L’Encyclopédie/1re édition/ETAT
ETAT, s. m. (Métaph.) Etat d’un être en général & dans le sens onthologique, c’est la co-existence des modifications variables & successives, avec les qualités fixes & constantes : celles-ci durent autant que le sujet qu’elles constituent, & elles ne sauroient souffrir de détriment sans la destruction de ce sujet. Mais les modes peuvent varier, & varient effectivement ; ce qui produit les divers états, par lesquels tous les êtres finis passent. On distingue l’état d’une chose en interne & externe. Le premier consiste dans les qualités changeantes intrinseques ; le second dans les qualités extrinseques, telles que sont les relations. L’état interne de mon corps, c’est d’être sain ou malade ; son état externe, c’est d’être bien ou mal vêtu, dans un tel lieu, ou dans un autre. L’usage de cette distinction se fait sur-tout sentir dans la Morale, où il est souvent important de bien distinguer ces deux états de l’homme.
Deux choses qui ont les mêmes modifications actuelles, sont dans le même état interne ; & au contraire. Il faut être circonspect dans l’application de ce principe, de peur de prendre pour les mêmes modifications celles qui ne sont pas telles effectivement. Par exemple, la chaleur est un mode de la pierre qui la constitue dans un état différent de celui qu’on appelle le froid. Concevez trois corps égaux qui ont le même degré de chaleur, & supposez que deux de ces corps se réunissent & en forment un qui soit double du troisieme, il y aura dans le corps double le même degré de chaleur que dans le corps simple, quoique la quantité de chaleur, en tant qu’on la conçoit également répandue par toute la masse, soit double dans le corps double. C’est pour cela que l’état de chacune des parties du même corps est dit le même, abstraction faite de leur grandeur, pourvû qu’elles soient également chaudes, quoiqu’il faille plus de chaleur pour échauffer une partie plus grande que pour en échauffer une moindre. Wolff, ontolog. §. 707.
Le changement de relations change l’état externe. L’état interne d’un homme est changé, quand de sain il devient malade, de gai triste, &c. car ces dispositions du corps & de l’esprit sont des modes, & résident dans l’homme même. Mais celui qui de riche se transforme en pauvre, ne perd que son état externe en perdant son droit sur des biens qui étoient placés hors de lui. Cet article est de M. Formey.
Etat de Nature, (Droit nat.) C’est proprement & en général l’état de l’homme au moment de sa naissance : mais dans l’usage ce mot a différentes acceptions.
Cet état peut être envisagé de trois manieres ; ou par rapport à Dieu ; ou en se figurant chaque personne telle qu’elle se trouveroit seule & sans le secours de ses semblables ; ou enfin selon la relation morale qu’il y a entre tous les hommes.
Au premier égard, l’état de nature est la condition de l’homme considéré en tant que Dieu l’a fait le plus excellent de tous les animaux ; d’où il s’ensuit qu’il doit reconnoître l’Auteur de son existence, admirer ses ouvrages, lui rendre un culte digne de lui, & se conduire comme un être doüé de raison : desorte que cet état est opposé à la vie & à la condition des bêtes.
Au second égard, l’état de nature est la triste situation où l’on conçoit que seroit réduit l’homme, s’il étoit abandonné à lui-même en venant au monde : en ce sens l’état de nature est opposé à la vie civilisée par l’industrie & par des services.
Au troisieme égard, l’état de nature est celui des hommes, entant qu’ils n’ont ensemble d’autres relations morales que celles qui sont fondées sur la liaison universelle qui résulte de la ressemblance de leur nature, indépendamment de toute sujétion. Sur ce pié-là, ceux que l’on dit vivre dans l’état de nature, ce sont ceux qui ne sont ni soûmis à l’empire l’un de l’autre, ni dépendans d’un maître commun : ainsi l’état de nature est alors opposé à l’état civil ; & c’est sons ce dernier sens que nous allons le considérer dans cet article.
Cet état de nature est un état de parfaite liberté ; un état dans lequel, sans dépendre de la volonté de personne, les hommes peuvent faire ce qui leur plaît, disposer d’eux & de ce qu’ils possedent comme ils jugent à-propos, pourvû qu’ils se tiennent dans les bornes de la loi naturelle.
Cet état est aussi un état d’égalité, ensorte que tout pouvoir & toute jurisdiction est réciproque : car il est évident que des êtres d’une même espece & d’un même ordre, qui ont part aux mêmes avantages de la nature, qui ont les mêmes facultés, doivent pareillement être égaux entr’eux, sans nulle subordination ; & cet état d’égalité est le fondement des devoirs de l’humanité. Voyez Egalité.
Quoique l’état de nature soit un état de liberté, ce n’est nullement un état de licence ; car un homme en cet état n’a pas le droit de se détruire lui-même, non plus que de nuire à un autre : il doit faire de sa liberté le meilleur usage que sa propre conservation demande de lui. L’état de nature a la loi naturelle pour regle : la raison enseigne à tous les hommes, s’ils veulent bien la consulter, qu’étant tous égaux & indépendans, nul ne doit faire tort à un autre au sujet de sa vie, de sa santé, de sa liberté, & de son bien.
Mais afin que dans l’état de nature personne n’entreprenne de faire tort à son prochain, chacun étant égal, a le pouvoir de punir les coupables, par des peines proportionnées à leurs fautes, & qui tendent à réparer le dommage, & empêcher qu’il n’en arrive un semblable à l’avenir. Si chacun n’avoit pas la puissance dans l’état de nature, de réprimer les méchans, il s’ensuivroit que les magistrats d’une société politique ne pourroient pas punir un étranger, parce qu’à l’égard d’un tel homme ils ne peuvent avoir plus de droit que chaque personne en peut avoir naturellement à l’égard d’un autre : c’est pourquoi dans l’état de nature chacun est en droit de tuer un meurtrier, afin de détourner les autres de l’homicide. Si quelqu’un répand le sang d’un homme, son sang sera aussi répandu par un homme, dit la grande loi de nature ; & Caïn en étoit si pleinement convaincu, qu’il s’écrioit, après avoir tué son frere : Quiconque me trouvera, me tuera.
Par la même raison, un homme dans l’état de nature peut punir les diverses infractions des lois de la nature, de la même maniere qu’elles peuvent être punies dans tout gouvernement police. La plûpart des lois municipales ne sont justes qu’autant qu’elles sont fondées sur les lois naturelles.
On a souvent demandé en quels lieux & quand les hommes sont ou ont été dans l’état de nature. Je réponds que les princes & les magistrats des sociétés indépendantes, qui se trouvent par toute la terre, étant dans l’état de nature, il est clair que le monde n’a jamais été & ne sera jamais sans un certain nombre d’hommes qui ne soient dans l’état de nature. Quand je parle des princes & des magistrats de sociétés indépendantes, je les considere en eux-mêmes abstraitement ; car ce qui met fin à l’état de nature, est seulement la convention par laquelle on entre volontairement dans un corps politique : toutes autres sortes d’engagemens que les hommes peuvent prendre ensemble, les laissent dans l’état de nature. Les promesses & les conventions faites, par exemple, pour un troc entre deux hommes de l’île deserte dont parle Garcilasso de la Vega dans son histoire du Pérou, ou entre un Espagnol & un Indien dans les deserts de l’Amérique, doivent être ponctuellement exécutées, quoique ces deux hommes soient en cette occasion, l’un vis-à-vis de l’autre, dans l’état de nature. La sincérité & la fidélité sont des choses que les hommes doivent observer religieusement, entant qu’Hommes, non entant que membres d’une même société.
Il ne faut donc pas confondre l’état de nature & l’état de guerre ; ces deux états me paroissent aussi opposés, que l’est un état de paix, d’assistance & de conservation mutuelle, d’un état d’inimitié, de violence, & de mutuelle destruction.
Lorsque les hommes vivent ensemble conformément à la raison, sans aucun supérieur sur la terre qui ait l’autorité de juger leurs différends, ils se trouvent précisément dans l’état de nature : mais la violence d’une personne contre une autre, dans une circonstance où il n’y a sur la terre nul supérieur commun à qui l’on puisse appeller, produit l’état de guerre ; & faute d’un juge devant lequel un homme puisse interpeller son aggresseur, il a sans doute le droit de faire la guerre à cet aggresseur, quand même l’un & l’autre seroient membres d’une même société, & sujets d’un même état.
Ainsi je puis tuer sur le champ un voleur qui se jette sur moi, qui se saisit des renes de mon cheval, arrête mon carrosse, parce que la loi qui a statué pour ma conservation, si elle peut être interposée pour assûrer ma vie contre un attentat présent & subit, me donne la liberté de tuer ce voleur, n’ayant pas le tems nécessaire pour l’appeller devant notre juge commun, & faire décider par les lois, un cas dont le malheur peut être irréparable. La privation d’un juge commun revêtu d’autorité, remet tous les hommes dans l’état de nature ; & la violence injuste & soudaine du voleur dont je viens de parler, produit l’état de guerre, soit qu’il y ait ou qu’il n’y ait point de juge commun.
Ne soyons donc pas surpris si l’histoire ne nous dit que peu de choses des hommes qui ont vécu ensemble dans l’état de nature : les inconvéniens d’un tel état, que je vais bientôt exposer, le desir & le besoin de la société, ont obligé les particuliers à s’unir de bonne heure dans un corps civil, fixe & durable. Mais si nous ne pouvons pas supposer que des hommes ayent jamais été dans l’état de nature, à cause que nous manquons de détails historiques à ce sujet, nous pouvons aussi douter que les soldats qui composoient les armées de Xerxès, ayent jamais été enfans, puisque l’histoire ne le marque point, & qu’elle ne parle d’eux que comme d’hommes faits, portant les armes.
Le gouvernement précede toûjours les registres ; rarement les Belles-Lettres sont cultivées chez un peuple, avant qu’une longue continuation de société civile ait, par d’autres arts plus nécessaires, pourvû à sa sûreté, à son aise & à son abondance. On commence à fouiller dans l’histoire des fondateurs de ce peuple, & à rechercher son origine, lorsque la mémoire s’en est perdue ou obscurcie. Les sociétés ont cela de commun avec les particuliers, qu’elles sont d’ordinaire fort ignorantes dans leur naissance & dans leur enfance ; & si elles savent quelque chose dans la suite, ce n’est que par le moyen des monumens que d’autres ont conservés : ceux que nous avons des sociétés politiques, nous font voir des exemples clairs du commencement de quelques-unes de ces sociétés, ou du moins ils nous en font voir des traces manifestes.
On ne peut guere nier que Rome & Venise, par exemple, n’ayent commencé par des gens indépendans, entre lesquels il n’y avoit nulle supériorité, nulle sujétion. La même chose se trouve encore établie dans la plus grande partie de l’Amérique, dans la Floride & dans le Brésil, où il n’est question ni de roi, ni de communauté, ni de gouvernement. En un mot, il est vraissemblable que toutes les sociétés politiques se sont formées par une union volontaire de personnes dans l’état de nature, qui se sont accordées sur la forme de leur gouvernement, & qui s’y sont portées par la considération des choses qui manquent à l’état de nature.
Premierement, il y manque des lois établies, reçûes & approuvées d’un commun consentement, comme l’étendart du droit & du tort, de la justice & de l’injustice ; car quoique les lois de la nature soient claires & intelligibles à tous les gens raisonnables, cependant les hommes, par intérêt ou par ignorance, les éludent ou les méconnoissent sans scrupule.
En second lieu, dans l’état de nature il manque un juge impartial, reconnu, qui ait l’autorité de terminer tous les différends conformément aux lois établies.
En troisieme lieu, dans l’état de nature il manque souvent un pouvoir coactif pour l’exécution d’un jugement. Ceux qui ont commis quelque crime dans l’état de nature, employent la force, s’ils le peuvent, pour appuyer l’injustice ; & leur résistance rend quelquefois leur punition dangereuse.
