chacun ego.. T... eadem volui, consului & juravi.

Son ordonnance de 1230 commence par anno domini institutum est à Ludovico, &c. Le premier article porte sciendum est, & les suivans commencent par præceptum est.

Celle qu’il fit en 1235 commence par ordinatum fuit : il y a lieu de croire qu’elle fut faite dans un parlement, attendu que cette forme annonce un procès-verbal plutôt que des lettres du prince.

Mais ce qui mérite plus d’être remarqué, c’est que les lettres ou ordonnances de ce prince du mois de Juin 1248, par lesquelles il laisse la régence à la reine sa mere pendant son absence, sont émanées de lui seul.

On en rapporte une autre faite par ce prince en 1245, avec la traduction françoise à côté ; le tout est tiré d’une ordonnance du roi Jean, où celle-ci est rapportée, & la traduction paroît être du tems de S. Louis, tant l’ouvrage en est barbare.

Ses lettres du mois d’Avril 1250, contenant plusieurs réglemens pour le Languedoc, sont proprement un rescrit : en effet, il s’y exprime en ces termes, consultationibus vestris duximus respondendum taliter, & ailleurs on trouve encore le terme de respondemus.

L’ordonnance qu’il fit en 1254 pour la réformation des mœurs dans le Languedoc, & dans le Languedoil, est intitulée dans les conciles de la Gaule narbonoise de M. Baluze, hæc stabilimenta per dominum regem Franciæ, &c. Au commencement de la piece saint Louis dit subscripta duximus ordinanda ; & plus loin, en parlant d’une ordonnance qui avoit été faite pour les Juifs, il la qualifie d’ordinationem.

Dans une autre, du mois de Février de la même année, il dit ordinavimus, & ailleurs ordinamus & præcipimus ; & à la fin, enjoint de mettre cette ordonnance avec les autres, inter alias ordinationes prædictas conscribi volumus, ce qui fait connoître qu’il y avoit dès-lors un livre où l’on transcrivoit toutes les ordonnances.

Il en fit une françoise en 1256 pour l’utilité du royaume, laquelle commence par ces mots : Nous établissons que, &c. Ces termes sont encore répétés dans un autre endroit ; & ailleurs il dit : nous voulons, nous commandons, nous défendons ; celle-ci ne paroît qu’une traduction de celle de 1254, avec néanmoins quelques changemens & modifications ; mais ce qui est certain, c’est que le texte de cette ordonnance françoise n’a point été composé tel qu’il est rapporté, le langage françois que l’on parloit du tems de saint Louis étant presque inintelligible aujourd’hui sans le secours d’un glossaire.

Quoique saint Louis se servît volontiers du terme d’établissement, ce style n’étoit pourtant pas uniforme pour toutes les ordonnances ; car celle qu’il fit dans la même année touchant les mairies, commence par nous ordonnons, & ce terme y est répété à chaque article.

De même, dans celle qu’il fit touchant l’élection des maires de Normandie, il commence par ces mots, nos ordinavimus, & à chaque article il dit, nos ordinamus.

On s’exprimoit souvent encore autrement, par exemple, l’ordonnance que saint Louis fit en 1262 pour les monnoies, commence ainsi, il est égardé, comme qui diroit on aura égard ou attention de ne pas faire telle chose : ce réglement avoit pourtant bien le caractere d’ordonnance, car il est dit à la fin facta fuit hæc ordinatio, &c.

Un autre réglement qu’il fit en 1265, aussi touchant les monnoies, commence par l’attirement que le roi a fait des monnoies est tiex (tel) ; on entendoit par attirement une ordonnance par laquelle le roi attiroit à ses hôtels les monnoies à refondre ou à réformer, ou plûtôt par laquelle il remettoit ou attiroit les monnoies affoiblies à leur juste valeur : peut-être attirement se disoit-il par corruption pour attitrement, comme qui diroit un réglement qui mettoit les monnoies à leur juste titre ; & ce qui justifie bien que cet attirement étoit une ordonnance, c’est que le roi l’a qualifié lui-même ainsi. Il veut & commande que cet ordennement soit tenu dans toute sa terre & ès terres de ceux qui n’ont point de propre monnoie, & même dans les terres de ceux qui ont propre monnoie, sauf l’exception qui est marquée, & il veut que cet attirement soit ainsi tenu par tout son royaume.

Il fit encore dans la même année une ordonnance pour la cour des esterlins, laquelle commence par ces mots, il est ordonné, & à la fin il est dit, facta fuit hæc ordinatio in parlamento, &c.

Quand le roi donnoit un simple mandement, on ne le qualifioit que de lettres, quoiqu’il contînt quelqu’injonction qui dût servir de regle. C’est ainsi qu’à la fin des lettres de saint Louis du mois de Janvier 1268 il y a, istæ litteræ missæ fuerunt clausæ omnibus baillivis.

Quelquefois les nouvelles lois étoient qualifiées d’édits ; on en a déja fait mention d’un de Louis-le-Gros en 1118. Saint-Louis en fit aussi un au mois de Mars 1268, qu’il qualifie d’edicto consultissimo ; cet édit ou ordonnance est ce qu’on appelle communément la pragmatique de saint Louis.

On voit par les observations précédentes que les ordonnances recevoient différens noms, selon leur objet, & aussi selon la maniere dont elles étoient formées. Quand nos rois faisoient des ordonnances pour les pays de leur domaine, ils n’employoient que leur seule autorité ; quand ils en faisoient qui regardoient le pays des barons ou de leurs vassaux, elles étoient ordinairement faites de concert avec eux, ou scellées ou souscrites d’eux ; autrement les barons ne recevoient ces ordonnances qu’autant qu’ils y trouvoient leur avantage. Les arriere-vassaux en usoient de même avec les grands vassaux ; & il paroît que l’on appelloit établissement les ordonnances les plus considérables & qui étoient concertées avec les barons dans des assemblées de notables personnages.

La derniere ordonnance connue sous le nom d’établissement, est celle de saint Louis en 1270. Elle est intitulée les établissemens selon l’usage de Paris & de cour de baronnie : dans quelques manuscrits ils sont appellés les établissemens le roi de France.

Quelques-uns ont révoqué en doute que ces établissemens aient eu force de loi ; ils ont prétendu que ce n’étoit qu’une compilation ou traité du droit françois, d’autant qu’ils sont remplis de citations de canons, de decrets, de chapitres, des décretales, & de lois du digeste & du code, ce qui ne se voit point dans toutes les ordonnances précédentes de la troisieme race.

Il est néanmoins vrai que ces établissemens furent autorisés par saint Louis ; c’est une espece de code qu’il fit faire peu de tems avant sa seconde croisade ; l’on y inséra des citations pour donner plus d’autorité ; ce qui ne doit pas paroître extraordinaire, puisque nous avons vu de nos jours cette méthode renouvellée dans le code Fréderic : les établissemens de saint Louis sont distribués en deux parties, & chaque partie divisée par chapitres : ils contiennent en tout 213 chapitres.

Charles VI. s’est pourtant encore servi du terme d’établissement dans des lettres de 1394 touchant les Juifs. Il ordonne par maniere d’établissement ou constitution irrévocable, c’est ainsi qu’il explique lui-même le terme d’établissement.

