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Mémoires secrets de Bachaumont/1770/Mars

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Texte établi par M. J. Ravenel, Brissot-Thivars éditeurs & A. Sautelet et Compagnie (Tome III (1769-1772)p. 119-132).
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Mars 1770

1er Mars. — Les écrits pour et contre la Compagnie des Indes ne sont pas encore taris. Il paraît une brochure in-4°, de dix pages, intitulée Lettre d’un cultivateur à son ami sur la Compagnie des Indes. Le résultat de ces réflexions sensées, mais peu neuves, est que l’auteur s’étonne qu’il y ait des êtres pensans et raisonnans qui puissent proposer à l’État de sacrifier soixante millions pour une Compagnie qui, loin d’avoir apporté jusqu’ici un sou de bénéfice au royaume, lui a souvent occasioné guerres ruineuses ; qui ne profite en rien, diminue successivement, et par la situation actuelle de l’Inde est menacée d’un épuisement plus sensible que jamais. On voit par cet exposé, que l’écrivain est un partisan de l’abbé Morellet, qui, cette fois, s’est déguisé sous le nom d’un cultivateur ; il ne raisonne pas mieux que lui, et le simple habitant de la campagne substitue au bon sens qu’il devrait avoir, tout le sophisme d’un rhéteur.

2. — M. de Voltaire, pour préliminaire de la farce spirituelle qu’il se propose de jouer vraisemblablement pour la troisième fois à Pâques prochain, vient de se faire nommer Père temporel des Capucins de la province de Gex. Ces bons Pères, qu’il a tant bafoués et sous le nom desquels il a fait paraître tant de brochures impies et scandaleuses, sont aujourd’hui sous sa protection. On sait que le devoir de cette place est de soutenir l’Ordre, de le défendre. En conséquence, il sollicite ordinairement les plus grands seigneurs de vouloir bien l’accepter. M. le comte d’Argenson était Père temporel des Capucins de la province de France, et M. le marquis de Voyer, son fils, a bien voulu le remplacer. Le patriarche de la littérature vient d’apprendre la nouvelle en question à plusieurs de ses amis, et il en rit dans différentes lettres, où il en parle avec cette grâce et cette légèreté qui lui sont propres.

3. — Le vauxhall des Champs-Elysées, ce vaste monument qui a essuyé tant de contradictions, repris et interrompu plusieurs fois, vient de reprendre enfin une nouvelle activité, au moyen d’autres souscripteurs, que les entrepreneurs ont persuadés de la majesté, de l’utilité et de la sûreté de leur projet. On espère toujours que Colysée sera fini pour le mariage de M. le Dauphin, et que la Ville y donnera des fêtes à cette occasion.

Le peu de succès de celui de la Foire Saint-Germain expose les entrepreneurs à perdre la plus grande partie de leurs fonds ; mais le Gouvernement, qui sent les avantages et la douceur, pour le public, de ces voluptueux établissemens, pour encourager les auteurs, accorde à ceux-ci toutes les facultés possibles, afin de ramener les amateurs refroidis. Ils ont imaginé une loterie, qui a commencé avant-hier. Au billet que l’on donne à la porte pour y entrer, et qui ne coûte qu’un écu, comme à l’ordinaire, on joint un numéro, jusqu’à la quantité de douze cents. Ces numéros auront part à un tirage, et concourront à la distribution de douze lots en bijoux, de la valeur totale de six cents livres, qu’on paiera en argent à ceux qui l’exigeront. Cette loterie doit se tirer à une heure fixe, quelque nombre qu’il y en ait en diminution et sans qu’il puisse jamais excéder celui de douze cents. Deux enfans feront le tirage en présence des spectateurs, et cette amusette sera un nouveau véhicule pour attirer les assistans, qu’elle occupera.

5. — M. l’archevêque de Reims, président de l’assemblée du clergé, poussé par les prélats ses confrères, n’a pu s’empêcher de témoigner au roi la douleur du corps épiscopal, de voir, au moment où il allait s’assembler, élever sous ses yeux, dans la capitale de la France, un monument à l’erreur et à l’irréligion, par la nouvelle édition qui s’y faisait du Dictionnaire Encyclopédique, ouvrage contre lequel il avait toujours réclamé et anathématisé de tant de censures canoniques. La religion de Sa Majesté ne lui a pas permis de refuser au clergé la justice qu’il demandait. En conséquence, la nouvelle édition de ce Dictionnaire est arrêtée, et M. le comte de Saint-Florentin a fait déposer à la Bastille tous les exemplaires des trois premiers volumes de ce livre déjà imprimés. On se flatte qu’après la dissolution de l’assemblée l’édition se reprendra, et l’on le présume par l’attention avec laquelle on conserve ce qui en est fait, et qu’on aurait dû brûler avec authenticité, si l’on eût voulu donner sérieusement satisfaction aux évêques.