Ainsi les hommes pesant les avantages de l’état de nature avec ses défauts, ont bientôt préféré de s’unir en société. De-là vient que nous ne voyons guere un certain nombre de gens vivre long-tems ensemble dans l’état de nature : les inconvéniens qu’ils y trouvent, les contraignent de chercher dans les lois établies d’un gouvernement, un asyle pour la conservation de leurs propriétés ; & en cela même nous avons la source & les bornes du pouvoir législatif & du pouvoir exécutif.
En effet, dans l’état de nature les hommes, outre la liberté de joüir des plaisirs innocens, ont deux sortes de pouvoirs. Le premier est de faire tout ce qu’ils trouvent à propos pour leur conservation & pour celle des autres, suivant l’esprit des lois de la nature ; & si ce n’étoit la dépravation humaine, il ne seroit point nécessaire d’abandonner la communauté naturelle, pour en composer de plus petites. L’autre pouvoir qu’ont les hommes dans l’état de nature, c’est de punir les crimes commis contre les lois : or ces mêmes hommes, en entrant dans une société, ne font que remettre à cette société les pouvoirs qu’ils avoient dans l’état de nature : donc l’autorité législative de tout gouvernement ne peut jamais s’étendre plus loin que le bien public ne le demande ; & par conséquent cette autorité se doit réduire à conserver les propriétés que chacun tient de l’état de nature. Ainsi, qui que ce soit qui ait le pouvoir souverain d’une communauté, est obligé de ne suivre d’autres regles dans sa conduite, que la tranquillité, la sûrete, & le bien du peuple. Quid in toto terrarum orbe validum sit, ut non modò casus rerum, sed ratio étiam, causæque noscantur. Tacit. histor. lib. I. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Etat moral, (Droit nat.) On entend par état moral en général, toute situation où l’homme se rencontre par rapport aux êtres qui l’environnent, avec les relations qui en dépendent.
L’on peut ranger tous les états moraux de la nature humaine sous deux classes générales ; les uns sont des états primitifs ; & les autres, des états accessoires.
Les états primitifs sont ceux où l’homme se trouve placé par le souverain maître du monde, & indépendamment d’aucun évenement ou fait humain.
Tel est, premierement, l’état de sa dépendance par rapport à Dieu ; car pour peu que l’homme fasse usage de ses facultés, & qu’il s’étudie lui-même, il reconnoît que c’est de ce premier être qu’il tient la vie, la raison, & tous les avantages qui les accompagnent ; & qu’en tout cela il éprouve sensiblement les effets de la puissance & de la bonté du Créateur.
Un autre état primitif des hommes, c’est celui où ils sont les uns à l’égard des autres. Ils ont tous une nature commune, mêmes facultés, mêmes besoins, mêmes desirs. Ils ne sauroient se passer les uns des autres, & ce n’est que par des secours mutuels qu’ils peuvent se procurer une vie agréable & tranquille : aussi remarque-t-on en eux une inclination naturelle qui les rapproche pour former un commerce de services, d’où procedent le bien commun de tous, & l’avantage particulier de chacun.
Mais l’homme étant par sa nature un être libre, il faut apporter de grandes modifications à son état primitif, & donner par divers établissemens, comme une nouvelle face à la vie humaine : de-là naissent les états accessoires, qui sont proprement l’ouvrage de l’homme. Voyez Etat accessoire.
Nous remarquerons seulement ici qu’il y a cette différence entre l’état primitif & l’état accessoire, que le premier étant comme attaché à la nature de l’homme & à sa constitution, est par cela même commun à tous les hommes. Il n’en est pas ainsi des états accessoires, qui supposant un fait humain, ne sauroient convenir à tous les hommes indifféremment, mais seulement à ceux d’entr’eux qui en joüissent, ou qui se les sont procurés.
Ajoûtons que plusieurs de ces états accessoires, pourvû qu’ils n’ayent rien d’incompatible, peuvent se trouver combinés & réunis dans la même personne ; ainsi l’on peut être tout-à-la-fois pere de famille, juge, magistrat, &c.
Telles sont les idées que l’on doit se faire des divers états moraux de l’homme, & c’est de-là que résulte le système total de l’humanité. Ce sont comme autant de roues d’une machine, qui combinées ensemble & habilement ménagées, conspirent au même but ; mais qui au contraire étant mal conduites & mal dirigées, se heurtent & s’entre-détruisent. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Etat accessoire, (Droit nat.) état moral où l’on est mis en conséquence de quelqu’acte humain, soit en naissant, ou après être né. Voyez Etat moral.
Un des premiers états accessoires, est celui de famille. Voyez Famille.
La propriété des biens, autre établissement très important, produit un second état accessoire. Voyez Propriété.
Mais il n’y a point d’état accessoire plus considérable que l’état civil, ou celui de la société civile & du gouvernement. Voyez Société civile & Gouvernement.
La propriété des biens & l’état civil ont encore donné lieu à plusieurs établissemens qui décorent la société, & d’où naissent de nouveaux états accessoires, tels que sont les emplois de ceux qui ont quelque part au gouvernement, comme des magistrats, des juges, des ministres de la religion, &c. auxquels l’on doit ajoûter les diverses professions de ceux qui cultivent les Arts, les Métiers, l’Agriculture, la Navigation, le Commerce, avec leurs dépendances, qui forment mille autres états particuliers dans la vie.
Tous les états accessoires procedent du fait des hommes ; cependant comme ces différentes modifications de l’état primitif sont un effet de la liberté, les nouvelles relations qui en résultent, peuvent être envisagées comme autant d’états naturels, pourvû que leur usage n’ait rien que de conforme à la droite raison. Mais ne confondez point les états naturels, dans le sens que je leur donne ici, avec l’état de nature. Voyez Etat de Nature. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Etat, (Droit polit.) terme générique qui désigne une société d’hommes vivant ensemble sous un gouvernement quelconque, heureux ou malheureux.
De cette maniere l’on peut définir l’état, une société civile, par laquelle une multitude d’hommes sont unis ensemble sous la dépendance d’un souverain, pour joüir par sa protection & par ses soins, de la sureté & du bonheur qui manquent dans l’état de nature.
La définition que Cicéron nous donne de l’état, revient à-peu près à la même chose, & est préférable à celle de Puffendorf, qui confond le souverain avec l’état. Voici la définition de Cicéron : Multitudo, juris consensu, & utilitatis communione sociata : « une multitude d’hommes joints ensemble par des intérêts & des lois communes, auxquelles ils se soûmettent d’un commun accord ».
On peut considérer l’état comme une personne morale, dont le souverain est la tête, & les particuliers les membres : en conséquence on attribue à cette personne certaines actions qui lui sont propres, certains droits distincts de ceux de chaque citoyen, & que chaque citoyen, ni plusieurs, ne sauroient s’arroger.
Cette union de plusieurs personnes en un seul corps, produite par le concours des volontés & des forces de chaque particulier, distingue l’état, d’une multitude : car une multitude n’est qu’un assemblage de plusieurs personnes, dont chacune a sa volonté particuliere, au lieu que l’état est une société animée par une seule ame qui en dirige tous les mouvemens d’une maniere constante, relativement à l’utilité commune. Voilà l’état heureux, l’état par excellence.
Il falloit pour former cet état, qu’une multitude d’hommes se joignissent ensemble d’une façon si particuliere, que la conservation des uns dépendit de la conservation des autres, afin qu’ils fussent dans la nécessité de s’entre-secourir ; & que par cette union de forces & d’intérêts, ils pussent aisément repousser les insultes dont ils n’auroient pû se garantir chacun en particulier ; contenir dans le devoir ceux qui voudroient s’en écarter, & travailler plus efficacement au bien commun.
Ainsi deux choses contribuent principalement à maintenir l’état. La premiere, c’est l’engagement même, par lequel les particuliers se sont soûmis à l’empire du souverain ; engagement auquel l’autorité divine & la religion du serment ajoûtent beaucoup de poids. La seconde, c’est l’établissement d’un pouvoir supérieur, propre à contenir les méchans par la crainte des peines qu’il peut leur infliger. C’est donc de l’union des volontés, soûtenue par un pouvoir supérieur, que résulte le corps politique, ou l’état ; & sans cela on ne sauroit concevoir de société civile.
Au reste, il en est du corps politique comme du corps humain : on distingue un état sain & bien constitué, d’un état malade. Ses maladies viennent ou de l’abus du pouvoir souverain, ou de la mauvaise constitution de l’état ; & il faut en chercher la cause dans les défauts de ceux qui gouvernent, ou dans les vices du gouvernement.
Nous indiquerons ailleurs la maniere dont les états ou les société, civiles se sont formées pour subsister sous la dépendance d’une autorité souveraine. Voyez Société civile, Gouvernement, Souverain, Souveraineté ; & les différentes formes de souveraineté, connues sous les noms de République, Démocratie, Aristocratie, Monarchie, Despotisme, Tyrannie, &c. qui sont tous autant de gouvernemens divers, dont les uns consolent ou soütiennent, les autres détruisent & font fremir l’humanité. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Etats composés, (Droit politiq.) On appelle ainsi ceux qui se forment par l’union de plusieurs états simples. On peut les définir avec Puffendorf, un assemblage d’états étroitement unis par quelque lien particulier, ensorte qu’ils semblent ne faire qu’un seul corps, par rapport aux choses qui les intéressent en commun, quoique chacun d’eux conserve d’ailleurs la souveraineté pleine & entiere, indépendamment des autres.
Cet assemblage d’états se forme ou par l’union de deux ou de plusieurs états distincts, sous un seul & même roi ; comme étoient, par exemple, l’Angleterre, l’Ecosse & l’Irlande, avant l’union qui s’est faite de nos jours de l’Ecosse avec l’Angleterre ; ou bien lorsque plusieurs états indépendans se conféderent pour ne former ensemble qu’un seul corps : telles sont les Provinces-unies des Pays-bas, & les Cantons suisses.
La premiere sorte d’union peut se faire, ou à l’occasion d’un mariage, ou en vertu d’une succession, ou lorsqu’un peuple se choisit pour roi un prince qui étoit déjà souverain d’un autre royaume ; ensorte que ces divers états viennent à être réunis sous un prince qui les gouverne chacun en particulier par ses lois fondamentales.
Pour les états composés qui se forment par la confédération perpétuelle de plusieurs états, il faut remarquer que cette confédération est le seul moyen par lequel plusieurs petits états, trop foibles pour se maintenir chacun en particulier contre leurs ennemis, puissent conserver leur liberté.
Ces états confédérés s’engagent les uns envers les autres à n’exercer que d’un commun accord certaines parties de la souveraineté, sur-tout celles qui concernent leur défense mutuelle contre les ennemis du dehors ; mais chacun des confédérés retient une entiere liberté d’exercer comme il le juge à propos les parties de la souveraineté dont il n’est pas mention dans l’acte de confédération, comme devant être exercée en commun.
Il est absolument nécessaire dans les états confédérés, 1° que l’on marque certains tems & certains lieux pour s’assembler ordinairement ; 2° que l’on nomme quelque membre qui ait pouvoir de convoquer l’assemblée pour les affaires extraordinaires, & qui ne peuvent souffrir de retardement : ou bien l’on peut, en prenant un autre parti, établir une assemblée qui soit toûjours sur pié, composée des députés de chaque état, & qui expédient les affaires communes, suivant les ordres de leurs supérieurs. Telle est l’assemblée des Etats-généraux à la Haye, & peut-être n’en pourroit-on pas citer d’autre exemple.
On demande si la décision des affaires communes doit dépendre du consentement unanime de tout le corps des confédérés, ou seulement du plus grand nombre. Il me semble en général que la liberté d’un état étant le pouvoir de décider en dernier ressort des affaires qui concernent sa propre conservation, on ne sauroit concevoir qu’un état soit libre par le traité de confédération, lorsqu’on peut le contraindre avec autorité à faire certaines choses. Si pourtant dans les assemblées des états confédérés il s’en trouvoit quelqu’un qui refusât, par une obstination insensée, de se rendre à la délibération des autres dans des affaires très-importantes, je crois qu’on pourroit ou rompre la confédération avec cet état qui trahit la cause commune, ou même user à son égard de tous les moyens permis dans l’état de liberté naturelle, contre les infracteurs des alliances.