Dans la plûpart des ordonnances qui furent faites par nos rois depuis le tems de saint Louis, ils s’expriment par ces mots, ordinatum fuit ; il se trouve un assez grand nombre de ces ordonnances faites au parlement, même depuis qu’il eut été rendu sédentaire à Paris : cela étoit encore assez commun vers le milieu du xjv. siecle ; il s’en trouve même encore de postérieures, notamment des lettres de 1388, comme on l’a dit au mot Enregistrement.

Mais la premiere loi de cette espece qui ait été qualifiée en françois ordonnance, est celle de Philippe-le-Bel, faite au parlement de la pentecôte en 1287, touchant les bourgeois, qui commence par ces mots : « c’est l’ordonnance faite par la cour de notre seigneur le roi, & de son commandement ».

Depuis ce tems, le terme d’ordennance ou ordonnance devint commun, & a été enfin consacré pour exprimer en général toute loi faite par le prince.

Il y en a pourtant de postérieures à celle de 1287, qui sont encore intitulées autrement, telle que celle du 3 Mai 1302 pour les églises de Languedoc, qui est intitulée statutum regium, d’autres sont encore qualifiées ordinationes.

On comprend sous le terme général d’ordonnance du roi, tant les ordonnances proprement dites que les édits, déclarations, & lettres patentes de nos rois.

Les ordonnances proprement dites, sont des réglemens généraux sur une ou plusieurs matieres, & principalement sur ce qui est du droit public, & ce qui concerne les formes de rendre la justice.

Les édits sont des lettres de chancellerie, que le roi donne de son propre mouvement, pour servir de loi à ses sujets sur une certaine matiere.

Les déclarations sont aussi des lettres de chancellerie, par lesquelles le roi déclare sa volonté sur l’exécution d’un édit ou d’une ordonnance précédente, pour l’interpréter, changer, augmenter ou diminuer.

On trouve un exemple d’une déclaration du roi dès le 26 Décembre 1335, donnée sur une ordonnance du 11 Mai 1333. Les gens des comptes avoient supplié le roi d’expliquer sa volonté sur un objet qui n’étoit pas spécifié dans son ordonnance ; & le roi dit qu’il vouloit en avoir sa déclaration & savoir son entente, & en conséquence il explique son intention & sa volonté : on trouve pourtant peu d’ordonnances qui aient été qualifiées de déclarations jusqu’au commencement du xvj. siecle : les édits sont encore en plus petit nombre que les déclarations.

Le pouvoir de faire de nouvelles ordonnances, édits ou déclarations, de les changer, modifier, n’appartient en France qu’au roi, dans lequel seul réside tout le pouvoir législatif.

Mais comme on ne sauroit apporter trop d’attention à la rédaction des ordonnances, nos rois ont coutume de prendre l’avis de personnes sages & éclairées de leur conseil.

Les anciennes ordonnances se faisoient de deux manieres ; les unes étoient arrêtées dans le conseil intime & secret du roi ; celles qui paroissoient plus importantes, étoient délibérées dans des assemblées plus nombreuses.

Les premieres chartres ou lettres qui nous restent des rois de la troisieme race, sont signées des grands officiers de la couronne, & de quelques autres notables personnages.

Quelques auteurs ont avancé que toutes celles qui n’étoient pas signées des grands officiers de la couronne, étoient délibérées en parlement, comme en effet cela se pratiquoit assez ordinairement, mais on n’en trouve pas des preuves pour toutes les ordonnances.

Les lettres d’Henri I. de l’an 1051, que l’on met en tête des ordonnances de la troisieme race, sont d’abord scellées du scel du roi, comme c’étoit la coutume : il est dit sigillo & annulo : dans d’autres il est dit sigillo nostræ majestatis.

Quelquefois, outre son scel, le roi mettoit sa signature ; dans d’autres ordonnances il n’en est point parlé, quoiqu’elles fussent souscrites de plus grands du royaume.

Une autre singularité qui se trouve dans les lettres données à Orléans l’an 1051, dont on a déja parlé, c’est que la signature de l’évêque d’Orléans y est avant celle du roi ; ensuite celle de l’archevêque de Reims, de Hugues Bardoul, celle de Hugues Bouteiller (c’étoit le grand bouteiller de France) : il y a encore quelques autres signatures de divers particuliers qui paroissent être des officiers du chapitre : enfin est celle de Baudouin chancelier, lequel signa le dernier, ce qu’on exprime par ce mot subscripsit.

Les lettres de Philippe I. en 1105, qui ne sont proprement qu’un rescript, sont signées de lui seul ; il n’y est même pas fait mention qu’il eût pris l’avis de personne ; il dispose de sa seule autorité, nostræ majestatis autoritate res prætaxatas à pravâ consuetudine liberamus.

Quelquefois les lettres de nos rois étoient données de l’avis des évêques & grands du royaume, & néanmoins elles n’étoient signées que des grands officiers de la couronne : c’est ainsi que les lettres de Louis le Gros en 1118 sont données, communi episcoporum & procerum consilio & assensu & regiæ autoritatis decreto. Les grands, comme on voit, ne donnoient qu’un avis & consentement ; le roi parloit seul avec autorité. Ces lettres ne sont point signées de ces évêques & grands, il est seulement dit qu’elles furent données à Paris publiquement, publicè. Il y en a beaucoup d’autres où la même chose se trouve exprimée ; ce qui fait voir que l’on a toujours reconnu la nécessité de donner aux nouvelles lois un caractere de publicité par quelque forme solemnelle. Enfin, il est dit que ces lettres furent données adstantibus in palatio nostro quorum nomina substituta sunt & signa ; & ensuite sont les noms & seings du grand maître dapiferi, du connétable, du bouteiller, du chambre, & il est fait mention que ces lettres ont été données par la main du chancelier, data per manum Stephani cancellarii, ce qui se trouve exprimé de même à la fin de plusieurs lettres.

Louis le Gros, dans des lettres de 1128, après avoir énoncé l’avis & le consentement des évêques & grands, fait mention qu’il a pris aussi l’avis & consentement d’Adélaïde sa femme, & de Philippe son fils, désigné roi. Cependant cette princesse ni son fils ne signerent point non plus que le roi ; il n’y eut que trois des grands officiers de la couronne. Il est dit que l’office de grand-maître n’étoit point rempli, dapifero nullo, & l’on ne fait point mention du chancelier.

Dans des lettres que ce même prince donna en 1134, il dit, annuente Ludovico nostro filio in regem sublimato ; dans celles de 1137, il dit assentiente. Ces dernieres lettres sont faites en présence de deux sortes de personnes ; les unes à l’égard desquelles il est dit in præsentiâ, & qui ne signent point ; savoir, l’évêque de Chartres, légat du saint siége, Etienne évêque de Paris, Sugger abbé de saint Denis, c’étoit le ministre de Louis le Gros, Girard abbé de Josaphat, Algrin qui est qualifié à secretis nostris, c’est-à-dire secrétaire du roi. A l’égard des autres personnes, ce sont les grands officiers de la couronne, qui sont dits astantibus in palatio nostro, & dont les noms & seings se trouvent ensuite. Ceux ci étoient aux côtés du prince, les autres étoient présens, mais n’approchoient pas si près de la personne du roi ; cette distinction se trouve observée dans plusieurs autres lettres & ordonnances.