7. — M. de Pompignan, évêque du Puy, répand depuis quelque temps un gros livre[1], servant d’apologie aux derniers actes du clergé, qu’il ne pourra défendre contre la poussière et les vers, les seuls ennemis que cet ouvrage ait à combattre aujourd’hui. Quoi qu’il en soit ce prélat veut leur rendre une nouvelle existence, et dans ce livre il établit contradictoirement à ce qui fut dit dans le temps, lors de leurs dénonciation et proscription par le Parlement : 1° que les assemblées du clergé de France ne sont pas seulement des assemblées temporelles destinées à satisfaire aux demandes d’argent du souverain, à l’assiette et à la répartition du don gratuit ; qu’elles on encore, et ont toujours eu pour objet, de traiter toutes les matières de doctrine ou de discipline, que les évêques jugent à propos d’y agiter ; 2° que les magistrats ne sont nullement dans le cas de se mêler des refus de sacremens ; qu’ils ne pouvaient en connaître qu’à raison du déshonneur dans l’ordre civil, qui en résulterait pour la réputation de l’excommunié ; mais que cette tache est une tache invisible et purement spirituelle, qui ne s’imprime que sur l’âme du pécheur et ne flétrit en rien l’état et l’existence légale du citoyen ; 3° que ce passage de saint-Paul : omnis potestas à Deo ordinata est, a été catégoriquement interprété auxdits actes ; que c’est le sens véritable de l’Apôtre et de l’Église ; et, par une rencontre assez bizarre, il se trouve que le prélat est d’accord avec les encyclopédistes[2]. Cet ouvrage, très-susceptible de la flétrissure du Parlement, lui sera vraisemblablement dénoncé et pourrait faire quelque peine à son auteur, n’avait eu la prudence de n’y pas mettre son nom. On croit que pour donner plus d’éclat à cette proscription, la cour n’en connaîtra qu’en présence de l’assemblée de nosseigneurs du clergé.

8. — Il y a dans Paris une petite rue, près la place des Victoires, qu’on appelle la rue Vide-Gousset ; un de ces jours on a trouvé ce nom effacé, et l’on y avait substitué : rue Terray.

On voit des pasquinades de différentes espèces, entre autres une caricature représentant un lièvre avec un cordon bleu, après lequel court un lévrier traînant une canne à bec-de-corbin. Sur le plan de derrière est un homme en simarre, avec un fusil à deux coups, qui paraît viser le premier et attendre successivement le second.


On a frappé aussi une estampe, où l’on remarque les fermiers-généraux à genoux, et M. l’abbé Terray qui leur donne des cendres, avec cette inscription au bas : Memento homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris.

9. — Vers à madame la comtesse Du Barry,
À l’occasion de sa division avec M. le duc de Choiseul[3].

Déesse des plaisirs, tendre mère des Grâces,
Pourquoi veux-tu mêler aux fêtes de Paphos
PourLes noirs soupçons, les honteuses disgrâces ?
Ah ! pourquoi méditer la perte d’un héros !
Ah ! Ulysse est cher à la patrie,
Ah ! Il est l’appui d’Agamemnon :
Sa politesse active et son vaste génie

Enchaînent la valeur de la fière Ilion.
EnchSoumets les dieux à ton empire ;
Vénus sur tous les cœurs règne par la beauté :
EnchCueille, dans un riant délire,
EnchLes roses de la volupté ;
EnchMais à nos vœux daigne sourire,
EnEt rends le calme à Neptune agité.
Ulysse, ce mortel aux Troyens formidable,
EnchQue tu poursuis dans ton courroux,
EnchPour la beauté n’est redoutable
EnchQu’en soupirant à ses genoux.

10. — On a appris que M. l’abbé Chappe d’Auteroche de l’Académie des Sciences, connu par ses travaux astronomiques, est mort en arrivant en Californie pour y observer le dernier passage de Vénus sur le soleil.

— Sur l’associataon de M. le chancelier avec M. le controleur-général.