Les états composés sont dissous, 1°. lorsque quelques-uns des confédérés se séparent pour gouverner leurs affaires à part, ce qui arrive ordinairement parce qu’ils croyent que cette union leur est plus à charge qu’avantageuse. 2°. Les guerres intestines entre les confédérés, rompent aussi leur union, à moins qu’avec la paix on ne renouvelle en même tems la confédération. 3°. Du moment que quelqu’un des états confédérés est subjugué par une puissance étrangere, ou devient dépendant d’un autre état, la confédération ne subsiste plus pour lui, à moins qu’après avoir été contraint à se rendre au vainqueur par la force des armes, il ne vienne ensuite à être délivré de cette sujétion. 4°. Enfin un état composé devient un état simple, si tous les peuples confédérés se soûmettent à l’autorité souveraine d’une seule personne ; ou si l’un de ces états, par la supériorité que lui donnent ses forces, réduit les autres en forme de province. Voyez sur cette matiere la dissertation latine de Puffendorf, de systematibus civitatum, in-4o. Lisez aussi l’histoire des Provinces-unies & celle des Cantons suisses ; vous y trouverez des choses curieuses sur leur union & leur confédération différentes. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Etats confédérés, voyez Etats composés.
Etats de l’Empire, (Hist. & Droit publ.) On appelle ainsi en Allemagne les citoyens ou membres de l’Empire qui ont le droit de suffrage & de séance à la diete. Voyez Diete. Pour joüir de cette prérogative il faut posséder des fiefs immédiats, c’est-à-dire dont on reçoive l’investiture de l’empereur lui-même, & non d’aucun autre prince ou état de l’Empire. Il faut outre cela que le nom de celui qui est état, soit inscrit sur la matricule de l’Empire, pour contribuer sa quote-part des collectes & autres impositions qu’on leve dans les besoins de l’Empire ; cependant cette derniere regle souffre des exceptions, parce qu’il y a des états de l’Empire qui sont exempts de ces sortes de contributions.
Les états de l’Empire se divisent en laïcs & en ecclésiastiques, en Catholiques & en Protestans : ces derniers sont ou de la confession d’Augsbourg, ou de la religion réformée, attendu que ces deux religions sont admises dans l’Allemagne. On trouvera à l’article Diete de l’Empire, les noms de ceux qui ont droit de suffrage & de séance à l’assemblée générale des états de l’Empire. Les états laïcs acquierent leur droit par succession, les ecclésiastiques l’acquierent par l’élection capitulaire ; les électeurs ecclésiastiques, les archevêques, prélats, abbés, abbesses, &c. deviennent états de l’Empire de cette maniere : enfin les villes impériales libres doivent aussi être regardées comme des états de l’Empire.
L’empereur ne peut dépouiller aucun des états de ses prérogatives, il faut pour cela le consentement de tout l’Empire. Voyez Diete & Empire. Cependant un état perd ses droits par ce qu’on appelle l’exemption. Voyez cet article.
Il ne faut point confondre les états de l’Empire, dont nous venons de parler, avec les états provinciaux, ou des cercles : ces derniers ne joüissent pas des mêmes prérogatives que les premiers ; cependant il y a des états qui ont en même tems séance à la diete générale de l’Empire, & aux dietes particulieres ou assemblées des cercles. (—)
Etats, (Hist anc. & mod. & Jurispr.) sont l’assemblée des députés des différens ordres de citoyens qui composent une nation, une province, ou une ville. On appelle états généraux, l’assemblée des députés des différens ordres de toute une nation. Les états particuliers sont l’assemblée des députés des différens ordres d’une province, ou d’une ville seulement.
Ces assemblées sont nommées états, parce qu’elles représentent les différens états ou ordres de la nation, province ou ville dont les députés sont assemblés.
Il n’y a guere de nations policées chez lesquelles il n’y ait eu des assemblées, soit de tout le peuple ou des principaux de la nation ; mais ces assemblées ont reçû divers noms, selon les tems & les pays, & leur forme n’a pas été réglée par-tout de la même maniere.
Il y avoit chez les Romains trois ordres ; savoir les sénateurs, les chevaliers, & le bas peuple, appellé plebs. Les prêtres formoient bien entr’eux différens colléges, mais ils ne composoient point un ordre à part : on les tiroit des trois autres ordres indifféremment. Le peuple avoit droit de suffrage, de même que les deux autres ordres. Lorsque l’on assembloit les comices où l’on élisoit les nouveaux magistrats, on y proposoit aussi les nouvelles lois, & l’on y délibéroit de toutes les affaires publiques. Le peuple étoit divisé en trente curies ; & comme il eût été trop long de prendre toutes les voix en détail & l’une après l’autre, on prenoit seulement la voix de chaque curie. Les suffrages se donnoient d’abord verbalement ; mais vers l’an 614 de Rome il fut réglé qu’on les donneroit par écrit. Servius Tullius ayant partagé le peuple en six classes qu’il subdivisa en 193 centuries, on prenoit la voix de chaque centurie. Il en fut de même lorsque le peuple eut été divisé par tribus ; chaque tribu opinoit, & l’on décidoit à la pluralité. Dans la suite les empereurs s’étant attribué seuls le pouvoir de faire des lois, de créer des magistrats, & de faire la paix & la guerre, les comices cesserent d’avoir lieu ; le peuple perdit par-là son droit de suffrage, le sénat fut le seul ordre qui conserva une grande autorité.
L’usage d’assembler les états ou différens ordres, a néanmoins subsisté dans plusieurs pays, & ces assemblées y reçoivent différens noms. En Pologne on les appelle dietes ; en Angleterre, parlemens ; & en d’autres pays, états.
Dans quelques pays il n’y a que deux ordres ou états, du moins qui soient admis aux assemblées générales, comme en Pologne, où la noblesse & le clergé forment seuls les états qu’on appelle dietes, les paysans y étant tous esclaves. Des nobles sont exclus de ces assemblées.
En Suede au contraire on distingue quatre états ou ordres différens de citoyens ; savoir la noblesse, le clergé, les bourgeois, & les paysans.
Dans la plûpart des autres pays on distingue trois états ; le clerge, la noblesse, & le tiers-état ou troisieme ordre, composé des magistrats municipaux, des notables bourgeois, & du peuple. Telle est la division qui subsiste présentement en France ; mais les choses n’ont pas été toujours réglées de même à cet égard.
Avant la conquête des Gaules par Jules César, il n’y avoit que deux ordres ; celui des druides, & celui des chevaliers : le peuple étoit dans une espece d’esclavage, & n’étoit admis à aucune délibération. Lorsque les Francs jetterent les fondemens de la monarchie françoise, ils ne reconnoissoient qu’un seul ordre dans l’état, qui étoit celui des nobles ou libres ; en quoi ils conserverent quelque tems les mœurs des Germains dont ils tiroient leur origine. Dans la suite le clergé forma un ordre à part, & obtint même le premier rang dans les assemblées de la nation. Le tiers-état ne le forma que long-tems après sous la troisieme race.
Quelques historiens modernes ont qualifié très improprement d’états, les assemblées de la nation qui, sous la premiere race, se tenoient au mois de Mars, & sous la seconde, au mois de Mai : d’où elles furent appellées champ de Mars & champ de Mai. On leur donnoit encore divers autres noms, tels que ceux de colloquium, concilium, judicium Francorum, placitum Malium ; & sous le regne de Pepin elles commencerent à prendre le nom de parlemens. Ces anciens parlemens, dont celui de Paris & tous les autres tirent successivement leur origine, n’étoient pas une simple assemblée d’états, dans le sens que ce terme se prend aujourd’hui ; c’étoit le conseil du roi & le premier tribunal de la nation, où se traitoient toutes les grandes affaires. Le roi présidoit à cette assemblée, ou quelqu’autre personne par lui commise à cet effet. On y déliberoit de la paix & de la guerre, de la police publique & administration du royaume ; on y faisoit les lois ; on y jugeoit les crimes publics, & tout ce qui touchoit la dignité & la sureté du roi, & la liberté des peuples.
Ces parlemens n’étoient d’abord composés que des nobles, & ils furent ensuite réduits aux seuls grands du royaume, & aux magistrats qui leur furent associés. Le clergé ne formoit point encore un ordre à part, desorte que les prélats ne furent admis à ces parlemens qu’en qualité de grands vassaux de la couronne. On ne connoissoit point encore de tiers-état ; ainsi ces anciens parlemens ne peuvent être considérés comme une assemblée des trois états. Il s’en faut d’ailleurs beaucoup que les assemblées d’états ayent jamais eu le même objet ni la même autorité, ainsi qu’on le reconnoîtra sans peine en considérant la maniere dont les états ont été convoqués, & dont les affaires y ont été traitées.
On ne connut pendant long-tems dans le royaume que deux ordres, la noblesse & le clergé.
Le tiers-état, composé du peuple, étoit alors presque tout serf ; il ne commença à se former que sous Louis-le-Gros, par l’affranchissement des serfs, lesquels par ce moyen devinrent bourgeois du roi, ou des seigneurs qui les avoient affranchis.
Le peuple ainsi devenu libre, & admis à posséder propriétairement ses biens, chercha les moyens de s’élever, & eut bientôt l’ambition d’avoir quelque part au gouvernement de l’état. Nos rois l’éleverent par degrés en l’admettant aux charges, & en communiquant la noblesse à plusieurs roturiers ; ce qu’ils firent sans doute pour balancer le crédit des deux autres ordres, qui étoient devenus trop puissans.
Il n’y eut cependant, jusqu’au tems de Philippe-le-Bel, point d’autre assemblée représentative de la nation, que le parlement, lequel étoit alors composé seulement des grands vassaux de la couronne, & des magistrats, que l’on choisissoit ordinairement entre les nobles,
Philippe-le-Bel fut le premier qui convoqua une assemblée des trois états ou ordres du royaume, en la forme qui a été usitée depuis.
La premiere assemblée d’états généraux fut convoquée par des lettres du 23 Mars 1301, que l’on comptoit à Rome 1302. Ces lettres ne subsistent plus, mais on les connoît par la réponse qu’y fit le clergé ; elles furent adressées aux barons, archevêques, évêques & prélats ; aux églises cathédrales, universités, chapitres & colléges, pour y faire trouver leurs députés ; & aux baillis royaux, pour faire élire par les villes des syndics ou procureurs.
Ce fut à la persuasion d’Enguerrand de Marigny son ministre, que Philippe-le-Bel assembla de cette maniere les trois états, pour parvenir plus facilement à lever sur les peuples une imposition pour soûtenir la guerre de Flandres, qui continuoit toûjours, & pour fournir aux autres dépenses de Philippe-le-Bel, qui étoient excessives. Le roi cherchoit par-là à appaiser le peuple & à gagner les esprits, sur-tout à cause de ses démélés avec Boniface VIII. qui commençoient à éclater.
Ces états tinrent plusieurs séances, depuis la mi-Carême jusqu’au 10 Avril qu’ils s’assemblerent dans l’église de Notre-Dame de Paris. Philippe-le-Bel y assista en personne : Pierre Flotte son chancelier y exposa les desseins que le roi avoit de réprimer plusieurs abus, notamment les entreprises de Boniface VIII. sur le temporel du royaume. Il représenta aussi les dépenses que le roi étoit obligé de faire pour la guerre, & les secours qu’il attendoit de ses sujets ; que si l’état populaire ne contribuoit pas en personne au service militaire, il devoit fournir des secours d’argent. Le roi demanda lui-même que chaque corps formât sa résolution, & la déclarât publiquement par forme de conseil.