L’ordonnance de 1190, connue sous le nom de testament de Philippe Auguste, ne fait point mention qu’il eût pris l’avis d’aucun des grands ; le roi dit qu’il l’a fait consilio altissimi. Elle est néanmoins signée des grands officiers de la couronne, quoiqu’elle ne soit pas dite faite publicè ; il s’en trouve plusieurs autres semblables, où ils ont pareillement souscrit ; celle-ci est donnée vacante cancellariâ, & est signée du roi.

Plusieurs anciennes ordonnances ne font aucune mention des signatures & seings, soit que cette partie de la piece ait été adhirée, soit parce qu’elles aient été extraites d’autres ordonnances où l’on avoit retranché cette forme comme inutile.

Quelquefois tous les grands qui étoient présens à la confection d’une ordonnance, y apposoient leurs sceaux avec les grands officiers de la couronne ; cela se pratiquoit sur-tout dans les établissemens, comme il paroît par celui de 1223, fait par Louis VIII. touchant les Juifs. Il est dit que tous les comtes, barons, & autres, qui y sont dénommés, y ont fait mettre leurs sceaux. C’étoit ainsi que l’on souscrivoit alors les actes ; car l’ignorance étoit si grande, sur-tout chez les laïcs, que peu de personnes savoient écrire. On faisoit écrire le nom de celui qui vouloit apposer son sceau, en ces termes, signum Hugonis, ou autre nom ; & ensuite celui dont le nom étoit écrit apposoit son sceau à côté de ce nom.

Quand le roi ne se trouvoit pas accompagné des grands officiers de la couronne, à leur défaut on appelloit d’autres personnes à la confection des ordonnances, pour y donner la publicité ; on prenoit ordinairement les personnages les plus notables du lieu ; dans quelques occasions de simples bourgeois furent appellés.

Par exemple, dans l’ordonnance que saint Louis fit à Chartres en 1262 touchant les monnoies, il est dit qu’à la confection de cette ordonnance, assisterent plusieurs bourgeois qui y sont dénommés, & qui sont dits jurati, c’est-à-dire, qui avoient prêté serment ; savoir trois bourgeois de Paris, trois bourgeois de Provins, deux bourgeois d’Orléans, deux de Sens, & deux de Laon. Il paroît assez singulier que l’on eût ainsi rassemblé à Chartres des bourgeois de différentes villes, & qu’il n’y en eût aucuns de la ville même ; on n’avoit apparemment appellé que ceux qui étoient le plus au fait des monnoies.

Au reste, il se trouve fort peu d’ordonnances du tems de saint Louis, qui fassent mention que l’on y ait apposé d’autres sceaux que celui du roi.

La formule de la plûpart des ordonnances de ce regne, de celui de Philippe le Hardy, & de celui de Philippe-le-Bel, énonce qu’elles furent faites au parlement ; le roi étoit présent à ces délibérations, & les ordonnances que l’on y proposoit y étoient corrigées quand il y avoit lieu.

Le roi Jean finit une ordonnance en disant, que s’il y a quelque chose à y ôter, ajouter, changer, ou interpréter, cela sera fait par des commissaires qu’il députera à cet effet, & qui en délibéreront avec les gens du parlement ; elles sont relatées dans le registre des enquêtes, ou dans les registres olim dont elles tirent toute leur authenticité.

Ce que l’on trouve de plus remarquable du tems de Philippe-le-Bel par rapport à la maniere dont se faisoient les ordonnances, c’est premierement celle de 1287, qui fut faite au parlement touchant les bourgeoisies ; il est dit qu’elle fut faite par la cour de notre seigneur le roi ; mais il y a tout de suite ces mots, & de son commandement.

On trouve au bas d’une ordonnance de 1288, qu’elle fut registrée inter judicia consilio & arresta expedita in parlamento omnium sanctorum.

Celle de 1291, touchant le parlement, fut faite au parlement même tenu à Paris.

Philippe-le-Bel en fit une autre à Paris en 1295, par laquelle il promit de dédommager ceux qui prendroient de sa nouvelle monnoie ; il y obligea son domaine, ses héritiers & successeurs, & généralement tous ses biens & les leurs, & spécialement tous ses revenus & produits de la province de Normandie, & ce de la volonté & consentement de sa très chere femme Jeanne reine de France. Il finit en ordonnant l’apposition de son sceau ; ensuite la reine parle à son tour, & ratifie le tout, & y fait mettre son scel avec celui du roi ; il y a encore une ordonnance semblable de la même année.

Celle de 1298, concernant le jugement des hérétiques, fut donnée en présence d’un archevêque, & de trois évêques.

Dans un mandement du 25 Août 1302, il dit qu’il a été accordé ensemblement de plusieurs de ses amés & féaux prélats & barons avec son conseil ; il y en a un semblable de 1303, & deux ordonnances de 1306, qui sont faites de même.

L’ordonnance du mois de Novembre concernant le châtelet, fut faite par le roi & son conseil ; mais il paroît que ce conseil n’étoit autre chose que le parlement que l’on appelloit encore communément le conseil du roi. Dans quelques ordonnances postérieures, il est dit qu’elles furent faites par délibération du grand conseil du roi ; & dans quelques-unes, il ajoute & de ses barons.

Depuis que le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, les ordonnances ne se firent plus guere au parlement, mais dans le conseil particulier du roi. Il fut même ordonné en 1359, que dorénavant il ne se feroit plus aucunes ordonnances, que ce ne fût par délibération de ceux du conseil ; quelquefois ce conseil se tenoit en la chambre des comptes ; quelquefois dans la chambre du parlement ; c’est pourquoi l’on trouve encore quelques ordonnances qui furent faites au parlement jusqu’en 1388.

Dans ces premiers tems, le roi envoyoit quelquefois ses ordonnances à la chambre des comptes pour y être registrées ; on en trouve des exemples en 1320, 1323, & 1361 : il chargeoit même aussi quelquefois la chambre d’en envoyer des copies vidimées aux baillifs & sénéchaux. On appelloit vidimus, un transcrit de l’ordonnance qui étoit collationné par quelque officier public.

Le prevôt de Paris faisoit quelquefois des ordonnances pour la police de son siége, lesquelles étoient ensuite adoptées & autorisées par le roi ; témoin l’ordonnance de Philippe-le-Bel, du premier Mai 1313, qui homologue un reglement de cette espece.

Depuis que l’on eut introduit de faire assembler les trois états, ce qui commença sous Philippe, il y eut plusieurs ordonnances faites aux états, ou sur leurs remontrances, doléances, & supplications ; mais dans tous les tems, ç’a toujours été le roi qui a ordonné, les états ne faisoient que requérir. Voyez États.

Une grande partie des ordonnances, faites jusqu’au tems de S. Louis, commence par ces mots, in nomine sanctæ & individuæ trinitatis ; quelques-unes par in nomine domini ; plusieurs commencent par le nom du roi, comme Ludovicus Dei gratiâ Francorum rex ; dans quelques-unes au lieu de Dei gratiâ, il y a Dei misericordiâ. Cet intitulé répond à celui qui est encore usité présentement : Louis, par la grace de Dieu, roi de France & de Navarre.

