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chapitre quarante-troisième.


CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.




Lettre au comte Boniface sur les devoirs des hommes de guerre. — Lettres à Optat sur l’origine de l’âme ; au prêtre Sixte sur la question pélagienne ; au diacre Célestin ; à Mercator ; à Asellicus. — Lettres à Hésichus sur la fin du monde.

(418-419.)


Augustin, l’homme le plus occupé de son temps, l’homme à qui aboutissaient le plus de questions et d’affaires, ne pouvait pas rester plusieurs mois loin d’Hippone, sans que de tous les points d’Occident et d’Orient les lettres vinssent s’y accumuler. Que de solutions et de conseils étaient attendus ! combien d’intelligences, combien d’âmes soupiraient au loin après cette parole que le monde recevait comme un bienfait, et qui s’en allait à travers la terre ainsi qu’un rayon divin ! Une lettre de l’évêque d’Hippone était un événement heureux ; on s’en nourrissait, on s’en pénétrait, on s’efforçait d’en saisir jusqu’aux intentions les plus cachées, et de nombreuses copies mettaient une multitude d’hommes en possession du trésor. Lorsqu’on attendait une réponse d’Hippone, les semaines et les jours étaient comptés ; les flots, les vents et les voyageurs étaient interrogés ; et si rien n’arrivait, on endurait le supplice d’un trop long retard avec une impatience grande comme la joie qu’on se promettait. En revenant à Hippone après une absence dont s’affligeait son troupeau, Augustin trouva beaucoup de vœux à remplir.

La correspondance de l’année 418 trace tout d’abord leurs devoirs aux hommes de guerre. Augustin fait voir au comte Boniface qu’on peut se sauver dans la profession des armes, et qu’il est permis aux chrétiens de combattre pour les intérêts de la paix et la sécurité du pays. Il cite David, vainqueur en beaucoup de batailles ; le centenier de l’Évangile, dont la foi fut si vive que Jésus-Christ déclara n’avoir point trouvé en Israël une foi pareille à la sienne ; Corneille, cet autre centenier, à qui Dieu annonça par un ange qu’il avait agréé ses aumônes et exaucé ses prières. Augustin rappelle que saint Jean, répondant à des soldats venus pour lui demander le baptême et le supplier de leur prescrire leurs devoirs, leur adressa ces paroles : Ne faites ni fraude ni violence ci personne, et contentez-vous de votre paye.

« Il en est qui, en priant pour vous, dit Augustin à Boniface, combattent contre d’invisibles ennemis ; vous, en combattant pour eux, vous travaillez contre les Barbares trop visibles… Lorsque vous vous armez pour le combat, songez d’abord que votre force corporelle est aussi un don de Dieu ; cette pensée vous empêchera de trouver un don de Dieu contre Dieu lui-même. La foi promise doit être gardée à l’ennemi même à qui on fait la guerre : combien plus encore elle doit l’être à l’ami pour lequel on combat ! on doit vouloir la paix et ne faire la guerre que par nécessité, pour que Dieu nous délivre de la nécessité de tirer l’épée et nous conserve dans la paix. On ne cherche pas la paix pour exciter la guerre, mais on fait la guerre pour obtenir la paix. Restez donc ami de la paix, même en combattant, afin que la victoire vous serve à ramener l’ennemi aux avantages de la paix. Bienheureux les pacifiques, dit le Seigneur, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu[1] ! Si la paix de ce monde est si douce pour le salut temporel des mortels, combien est plus douce encore la paix de Dieu pour le salut éternel des anges ! que ce soit donc la nécessité et non pas la volonté qui ôte la vie à l’ennemi dans les combats. De même qu’on répond par la violence à la rébellion et à la résistance, ainsi on doit la

  1. Saint Matthieu, v, 9.