La noblesse s’étant retirée pour délibérer, & ayant ensuite repris ses places, assura le roi de la résolution ou elle étoit de le servir de sa personne & de ses biens.
Les ecclésiastiques demanderent un délai pour délibérer amplement, ce qui leur fut refusé. Cependant sur les interrogations que le roi leur fit lui-même, savoir de qui ils tenoient leurs biens temporels, & de ce qu’ils pensoient être obligés de faire en conséquence, ils reconnurent qu’ils tenoient leurs biens de lui & de sa couronne ; qu’ils devoient défendre sa personne, ses enfans & ses proches, & la liberté du royaume ; qu’ils s’y étoient engagés par leur serment, en prenant possession des grands fiefs dont la plûpart étoient revêtus ; & que les autres y étoient obligés par fidélité. Ils demanderent en même tems permission de se rendre auprès du pape pour un concile, ce qui leur fut encore refusé, vû que la bulle d’indication annonçoit que c’étoit pour procéder contre le roi.
Le tiers-état s’expliqua par une requête qu’il présenta à genoux, suppliant le roi de conserver la franchise du royaume. Quelques auteurs mal informés ont cru que c’étoit une distinction humiliante pour le tiers-état, de présenter ainsi ses cahiers à genoux ; mais ils n’ont pas fait attention que c’étoit autrefois l’usage observé par les trois ordres du royaume : & en effet ils présenterent ainsi leurs cahiers en 1576. La preuve de ce fait se trouve fol 19 v°. 47 v°. 58 v°. d’un recueil sommaire des propositions & conclusions faites en la chambre ecclésiastique des états tenus à Blois en 1576, dressé par M. Guillaume de Taix, doyen de l’église de Troyes. Cet ouvrage fait partie d’un recueil en plusieurs cahiers imprimés, & donnés en 1619 sous le titre de Mélange historique, ou recueil de plusieurs actes, traités, lettres missives, & autres mémoires qui peuvent servir à la déduction de l’histoire depuis l’an 1390 jusqu’en 1580. On trouve aussi dans le recueil de l’assemblée des états de 1615, rédigé par Florimond Rapine, & imprimé en 1651 avec privilége du Roi, page 465. que le président Miron, en présentant à genoux les cahiers du tiers-état, dit au roi que la conduite qu’avoit tenue le clergé & la noblesse, de n’avoir pas présenté ses cahiers à genoux, étoit une entreprise contre la respectueuse coûtume de toute ancienneté pratiquée par les plus grands du royaume, voire par les princes & par les évêques, de ne se présenter devant le roi qu’en mettant un genou en terre ; soit parce qu’en général le peuple n’est point retenu, comme la noblesse & le clergé, par l’appas des honneurs & des récompenses ; soit parce qu’alors le menu peuple étoit moins policé qu’il ne l’est aujourd’hui.
Tels furent les objets que l’on traita dans ces premiers états ; par où l’on voit que ces sortes d’assemblées n’étoient point une suite des champs de Mars & de Mai ; qu’ils ne furent point établis sur le même modele ni sur les mêmes principes. Ils n’avoient pas non plus les mêmes droits ni la même autorité, n’ayant jamais eu droit de suffrage en matiere de législation, ni aucune jurisdiction, même sur leurs égaux : aussi est-il bien constant que c’est le parlement de Paris qui tire son origine de ces anciens parlemens, & non pas les états, dont l’établissement ne remonte qu’à Philippe-le-Bel, & n’avoit d’autre objet que d’obtenir le consentement de la nation par l’organe de ses députés, lorsqu’on vouloit mettre quelques impôts.
On n’entreprendra pas de donner ici une chronologie exacte de tous les états généraux & particuliers qui ont été tenus depuis Philippe-le-Bel jusqu’à présent ; outre que ce détail meneroit trop loin, les historiens ne sont souvent pas d’accord sur les tems de la tenue de plusieurs de ces états, ni sur la durée de leurs séances : quelques-uns ont pris des états particuliers pour des états généraux : d’autres ont confondu avec les états, de simples assemblées de notables, des lits de justice, des parlemens, des conseils nombreux tenus par le roi.
On se contentera donc de parler des états généraux les plus connus, de rapporter ce qui s’y est passé de plus mémorable, de marquer comment ces états s’arrogerent peu-à-peu une certaine autorité, & de quelle maniere elle fut ensuite réduite.
Une observation qui est commune à tous ces états, c’est que dans l’ordre de la noblesse étoient compris alors tous les nobles d’extraction, soit qu’ils fussent de robe ou d’épée, pourvû qu’ils ne fussent pas magistrats députés du peuple : le tiers-état n’étoit autre chose que le peuple, représenté par ces magistrats députés.
Depuis les premiers états de 1301, Philippe-le-Bel en convoqua encore plusieurs autres : les plus connus sont ceux de 1313, que quelques-uns placent en 1314. Le ministre ne trouva d’autre ressource pour fournir aux dépenses du roi, que de continuer l’impôt du cinquieme des revenus & du centieme des meubles, même d’étendre ces impôts sur la noblesse & le clergé ; & pour y réussir on crut qu’il falloit tâcher d’obtenir le consentement des états. L’assemblée fut convoquée le 29 Juin : elle ne commença pourtant que le premier Août. Mezeray dit que ce fut dans la salle du palais, d’autres disent dans la cour. On avoit dressé un échafaud pour le roi, la noblesse & le clergé ; le tiers-état devoit rester debout au pié de l’échafaud.
Après une harangue véhémente du ministre, le roi se leva de son throne & s’approcha du bord de l’échafaud, pour voir ceux qui lui accorderoient l’aide qui étoit demandée. Etienne Barbette prevôt des marchands, suivi de plusieurs bourgeois de Paris, promit de donner une aide suffisante, ou de suivre le roi en personne à la guerre. Les députés des autres communautés firent les mêmes offres ; & là-dessus l’assemblée s’étant séparée sans qu’il y eût de délibération formée en regle, il parut une ordonnance pour la levée de six deniers pour livre de toutes marchandises qui seroient vendues dans le royaume.
Il en fut à-peu-près de même de toutes les autres assemblées d’états ; les principaux députés, dont on avoit gagné les suffrages, décidoient ordinairement, sans que l’on eût pris l’avis de chacun en particulier ; ce qui fait voir combien ces assemblées étoient illusoires.
On y arrêta cependant, presque dans le moment où elles furent établies, un point extrèmement important ; savoir, qu’on ne leveroit point de tailles sans le consentement des trois états. Savaron & Mezeray placent ce réglement en 1314, sous Louis Hutin ; Boulainvilliers dans son Histoire de France, tome II. p. 468. prétend que ce réglement ne fut fait que sous Philippe de Valois : du reste ces auteurs sont d’accord entr’eux sur le point de fait.
Quoi qu’il en soit de cette époque, il paroît que Louis Hutin n’osant hasarder une assemblée générale, en fit tenir en 1315 de provinciales par bailliages & sénéchaussées, où il fit demander par ses commissaires un secours d’argent. Cette négociation eut peu de succès ; desorte que la cour mécontente des communes, essaya de gagner la noblesse, en convoquant un parlement de barons & de prélats à Pontoise pour le mois d’Avril suivant, ce qui ne produisit cependant aucune ressource pour la finance.
Philippe V. dit le Long, ayant mis, sans consulter les états, une imposition générale du cinquieme des revenus & du centieme des meubles sur toutes sortes de personnes sans exception, dès que cette ordonnance parut, tous les ordres s’émurent ; il y eut même quelques particuliers qui en interjetterent appel au jugement des états généraux, qu’ils supposoient avoir seuls le pouvoir de mettre des impositions.
Le roi convoqua les états, dans l’espérance d’y lever facilement ces oppositions, & que le suffrage de la ville de Paris entraîneroit les autres. L’assemblée se tint au mois de Juin 1321 ; mais le clergé, mécontent à cause des décimes que le roi levoit déjà sur lui, éluda la décision de l’affaire, en représentant qu’elle se traiteroit mieux dans des assemblées provinciales ; ce qui ne fut pas exécuté, Philippe V. étant mort peu de tems après.
Charles IV. son successeur, ayant donné une déclaration pour la réduction des monnoies, des poids & des mesures, le clergé & la noblesse lui remontrerent qu’il ne pouvoit faire ces réglemens que pour les terres de son domaine, & non dans celles des barons. Le roi permit de tenir à ce sujet de nouvelles assemblées provinciales ; mais on ne voit pas quelle en fut la suite.
Les états de Normandie députerent vers le roi Philippe de Valois, & obtinrent de lui la confirmation de la charte de Louis Hutin, appellée la charte aux Normands, avec déclaration expresse qu’il ne seroit jamais rien imposé sur la province, sans le consentement des états ; mais on a soin dans tous les édits qui concernent la Normandie, de déroger expressément à cette charte.
Le privilége que leur accorda Philippe de Valois, n’étoit même pas particulier à cette province ; car les historiens disent qu’en 1338 & 1339 il fut arrêté dans l’assemblée des états généraux, en présence du roi, que l’on ne pourroit imposer ni lever tailles en France sur le peuple, même en cas de nécessité ou utilité, que de l’octroi des états.
Ceux qui furent assemblés en 1343, accorderent à Philippe-de-Valois un droit sur les boissons & sur le sel pendant le tems de la guerre. Il y avoit eu des avant 1338 une gabelle imposée sur le sel ; mais ces impositions ne duroient que pendant la guerre, & l’on ne voit point si les premieres furent faites en conséquence d’un consentement des états. Pour ce qui est de l’imposition faite en 1343, on étoit alors si agité qu’on ne parla point de l’emploi qui devoit être fait ; ce que les états n’avoient point encore omis.
Aucun prince n’assembla si souvent les états que le roi Jean ; car sous son regne il y en eut presque tous les ans, soit de généraux ou de particuliers, jusqu’à la bataille de Poitiers.
L’objet de toutes ces assemblées étoit toûjours de la part du prince de demander quelque aide ou autre subside pour la guerre ; & de la part des états, de prendre les arrangemens convenables à ce sujet. Ils prenoient aussi souvent de-là occasion de faire diverses représentations pour la réformation de la justice, des finances, & autres parties du gouvernement ; après la séance des états il paroissoit communément une ordonnance pour régler l’aide qui avoit été accordée, & les autres objets sur lesquels les états avoient délibéré, supposé que le roi jugeât à propos d’y faire droit.
Il y eut à Paris le 13 Février 1350 une assemblée générale des états tant de la Languedoil que de la Languedoc, c’est-à-dire des deux parties qui faisoient alors la division du royaume : on croit néanmoins que les députés de chaque partie s’assemblerent séparément. Les prélats accorderent sur le champ le subside qui étoit demandé ; mais les nobles & la plûpart des députés des villes qui n’avoient pas de pouvoir suffisant, furent renvoyés dans leur province pour y délibérer. Le roi y indiqua des assemblées provinciales, & y envoya des commissaires qui accorderent quelques-unes des demandes ; & sur les autres, il fut député pardevers le roi. Quelques provinces accorderent un subside de six deniers ; d’autres seulement de quatre.
Il paroît que sous le regne du roi Jean on n’assembla plus en même tems & dans un même lieu les états de la Languedoil & ceux de la Languedoc, & que l’on tint seulement des assemblées provinciales d’états. Il y eut entre autres ceux du Limousin en 1355, où l’on trouve l’origine des cahiers que les états présentent au roi pour exposer leurs demandes. Ceux de Limosin en présenterent un, qui est qualifié en plusieurs endroits de cédile.
Suivant les pieces qui nous restent de ces différentes assemblées, on voit que le roi nommoit d’abord des commissaires qui étoient ordinairement choisis parmi les magistrats, auxquels il donnoit pouvoir de convoquer ces assemblées, & d’y assister en son nom ; qu’il leur accordoit même quelquefois la faculté de substituer quelqu’un à la place de l’un d’eux.
Ces commissaires avoient la liberté d’assembler les trois états dans un même lieu, ou chaque ordre séparément, & de les convoquer tous ensemble, ou en des jours différens.