Les établissemens qui étoient des especes de concordats faits avec les barons, commencent la plûpart comme on l’a déjà dit par ces mots, hoc est stabilimentum.

Les ordonnances qui commencent par ordinatum fuit, sont celles qui avoient été formées dans l’assemblée du parlement.

Il s’en trouve plusieurs autres qui commencent de diverses manieres, soit que l’intitulé en ait été retranché, soit parce que ces pieces sont plutôt une relation des ordonnances que ces ordonnances mêmes. Telle est celle de Philippe Auguste, du mois de Juillet 1219, qui commence par ces mots, dominus rex statuit, &c.

Pour ce qui est de ceux à qui les ordonnances sont adressées, les plus anciennes sont adressées à tous les fideles présens & à venir : notum fieri volo, dit Henri I. en 1051, cunctis fidelibus sanctæ Dei ecclesiæ, tam præsentibus quam futuris. Louis le Gros dans plusieurs de ses lettres dit de même, omnibus Christi fidelibus. Mais avant lui Philippe I. adressa des lettres, universis in regno francorum. Louis le Gros adresse un mandement en 1134, tam præsentibus quam futuris : Il y en a beaucoup d’autres semblables. Cette clause est encore d’usage dans les ordonnances & édits, le quels sont adressés au commencement, à tous présens & à venir.

Au surplus, il faut observer que la différence de l’adresse dépendoit beaucoup de la qualité de l’ordonnance ; quand elle étoit générale, & qu’elle devoit avoir lieu dans tout le royaume, l’adresse étoit plus générale ; quand son objet étoit limité à certains pays ou personnes, elle étoit adressée à ceux qu’elle concernoit.

Ainsi quand Louis le Gros en 1137, abolit dans l’Aquitaine le droit d’hommage & d’investiture, en faveur des archevêques, évêques & autres prélats, ses lettres sont adressées à l’archevêque de Bordeaux, ses suffragans, aux abbés de la province, & à leurs successeurs à perpétuité.

L’ordonnance de 1190, appellée le testament de Philippe Auguste, ne contient aucune adresse : il se trouve plusieurs autres ordonnances dans lesquelles il n’y en a point non plus.

Les premieres lettres où l’on trouve l’origine de cette forme d’adresse, à nos amés & féaux, ce sont celles de Philippe Auguste en 1208 ou 1209, pour les patronages de Normandie, l’adresse en est faite, amicis & fidelibus suis, Rothomagensi episcopo, & universis episcopis Normanniæ ejus suffragantis ; cette forme est encore usitée présentement dans l’adresse ou mandement qui se met à la fin des ordonnances, édits & déclarations en ces termes : si mandons à nos amés & féaux, &c. clause qui s’adresse aux cours souveraines, & autres officiers auxquels le roi envoie ses nouvelles ordonnances pour les faire exécuter.

Philippel e Bel, dans des lettres du mois de Mars 1299, dit à la fin, damus igitur ballivis nostris...... in mandamentis ; d’où a été imitée cette clause, si donnons en mandement, qui revient au même que la clause si mandons, &c.

On lit aussi dans les lettres de Philippe Auguste de 1209, après l’adresse qui est au commencement ces mots, salutem & dilectionem, d’où est venu la clause salut savoir faisons, usitée dans les ordonnances & autres lettres, & dans l’intitulé des jugemens.

On trouve deux autres lettres ou ordonnances de Philippe Auguste, de l’an 1214, adressées universis amicis & fidelibus suis baronibus, & aliis ad quos præsentes litteræ pervenerint. C’est de cette adresse qu’est encore venue cette clause usitée dans les déclarations du roi. Le préambule des anciennes ordonnances commençoit ordinairement par notum facimus, ou notum fieri volumus, ou noveritis, noverint universi. Les lettres de S. Louis, en 1234, touchant les Juifs, commencent par sciendum est : on reconnoît encore là ce style de savoir faisons que, &c. usité dans quelques déclarations, & dans les jugemens & actes devant notaires.

S. Louis dans des lettres du mois d’Avril 1250, mande à ses baillifs, & à ceux des seigneurs, de tenir la main à l’exécution ; dans sa pragmatique de l’an 1260, il mande à tous ses juges, officiers & sujets, & lieutenans, chacun en droit soi, de garder cette ordonnance.

L’ordonnance françoise de Philippe III. faite au parlement de la Pentecôte en 1273, est adressée à tous ses amés & féaux.

Présentement toutes les ordonnances, édits & déclarations, sont des lettres intitulées du nom du roi, & signées de lui, contresignées par un sécrétaire d’état, scellées du grand sceau, & visées par le garde des sceaux.

Les ordonnances & édits contiennent d’abord après le nom du roi cette adresse, à tous présens & à venir salut ; ils ne sont datés que du mois & de l’année, & on les scelle en cire verte sur des lacs de soie verte & rouge ; au lieu que dans les déclarations il y a ces mots, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut : elles ne sont scellées qu’en cire jaune sur une double queue de parchemin, & sont datées du jour du mois & de l’année.

Il y a pourtant quelques édits rédigés en forme de déclarations, comme l’édit de Cremiere, après le préambule où le roi annonce les motifs de sa loi il dit : « A ces causes, de l’avis de notre conseil, & de notre certaine science, pleine puissance & autorité royale, nous avons dit & déclaré, disons, déclarons, ordonnons, voulons & nous plaît ce qui suit ».

Quand le prince est mineur, il ordonne de l’avis du régent ; on y ajoute quelquefois les princes du sang & quelques autres grands du royaume, pour donner plus de poids à la loi.

A la suite des dispositions des ordonnances, édits & déclarations, est la clause, si mandons, qui contient l’adresse que le roi fait aux cours & autres tribunaux, pour leur enjoindre de tenir la main à l’exécution de la nouvelle ordonnance, & est terminée par cette clause : car tel est notre plaisir, dont on dit que Louis XI. fut le premier qui s’en servit.

Outre la date du jour du mois & de l’année, on marque aussi l’année du regne. Anciennement on marquoit aussi l’année du regne de la reine, & même celle du prince qui étoit désigné pour successeur : il y en a quelques exemples au commencement de la troisieme race ; mais cela ne se pratique plus.

Il y a des ordonnances que le roi fait pour régler certaines choses particulieres, comme pour la police de ses troupes, pour l’expulsion des vagabonds, la défense du port d’armes, &c. celles-ci sont ordinairement en cette forme : De par le roi, sa majesté étant informée, &c. elles sont simplement signées du roi, & contresignées d’un secrétaire d’état.

Depuis que le parlement fut rendu sédentaire à Paris, on ne laisse pas de trouver encore des ordonnances, mandemens & autres lettres, adressés directement au prevôt de Paris, & aussi aux baillifs & sénéchaux du ressort, au maître des forêts, au duc de Bretagne & à d’autres officiers, chacun pour ce qui les concernoit. Philippe de Valois, dans des lettres du mois de Novembre 1329, dit à la fin à tous ducs, comtes, barons, sénéchaux, baillifs, prevôts, viguiers, baillifs, châtelains & à tous autres justiciers de notre royaume, lesdites clauses être gardées, &c. Il se trouve plusieurs adresses semblables faites en divers tems.

