L’Encyclopédie/1re édition/ASTRONOMIE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 783-793).
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ASTRONOMIE, Astronomia, s. f. composé de ἀστὴρ, étoile, & de νόμος, regle, loi. L’Astronomie est la connoissance du ciel & des phénomenes célestes. V. Ciel. L’Astronomie est, à proprement parler, une partie des Mathématiques mixtes, qui nous apprend à connoître les corps célestes, leurs grandeurs, mouvemens, distances, périodes, éclipses, &c. Voyez Mathématiques.

Il y en a qui prennent le terme Astronomie dans un sens beaucoup plus étendu : ils entendent par-là la connoissance de l’univers & des lois primitives de la nature. Selon cette acception, l’Astronomie seroit plûtôt une branche de la Physique, que des Mathématiques. Voyez Physique, Système, Nature

Les auteurs varient sur l’invention de l’Astronomie : on l’attribue à différentes personnes ; différentes nations s’en font honneur, & on la place dans différens siecles. A s’en rapporter aux anciens historiens, il paroît que des rois inventerent & cultiverent les premiers cette science : Belus, roi d’Assyrie, Atlas, roi de Mauritanie, & Uranus, qui régnoit sur les peuples qui habitoient les bords de l’océan atlantique, passent pour avoir donné aux hommes les premieres notions de l’Astronomie.

Si on croit Diodore de Sicile, Uranus, pere d’Atlas, forma l’année sur le cours du soleil & sur celui de la lune. Atlas inventa la sphere ; ce qui donna lieu à la fable qu’il portoit le ciel sur ses épaules. Le même auteur ajoûte qu’il enseigna cette science à Hercule, qui la porta en Grece : ce ne sauroit être Hercule fils d’Alcmene, puisqu’Atlas, selon le témoignage de Suidas, vivoit onze âges avant la guerre de Troie ; ce qui remonte jusqu’au tems de Noé & de ses fils. En descendant plus bas on trouve des traces plus marquées de l’étude que l’on faisoit de l’Astronomie dans les tems fabuleux. Newton a remarqué que les noms des constellations sont tous tirés des choses que les poëtes disent s’être passées dans le tems de la guerre de Troie, & lors de l’expédition des Argonautes : aussi les fables parlent-elles de personnes savantes dans l’Astronomie ; elles font mention de Chiron, d’Ancée, de Nausicaë, &c. qui tous paroissent avoir contribué au progrès de cette science.

Ce dont on ne peut douter, c’est que plusieurs nations ne se soient appliquées à l’étude du ciel long-tems avant les Grecs : Platon convient même que ce fut un Barbare qui observa le premier les mouvemens célestes ; occupation à laquelle il fut déterminé par la beauté du ciel pendant l’été, soit en Egypte, soit en Syrie, où l’on voit toûjours les étoiles ; les nuées & les pluies ne les dérobant jamais à la vûe. Ce philosophe prétend que si les Grecs se sont appliqués fort tard à l’Astronomie, c’est au défaut seul d’une atmosphere, telle que celle des Egyptiens & des Syriens, qu’il faut s’en prendre.

Aussi quelque audace qu’ayent eu les Grecs pour s’attribuer les premiers commencemens des sciences & des beaux arts, elle n’a cependant jamais été assez grande pour qu’ils se soient donné l’honneur d’avoir jetté les fondemens de l’Astronomie. Il est vrai qu’on apprend par un passage de Diodore de Sicile, que les Rhodiens prétendoient avoir porté cette science en Egypte : mais ce récit est mêlé de tant de fables, qu’il se détruit de lui-même ; & tout ce qu’on en peut tirer de vraissemblable, c’est que comme les Rhodiens étoient de grands navigateurs, ils pouvoient avoir surpassé les autres Grecs par rapport aux observations astronomiques qui regardent la Marine ; tout le reste doit être regardé comme fabuleux. Quelques auteurs, il est vrai, ont donné les premieres observations célestes à Orphée, (comme Diogene Laerce sur l’autorité d’Eudemus, dans son Histoire Astrologique, qui a été suivie par Théon & par Lucien) à Palamede, à Atrée, & à quelques-autres, ce qu’Achilles Tatius tâche de prouver par des passages d’Eschyle & de Sophocle, dans son commentaire sur les phénomenes d’Aratus ; mais il est certain que le plus grand nombre des auteurs Grecs & Latins est d’un avis contraire : presque tous les attribuant aux Chaldéens ou Babyloniens.

L’Astronomie & l’Astrologie prirent donc naissance dans la Chaldée, au jugement du grand nombre des auteurs : aussi le nom de Chaldéen est-il souvent synonyme à celui d’Astronome, dans les anciens écrivains. Il y en a qui sur l’autorité de Joseph aiment mieux attribuer l’invention de ces sciences aux anciens Hébreux, & même aux premiers hommes.

Quelques Juifs & quelques Chrétiens s’accordent avec les Musulmans, pour en faire honneur à Enoch : quant aux autres Orientaux, ils regardent Cain comme le premier astronome : mais toutes ces opinions paroissent destituées de vraissemblance à ceux qui sont versés dans la langue de ces premiers peuples de la terre ; ils ne rencontrent dans l’Hébreu pas un terme d’Astronomie : le Chaldéen au contraire en est plein. Cependant il faut convenir qu’on trouve dans Job & dans les livres de Salomon, quelque trace légere de ces sciences.