Maupeou, que le ciel en colère
Nomma pour organe des lois,
Maupeou, plus fourbe que son père,
Et plus scélérat mille fois,
Pour cimenter notre misère,
De Terray vient de faire choix.
Le traître voulait un complice :
Mais il trouvera son supplice
Dans le cœur de l’abbé sournois.

— Le sieur Luneau de Boisjermain, que les libraires associés à l’impression du Dictionnaire Encyclopédique ont attaqué au criminel, comme auteur de diffamation et de calomnie à leur égard, vient d’opposer à leur Mémoire un Mémoire à consulter, et une Consultation signée de sept jurisconsultes. Cette affaire, devenue très-grave est trop avancée pour qu’on puisse reculer de part ou d’autre.

12. — On vient d’imprimer, très-furtivement sans doute, in-4°, ayant pour titre : Procédure de Bretagne, ou Procès extraordinairement instruit et jugé, au sujet d’assemblées illicites, discours injurieux, subornation de témoins, complot de poison et incident de calomnie. C’est le recueil de toutes les pièces relatives à ce qui s’est passé dans cette province depuis la publication du fameux Tableau des assemblées secrètes et fréquentes des Jésuites et leurs affiliés, à Rennes[4], qui parut à Paris au mois de novembre 1766, qu’un ministre fit passer au sieur Flesselles, alors intendant de Rennes, avec ordre de la part de Sa Majesté de vérifier les faits, et qui provoqua enfin, le 27 mai 1767, une dénonciation en règle de M. le Prêtre de Châteaugiron, second avocat-général.

L’ouvrage est précédé d’un discours préliminaire, où le duc d’Aiguillon est représenté comme « l’enuemi implacable, l’instigateur et presque le bourreau de six exilés, un sujet indigne de la confiance de son prince, un chef de conjurés, un suborneur de témoins, le fauteur d’un Projet d’empoisonnement[5], le complice et peut-être même le premier auteur de ces crimes ». Tel est l’effroyable portrait par lequel on débute, et qui ne peut avoir été tracé que par une plume très-hardie.

12. — Madame la duchesse de Villeroi, très-renommée par son goût pour les fêtes et pour les spectacles, et d’ailleurs à même d’influer grandement dans cette partie, étant sœur de M. le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre, a fait préparer une espèce d’opéra à machines, intitulé : la Tour enchantée, qu’elle compte faire exécuter pour le mariage de M. le Dauphin. Elle a extrêmement à cœur de faire réussir ce spectacle, pour lequel elle se donne beaucoup de soins et entre dans les plus petits détails. On ne doute pas de la beauté, de la magnificence et du génie qui régneront dans cet ouvrage presque tout entier de féerie. On croit que c’est M. de Sauvigny qui, inspiré par cette Muse, a composé les paroles du poëme, la moindre chose de cette composition à grandes machines.

14. — M. Dupuy Demportes, auteur plus fécond que précieux de différentes pièces de littérature, vient de mourir. Il a écrit aussi sur la politique et sur quelques autres sciences.

17. — M. Dorat, qui a une dent contre M. de La Harpe au sujet de la petite niche qu’il lui a faite, et dont on a rendu compte[6], n’a pas manqué de saisir l’occasion de la publicité du drame de Mélanie, pour mordre son cher confrère et se venger délicieusement. Il lui a adressé une Épître en vers sous le nom du curé de Saint-Jean-de-Latran, bien amère, bien dure, bien méchante et qui fait un éclat du diable.

18. — Trois économistes à la fois se sont réunis contre M. l’abbé Galiani, et dissèquent ses Dialogues commerce des blés. Outre M. de La Rivière qui traite la matière[7] avec toute la gravité, tout le pédantisme magistral, M. l’abbé Baudeau, prévôt mitré de Wydzynisky, vient d’adresser deux Lettres[8] à ce persifleur sur le même ton, et lui promet d’en faire paraître successivement quelques autres ; enfin M. l’abbé Roubaud donne un échantillon d’un ouvrage qu’il croit devoir opposer à l’ennemi commun, dans deux Lettres[9] en réponse aux deux premiers dialogues du livre, où il emploie un ton aigre-doux, espèce de mélange des deux manières de ses collègues. Si cette conjuration, cette ligue de tant de raisonneurs fait présumer mal des systèmes du plaisant Italien, au moins fait-elle honneur à son attaque, puisque ces messieurs ne dédaignent pas d’entrer en lice contre lui, et ne se croient pas déshonorés de se mettre trois contre un. Malheureusement, le livre de l’abbé Galiani jouit d’une fortune singulière ; il fait l’amusement général ; il gagne d’autant sur l’opinion ; et ceux de ces messieurs restent concentrés entre le petit nombre des philosophes sévères, leurs amis, leurs partisans et leurs admirateurs.