Philippe le Bel adresse en 1308 des lettres, « à nos amés & féaux les gens de l’échiquier de Rouen » : dilectis & fidelibus gentibus nostris scacarii Rothomagensis. Il en adresse de semblables en 1310, « à nos amés & féaux les gens de nos comptes ».

Les premieres lettres que nous ayons trouvé qui soient adressées au parlement de Paris, sont celles de Philippe V. dit le Long, de l’an 1318, dont l’adresse est faite au commencement : dilectis & fidelibus gentibus nostri parlamenti. Dans d’autres de 1328, il est dit, parlamenti Parisius ; & dans d’autres encore de la même année, gentibus nostris parlamentum tenentibus, comme on a dit depuis, les gens tenans notre cour de parlement.

Une chose remarquable dans les lettres de Philippe de Valois, du premier Juin 1331, qui sont adressées à nos amés & féaux les gens des comptes, c’est qu’il leur mande que cette présente ordonnance ils fassent signifier & publier à tous les sénéchaux & baillifs du royaume, ce qui depuis long-tems ne se pratique plus ainsi, les nouvelles ordonnances étant envoyées par le procureur-général du parlement aux baillifs & sénéchaux.

Les juges royaux ont toujours eu seuls le droit de faire crier & publier les nouvelles ordonnances dans tout leur district.

Anciennement nos rois faisoient quelquefois jurer aux principaux personnages de leur état, l’observation des ordonnances qui leur paroissoient les plus importantes. C’est ainsi que Charles VI. ayant fait le 7 Janvier 1400, une ordonnance concernant les officiers de justice & des finances, voulant qu’elle fût inviolablement observée, il ordonna que son observation seroit jurée par les princes du sang, les grands officiers étant en son conseil, par les gens du parlement, de la chambre des comptes, les trésoriers & autres semblables.

Le roi faisoit lui-même serment d’observer inviolablement certaines ordonnances, comme fit le même Charles VI. pour l’ordonnance du dernier Février 1401, touchant le domaine ; il fit serment le premier de l’observer inviolablement, & fit faire ensuite le même serment en sa présence, à ses oncles, à son frere, aux autres princes du sang, au connétable, au chancelier, aux gens du grand conseil (qui étoit le conseil du roi), à ceux du parlement & de la chambre des comptes, & aux trésoriers de Paris.

Le serment que faisoit alors le roi, & qui ne se pratique plus, doit paroitre d’autant moins extraordinaire que le roi à son sacre fait serment d’observer les lois, ce qui signifie qu’il se conformera en toutes choses à la justice & à l’équité, & aux lois subsistantes.

Il ne s’ensuit pas de-là que le roi soit tellement astreint de se conformer à ses propres ordonnances, ni même à celles de ses prédécesseurs, qu’il ne puisse jamais s’en écarter ; en effet il est certain que le roi peut par de nouvelles ordonnances, édits & déclarations, déroger aux anciennes ordonnances, les abroger, changer ou modifier.

Mais tant qu’elles ne sont point abrogées, elles ont toujours force de loi, le roi lui-même fait gloire de s’y conformer ; elles doivent pareillement être observées par tous les sujets du roi, & les juges sont également obligés de s’y conformer pour leurs jugemens ; c’est ce qui fut ordonné par Clotaire I. en 560, par l’édit de Roussillon, article xxxvj. l’édit de Louis XIII. du mois de Janvier 1629, article j. 53 & 54. il est enjoint aux cours d’observer les ordonnances anciennes & nouvelles qui n’ont point été abrogées ; & l’édit de Moulins, art. iv. ordonne que les cours de parlement procéderont à rigoureuses punitions des juges & officiers de leur ressort qu’elles trouveroient avoir contrevenu aux ordonnances.

C’est dans cet esprit que l’on a établi de tems immémorial l’usage de faire la lecture des ordonnances à la rentrée du parlement & des autres tribunaux.

Mais les lois ayant été trop multipliées pour pouvoir les lire toutes, la lecture que fait le greffier se borne à quelques articles qui concernent la discipline des tribunaux, & n’est plus qu’une vaine cérémonie ; on suppose que chacun doit les relire en son particulier pour s’en raffraichir la mémoire.

Il faut néanmoins convenir qu’il y a certaines dispositions d’ordonnances, qui sans avoir été formellement abrogées, sont tombées en désuétude, parce qu’elles ne conviennent plus aux mœurs présentes ; mais il dépend toujours de la volonté du roi de les remettre en vigueur & d’en prescrire l’observation.

Les cours & autres juges doivent tenir la main à l’exécution des ordonnances.

Les principales ordonnances de la troisieme race, & auxquelles le titre d’ordonnance proprement dite convient singulierement, sont celles du roi Jean en 1356 pour le gouvernement du royaume ; celle de Charles VII. en 1446 touchant le style du parlement ; celle que ce même prince fit au Montil-lès-Tours en 1453 ; celle de Louis XII. faite à Blois en 1498 ; l’ordonnance de François I. en 1535 concernant l’administration de la justice ; son ordonnance de Villers-Coterets en 1539 pour l’abréviation des procès ; l’ordonnance donnée par Charles IX. aux états d’Orléans en 1560 ; celle de Roussillon en 1463, qui est une suite de l’ordonnance d’Orléans ; celle de Moulins en 1566 pour la réformation de la justice ; celle de 1579, dite de Blois, faite sur les plaintes des états assemblés à Blois ; celle de 1629, appellée le code Michault.

Sous le regne de Louis XIV. on fit plusieurs grandes ordonnances pour la réformation de la justice, savoir l’ordonnance de 1667 pour la procédure ; celle de 1669 pour les commitimus ; une autre pour les eaux & forêts ; une en 1670 pour les matieres criminelles ; une en 1673 pour le commerce ; une en 1676 pour le bureau de la ville ; une en 1680 pour les gabelles ; une autre pour les aides ; une en 1681 pour les fermes ; une autre pour la marine ; & en 1687 une ordonnance pour les cinq grosses fermes.

Nous avons aussi plusieurs ordonnances célebres publiées par Louis XV. savoir l’ordonnance des donations en 1731 ; la déclaration de la même année sur les cas prévotaux & présidiaux ; l’ordonnance des testamens en 1735 ; la déclaration concernant les registres des baptêmes, mariages, sépultures, vêtures, &c. en 1736 ; l’ordonnance du faux & celle des évocations en 1737 ; le reglement de 1738 pour le conseil ; enfin l’ordonnance des substitutions en 1747.

Nous avons déjà vû ci-devant que dès le tems de Philippe Auguste il y avoit un dépôt pour les ordonnances ; que ce dépôt étoit le trésor des chartres ; que dès le xij. siecle il y avoit un livre ou registre dans lequel on transcrivoit les ordonnances, afin qu’elles ne se perdissent point.

Mais depuis que le parlement fut rendu sédentaire à Paris, le véritable dépôt des ordonnances a toujours été au greffe de cette cour ; si quelquefois on a négligé de les y envoyer, ou si on les a adressées ailleurs, c’est parce qu’il n’y avoit pas encore d’ordre certain bien établi.

