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l’air passe dans le sang par les arteres pulmonaires, & on ne sauroit prouver qu’il le fasse par les veines des poumons ; en effet, cette communication doit être empêchée par l’air qui distend les vésicules, & qui comprime les veines dans l’inspiration, aussi-bien que par l’humeur gluante qui humecte la membrane qui tapisse le dedans de la trachée-artere. A quoi l’on peut ajouter la difficulté que le sang doit avoir pour passer par des pores d’une aussi grande petitesse, & les mauvais effets qu’il produit ordinairement quand il vient à se mêler avec le sang. Voyez Pore & Eau. Quant aux argumens dont on se sert pour prouver cette communication, savoir, la couleur rouge que le sang prend dans les poumons, & la nécessité absolue dont est la respiration pour la conservation de la vie, ils ne sont point si convainquans, qu’on ne puisse en trouver d’autres pour expliquer ces deux effets. Voyez Sang.

D’autres, comme Sylvius, Etmuller, &c. prétendent que la respiration sert à rafraîchir le sang qui passe tout bouillant du ventricule droit du cœur dans les poumons, au moyen des particules froides & nitreuses dont il s’impregne, & qu’elle sert de refrigérent. Voyez Refrigérent.

Mayow & d’autres assurent qu’un des grands usages de la respiration est de chasser avec l’air les vapeurs fuligineuses dont le sang est rempli ; & quant à l’inspiration, ils prétendent qu’elle sert à communiquer au sang un ferment nitro-aërien, auquel les esprits animaux & le mouvement musculaire doivent leur origine.

Le docteur Thurston refute tous ces sentimens, & prouve que la respiration ne sert qu’à faire passer le sang du ventricule droit du cœur dans le gauche, & à effectuer par ce moyen la circulation. Voyez Circulation.

C’est au défaut de circulation que l’on doit attribuer la mort des personnes que l’on pend, qui se noyent ou qui s’étranglent ; aussi-bien que celle des animaux que l’on enferme dans la machine pneumatique. Voyez Vuide.

Il rapporte une expérience faite par le docteur Croon devant la société royale, lequel ayant étranglé un poulet, au point de ne lui laisser aucun signe de vie, le ressuscita de nouveau en soufflant dans ses poumons par la trachée-artere, & en leur rendant leur premier jeu. Une autre expérience de la même espece, est celle du docteur Hook, qui, après avoir pendu un chien, lui coupa les côtes, le diaphragme & le péricarde, aussi-bien que le sommet de la trachée-artere pour pouvoir y introduire le bout d’un soufflet, & qui, en soufflant dans ses poumons, le fit ressusciter & mourir aussi souvent qu’il voulut.

Le docteur Drake confirme non-seulement cet usage de la respiration, il le pousse encore plus loin, le regardant comme la vraie cause de la diastole du cœur, que Borelli, ni Lower, ni Cowper n’ont point expliquée comme il faut. Voyez Diastole.

Il fait voir que le poids de l’atmosphere est le vrai antagoniste de tous les muscles qui servent à l’inspiration ordinaire, & à la contraction du cœur. Comme l’élévation des côtes ouvre un passage au sang, & lui donne le moyen de pénétrer dans les poumons, de même quand elles s’abaissent, les poumons & les vaisseaux sanguins se resserrent, & le sang est poussé avec force par la veine pulmonaire dans le ventricule gauche du cœur ; cela joint à la compression générale du corps par le poids de l’atmosphere, oblige le sang à monter dans les veines, après que l’impulsion que le cœur lui a imprimée, a cessé, & force le cœur à passer de l’état de contraction qui lui étoit naturel, dans celui de dilatation. Voyez Cœur.

La dilatation & la contraction réciproque des dimensions superficielles du corps qui suivent la respiration,

sont si nécessaires à la vie, qu’il n’y a aucun animal, pour imparfait qu’il soit, en qui elles n’existent.

La plûpart des poissons & des insectes sont dénués de poumons & de côtes mobiles, ce qui fait que leur poitrine ne peut point se dilater ; mais la nature a remédié à ce défaut par un méchanisme analogue : les poissons, par exemple, ont des ouies qui font l’office des poumons, & qui reçoivent & chassent alternativement l’eau, par le moyen de quoi les vaisseaux sanguins souffrent les mêmes altérations dans leurs dimensions, que dans les poumons des animaux les plus parfaits. Voyez Ouies.

Les insectes n’ayant point de poitrine, ou de cavité séparée pour loger le cœur & les poumons, ont ces derniers distribués dans toute l’étendue de leur corps, & l’air s’y insinue par plusieurs soupiraux auxquels sont attachées autant de petites trachées qui envoient des branches à tous les muscles & à tous les visceres, & paroissent accompagner les vaisseaux sanguins dans tout le corps, de même que dans les poumons des animaux les plus parfaits. Par cette disposition le corps de ces petits animaux s’étend à chaque inspiration, & se resserre pendant chaque expiration, de sorte que les vaisseaux sanguins souffrent une vicissitude d’extension & de compression. Voyez Insecte.

Le fœtus est le seul animal qui soit exempt de la nécessité de respirer ; mais pendant tout le tems qu’il est enfermé dans la matrice, il ne paroît avoir qu’une vie végétative, & il mérite à peine d’être mis au nombre des animaux. On doit plutôt le regarder comme une greffe, ou une branche de la mere. Voyez Fœtus.

Lois de la respiration. Comme ces lois sont de la derniere importance pour l’intelligence parfaite de l’œconomie animale, il ne sera pas inutile de supputer ici la force des organes de la respiration, aussi-bien que celle de la pression de l’air sur ces mêmes organes. Il faut observer qu’en soufflant dans une vessie, on éleve un poids considérable par la seule force de l’haleine ; car si l’on prend une vessie d’une figure à-peu-près cylindrique, que l’on attache un chalumeau à une de ses extrémités, & un poids à l’autre, en sorte qu’il rase la terre, on soulevera par une inspiration douce un poids de sept livres, & par une inspiration plus forte un poids de vingt-huit livres. Maintenant la force avec laquelle l’air entre dans ce chalumeau est égale à celle avec laquelle il sort des poumons ; de sorte qu’en déterminant une fois la premiere, il sera facile de connoître celle avec laquelle il pénetre dans la trachée-artere. La pression de l’air sur la vessie est égale à deux fois le poids qu’elle peut lever, à cause que la partie supérieure de la vessie étant fixe, résiste à la force de l’air autant que le poids qui est attaché à l’autre extrémité. Puis donc que l’air presse également de tous côtés, la pression entiere sera à celle de ses parties qui presse sur l’orifice du tuyau, comme toute la surface de la vessie est à l’orifice du tuyau ; c’est-à-dire, comme la surface d’un cylindre dont le diametre est, par exemple, de quatre pouces, & l’axe de sept, est à l’orifice du tuyau.

Si donc le diametre du tuyau est 0.28, & son orifice 0.616, la surface du cylindre sera 88 ; il s’ensuit donc que 88. 0.616 ∷ 14, le double du poids à lever est à 0.098, qui est presque deux onces ; & en levant le plus grand poids, est environ de sept onces.

Telle est donc la force avec laquelle l’air est chassé par la trachée-artere dans l’expiration. Maintenant si l’on considere les poumons comme une vessie, & le larynx comme un tuyau, la pression sur l’orifice de la trachée-artere, lorsque l’air est chassé dehors, sera à la pression sur les poumons, comme toute la surface de ces derniers à l’orifice de la trachée-artere.