20. — L’affaire singulière dont on a parlé dans son origine[10], entre le sieur Mouton, élève de l’Académie de Peinture à Rome, et le sieur Natoire, directeur de cette école, était pendante depuis long-temps au Châlelet. Le temps nécessaire pour avoir les certificats et pièces justificatives pour établir les preuves auxquelles le sieur Mouton avait été admis, avait allongé de beaucoup cette contestation. Les juges viennent enfin de prononcer en première instance. Le sieur Natoire est condamné envers le sieur Mouton à vingt mille livres de dommages et intérêts, à tous les frais et dépens. Permis au sieur Mouton de faire afficher un certain nombre d’exemplaires imprimés de la sentence, tant à Paris qu’à Rome, aux frais et dépens du sieur Natoire.


21. — Le sieur Duclos, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et de l’Académie Française, est connu pour être extrêmement lié avec MM. de La Chalotais. On a parlé, dans le temps, de la chaleur qu’il mettait à défendre en public ces procureurs-généraux, et des craintes qu’il avait inspirées à ses amis par ce zèle inconsidéré. Il est parti depuis peu subitement pour se rendre à Saintes ; lieu de l’exil des magistrats. On croit que M. le chancelier a voulu employer cette dernière ressource pour négocier avec MM. de La Chalotais, et les séduire, s’il est possible. Comme le sieur Duclos est un homme sans conséquence, en cas de refus M. le chancelier prétend qu’il ne sera pas compromis. Ceux qui connaissent le négociateur, peuvent juger par là de l’embarras où se trouve le chef de la magistrature, pour avoir recours à cet homme turbulent, plus propre à brouiller qu’à pacifier, et dont le caractère n’annonce aucune des qualités nécessaires à une négociation aussi délicate.

22. — On prétend que M. de La Chalotais, prévenu de l’arrivée du sieur Duclos, lui a demandé, dès le premier instant qu’il l’a vu, s’il venait le voir comme son ami ou comme son tentateur ; qu’en la première qualité, il serait le très-bien venu et pouvait rester ; qu’en la seconde, il ne voulait ni ne pouvait l’écouter. Sur quoi la franchise de l’Académicien ne lui a pas permis de dissimuler qu’il était chargé de le solliciter de la part de la cour, et de lui détailler les propositions qu’il avait à lui faire d’après les instructions de M. le chancelier. À quoi M. de La Chalotais ayant absolument fermé l’oreille, le négociateur était reparti, comme l’huissier de Rennes, qu’on eût ouvert les paquets.

25. — M. l’abbé Trublet, archidiacre de Saint-Malo, vient d’y mourir le 14 de ce mois, après avoir langui plusieurs années. Il était de l’Académie Française, où il avait brigué une place pendant long-temps. Tout son mérite consistait dans une grande vénération pour Fontenelle et Pour Lamotte. Il avait fait plusieurs rapsodies, qui avaient donné lieu à ce vers caractéristique de M. de Voltaire :

Il compilait, compilait, compilait.

Ce vers l’avait rendu plus célèbre que ses œuvres.

— La pièce de Gabrielle de Vergy, du sieur de Belloy, a été jouée sur le théâtre de Versailles après celle de Gaston et Bayard, et n’a pas eu plus de succès. La première tragédie n’avait pas excité l’admiration que l’auteur comptait arracher par le sublime qu’il a prodigué jusqu’au galimatias, et celle-ci n’a pas fait couler les larmes délicieuses qu’il espérait obtenir à la faveur du pathétique doucereux et fade, soutenu par un style lâche, diffus, traînant et prosaïque. Le public perd l’espoir de voir jouer Gaston et Bayard avant Pâques sur le théâtre de Paris, comme on l’avait annoncé ; le sieur Le Kain est malade. Les partisans du sieur de Belloy prétendent que c’est un prétexte pour ne pas représenter les pièces de cet auteur, auquel il a voué une haine immortelle.

26. — On prétend que l’auteur du placard affiché à la porte du contrôle-général, où il était écrit : « Ici l’on joue au noble jeu de billard » a été arrêté, et que, pour entrer dans les vues de douceur et d’indulgence de M. l’abbé Terray, on lui en a rendu compte, mais que ce ministre avait décidé qu’il fallait le laisser à la Bastille jusqu’à ce que la partie fût finie.