Les registres des enquêtes & registres olim contiennent quelques ordonnances depuis 1252 jusqu’en 1318 ; mais ces registres ne sont pas des livres uniquement composés d’ordonnances, elles y sont mêlées avec des arrêts, des enquêtes, des procédures.

Les quatre plus anciens registres d’ordonnances sont cotés par les lettres A, B, C, D.

Le premier coté, A est intitulé ordinationes antiquæ, il comprend depuis 1337 jusqu’en 1415 ; il s’y trouve cependant quelques ordonnances antérieures à 1337. La plus ancienne ce sont des lettres-patentes de saint Louis, données à Fontainebleau au mois d’Août 1229, qui confirment les privileges de l’université de Paris, & la plus moderne est une déclaration donnée à Rouen le 7 Novembre 1415, pour la délivrance de ceux qui avoient été emprisonnés à cause des troubles.

Le second coté B, est le Volume croisé, ainsi appellé parce qu’il y a une croix marquée dessus, il comprend depuis 1415 jusqu’en 1426 : il y a pourtant aussi quelques ordonnances antérieures à 1415. La plus ancienne est un édit fait par Philippe de Valois à Gondreville le 13 Juillet 1342, portant reglement pour le service des maîtres des requêtes ordinaires de l’hôtel du roi ; la plus moderne faite par Charles VI. est une déclaration donnée à Saint-Faron près Meaux le 25 Janvier 1421, portant reglement pour l’alternative dans la collation des bénéfices, le reste de ce registre est rempli des ordonnances d’Henri VI. roi d’Angleterre, soi disant roi de France.

Le troisieme registre coté C, est intitulé liber accordorum ordina. Pictavis ; on l’appelle liber accordarum, parce qu’il contient des accords, lesquels ne pouvoient alors être faits sans être homologués au parlement, il comprend depuis 1418 jusqu’en 1436. Ce sont les ordonnances registrées au parlement de Paris transféré à Poitiers, faites par Charles VII. depuis l’année 1418, qu’il prit la qualité de régent du royaume, & depuis son avénement à la couronne jusqu’au 9 Avril 1434.

Le quatrieme registre coté D, est intitulé ordinationes barbinæ ; on croit que ces ordonnances ont été ainsi appellées du nom de celui qui les a recueillies & mises en ordre, il commence en 1427, & contient jusqu’au folio 33, la suite des ordonnances du roi d’Angleterre, & la derniere est du 16 Mars 1436, & ensuite jusqu’au folio 207 sont transcrites celles de Charles VII. depuis la réduction de la ville de Paris à son obéissance jusqu’à son décès arrivé le 22 Juillet 1461 ; la premiere qui est au folio 34, est un édit du 15 Mars 1435, qui confirme les arrêts & jugemens rendus par les officiers tenans le parti du roi d’Angleterre, & ensuite sont les premieres ordonnances faites par Louis XI.

Ces quatre premiers volumes sont suivis de trois volumes des ordonnances de ce roi, d’une de Charles VIII. d’une de Louis XII. de cinq de François I. de sept d’Henri II. de huit de Charles IX. de huit d’Henri III. d’une des ordonnances d’Henri III. & d’Henri VI. registrées au parlement de Paris séant à Tours, de six d’Henri IV. de huit de Louis XIII. & de celles de Louis XIV. dont il y a d’abord quarante-cinq volumes jusques & compris partie de l’année 1705, & le surplus de ses ordonnances jusques & compris 1715.

Les ordonnances du regne de Louis XV. composent déjà un très-grand nombre de volumes, sans compter les suivantes qui ne sont encore qu’en minute.

On a fait en divers tems différens recueils imprimés des ordonnances de nos rois de la troisieme race.

Le plus ancien est celui que Guillaume Dubreuil donna vers 1315, & dont il composa les trois parties de son style du parlement de Paris ; il ne remonta qu’au tems de saint Louis, parce que les ordonnances plus anciennes n’étoient pas alors bien connues.

Dumoulin revit ce style vers l’an 1549, & y ajouta plusieurs dispositions d’ordonnances latines de saint Louis & de ses successeurs, jusques & compris Charles VIII. Il divisa cette compilation en cinquante titres, & morcela ainsi les ordonnances pour ranger leurs dispositions par ordre de matieres.

Il parut quelques années après une autre compilation d’ordonnances, rangées par ordre homologique, de l’impression des Etiennes, divisées en deux petits volumes in-folio, dont le premier contient seulement quarante-cinq ordonnances, qui sont presque toutes françoises, entre lesquelles sont les grandes ordonnances du roi Jean, de Charles VI. de Charles VII. de Louis XI. de Louis XII. dont quelques-unes néanmoins ne sont que par extrait ; le second volume ne contient que des ordonnances de François I. tant sur le fait de la guerre que sur d’autres matieres, depuis le 3 Septembre 1514 jusqu’en 1546.

En 1549 Rebuffe donna un recueil des mêmes ordonnances distribuées par ordre de matieres avec des longs commentaires.

Il y eut encore quelques autres collations d’ordonnances ; mais comme il n’y en avoit aucune qui fût complette, Fontanon, avocat au parlement, aidé par Pierre Pithou, Bergeron, & autres jurisconsultes de son tems, donna en 1580 un recueil plus ample d’ordonnances qui ne remonte cependant encore qu’à saint Louis. Il divisa ce recueil en quatre tomes in-folio, reliés en deux volumes : les ordonnances y sont rangées par matieres.

La Rochemaillet revit cet ouvrage par ordre de M. le chancelier de Syllery, & en donna en 1611 une seconde édition en trois volumes in-folio, augmentée d’un grand nombre d’ordonnances anciennes & nouvelles qui n’avoient pas encore été imprimées ; mais au-lieu de les placer suivant l’ordre de Fontanon sous les titres qui leur convenoient, il les mit par forme d’appendice, & avec une telle confusion qu’il n’y a seulement pas observé l’ordre des dates.

Henri III. ayant conçu dès 1579 le dessein de faire, à l’imitation de Justinien, un recueil abrégé de toutes les ordonnances de ses prédécesseurs & des siennes, il chargea de cette commission M. Brisson, avocat général, & ensuite président au parlement de Paris. Le président Brisson s’en acquitta avec autant de soin que de diligence ; il fit une compilation des ordonnances par ordre de matieres, qu’il mit sous le titre de code Henri & de Basiliques. Il comptoit faire autoriser & publier cet ouvrage en 1585, c’est pourquoi il a mis sous cette date toutes les nouvelles dispositions qu’il avoit projettées ; ce code fut imprimé en 1558. Voyez ce qu’on en a dit au mot Code Henri.

En 1596 Guenois fit une compilation plus ample des ordonnances par ordre de matieres, qui parut d’abord en deux gros volumes in-folio, & ensuite en trois.

Il parut en 1620 une nouvelle compilation d’ordonnances par ordre chronologique en un volume in-8°. qui ne contenoit que les ordonnances concernant les matieres dont l’usage est le plus fréquent au palais. Neron & Girard augmenterent ce petit recueil en y joignant d’autres ordonnances avec de petites notes & renvois, de sorte qu’ils en formerent un volume in-folio dont il y a eu différentes éditions. M. de Ferrieres y a fait aussi depuis des augmentations dans le même goût, & en a donné en 1720 une édition en deux volumes in-folio.

