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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/531

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aimé peindre ce que j’avais examiné de mes propres yeux. Je ne puis m’empêcher de remarquer que j’ai été une espèce de prophète en racontant l’incendie de l’église du Saint-Sépulcre dans Les Martyrs. Les papiers publics nous ont appris que cette église avoit été détruite de fond en comble par un semblable accident, à l’exception du tombeau de Jésus-Christ. Plusieurs personnes m’ont fait l’honneur de m’écrire pour me demander ce que je pensois de ce miracle. Tout ce que je puis dire, c’est que la description de l’église, telle qu’on l’a donnée dans les journaux, est d’une grande fidélité. Le Saint-Sépulcre, environné d’un catafalque de marbre blanc, a pu, à la rigueur, résister à l’action du feu ; mais il est pourtant très-extraordinaire qu’il n’ait pas été écrasé par la chute de la coupole embrasée, et qu’en même temps la chapelle des Arméniens, adossée au catafalque, ait été brûlée. Si un pareil malheur étoit arrivé il y a un siècle, la chrétienté se seroit réunie pour faire rebâtir l’église ; mais aujourd’hui j’ai bien peur que le tombeau de Jésus-Christ ne reste exposé aux injures de l’air, à moins toutefois que de pauvres esclaves schismatiques, des Grecs, des Cophtes et des Arméniens, ne se cotisent, à la honte des nations catholiques, pour réparer un tel malheur.


17e. — page 235.

On voyoit la ville sainte, etc.

C’est la Jérusalem délivrée, gravée sur les portes de l’église du Saint-Sépulcre. J’ai ramené dans ce morceau le souvenir de la patrie, et j’ai essayé de traduire les fameux vers :

Chiama gli abitator dell’ombre eterne
Il rauco suon della Tartarea tromba,
etc.

« Le bruit d’abîme en abîme roule et retombe : » Romor rimbomba.


18e. — page 236.

Elle étoit vêtue d’une robe de bysse, etc.

Il est souvent parlé du bysse dans l’Écriture. C’étoit une étoffe légère, de couleur jaune. Les grenades d’or, les bandelettes de cinq couleurs, les croissants, etc., sont des parures marquées dans les prophètes. Je ne pouvois, au surplus, manquer de peindre la semaine sainte à Jérusalem. La sévérité, la grandeur de cette fête chrétienne forment contraste avec la dissolution des fêtes d’Amathonte. Il y a bien loin du chameau de l’Arabe, des souvenirs de Rachel et de Jacob, des lamentations de Jérémie, aux cérémonies des druides, aux chants de Teutatès, aux tragédies de Sophocle à Athènes, et aux danses de l’île de Chypre. Mais tel est, si je ne me trompe, l’avantage de mon sujet, de pouvoir faire passer sous les yeux du lecteur le spectacle choisi de ce qu’il y a de plus curieux, de plus agréable et de plus grand dans l’antiquité.