28. — M. Ripert de Monclar, procureur-général du Parlement de Provence, avait fait un Mémoire pour le procureur-général de Provence, servant à établir la souveraineté du roi sur Avignon et le comtat Venaissin. Ce Mémoire était imprimé à Paris, et il en avait déjà transpiré quelques exemplaires : mais le Saint-Père, instruit de l’existence de cet écrit, a demandé, vraisemblablement, qu’il ne soit pas répandu, et M. le duc de Choiseul en a fait porter toute l’édition au Louvre. Ce ministre a tellement à cœur de donner cette satisfaction à Sa Sainteté, que M. Caperonnier, de la Bibliothèque du Roi, en ayant demandé un exemplaire pour y être déposé, M. le duc de Choiseul lui a répondu que cela ne serait point. Ceux qui ont lu cet écrit assurent que c’est un détail très-circonstancié de toutes les manœuvres des papes pour extorquer ces domaines, et qu’on y dévoile des mystères d’iniquité qu’il est de l’intérêt du Saint-Siège de laisser dans les ténèbres. Le fonds est, au surplus, soutenu de toute force d’un style plein et vigoureux ; ce qui rend le Mémoire très-précieux par lui-même, indépendamment de sa rareté.

30. — On a trouvé, ces jours derniers, affiché à la chapelle de l’abbé Grisel, à Notre-Dame[11], un ecriteau portant ces mots : « Relâche au théâtre. » Ce quolibet sacrilège a fait frémir les premières dévotes qui l’ont lu : on en a instruit le Chapitre, qui a fait arracher l’écriteau, et on l’a déposé au greffe du bailliage, sans autre formalité.

31. Stances de M. de Voltaire à un ami[12],
Sur sa nomination à la dignité de Père temporel des Capucins du pays de Gex, et sur la lettre d’affiliation à cet Ordre, qui lui a été écrite par le Général.

Il est vrai, je suis Capucin,
C’est sur quoi mon salut se fonde.
Je ne veux pas, dans mon déclin,
Finir comme les gens du monde.

Mon malheur est de n’avoir plus,
Dans mes nuits ces bonnes fortunes,
Ces nobles grâces des élus,
Chez mes confrères si communes.

Je ne suis point frère Frappart,
Confessant sœur Luce ou sœur Nice ;
Je ne porte point le cilice
De saint Grisel, de saint Billard.

J’achève doucement ma vie :
Je suis prêt à partir demain,
En communiant de la main
Du bon curé de Mélanie.


Dès que Monsieur l’abbé Terray
À su ma capucinerie,
De mes biens il m’a délivré :
Que servent-ils dans l’autre vie ?

J’aime fort cet arrangement,
Il est leste et plein de prudence.

Plût à Dieu qu’il en fît autant
À tous les moines de la France !

  1. Défense des actes du clergé, concernant la religion. 1769.
  2. Voyez dans l’Encyclopédie l’article Autorité politique, par Diderot. — R.
  3. Ces vers sont attribués à M. Lantier par A. A. Barbier dans son Supplément à la Correspondance littéraire de Grimm : d’autres les donnent à Boufflers. Ils ont été compris dans l’édition des Œuvres de ce poète publiée en 1826, chez Furne. — R.
  4. V. 24 avril 1767. — R.
  5. V. 9 janvier 1769. — R.
  6. V. 9 février 1770. — R.
  7. L’Intérêt général de l’État, ou la liberté du commerce des blés, démontrée conforme au droit public de la France, aux lois fondamentales du royaume, à l’intérêt commun du souverain et de ses sujets, dans tous les temps ; avec la réfutation d’un nouveau système publié en forme de Dialogue sur le commerce des blés. Amsterdam et Paris, 1770, in-12. — R.
  8. Lettres d’un Amateur à M. l’abbé G***, sur ses Dialogues anti-économistes. Paris, Lacombe, 1770, in-8°. — R.
  9. Récréations économiques ou Lettres de l’auteur des Représentations aux magistrats à M. le chevalier Zanobi, principal interlocuteur des Dialogues sur le commerce des blés. Amsterdam et Paris, 1770, in-8°. — R.
  10. V. 14 mai 1768. — R.
  11. Il s’y présente journellement une grande affluence de monde pour savoir de ses nouvelles.
  12. Saurin. Les vers de ce poète auxquels l’épître de Voltaire sert de réponse, se trouvent dans la Correspondance littéraire de Grim, ier mars 1770. — R.