Ces différens recueils d’ordonnances n’étant point complets ou n’étant point dans l’ordre chronologique, Louis XIV. résolut de faire faire une nouvelle collection des ordonnances, plus ample, plus correcte & mieux ordonnée que toutes celles qui avoient paru jusqu’alors ; il fut reglé qu’on ne remonteroit qu’à Hugues Capet, soit parce que les ordonnances antérieures conviennent peu aujourd’hui à nos mœurs, soit parce qu’on ne pouvoit rien ajouter aux recueils imprimés qui ont été donnés de ces ordonnances, qui ont été données sous le titre de Code des lois antiques, & de Capitulaires des rois de France.

M. le chancelier Pontchartrain que le roi chargea de l’exécution de ce projet, fit faire des recherches dans tous les dépôts, & Mrs Berroyer, de Lauriere & Loger, avocats, qui furent choisis pour travailler sous ses ordres à la collection des ordonnances, donnerent en 1706 un volume in-4°. contenant une table chronologique des ordonnances depuis Hugues Capet jusqu’en 1400, pour exciter les savans à communiquer leurs observations sur les ordonnances qui auroient été omises.

M. de Lauriere étant resté seul chargé de tout le travail, donna en 1723 le premier volume des ordonnances qui sont imprimées au louvre ; le second a été donné en 1729, aprés sa mort, sur ses mémoires, par M. Secousse, avocat, qui fut chargé de continuer cette collection, & qui en a donné sept volumes. M de Vilevaut, conseiller de la cour des aides, que le roi a chargé du même travail après la mort de M. Secousse, a publié en 1755 le neuvieme volume, que l’on achevoit d’imprimer peu de tems avant la mort de M. Secousse.

Les ordonnances comprises dans ces neuf volumes commencent à l’an 1051, & vont jusqu’à la fin de l’année 1411.

Cette collection où les ordonnances sont rangées par ordre chronologique est accompagnée de savantes préfaces qui annoncent les matieres, de notes semblables sur le. texte des ordonnances, d’une table chronologique des ordonnances, & des autres tables très-amples, une des matieres, une des noms des personnes dont il est parlé dans les ordonnances, l’autre des noms de provinces, villes & autres lieux.

Plusieurs auteurs ont fait des commentaires, notes & conférences sur les ordonnances, entr’autres Jean Constantin, sur les ordonnances de François I. Bourdin & Dumoulin sur celle de 1539 ; Duret & Boutarie sur celle de Blois ; Rebuffe, Fontanon, Joly, la Rochemaillet, Vrevin, Bagereau, Bornier, Corbin, Blanchard.

On joint souvent au terme d’ordonnance quelque autre dénomination : on va expliquer les principales dans les divisions suivantes.

Ordonnance des aides est une ordonnance de 1680, sur la matiere des aides & droits du roi.

Ordonnances barbines, qu’on appelle aussi barbines simplement, ordinationes barbinæ, sont celles qui sont contenues dans le quatrieme registre des ordonnances du parlement, intitulés ordinationes barbinæ ; on croit qu’elles furent ainsi appellées du nom de celui qui les a recueillies & mises en ordre. Ce registre commence en 1427, & finit en 1462.

Ordonnance de Blois ; il y en a deux de ce nom, une de Louis XII. en 1498 sur les gradués ; elle adopte le concile de Bâle & la pragmatique ; elle concerne aussi l’administration de la justice & la procédure ; l’autre, qui est celle que l’on entend ordinairement, est dite de Blois, quoique donnée à Paris, parce qu’elle fut faite sur les remontrances des états de Blois : elle concerne le clergé, les hôpitaux, les universités, la justice, la noblesse, le domaine, les tailles.

Ordonnance civile, c’est l’ordonnance de 1667, qui regle la procédure civile.

Ordonnance du commerce, qu’on appelle aussi code marchand, est celle qui fut faite en 1673, pour régler les matieres de commerce.

Ordonnance des committimus est celle du mois d’Août 1669 ; on l’appelle ainsi, parce qu’un des principaux titres est celui des committimus : elle traite ainsi des évocations, réglemens de juges, gardes-gardiennes, lettres d’états & de repi.

Ordonnance de la cour est celle qui est rendue sur requête par quelque cour souveraine.

Ordonnance criminelle est celle de 1670, qui regle la procédure en matiere criminelle.

Ordonnance du domaine ; on appelle quelquefois ainsi l’édit de Fevrier 1566, portant réglement pour le domaine du roi.

Ordonnance des donations est celle du mois de Février 1731, qui fixe la jurisprudence sur la nature, la forme, les charges, ou les conditions des donations.

Ordonnance des eaux & forêts est une ordonnance de 1669, qui contient un réglement général sur toute la matiere des eaux & forêts.

Ordonnance des évocations ; on entend quelquefois par-là l’ordonnance de 1669, dont le premier titre traite des évocations, & les autres des réglemens de juge, committimus & gardes gardiennes, &c. mais le titre d’ordonnance des évocations convient mieux à celle du mois d’Août 1737, concernant les évocations & les réglemens de juges.

Ordonnance du faux est celle du mois de Juillet 1637, concernant le faux principal, le faux incident, & les reconnoissances des écritures & signatures en matiere criminelle. Voyez Faux.

Ordonnance des fermes est celle du mois de Juillet 1681, portant réglement sur les droits de toutes les fermes du roi en général : il y a une autre ordonnance du mois de Février 1687 sur le fait des cinq grosses fermes en particulier.

Ordonnance de Fontanon, c’est un recueil de diverses ordonnances de nos rois, rangées par matieres, publié par Fontanon, avocat, en 1580, en 2 vol. fol.

Ordonnances des gabelles est celle du mois de Mai 1680, qui regle tout ce qui concerne l’usage du sel.

Ordonnances générales, on appelloit ainsi autrefois celles qui étoient faites pour avoir lieu dans tout le royaume, à la différence d’autres ordonnances qui n’avoient lieu que dans les terres du domaine du roi.

Ordonnance de l’intendant est un réglement fait par un intendant de province dans une matiere de sa compétence.

Ordonnance du juge est celle qui est rendue par un juge au bas d’une requête, ou dans un procès-verbal, par lequel il permet d’assigner, saisir, ou autre chose semblable.

Au conseil provincial d’Artois on qualifie d’ordonnance tous les jugemens rendus à l’audience. Voyez Maillard sur Artois, art. 37.

Ordonnance de loi signifie la même chose qu’ordonnance du juge. Voyez Loyseau en son traité des seigneuries, ch. xvj. n. 47.

Ordonnance de la marine est celle de 1671, portant réglement pour le commerce maritime : il y en a une autre de 1689 pour les armées navales.

Ordonnance militaire est celle que le roi rend pour régler quelque chose qui touche le service militaire.

Ordonnance de 1539 est celle de Villers-Coterets, qui fut faite par François I. pour l’observation des procès.

Ordonnance de 1667. Voyez ci-devant ordonnance civile.