Les trois ordres, quoique convoqués dans un même lieu, s’assembloient en plusieurs chambres ; ils formoient aussi leurs délibérations, & présentoient leurs requêtes séparément ; c’est pourquoi le roi à la fin de ces assemblées confirmoit par ses lettres tout ce qui avoit été conclu par chaque ordre, ou même par quelques députés d’un des ordres en particulier.
On appelloit états généraux du royaume ceux qui étoient composés des députés de toutes les provinces : on donnoit aussi le titre d’états généraux, à l’assemblée des députés des trois ordres de la Languedoil ou de la Languedoc ; parce que ces assemblées étoient composées des députés de toutes les provinces que comprenoient chacune de ces deux parties du royaume ; de sorte que les états particuliers ou provinciaux étoient seulement ceux d’une seule province, & quelquefois d’un seul bailliage ou sénéchaussée.
Les états géneraux de la Languedoil ou pays coûtumier, furent assemblés en la chambre du parlement en 1355. Le chancelier leur ayant demandé une aide, ils eurent permission de se consulter entre eux ; ensuite ils se présenterent devant le roi en la même chambre, & offrirent d’entretenir 30000 hommes d’armes à leurs frais. Cette dépense fut estimée 50000 liv. & pour y subvenir, les états accorderent la levée d’une imposition.
L’ordonnance qui fut rendue à cette occasion le 28 Décembre 1355, fait connoître quel étoit alors le pouvoir que les états s’étoient attribué. Ils commencerent, par la permission du roi, à délibérer 1°. sur le nombre des troupes nécessaires pour la guerre ; 2°. sur les sommes nécessaires pour soudoyer l’armée ; 3°. sur les moyens de lever cette somme, & sur la régie & emploi des deniers ; ils furent même autorises à nommer des généraux des aides pour en avoir la sur-intendance, & des élûs dans chaque diocese pour faire l’imposition & levée des deniers, usages qui ont subsisté jusqu’à ce que le roi se réserva la nomination des généraux, & qu’il érigea les élûs en titre d’office ; il fut aussi arrêté que le compte de la levée & emploi des deniers seroit rendu en présence des états, qui se rassembleroient pour cet effet dans le tems marqué.
Les états avoient aussi demandé que l’on réformât plusieurs abus qui s’étoient glissés dans le gouvernement ; & le roi considérant la clameur de son peuple, fit plusieurs réglemens sur les monnoies, sur les prises de vivres & provisions qui se faisoient pour le roi & pour sa maison, sur les prêts forcés d’argent, sur la jurisdiction des juges ordinaires, enfin sur plusieurs choses qui concernoient la discipline des troupes.
Lorsque le roi Jean fut pris par les Anglois, le dauphin encore jeune croyant devoir ménager tous les différens ordres du royaume dans une conjoncture si fâcheuse, assembla les états à Paris au mois de Mai 1356, dans la salle du parlement, pour lui donner aide & conseil, tant pour procurer la prompte délivrance du roi, que pour gouverner le royaume & conduire la guerre pendant son absence. Il se crut d’autant plus obligé d’en user ainsi, qu’il ne prenoit encore d’autre qualité que celle de lieutenant général du royaume, dont la régence ne lui fut formellement déférée qu’un an après par le parlement.
Les députés ayant obtenu un délai pour délibérer entre eux, tinrent des assemblées particulieres dans le couvent des Cordeliers ; s’étant plaints au dauphin que la présence des commissaires du roi gênoit la liberté des délibérations, ces commissaires furent rappellés. On convint de cinquante députés des trois ordres pour dresser un projet de réformation ; on délibéra aussi sur ce qui touchoit la guerre & la finance.
Le dauphin étant venu à leur assemblée, ils lui demanderent le secret, à quoi il ne voulut pas s’obliger. Les députés au lieu de s’occuper à chercher les moyens de délivrer le roi qui étoit prisonnier à Londres, firent des plaintes sur le gouvernement & voulurent profiter des circonstances, pour abaisser injustement l’autorité royale. Ils firent des demandes excessives qui choquerent tellement le dauphin, qu’il éluda long-tems de leur rendre réponse : mais enfin il se trouva forcé par les circonstances de leur accorder tout ce qu’ils demandoient.
Le roi qui avoit déjà pris des arrangemens avec les Anglois, fit publier à Paris des défenses pour lever l’aide accordée par les états, & à eux de se rassembler. Cependant comme les receveurs des états étoient maîtres de l’argent, le dauphin fut obligé de consentir à une assemblée. Il y en eut encore deux autres en 1357, où la noblesse ne parut point étant gagnée par le dauphin, qui d’un autre côté mit les villes en défiance contre la noblesse, pour les empêcher de s’unir.
Depuis que le dauphin eut été nommé régent du royaume, il ne laissa pas de convoquer encore en différentes années plusieurs états, tant généraux que particuliers : mais l’indécence avec laquelle se conduisirent les états à Paris en 1358, fut l’écueil où se brisa la puissance que les états s’étoient attribuée dans des tems de trouble. Depuis ce tems ils furent assemblés moins fréquemment ; & lorsqu’on les assembla, ils n’eurent plus que la voix de simple remontrance.
Ceux de la sénéchaussée de Beaucaire & de Nîmes tenus en 1363, présenterent au roi un cahier ou mémoire de leurs demandes : c’est la premiere fois, à ce qu’il paroît, que les états se soient servi du terme de cahier pour désigner leurs demandes ; car dans les précédens états on a vû que ces sortes de mémoires étoient qualifiés de cédule, apparemment parce que l’on n’avoit pas encore l’usage d’écrire les actes en forme de cahier. Au reste il étoit libre au roi de faire ou ne pas faire droit sur leurs cahiers ; mais il fut toûjours nécessaire que l’ordonnance qu’il rendoit sur les cahiers des états généraux, fût vérifiée au parlement qui représente seul le corps de la nation.
Les états généraux ne furent assemblés que deux fois sous le regue de Charles V. en l’année 1369. La premiere de ces deux assemblées se tint en la grand-chambre du parlement, le roi séant en son lit de justice ; le tiers état étoit hors l’enceinte du parquet & en si grand nombre, que la chambre en étoit remplie. Il ne fut point question pour cette fois de subside, mais seulement de délibérer sur l’exécution du traité de Bretigny, & sur la guerre qu’il s’agissoit d’entreprendre. Les autres états furent tenus pour avoir un subside. Ce qu’il y a de plus remarquable dans ces deux assemblées, est que l’on n’y parla point de réformation comme les états avoient coûtume de faire, tant on étoit persuadé de la sagesse du gouvernement.
La foiblesse du regne de Charles VI. donna lieu à de fréquentes assemblées des états. Il y en eut à Compiegne, à Paris, & dans plusieurs autres villes. Le détail de ce qui s’y passa, aussi bien que dans ceux tenus sous le roi Jean, se trouve fort au long dans des préfaces de M. Secousse, sur les tomes III. & suiv. des ordonnances de la troisieme race.
Les guerres continuelles que Charles VII. eut à soûtenir contre les Anglois, furent cause qu’il assembla rarement les états ; il y en eut cependant à Melun-sur-Yevre, à Tours, & à Orléans.
Celui de tous nos rois qui sut tirer le meilleur parti des états, fut le roi Louis XI. quand il voulut s’en servir, comme il fit en 1467, pour régler l’apanage de son frere ; ce qui fut moins l’effet du pouvoir des états, qu’un trait de politique de Louis XI. car il y avoit déjà long-tems que ces assemblées avoient perdu leur crédit. Il s’agissoit d’ailleurs en cette occasion d’un objet qui ne concernoit point les états, & pour lequel il n’avoit pas besoin de leur consentement.
Depuis l’année 1483, époque du commencement du regne de Charles VIII. il n’y eut point d’états jusqu’en 1506, qu’on en tint à Tours sous Louis XII. à l’occasion du mariage de la fille aînée du roi.
Il n’y en eut point du tout sous François premier.
Du regne d’Henri II. il n’y en eut point avant 1558. Savaron en date pourtant d’autres de 1549 : mais c’étoit un lit de justice.
Les états généraux tenus du tems de Charles IX. donnerent lieu à trois célebres ordonnances, qui furent faites sur les plaintes & doléances des trois états ; savoir les états d’Orléans à l’ordonnance de 1560, pour la réformation du royaume, appellée l’ordonnance d’Orléans ; & à celle de Roussillon de l’année 1563, portant réglement sur le fait de la justice pour satisfaire au surplus des cahiers des états, comme le roi l’avoit réservé par la premiere ordonnance. Les états de Moulins donnerent lieu à l’ordonnance de 1566, pour la réformation de la justice, appellée l’ordonnance de Moulins.
Les états généraux tenus à Blois sous Henri III. en 1576, donnerent aussi lieu à l’ordonnance de 1579, laquelle, quoique datée de Paris & publiée trois ans après les états de Blois, a été appellée ordonnance de Blois ; parce qu’elle fut dressée sur les cahiers de ces états. Il y en eut aussi à Blois en 1588 ; & l’insolence des demandes qu’ils firent, avança le desastre des Guises.
Le duc de Mayenne assembla à Paris en 1593 de prétendus états généraux, où l’on proposa vainement d’abolir la loi salique. Comme entre les trois ordres il n’y avoit que celui de la noblesse qui fût dévoüé au duc, & qu’il y avoit peu de noblesse considérable à cette assemblée, il proposa pour fortifier son parti d’ajoûter deux nouveaux ordres aux trois autres ; savoir celui des seigneurs, & celui des gens de robe & du parlement ; ce qui fut rejetté. Ces états furent cassés par arrêt du parlement du 30 Mai 1594.
Les derniers états généraux sont ceux qui se tinrent à Paris en 1614. Le roi avoit ordonné que le clergé s’assemblât aux Augustins, la noblesse aux Cordeliers, & le tiers-état dans l’hôtel-de-ville ; mais la noblesse & le tiers-état demanderent permission de s’assembler aussi aux Augustins, afin que les trois ordres pussent conférer ensemble : ce qui leur fut accordé.
La chambre du clergé étoit composée de cent quarante personnes, dont cinq cardinaux, sept archevêques, & quarante-sept évêques.
Cent trente-deux gentilshommes composoient la chambre de la noblesse.
Celle du tiers-état où présidoit le prevôt des marchands, étoit composée de cent quatre-vingts-deux députés, tous officiers de justice ou de finance.
L’ouverture des états se fit le 27 Octobre, après un jeûne public de trois jours & une procession solennelle, que l’on avoit ordonné pour implorer l’assistance du ciel.
L’assemblée se tint au Louvre dans la grande salle de l’hôtel de Bourbon ; le roi y siégea sous un dais de velours violet semé de fleurs-de-lis d’or, ayant à sa droite la reine sa mere assise dans une chaise à dos, & près d’elle Elisabeth premiere fille de France, promise au prince d’Espagne, & la reine Marguerite.
A la gauche du roi étoit monsieur, son frere unique, & Christine seconde fille de France.
Le grand-chambellan étoit aux piés de sa majesté ; le grand-maître & le chancelier à l’extrémité du marche-pié ; le maréchal de Souvré, les capitaines des gardes & plusieurs autres personnes, étoient derriere joignant leurs majestés.
Les princes, les cardinaux, les ducs, étoient placés des deux côtés.
Aux piés du throne étoit la table des secrétaires d’état.
A leur droite étoient les conseillers d’état de robe longue, & les maîtres des requêtes ; à leur gauche, les conseillers de robe courte ; & tout de suite les bancs des députés des trois ordres : les ecclésiastiques occupoient le côté droit, la noblesse le côté gauche, le tiers-état étoit derriere eux.
Le roi dit en peu de mots, que son but étoit d’écouter les plaintes de ses sujets, & de pourvoir à leurs griefs.
