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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/319

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l’épaisseur par c ; en sorte que par leur multiplication mutuelle elles produisent le solide abc.

Comme dans les quarrés, cubes, 4es puissances, &c. la multiplication des dimensions ou degrés est exprimée par la multiplication des lettres, & que le nombre de ces lettres peut croître jusqu’à devenir trop incommode, on se contente d’écrire la racine une seule fois, & de marquer à la droite l’exposant de la puissance, c’est-à-dire le nombre des lettres dont est composée la puissance ou le degré qu’il s’agit d’exprimer, comme a2, a3, a4, a5 : cette derniere expression a5, veut dire la même chose que a élevé à la cinquiéme puissance ; & ainsi du reste. V. Puissance, Racine, Exposant, &c.

Quant aux symboles, caracteres, &c. dont on fait usage en Algebre, avec leur application, &c. Voyez les articles Caractere, Quantité, &c.

Pour la méthode de faire les différentes opérations de l’Algebre, voyez Addition, Soustraction, Multiplication, &c.

Quant à l’origine de cet art, nous n’avons rien de fort clair là-dessus : on en attribue ordinairement l’invention à Diophante, auteur Grec, qui en écrivit treize livres, quoiqu’il n’en reste que six. Xylander les publia pour la premiere fois en 1575. & depuis ils ont été commentés & perfectionnés par Gaspar Bachet, Sieur de Meziriac, de l’Académie Françoise, & ensuite par M. de Fermat.

Néanmoins il semble que l’Algebre n’a pas été totalement inconnue aux anciens Mathématiciens, qui existoient bien avant le siecle de Diophante : on en voit les traces en plusieurs endroits de leurs ouvrages, quoiqu’ils paroissent avoir eu le dessein d’en faire un mystere. On en apperçoit quelque chose dans Euclide, ou au moins dans Theon qui a travaillé sur Euclide. Ce Commentateur prétend que Platon avoit commencé le premier à enseigner cette science. Il y en a encore d’autres exemples dans Pappus, & beaucoup plus dans Archimede & Apollonius.

Mais la vérité est que l’Analyse dont ces Auteurs ont fait usage, est plûtôt géométrique qu’algébrique, comme cela paroît par les exemples que l’on en trouve dans leurs ouvrages ; en sorte que l’on peut dire que Diophante est le premier & le seul Auteur parmi les Grecs qui ait traité de l’Algebre. On croit que cet art a été fort cultivé par les Arabes : on dit même que les Arabes l’avoient reçu des Perses, & les Perses des Indiens. On ajoûte que les Arabes l’apporterent en Espagne, d’où, suivant l’opinion de quelques-uns, il passa en Angleterre avant que Diophante y fût connu.

Luc Paciolo, ou Lucas à Burgo, Cordelier, est le premier dans l’Europe qui ait écrit sur ce sujet : son Livre, écrit en Italien, fut imprimé à Venise en 1494. Il étoit, dit-on, disciple d’un Léonard de Pise & de quelques autres dont il avoit appris cette méthode : mais nous n’avons aucun de leurs écrits. Selon Paciolo l’Algebre vient originairement des Arabes : il ne fait aucune mention de Diophante ; ce qui feroit croire que cet Auteur n’étoit pas encore connu en Europe. Son Algebre ne va pas plus loin que les équations simples & quarrées ; encore son travail sur ces dernieres équations est-il fort imparfait, comme on le peut voir par le détail que donne sur ce sujet M. l’Abbé de Gua, dans un excellent Mémoire imprimé parmi ceux de l’Académie des Sciences de Paris 1741. Voyez Quarré ou Quadratique, Équation, Racine, &c.

Après Paciolo parut Stifelius, auteur qui n’est pas sans mérite : mais il ne fit faire aucun progrès remarquable à l’Algebre. Vinrent ensuite, Scipion Ferrei, Tartaglia, Cardan, & quelques autres, qui pousserent cet art jusqu’à la résolution de quelques équations cubiques : Bombelli les suivit. On peut

voir dans la dissertation de M. l’Abbé de Gua que nous venons de citer, l’histoire très-curieuse & très exacte des progrès plus ou moins grands que chacun de ces Auteurs fit dans la science dont nous parlons : tout ce que nous allons dire dans la suite de cet article sur l’histoire de l’Algebre, est tiré de cette dissertation. Elle est trop honorable à notre Nation pour n’en pas insérer ici la plus grande partie.

« Tel étoit l’état de l’Algebre & de l’Analyse, lorsque la France vit naître dans son sein François Viete, ce grand Géometre, qui lui fit seul autant d’honneur que tous les Auteurs dont nous venons de faire mention en avoient fait ensemble à l’Italie.

« Ce que nous pourrions dire ici à son éloge, seroit certainement au-dessous de ce qu’en ont dit déja depuis long-tems les Auteurs les plus illustres, même parmi les Anglois, dans la bouche desquels ces loüanges doivent être moins suspectes de partialité que dans celle d’un compatriote. Voyez ce qu’en dit M. Halley, Trans. Phil. n°. 190. art. 2. an. 1687.

« Ce témoignage, quelqu’avantageux qu’il soit pour Viete, est à peine égal à celui qu’Harriot, autre Algébriste Anglois, rend au même Auteur dans la préface du livre qui porte pour titre Artis Analyticæ praxis.

« Les éloges qu’il lui donne sont d’autant plus remarquables, qu’on les lit à la tête de ce même ouvrage d’Harriot, où Wallis a prétendu appercevoir les découvertes les plus importantes qui se soient faites dans l’Analyse, quoiqu’il lui eût été facile de les trouver presque toutes dans Viete, à qui elles appartiennent en effet pour la plûpart, comme on le va voir.

« On peut entr’autres en compter sept de ce genre.

« La premiere, c’est d’avoir introduit dans les calculs les lettres de l’alphabet, pour désigner même les quantités connues. Wallis convient de cet article, & il explique au ch. xiv. de son traité d’Algebre l’utilité de cette pratique.

« La seconde, c’est d’avoir imaginé presque toutes les transformations des équations, aussi bien que les différens usages qu’on en peut faire pour rendre plus simples les équations proposées. On peut consulter là-dessus son traité de Recognitione Æquationum, à la page 91. & suivantes, édit. de 1646. aussi bien que le commencement du traité de Emendatione Æquationum, page 127. & suivantes.

« La troisieme, c’est la méthode qu’il a donnée pour reconnoître par la comparaison de deux équations, qui ne différeroient que par les signes, quel rapport il y a entre chacun des coefficiens qui leur sont communs, & les racines de l’une & de l’autre. Il appelle cette méthode syncrisis, & il l’explique dans le traité de Recognitione, page 104. & suivantes.

« La quatrieme, c’est l’usage qu’il fait des découvertes précédentes pour résoudre généralement les équations du quatrieme degré, & même celles du troisieme. Voyez le traité de Emendatione, page 140. & 147.

« La cinquieme, c’est la formation des équations composées par leurs racines simples, lorsqu’elles sont toutes positives, ou la détermination de toutes les parties de chacun des coefficiens de ces équations, ce qui termine le livre de Emendatione, page 158.

« La sixieme & la plus considérable, c’est la résolution numérique des équations, à l’imitation des extractions de racines numériques, matiere qui fait elle seule l’objet d’un livre tout entier.

« Enfin on peut prendre pour une septieme découverte ce que Viete a enseigné de la méthode