Ordonnance de 1669. Voyez ordonnance des committimus & ordonnance des eaux & forêts.

Ordonnance de 1670. Voyez ordonnance criminelle.

Ordonnance de 1676. Voyez ordonnance de la ville.

Ordonnance de 1673 est celle qui regle le commerce. Voyez Code marchand & ordonnance du commerce.

Ordonnance de Moulins, ainsi appellée parce qu’elle fut faite à Moulins, en 1566, concerne la réformation de la justice.

Ordonnance de Néron, c’est un recueil des principales ordonnances de nos rois, rangées par ordre de date, publié par Néron & Girard, avocats ; ce recueil a été augmenté à diverses reprises ; il est présentement en 2 vol. in-fol.

Ordonnance d’Orléans, a pris ce nom de ce qu’elle fut faite à Orléans en 1560, sur les remontrances des états tenus à Orléans ; elle concerne la réformation de la justice.

Ordonnances particulieres. Voyez ordonnances générales.

Ordonnance des quatre mois ; on appelle ainsi la disposition de l’article 48 de l’ordonnance de Moulins, qui permet d’exercer la contrainte par corps pour dettes, quoique purement civile, quatre mois après la condamnation, ce qui a été abrogé par l’ordonnance de 1667, tit. 34, si ce n’est pour dépens, restitution de fruits, ou dommages & intérêts montans à 200 liv. ou au-dessus.

Ordonnance sur requête. Voyez ordonnance du juge.

Ordonnance de Roussillon, ainsi appellée, parce qu’elle fut faite au château de Roussillon en Dauphiné, en 1563, sur l’administration de la justice : c’est celle qui a fixé le commencement de l’année au premier Janvier.

Ordonnance du roi signifie quelquefois une nouvelle loi, intitulée ordonnance : quelquefois on comprend sous ce terme toute loi émanée du prince, soit ordonnance, édit ou déclaration.

Ordonnance du royaume ; on distingue quelquefois les ordonnances du roi des ordonnances du royaume ; les premieres se peuvent changer, selon la volonté du roi : on entend par les autres, certains usages immuables qui regardent la constitution de l’état, tel que l’ordre de succéder à la couronne, suivant la loi salique. On trouve cette distinction dans un discours de M. de Harlay, président, prononcé devant le roi, séant en son lit de justice au parlement, le 15 Juin 1586.

Ordonnances royaux ; on appelle ainsi en style de chancellerie les ordonnances du roi, pour les distinguer de celles des cours & autres juges.

Ordonnance des substitutions est la derniere ordonnance du roi donnée au mois d’Août 1747, concernant les biens qui peuvent être substitués, la forme & la durée des substitutions, les regles à observer par ceux qui en sont grevés, & les juges qui en doivent connoître.

Ordonnance des testamens est celle du mois d’Août 1735, qui regle plusieurs choses à observer dans la confection des testamens.

Ordonnance des transactions est un édit de Charles IX. en 1560, portant que les transactions entre majeurs ne pourront être attaquées pour cause de lésion, telle qu’elle soit ; mais seulement pour cause de dol ou force.

Ordonnance de la troisieme race ; on comprend sous ce nom toutes les ordonnances, édits, déclarations, & même les lettres-patentes qui contiennent quelques réglemens émanés de nos rois, depuis Hugues Capet jusqu’à présent, la collection de ces ordonnances, qui se trouvent dispersées en différens dépôts, a été entreprise par ordre du roi Louis XIV. & continuée sous ce regne. M. de Lauriere, avocat, en a publié le premier volume en 1723 ; M. Secousse, avocat, a donné les sept volumes suivans, & M. de Vilevaut, conseiller de la cour des aides, chargé de la continuation de ce recueil, a publié en 1757 le neuvieme volume, ouvrage posthume de M. Secousse ; ce recueil s’imprime au Louvre. Voyez les préfaces qui sont en tête de chaque volume, & particulierement celles des premier, second & neuvieme volumes.

Ordonnance de la ville ; on donne ce nom à deux ordonnances qui ont été faites pour régler la jurisdiction du bureau de la ville de Paris ; l’une, de Charles VI. en 1415 ; l’autre, de Louis XIV, en 1676.

Ordonnance de Villers-Coterets fut faite par François I. en 1539, pour la réformation & abréviation des procès. Voyez Code, Déclaration, Édit, Loi. (A)

Ordonnance, (Archit. civile.) on entend par ce terme la composition d’un bâtiment, & la disposition de ses parties. On appelle aussi ordonnance l’arrangement & la disposition des parties qui composent les cinq ordres d’architecture. On dit, cette ordonnance est rustique, solide ou élégante, lorsque les principaux membres qui composent sa décoration, sont imités des ordres toscan, dorique, corinthien, &c. Daviler. (D. J.)

Ordonnance, (Peint.) on appelle ordonnance en Peinture le premier arrangement des objets qui doivent remplir un tableau, soit par rapport à l’effet général de ce tableau, & c’est ce qu’on nomme composition pittoresque, soit pour rendre l’action que ce tableau représente plus touchante & plus vraissemblable ; & c’est ce qu’on appelle composition poétique. Voyez donc les mots Pittoresque & Poétique, composition, & vous entendrez ce qui concerne la meilleure ordonnance d’un tableau.

Nous nous contenterons de remarquer ici que le talent de la composition poétique, & le talent de la composition pittoresque sont tellement séparés, qu’on connoît des peintres excellens dans l’une, & qui sont grossiers dans l’autre. Paul Véronèse, par exemple, a très-bien réussi dans cette partie de l’ordonnance que nous appellons composition pittoresque. Aucun peintre n’a su mieux que lui bien arranger sur une même scene, un nombre infini de personnages, placer plus heureusement ses figures, en un mot bien remplir une grande toile, sans y mettre la confusion : cependant Paul Véronèse n’a pas réussi dans la composition poétique ; il n’y a point d’unité d’action dans la plûpart de ses grands tableaux. Un de ses plus magnifiques ouvrages, les nôces de Cana, qu’on voit au fond du réfectoire du couvent de saint Georges à Venise, est chargé de fautes contre la poésie pittoresque. Un petit nombre des personnages sans nombre dont il est rempli, paroît être attentif au miracle de la conversion de l’eau en vin, qui fait le sujet principal ; & personne n’en est touché autant qu’il le faudroit. Paul Véronèse introduit parmi les conviés des religieux bénédictins du couvent pour lequel il travaille. Enfin, ses personnages sont habillés de caprice ; & même il y contredit ce que nous savons positivement des mœurs & des usages du peuple dans lequel il choisit ses acteurs.

Comme les parties d’un tableau sont toujours placées l’une à côté de l’autre, & qu’on en voit l’ensemble du même coup d’œil, les défauts qui sont dans l’ordonnance nuisent beaucoup à l’effet de ses beautés. Du Bos, réflexion sur la Peinture. (D. J.)

Ordonnance, les Artificiers appellent ainsi l’intervalle uniforme du tems qu’on doit laisser entre le jeu des pots-à-feu sur les théâtres d’artifices, ce qui s’exécute par l’égalité de longueur & vivacité des porte-feux ou des étoupilles.