Le chancelier parla ensuite de la situation des affaires ; puis ayant pris l’ordre du roi, il dit aux députés que sa majesté leur permettoit de dresser le cahier de leurs plaintes & demandes, & qu’elle promettoit d’y répondre favorablement.
Les trois ordres firent chacun leur harangue, les députés du clergé & de la noblesse debout & découverts, le prevôt des marchands à genoux pour le tiers-état ; après quoi cette premiere séance fut terminée.
Dans l’intervalle de tems qui s’écoula jusqu’à la séance suivante, la cour prit des mesures pour diviser les députés des différens ordres, en les engageant à proposer chacun des articles de réformation, que l’on prévoyoit qui seroient contredits par les députés des autres ordres ; on s’attacha sur-tout à écarter les demandes du tiers-état, que l’on regardoit comme le plus difficile à gagner.
On se rassembla le 4 Novembre suivant ; le clergé demanda la publication du concile de Trente, la noblesse demanda l’abolition de la paulette, le tiers-état le retranchement des tailles & la diminution des pensions.
L’université de Paris qui vouloit avoir séance dans la chambre des députés du clergé, donna à cet effet son cahier ; mais il fut rejetté comme n’étant pas fait de concert entre les quatre facultés qui étoient divisées entre elles.
La noblesse & le clergé prirent de-là occasion de demander la réformation des universités, & que les Jésuites fussent admis dans celle de Paris, à condition, entr’autres choses, de se soûmettre aux statuts de cette université ; mais cela demeura sans effet, les Jésuites n’ayant pas voulu se soûmettre aux conditions que l’on exigeoit d’eux.
On demanda ensuite l’accomplissement du mariage du roi avec l’infante, & celui de madame Elisabeth de France avec le prince d’Espagne.
Les trois ordres qui étoient divisés sur plusieurs objets, se réunirent tous pour un, qui fut de demander l’établissement d’une chambre pour la recherche des malversations commises dans les finances ; mais la reine éluda cette proposition.
Il y en eut une autre bien plus importante qui fut faite par les députés du tiers-état, pour arrêter le cours d’une doctrine pernicieuse qui paroissoit se répandre depuis quelque tems, tendante à attaquer l’indépendance des rois par rapport à leur temporel.
L’article proposé par le tiers-état portoit que le roi seroit supplié de faire arrêter en l’assemblée des états généraux, comme une loi inviolable & fondamentale du royaume, que le roi étant reconnu souverain en France, & ne tenant son autorité que de Dieu seul, il n’y a sur la terre aucune puissance spirituelle ou temporelle qui ait droit de le priver de son royaume, ni de dispenser ou d’absoudre ses sujets pour quelque cause que ce soit, de la fidélité & de l’obéissance qu’ils lui doivent ; que tous les François généralement tiendroient cette loi pour sainte, véritable, & conforme à la parole de Dieu, sans nulle distinction équivoque ou limitation ; qu’elle seroit jurée par tous les députés aux états généraux, & desormais par tous les bénéficiers & magistrats du royaume, avant que d’entrer en possession de leurs bénéfices ou de leurs charges : que l’opinion contraire, aussi bien que celle qui permet de tuer ou de déposer les souverains, & de se révolter contre eux pour quelque raison que ce soit, seroient déclarées fausses, impies, détestables, & contraires à l’établissement de la monarchie françoise, qui dépend immédiatement de Dieu seul ; que tous les livres qui enseigneroient cette mauvaise doctrine, seroient regardés comme séditieux & damnables, &c. enfin que cette loi seroit lûe dans les cours souveraines & dans les tribunaux subalternes, afin qu’elle fût connue & religieusement observée.
Les partisans de la doctrine pernicieuse que cet article avoit pour objet de condamner, se donnerent tant de mouvemens, qu’ils engagerent les députés du clergé & de la noblesse à s’opposer à la réception de cet article sous différens prétextes frivoles ; comme de dire, que si l’on publioit cet article, il sembleroit que l’on eut jusqu’alors révoque en doute l’indépendance de la couronne, que c’étoit chercher à altérer l’union qui étoit entre le roi & le saint pere, & que cela étoit capable de causer un schisme.
Le cardinal du Perron qui fut député du clergé pour aller débattre cet article en la chambre du tiers-état, poussa les choses encore plus loin ; il accordoit à la vérité que pour telle cause que ce soit il n’est pas permis de tuer les rois, & que nos rois ont tout droit de souveraineté temporelle en leur royaume : mais il prétendoit que la proposition qu’il n’y a nul cas auquel les sujets puissent être absous du serment de fidélité qu’ils ont fait à leur prince, ne pouvoit être reçûe que comme problématique.
Le president Miron pour le tiers état défendit la proposition attaquée par le cardinal.
Cependant les députés des deux autres ordres parvinrent à faire ôter du cahier l’article qui avoit été proposé par le tiers-état ; & au lieu de cet article ils en firent insérer un autre, portant seulement que le clergé abhorroit les entreprises faites pour quelque cause ou prétexte que ce soit, contre les personnes sacrées des rois ; & que pour dissiper la mauvaise doctrine dont on a parlé, le roi seroit supplié de faire publier en son royaume la quinzieme session du concile de Constance.
Les manœuvres qui avoient été pratiquées pour faire ôter du cahier l’article propose par le tiers-état, exciterent le zele du parlement. Les gens du roi remontrerent dans leur requisitoire, que c’étoit une maxime de tout tems en France, que le roi ne reconnoît aucun supérieur au temporel de son royaume. sinon Dieu seul ; que nulle puissance n’a droit de dispenser les sujets de sa majesté de leur serment de fidélité & d’obéissance, ni de la suspendre, priver, ou dépouiller de son royaume, encore moins d’attenter ou de faire attenter par autorité, soit publique ou privée, sur les personnes sacrées des souverains : ils requirent en conséquence que les précédens arrêts intervenus à ce sujet, fussent derechef publiés en tous les siéges, afin de maintenir ces maximes ; sur quoi la cour rendit un arrêt conforme au requisitoire des gens du roi.
Les divisions que cette affaire occasionna entre les députés des états, firent presser la présentation des cahiers, afin de rompre l’assemblée. La clôture en fut faite le 23 Février 1615, avec la même pompe que l’ouverture avoit été faite.
Depuis ces derniers états généraux il y a eu quelques assemblées de notables, entre autres celle qui se tint à Paris au mois de Décembre 1626 jusqu’au 23 Février 1627, où le duc d’Orléans présidoit. Quelques historiens qualifient cette assemblée d’états, mais improprement ; & en tout cas ce n’auroit été que des états particuliers, & non des états généraux ; & dans l’usage elle est connue sous le nom d’assemblée des notables.
Il paroît aussi qu’en 1651 la noblesse se donna de grands mouvemens pour faire convoquer les états généraux ; que le roi avoit résolu qu’on les tiendroit à Tours, mais que ces états n’eurent pas lieu : en effet on trouve dans les registres de la chambre des comptes un arrêté fait par cette chambre, portant qu’elle ne députeroit point à ces états.
On tient encore de tems en tems des états particuliers dans quelques provinces, qu’on appelle par cette raison pays d’états ; tels que les états d’Artois, ceux de Bourgogne, de Bretagne, &c. & autres, dont on parlera dans les subdivisions suivantes.
Quelques personnes peu au fait des principes de cette matiere, croyent que toute la robe indistinctement doit être comprise dans le tiers-état ; ce qui est une erreur facile à réfuter.
Il est vrai que les gens de robe qui ne sont pas nobles, soit de naissance ou autrement, ne peuvent être placés que dans le tiers-état ; mais ceux qui joüissent du titre & des prérogatives de noblesse, soit d’extraction ou en vertu de quelque office auquel la noblesse est attachée, ou en vertu de lettres particulieres d’annoblissement, ne doivent point être confondus dans le tiers-état ; on ne peut leur contester le droit d’être compris dans l’ordre ou état de la noblesse, de même que les autres nobles de quelque profession qu’ils soient, & de quelque cause que procede leur noblesse.
On entend par ordre ou état de la noblesse, la classe de ceux qui sont nobles ; de même que par tiers-état on entend un troisieme ordre distinct & séparé de ceux du clergé & de la noblesse, qui comprend tous les roturiers, bourgeois, ou paysans, lesquels ne sont pas ecclésiastiques.
Chez les Romains la noblesse ne résidoit que dans l’ordre des sénateurs, qui étoit l’état de la robe. L’ordre des chevaliers n’avoit de rang qu’après celui des sénateurs, & ne joüissoit point d’une noblesse parfaite, mais seulement de quelques marques d’honneur.
En France anciennement tous ceux qui portoient les armes étoient réputés nobles ; & il est certain que cette profession fut la premiere source de la noblesse ; que sous les deux premieres races de nos rois, ce fut le seul moyen d’acquérir la noblesse : mais il faut aussi observer qu’alors il n’y avoit point de gens de robe, ou plûtôt que la robe ne faisoit point un état différent de l’épée. C’étoient les nobles qui rendoient alors seuls la justice : dans les premiers tems ils siégeoient avec leurs armes ; dans la suite ils rendirent la justice sans armes & en habit long, selon la mode & l’usage de ces tems-là, comme sont présentement les gens de robe.
Sous la troisieme race il est survenu deux changemens considérables, par rapport à la cause productive de la noblesse.
L’un est que le privilége de noblesse dont joüissoient auparavant tous ceux qui faisoient profession des armes, a été restraint pour l’avenir à certains grades militaires, & n’a été accordé que sous certaines conditions ; ensorte que ceux qui portent les armes sans avoir encore acquis la noblesse, sont compris dans le tiers-état, de même que les gens de robe non-nobles.
L’autre changement est qu’outre les grades militaires qui communiquent la noblesse, nos rois ont établi trois autres voies pour l’acquérir ; savoir la possession des grands fiefs qui annoblissoit autrefois les roturiers, auxquels on permettoit de posséder fiefs ; l’annoblissement par lettres du prince ; & enfin l’exercice de certains offices d’épée, de judicature, ou de finance, auxquels le roi attache le privilége de noblesse.
Ceux qui ont acquis la noblesse par l’une ou l’autre de ces différentes voies, ou qui sont nés de ceux qui ont été ainsi annoblis, sont tous également nobles, car on ne connoît point parmi nous deux sortes de noblesse. Si l’on distingue la noblesse de robe de celle d’épée, ce n’est que pour indiquer les différentes causes qui ont produit l’une & l’autre, & non pour établir entre ces nobles aucune distinction. Les honneurs & priviléges attachés à la qualité de nobles, sont les mêmes pour tous les nobles, de quelque cause que procede leur noblesse.
On distingue à la vérité plusieurs degrés dans la noblesse ; savoir celui des simples gentilshommes nobles ou écuyers ; celui de la haute noblesse, qui comprend les chevaliers, comtes, barons, & autres seigneurs ; & le plus élevé de tous, qui est celui des princes. Le degré de la haute noblesse peut encore recevoir plusieurs subdivisions pour le rang : mais encore une fois il n’y a point de distinction entre les nobles par rapport aux différentes causes dont peut procéder leur noblesse. On ne connoît d’autres distinctions parmi la noblesse, que celles qui viennent de l’ancienneté, ou de l’illustration, ou de la puissance que les nobles peuvent avoir à cause de quelque office dont ils seroient revêtus : tels que sont les offices de judicature, qui conferent au pourvû l’exercice d’une partie de la puissance publique.
Ce qui a pu faire croire à quelques-uns que toute la robe étoit indistinctement dans le tiers-état, est sans doute que dans le dénombrement des gens de cet état on trouve ordinairement en tête certains magistrats ou officiers municipaux, tels que les prevôts des marchands, les maires & échevins, capitouls, jurats, consuls, & autres semblables officiers ; parce qu’ils sont établis pour représenter le peuple, qu’ils sont à la tête des députés du tiers-état pour lequel ils portent la parole. On comprend aussi dans le tiers-état tous les officiers de judicature & autres gens de robe non nobles ; & même quelques-uns qui sont nobles, soit d’extraction ou par leur charge, lorsqu’en leur qualité ils stipulent pour quelque portion du tiers-état.
