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vois que 100, joint avec 60, doit être égal à x + y, joint à x-y. Or pour ajoûter x + y à x-y, il faut suivant les regles de l’addition algébrique, écrire 2 x ; je vois donc que 2 x est égal à 160, c’est-à-dire que 160 est le double du plus grand nombre cherché ; donc ce nombre est la moitié de 160, c’est-à-dire 80 : d’où il est facile de trouver l’autre qui est y : car puisque x + y est égal à 100, & que x est égal à 80, donc 80 plus y est égal à 100 ; donc y est égal à 100 dont on a retranché 80, c’est-à-dire 20 ; donc les deux nombres cherchés sont 80 & 20 : en effet leur somme est 100, & leur différence est 60.

Au reste je ne prétends pas faire voir par cet article la nécessité de l’Algebre ; car elle ne seroit encore guere nécessaire, si on ne proposoit pas des questions plus compliquées que celles-là : j’ai voulu seulement faire voir par cet exemple très-simple, & à la portée de tout le monde, comment par le secours de l’Algebre on parvient à trouver les nombres inconnus.

L’expression algébrique d’une question, n’est autre chose, comme l’a fort bien remarqué M. Newton, que la traduction de cette même question, en caracteres algébriques ; traduction qui a cela de commode & d’essentiel, qu’elle se réduit à ce qu’il y a d’absolument nécessaire dans la question, & que les conditions superflues en sont bannies. Nous allons en donner d’après M. Newton l’exemple suivant.

Question énoncée par le langage ordinaire. La même question traduite algébriquement.
On demande trois nombres avec ces conditions. x, y, z.
Qu’ils soient en proportion géométrique continue. y :: y : z, ou xz = yy.
Voyez Proportion.
Que leur somme soit 20. x + y + z = 20.
Et que la somme de leurs quarrés soit 140. xx + yy + zz = 140.

Ainsi la question se réduit à trouver les trois inconnues x, y, z, par les trois équations xz = yy, x + y + z = 20, xx + yy + zz = 140. Il ne reste plus qu’à tirer de ces trois équations la valeur de chacune des inconnues.

On voit donc qu’il y a dans l’Arithmétique universelle deux parties à distinguer.

La premiere est celle qui apprend à faire les combinaisons & le calcul des quantités représentées par des signes plus universels que les nombres ; de maniere que les quantités inconnues, c’est-à-dire dont on ignore la valeur numérique, puissent être combinées avec la même facilité que les quantités connues, c’est-à-dire auxquelles on peut assigner des valeurs numériques. Ces opérations ne supposent que les propriétés générales de la quantité, c’est-à-dire qu’on y envisage la quantité simplement comme quantité, & non comme représentée & fixée par telle ou telle expression particuliere.

La seconde partie de l’Arithmétique universelle consiste à savoir faire usage de la méthode générale de calculer les quantités, pour découvrir les quantités qu’on cherche par le moyen des quantités qu’on connoît. Pour cela il faut 1°. représenter de la maniere la plus simple & la plus commode, la loi du rapport qu’il doit y avoir entre les quantités connues & les inconnues. Cette loi de rapport est ce qu’on nomme équation ; ainsi le premier pas à faire, lorsqu’on a un problème à résoudre, est de réduire d’abord le problème à l’équation la plus simple.

Ensuite il faut tirer de cette équation la valeur ou les différentes valeurs que doit avoir l’inconnue qu’on cherche : c’est ce qu’on appelle résoudre l’équation.

Voyez l’article Equation, où vous trouverez là-dessus un plus long détail, auquel nous renvoyons, ayant dû nous borner dans cet article à donner une idée générale de l’Arithmétique universelle, pour en détailler les regles dans les articles particuliers. Voyez aussi Probleme, Racine, &c.

La premiere partie de l’Arithmétique universelle s’appelle proprement Algebre ou science du calcul des grandeurs en général ; la seconde s’appelle proprement Analyse : mais ces deux noms s’employent assez souvent l’un pour l’autre. V. Algebre & Analyse.

Nous ignorons si les anciens ont connu cette Science : il y a pourtant bien de l’apparence qu’ils avoient quelque moyen semblable pour résoudre au moins les questions numériques ; par exemple, les questions qui ont été appellées questions de Diophante. Voyez Diophante ; voyez aussi Application de l’Analyse à la Géométrie.

Selon M. l’abbé de Gua, dans son excellente histoire de l’Algebre, dont on trouve la plus grande partie à l’artic. Algebre de ce Dictionnaire, Théon paroît avoir cru que Platon est l’inventeur de l’Analyse, & Pappus nous apprend que Dïophante & d’autres auteurs anciens s’y étoient principalement appliqués, comme Euclide, Apollonius, Aristée, Eratosthene, & Pappus lui-même. Mais nous ignorons en quoi consistoit précisément leur Analyse, & en quoi elle pouvoit différer de la nôtre ou lui ressembler. M. de Malezieu, dans ses Elémens de Géométrie, prétend qu’il est moralement impossible qu’Archimede soit arrivé à la plûpart de ses belles découvertes géométriques, sans le secours de quelque chose d’équivalent à notre Analyse : mais tout cela n’est qu’une conjecture ; & il seroit bien singulier qu’il n’en restât pas au moins quelque vestige dans quelqu’un des ouvrages des anciens Géometres. M. de l’Hopital, ou plûtôt M. de Fontenelle, qui est l’auteur de la préface des infiniment petits, observe qu’il y a apparence que M. Pascal est arrivé à force de tête & sans Analyse, aux belles découvertes qui composent son traité de la roulette, imprimé sous le nom d’Etonville. Pourquoi n’en seroit-il pas de même d’Archimede & des anciens ?

Nous n’avons encore parlé que de l’usage de l’Algebre pour la résolution des questions numériques : mais ce que nous venons de dire de l’Analyse des anciens, nous conduit naturellement à parler de l’usage de l’Algebre dans la Géométrie : cet usage consiste principalement à résoudre les problèmes géométriques par l’Algebre, comme on résout les problèmes numériques, c’est-à-dire, à donner des noms algébriques aux lignes connues & inconnues ; & après avoir enoncé la question algébriquement, à calculer de la même maniere que si on résolvoit un problème numérique. Ce qu’on appelle en Algebre équation d’une courbe, n’est qu’un problème géométrique indéterminé, dont tous les points de la courbe donnent la solution : & ainsi du reste. Dans l’application de l’Algebre à la Géométrie, les lignes connues ou données sont représentées par des lettres de l’alphabet, comme les nombres connus ou donnés dans les questions numériques : mais il faut observer que les lettres qui représentent des lignes dans la solution d’un problème géométrique, ne pourroient pas toûjours être exprimées par des nombres. Je suppose, par exemple, que dans la solution d’un problème de Géométrie, on ait deux lignes connues, dont l’une que j’appellerai a soit le côté d’un quarré, & l’autre que je nommerai b soit la diagonale de ce même quarré ; je dis que si on assigne une valeur numérique à a, il sera impossible d’assigner une valeur numérique à b, parce que la diagonale d’un quarré & son côté sont incommensurables. V. Incommensurable, Diagonale, Hypotenuse, &c. Ainsi les calculs algébriques appliqués à la Géométrie ont un avantage, en ce que les caracteres