Il ne s’ensuit pas de-là que toute la robe indistinctement soit comprise dans le tiers-état ; les gens de robe qui sont nobles, soit de naissance, ou à cause de leur office, ou autrement, doivent de leur chef être compris dans l’état de la noblesse, de même que les autres nobles.
Prétendroit-on que les emplois de la robe sont incompatibles avec la noblesse, ou que des maisons dont l’origine est toute militaire & d’ancienne chevalerie, ayent perdu une partie de l’éclat de leur noblesse pour être entrées dans la magistrature, comme il y en a beaucoup dans plusieurs cours souveraines, & principalement dans les parlemens de Rennes, d’Aix, & de Grenoble ? ce seroit avoir une idée bien fausse de la justice, & connoître bien mal l’honneur qui est attaché à un si noble emploi.
L’administration de la justice est le premier devoir des souverains. Nos rois se font encore honneur de la rendre en personne dans leur conseil & dans leur parlement : tous les juges la rendent en leur nom ; c’est pourquoi l’habit royal avec lequel on les représente, n’est pas un habillement de guerre, mais la toge ou robe longue avec la main de justice, qu’ils regardent comme un de leurs plus beaux attributs.
Les barons ou grands du royaume tenoient autrefois seuls le parlement ; & dans les provinces la justice étoit rendue par des ducs, des comtes, des vicomtes, & autres officiers militaires qui étoient tous réputés nobles, & siégeoient avec leur habit de guerre & leurs armes.
Les princes du sang & les ducs & pairs concourent encore à l’administration de la justice au parlement. Ils y venoient autrefois en habit long & sans épée ; ce ne fut qu’en 1551 qu’ils commencerent à en user autrement, malgré les remontrances du parlement, qui représenta que de toute ancienneté cela étoit reservé au roi seul. Avant M. de Harlai, lequel sous Louis XIV. retrancha une phrase de la formule du serment des ducs & pairs, ils juroient de se comporter comme de bons & sages conseillers au parlement.
Les gouverneurs de certaines provinces sont conseillers nés dans les cours souveraines du chef-lieu de leur gouvernement.
Les maréchaux de France, qui sont les premiers officiers militaires, sont les juges de la noblesse dans les affaires d’honneur.
Les autres officiers militaires font tous la fonction de juges dans les conseils de guerre.
Nos rois ont aussi établi dans leurs conseils des conseillers d’épée, qui prennent rang & séance avec les conseillers de robe du jour de leur réception.
Ils ont pareillement établi des chevaliers d’honneur dans les cours souveraines, pour représenter les anciens barons ou chevaliers qui rendoient autrefois la justice.
Enfin les baillis & sénéchaux qui sont à la tête des jurisdictions des bailliages & sénéchaussées, non-seulement sont des officiers d’épée, mais ils doivent être nobles. Ils siégent l’épée au côté, avec la toque garnie de plumes, comme les ducs & pairs ; ce sont eux qui ont l’honneur de conduire la noblesse à l’armée, lorsque le ban & l’arriere-ban sont convoqués pour le service du roi. Ils peuvent outre cet office, remplir en même tems quelque place militaire, comme on en voit en effet plusieurs.
Pourroit-on après cela prétendre que l’administration de la justice fût une fonction au-dessous de la noblesse ?
L’ignorance des barons qui ne savoient la plûpart ni lire ni écrire, fut cause qu’on leur associa des gens de loi dans le parlement ; ce qui ne diminua rien de la dignité de cette cour. Ces gens de loi furent d’abord appellés les premiers sénateurs, maîtres du parlement, & ensuite présidens & conseillers. Telle fut l’origine des gens de robe, qui furent ensuite multipliés dans tous les tribunaux.
Depuis que l’administration de la justice fut confiée principalement à des gens de loi, les barons ou chevaliers s’adonnerent indifféremment, les uns à cet emploi, d’autres à la profession des armes ; les premiers étoient appellés chevaliers en lois ; les autres, chevaliers d’armes. Simon de Bucy premier président du parlement en 1344, est qualifié de chevalier en lois ; & dans le même tems Jean le Jay président aux enquêtes, étoit qualifié de chevalier. Les présidens du parlement qui ont succédé dans cette fonction aux barons, ont encore retenu de-là le titre & l’ancien habillement de chevalier.
Non-seulement aucun office de judicature ne fait décheoir de l’état de noblesse, mais plusieurs de ces offices communiquent la noblesse à ceux qui ne l’ont pas, & à toute leur postérité.
Le titre même de chevalier qui distingue la plus haute noblesse, a été accordé aux premiers magistrats.
Ils peuvent posséder des comtés, marquisats, baronnies ; & le roi en érige pour eux de même que pour les autres nobles : ils peuvent en prendre le titre non-seulement dans les actes qu’ils passent, mais se faire appeller du titre de ces seigneuries. Cet usage est commun dans plusieurs provinces, & cela n’est pas sans exemple à Paris : le chancelier de Chiverni se faisoit appeller ordinairement le comte de Chiverni ; & si cela n’est pas plus commun parmi nous, c’est que nos magistrats préferent avec raison de se faire appeller d’un titre qui annonce la puissance publique dont ils sont revêtus, plûtôt que de porter le titre d’une simple seigneurie.
Louis XIV. ordonna en 1665 qu’il y auroit dans son ordre de S. Michel six chevaliers de robe.
Enfin le duché-pairie de Villemor fut érigé pour le chancelier Séguier, & n’a été éteint que faute d’hoirs mâles.
Tout cela prouve bien que la noblesse de robe ne forme qu’un seul & même ordre avec la noblesse d’épée. Quelques auteurs regardent même la premiere comme la principale : mais sans entrer dans cette discussion, il suffit d’avoir prouvé qu’elles tiennent l’une & l’autre le même rang, & qu’elles participent aux mêmes honneurs, aux mêmes priviléges, pour que l’on ne puisse renvoyer toute la robe dans le tiers-état.
M. de Voltaire en son histoire universelle, tom. II. pag. 240, en parlant du mépris que les nobles d’armes font de la noblesse de robe, & du refus que l’on fait dans les chapitres d’Allemagne, d’y recevoir cette noblesse de robe, dit que c’est un reste de l’ancienne barbarie d’attacher de l’avilissement à la plus belle fonction de l’humanité, celle de rendre la justice.
Ceux qui seroient en état de prouver qu’ils descendent de ces anciens Francs qui formerent la premiere noblesse, tiendroient sans contredit le premier rang dans l’ordre de la noblesse. Mais combien y a-t-il aujourd’hui de maisons qui puissent prouver une filiation suivie au-dessus du xij. ou xiij. siecle ?
L’origine de la noblesse d’épée est à la vérité plus ancienne que celle de la noblesse de robe : mais tous les nobles d’épée ne sont pas pour cela plus anciens que les nobles de la robe. S’il y a quelques maisons d’épée plus anciennes que certaines maisons de robe, il y a aussi des maisons de robe plus anciennes que beaucoup de maisons d’épée.
Il y a même aujourd’hui nombre de maisons des plus illustres dans l’épée qui tirent leur origine de la robe, & dans quelques-unes les aînés sont demeurés dans leur premier état, tandis que les cadets ont pris le parti des armes : diroit-on que la noblesse de ceux-ci vaille mieux que celle de leurs aînés ?
Enfin quand la noblesse d’épée en général tiendroit par rapport à son ancienneté le premier rang dans l’ordre de la noblesse, cela n’empêcheroit pas que la noblesse de robe ne fût comprise dans le même ordre ; & il seroit absurde qu’une portion de la noblesse aussi distinguée qu’est celle-ci, qui joüit de tous les mêmes honneurs & priviléges que les autres nobles, fût exceptée du rôle de la noblesse, qui n’est qu’une suite de la qualité de nobles, & qu’on la renvoyât dans le tiers état, qui est la classe des roturiers, précisément à cause d’un emploi qui donne la noblesse, ou du moins qui est compatible avec la noblesse déjà acquise.
Si la magistrature étoit dans le tiers-état, elle seroit du moins à la tête ; au lieu que ce corps a toûjours été représenté par les officiers municipaux seulement.
Qu’on ouvre les procès-verbaux de nos coûtumes, on verra par-tout que les gens de robe qui étoient nobles par leurs charges ou autrement, sont dénommés entre ceux qui composoient l’état de noblesse, & que l’on n’a compris dans le tiers-état que les officiers municipaux ou autres officiers de judicature qui n’étoient pas nobles, soit par leurs charges ou autrement.
Pour ce qui est des états, il est vrai que les magistrats ne s’y trouvent pas ordinairement, soit pour éviter les discussions qui pourroient survenir entre eux & les nobles d’épée pour le rang & la préséance, soit pour conserver la supériorité que les cours ont sur les états.
Il y eut en 1558 une assemblée de notables, tenue en une chambre du parlement. La magistrature y prit pour la premiere fois séance ; elle n’y fut point confondue dans le tiers-état ; elle formoit un quatrieme ordre distingué des trois autres, & qui n’étoit point inférieur à celui de la noblesse. Mais cet arrangement n’étoit point dans les principes, n’y ayant en France que trois ordres ou états, & qu’un seul ordre de noblesse : aussi ne trouve-t-on point d’autre exemple, que la magistrature ait paru à de telles assemblées ; elle n’assista ni aux états de Blois, ni à ceux de Paris. (A)
Etat, (Jurispr.) ce terme a dans cette matiere plusieurs significations.
Etat d’Ajournement personnel, c’est la position d’un accusé qui est decrété d’ajournement personnel. Se représenter en état d’ajournement personnel, c’est se présenter en justice prêt à répondre sur le decret. Un officier ou bénéficier qui demeure en état d’ajournement personnel, demeure interdit jusqu’à ce que le decret soit levé.
Etat d’Assigné pour être oüi, c’est la position d’un accusé decrété d’assigné pour être oüi. Voyez l’article précédent.
Etat de Batardise, c’est la situation d’un enfant né hors le mariage. Voyez Batardise.
Etat en matiere bénéficiale, signifie recréance ou provision. L’article 18 du titre xv. de l’ordonnance de 1667, porte que si-durant le cours de la procédure celui qui avoit la possession actuelle du bénéfice décede, l’état & la main-levée des fruits sera donnée à l’autre partie sur une simple requête, qui sera faite judiciairement à l’audience, en rapportant l’extrait du registre mortuaire, & les pieces justificatives de la litispendance, sans autres procédures.
Ce terme pris en ce sens est principalement usité en matiere de régale ; au lieu que dans les autres matieres bénéficiales on dit recréance : quand il y a d’autres prétendans droit au bénéfice que le roi a conféré en régale, l’avocat du régaliste se présente en la grand-chambre, & conclut sur le barreau à ce que sa partie soit autorisée à faire assigner les autres contendans, & cependant l’état, c’est-à-dire qu’il demande que par provision on adjuge la recréance à sa partie ; sur quoi il intervient ordinairement arrêt conforme. (A)
Etat dernier, en matiere bénéficiale, est ce qui caractérise la derniere possession, soit par rapport à la nature du bénéfice, pour savoir s’il est séculier ou régulier, sacerdotal ou non, simple ou à charge d’ames ; soit par rapport aux collateurs & patrons, pour savoir s’il est en patronage ou en collation libre, & à qui appartient le patronage ou la collation ; soit enfin par rapport à la maniere de la posséder, pour savoir s’il est en regle ou en commende libre ou decrétée.
Ce dernier état décide souvent les questions possessoires, c’est-à-dire que l’on se détermine en faveur du pourvû par celui qui avoit un droit, au moins apparent, au tems de la derniere provision, suivant le chapitre querelam 24 extra de elect. & electi potest. le chapitre cum olim 7 extr. de caus. possess. & le chapitre consultationibus 19, x de jure patran. Voyez la jurisprud. canon. au mot Etat, sect. 2. (A)
Etat dernier, en matiere de possession, signifie la situation où les choses étoient avant le trouble : ce terme suppose que l’état des choses étoit d’abord différent, & qu’en dernier lieu il a changé. Voyez Possession, Possessoire.
Etat des Enfans, c’est le rang qu’ils tiennent dans la famille & dans la société, selon leur qualité de naturels ou de légitimes. Lorsqu’on parle de l’état des enfans, on entend aussi souvent par ce terme leur filiation ; ainsi rapporter des preuves de leur état, assûrer leur état, c’est établir la filiation.
Etat d’une Femme, c’est la situation d’une femme en puissance de mari. Cet état a cela de singulier, que la femme ne peut s’obliger sans le consentement & autorisation de son mari ; elle ne peut pareillement ester en jugement sans être autorisée de lui, ou à son refus par justice, s’il y a lieu-de l’accorder.
Etat de légitimité, c’est celui d’un enfant né d’un mariage légitime.
Etat (se mettre en) de la part d’un accusé, c’est se représenter à justice.
Etat, (mettre une cause, instance, ou procès en) c’est l’instruire & faire tout ce qui est nécessaire pour que l’affaire puisse être décidée. Voyez Cause, Instance, Procès.
Etat et Office sont quelquefois termes synonymes. Voyez Office.
Etat signifie quelquefois simplement une place qui n’est point office, soit que cette place soit une dignité, ou que ce soit une simple fonction ou commission.
Etat de Personne, c’est sa filiation & ce qui l’attache à une famille. On entend aussi quelquefois par-là tout ce qui donne un rang à quelqu’un dans la société ; comme la liberté, la vie civile, les droits de cité, la majorité, &c.
Etat premier est opposé à dernier état. Voyez ci-devant Etat dernier.
Etat de prise de Corps, c’est la situation d’un accusé decrété de prise de corps. Voyez ce qui a été dit ci-devant au mot Etat d’Ajournement personnel.
Etat, (question d’) c’est une contestation où l’on révoque en doute la filiation de quelqu’un, ou son état, & ses capacités personnelles. Voyez Etat de personne. (A)
Etat, en matiere de compte, signifie un tableau ou mémoire dans lequel on détaille la recette & dépense du comptable, ses reprises, &c. Il y a plusieurs sortes d’états.
Etat, (bref) est un compte par simple mémoire, à la différence d’un compte qui est rendu en la forme prescrite par l’ordonnance. Voyez Compte par bref état.
Etat de Dépense, est un mémoire de dépense. Voyez Compte & Dépense.
Etat final, à la Chambre des Comptes, est celui que le rapporteur écrit en fin du compte, suivant ce qui résulte des parties alloüées ou rejettées dans le compte.
Etat des Maisons royales, est le rôle des officiers qui y servent, & qui doivent joüir en conséquence de certains priviléges. Ces états sont envoyés à la cour des aides. Voyez les réglemens des tailles, de 1614, art. xxjv. 1634, art. viij. & la déclaration du 30 Mai 1664.
Etat de Recette, est un mémoire ou bordereau de recette.
Etat de Reprise, est le mémoire des reprises que fait le rendant compte. Voyez Compte & Reprise.
Etat du Roi, en style de la Chambre des Comptes, est l’état arrêté au conseil, de la recette & dépense à faire par le comptable. Voyez ce qui est dit dans l’article suivant.
Etat au vrai, en style de la Chambre des Comptes, est un état arrêté, soit au conseil, soit au bureau des finances, de la recette & dépense réellement faite par le comptable ; à la différence de l’état du roi, qui est l’état de recette & dépense qu’il avoit à faire.
Etat ut jacet, se dit à la chambre des comptes, lorsqu’on tarde à clorre un compte. L’auditeur-rapporteur du compte en doit faire l’état ut jacet, suivant l’ordonnance de 1454, pour empêcher que pendant ce retardement le comptable ne divertisse par des acquits mandiés, le fonds qu’il peut devoir. (A)
Etat, en Normandie, signifie ordre du prix de l’adjudication par decret. On dit tenir état du prix de l’adjudication & des baux judiciaires. Article 5 de la coûtume. (A)
Etat de Nevil, en Angleterre, est un ancien registre gardé par le secrétaire de l’échiquier, lequel contient l’énumération de la plûpart des fiefs que le roi possede dans le royaume d’Angleterre ; avec des enquêtes sur les sergenteries, & sur les terres échûes à son domaine par droit d’aubaine. Il porte le nom de, son compilateur, Jean de Nevil, qui étoit un des juges-ambulans sous le regne d’Henri III. roi d’Angleterre. (A)
Etats d’Artois, sont une assemblée des députés du clergé, de la noblesse, & du tiers-état de la province.
Ils sont convoqués par le roi, auquel seul en appartient le droit, suivant le placard du 12 Janvier 1664.
L’objet de cette assemblée est de régler ce qui est nécessaire par rapport aux subventions que la province accorde au roi, attendu qu’elle n’est pas sujette aux impositions qui ont lieu dans le royaume.
Cet usage est si ancien, qu’on n’en trouve point le commencement : on peut néanmoins l’attribuer à la composition de 14000 liv. que firent les habitans d’Artois avec le roi Charles V. le premier Décembre 1368, pour leur part de la contribution annuelle aux frais de la guerre. Cette somme de 14000 liv. qui a toûjours été nommée l’ancienne aide ou composition d’Artois, étoit réglée par les élus d’Artois, Boulenois, Saint-Pol, ressorts & relevemens, selon la caroline en charte du roi Charles VI. du 31 Octobre 1409.
La tenue de ces états n’a jamais été interrompue, si ce n’est depuis la prise d’Arras en 1640, jusqu’à la paix des Pyrenées, après laquelle le roi rétablit le pays dans ses anciens priviléges. La premiere assemblée se tint dans la ville de Saint-Pol en 1660 ; mais depuis on les tient toûjours à Arras.
L’évêque d’Arras est le président-né des états. Voyez l’état de France de Boulainvilliers ; dictionn. de la Martiniere ; & Maillart sur la coûtume d’Artois, p. 168.
Etats de Bourgogne, sont les états particuliers ou assemblée des trois ordres du duché de Bourgogne, qui se fait tous les trois ans ou environ, au mois de Mai, à moins que le roi n’avance ou retarde la convocation.
On y regle les impositions de la province.
A l’égard du détail de ceux qui y ont entrée, voyez la description de Bourgogne, par Garreau. Voyez aussi ci-après Etats du Charollois & Etats du Maconnois.
Etats de Bresse, sont les états particuliers de cette province. Ils se tiennent toûjours avant ceux de Bourgogne, dont ils sont distingués, quoique du reste la Bresse fasse partie du gouvernement de Bourgogne. Le tiers-état y est composé des députés des vingt-cinq mandemens qui composent tout le pays. Voyez Piganiol de la Force.
Etats de Bretagne, autrefois se tenoient tous les ans ; mais depuis 1630 on ne les assemble plus que de deux ans en deux ans. Le tiers-état est composé des députés des quarante communautés de la province, dont quelques-unes ont droit d’envoyer deux députés ; les autres un seulement. Ce corps n’a qu’une seule voix.
Etats du Bugey : outre les assemblées générales des trois ordres, le tiers-état y tient des assemblées particulieres, avec la permission du gouverneur.
Etats du Charollois : quoique le Charollois fasse partie du duché de Bourgogne, il a néanmoins ses états particuliers, qui dépendent en quelque maniere des états généraux de la Province, dont ils reçoivent les commissions pour faire l’imposition de leur cotte-part des charges générales. Ces états s’assemblent dans la ville de Charolles.
Etat du Clergé ou Etat de l’Eglise ; c’est l’ordre des ecclésiastiques, composé de ceux qui sont députés aux états.
Etats de Dauphiné : cette province étoit autrefois un pays d’états ; mais ils furent supprimés en 1628, par une ordonnance qui etablit en leur place six bureaux d’élections.
Etats généraux, ou Etats du Royaume ; c’est-à-dire ceux où se trouvoient les députés des trois ordres de toutes les provinces. Voyez ci-devant Etats.
Etats de la Languedoc, étoient ceux qui se tenoient par les députés des trois ordres de la partie méridionale de la France ; laquelle partie étoit anciennement toute comprise sous le nom de pays de la Languedoc, qu’il ne faut pas confondre avec le Languedoc proprement dit. Du tems que les Anglois possédoient la Guyenne & autres pays circonvoisins, la Languedoc ne comprenoit que le Languedoc, le Quercy, & le Roüergue.
Etats de Languedoc : leur établissement est fort ancien ; avant la réunion de cette province en un seul corps, les comtes de Toulouse & autres seigneurs particuliers assembloient chacun leurs sujets, lorsqu’ils vouloient faire sur eux quelque imposition. Depuis la réunion de cette province à la couronne, on observoit encore d’assembler les habitans du Languedoc par senéchaussées, jusqu’à ce que l’on trouva plus à propos de les convoquer tous ensemble, c’est-à-dire deux députés de chaque diocèse ; un pour le clergé. qui est l’évêque ; & un baron pour la noblesse & les députés des principales villes. Quelques-uns prétendent que c’est sous Charles VII. que cette derniere forme a été établie : on trouve cependant encore depuis, quelques commissions adressées aux sénéchaux ; & ce n’est que depuis l’an 1500, tems auquel remontent seulement les registres des états, qu’on est certain que la forme qui a lieu présentement, étoit déjà observée.
Les états de Languedoc s’assemblent tous les ans : autrefois leur séance se tenoit alternativement dans différentes sénéchaussées, présentement ils s’assemblent ordinairement à Montpellier ; l’archevêque de Narbonne en est président-né.
Etats de la Languedoyl, étoient ceux de la partie septentrionale de France ; ce qui comprenoit toutes les provinces qui sont en-deçà de la Loire. On disoit quelquefois, comme termes synonymes, états de la Languedoyl & du pays coûtumier ; cependant le Lyonnois, qui se régit par le droit écrit, envoyoit aussi ses députés aux états de Languedoc.
Etats du Maconnois : cette province, quoiqu’elle fasse partie du gouvernement de Bourgogne, a ses états particuliers, qui font l’imposition des charges que le Mâconnois doit supporter. Cette quotité étoit autrefois un quatorzieme au total ; aujourd’hui elle est du onzieme.
Etats de la Noblesse, signifie l’ordre de la noblesse dans les états généraux & dans les procès-verbaux de coûtume, & autres assemblées publiques. Quand on parle de l’état de la noblesse, on entend par-là les députés de l’ordre de la noblesse.
Etats particuliers, sont ceux d’une province ou d’une ville ; ils sont opposés aux états généraux. Voyez ci-devant ce qui en a été dit au mot Etats.
Etats du Royaume, sont la même chose que les états généraux. Voyez ci-devant Etats.
Etat, (tiers-) c’est le troisieme ordre de l’état, composé des bourgeois & du peuple, représentés dans l’assemblé des états par les députés des villes. Voyez ce qui en a été dit ci-devant au mot Etat.
Etats, (trois) sont les trois ordres du royaume ; savoir le clergé, la noblesse, & le tiers-état.
Etats des Villes, sont l’assemblée particuliere des officiers, principaux habitans & notables bourgeois des villes, lorsque le roi leur permet de s’assembler en forme d’états, pour délibérer de leurs affaires communes. (A)
Etat, (Medecine.) ἀκμὴ : ce terme est employé pour désigner le tems de la maladie auquel les symptomes n’augmentent plus ni en nombre ni en violence, & subsistent dans le dernier degré de leur accroissement : c’est alors que la maladie est dans toute sa force.
On se sert aussi du même terme à l’égard de l’augmentation fixée des symptomes qui accompagnent le redoublement ou l’accès dans les maladies qui en sont susceptibles. Voyez Maladie, Fievre, Tems, Redoublement, Paroxysme ou Accès. (d)
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