Quelques-uns ont donné une parfaite connoissance de l’Astronomie à Adam ; & l’on a fait, comme nous venons de le dire, le même honneur aux descendans de Seth, mais tout cela gratuitement. Il ne faut pas cependant douter que l’on n’eût quelque connoissance de l’Astronomie avant le déluge : nous apprenons par le journal de ce terrible évenement, que l’année étoit de 360 jours, & qu’elle étoit formée de 12 mois ; arrangement qui suppose quelque notion du cours des astres. Voyez Ante-diluvienne.

M. l’abbé Renaudot paroît incliner pour l’opinion qui attribue l’invention de l’Astronomie aux anciens Patriarches ; & il se fonde pour cela sur plusieurs raisons.

1°. Sur ce que les Grecs & les Latins ont compris les Juifs sous le nom de Chaldéens ; 2°. sur ce que la distinction des mois & des années, qui ne se pouvoit connoître sans l’observation du cours de la lune & celui du soleil, est plus ancienne que le déluge, comme on le voit par différens passages de la Genese ; 3°. sur ce qu’Abraham étoit sorti de Chaldée, de Ur Chaldoeorum, & que des témoignages de Berose & d’Eupolemus, cités par Eusebe, liv. IX. de la Préparation évangélique, prouvent qu’il étoit οὐρανία ἔμπειρος, savant dans les choses célestes, & qu’il avoit inventé l’Astronomie & l’Astrologie judiciaire ; καὶ τὴν Ἀστρολογίαν, καὶ τὴν Χαλδαῖχην ; 4°. sur ce qu’on trouve dans la sainte Ecriture plusieurs noms de planetes & de constellations.

D’un autre côté, M. Basnage prétend que tout ce qu’on débite sur ce sujet a fort l’air d’un conte. Philon nous apprend que l’on instruisit Moyse dans la science des astres ; il ne faut pas douter que ce législateur n’en eût quelque connoissance : mais l’on ne sauroit croire que l’on eût fait venir des Grecs pour l’instruire, comme le dit cet auteur Juif. Du tems de Moyse il n’y avoit point de philosophes dans la Grece ; & c’est de l’Egypte ou de la Phénicie que les Grecs ont tiré leurs premieres connoissances philosophiques. A l’égard de Job, ceux qui le qualifient astronome, se fondent sur quelques passages où l’on croit qu’il nomme les endroits les plus remarquables du ciel, & des principales constellations. Mais outre que les interpretes ne sont point d’accord sur le sens des termes employés dans ces textes, la connoissance des noms de certaines constellations ne seroit point une preuve que Job fût astronome.

Quoi qu’il en soit, il ne paroît pas qu’on puisse douter que l’Astronomie n’ait commencé dans la Chaldée ; au moins c’est le jugement qu’on doit en porter d’après toutes les preuves historiques qui nous restent ; & M. l’abbé Renaudot en rapporte un fort grand nombre dans son mémoire sur l’origine de la sphere, imprimé dans le premier volume du Recueil de l’Académie Royale des Sciences & des Belles-Lettres.

Nous trouvons dans l’Ecriture sainte divers passages, qui marquent l’attachement des Chaldéens à l’étude des astres. Nous apprenons de Pline, que l’inventeur de cette science chez les Chaldéens fut Jupiter Belus, lequel fut mis ensuite au rang des dieux : mais on est fort embarrassé à déterminer qui est ce Belus, & quand il a vécu. Parmi les plus anciens astronomes Chaldéens, on compte Zoroastre : mais les mêmes difficultés ont lieu sur le tems de son existence, aussi bien que sur celle de Belesis, & de Berose.

Ne seroit-ce point s’exposer à partager avec Rudbeck le ridicule de son opinion, que de la rapporter ? Il prétend que les Suédois ont été les premiers inventeurs de l’Astronomie ; & il se fonde sur ce que la grande diversité dans la longueur des jours en Suede, a dû conduire naturellement ses habitans à conclurre que la terre étoit ronde, & qu’ils étoient voisins de l’une de ses extrémités ; deux propositions dont la vérité étoit, dit-il, moins sensible pour les Chaldéens, & pour ceux qui habitoient les régions moyennes du globe. Delà, continue notre auteur, les Suédois engagés dans l’examen & dans la recherche des causes de la grande différence des saisons, n’auront pas manqué de découvrir que le progrès du soleil dans les cieux est renfermé dans un certain espace, &c. mais tous ces raisonnemens ne sont point appuyés sur le témoignage de l’histoire, ni soûtenus d’aucun fait connu.

Si l’on en croit Porphyre, la connoissance de l’Astronomie est fort ancienne dans l’orient. Si l’on en croit cet auteur, après la prise de Babylone par Alexandre, on apporta de cette ville des observations célestes depuis 1903 ans, & dont les premieres étoient par conséquent de l’an 115 du déluge ; c’est-à-dire, qu’elles avoient été commencées 15 ans après l’érection de la tour de Babel. Pline nous apprend qu’Epigene assûroit que les Babyloniens avoient des observations de 720 ans gravées sur des briques. Achilles Tatius attribue l’invention de l’Astronomie aux Egyptiens ; & il ajoûte que les connoissances qu’ils avoient de l’état du ciel se transmettoient à leur postérité sur des colonnes sur lesquelles elles étoient gravées.

Les payens eux-mêmes se sont moqués, comme a fait entr’autres Cicéron, de ces prétendues observations célestes que les Babyloniens disoient avoir été faites parmi eux depuis 470000 ans, ainsi que de celles des Egyptiens : on peut en dire autant de la tradition confuse & embrouillée de la plûpart des Orientaux que les premiers Européens qui entrerent dans la Chine y trouverent établie, & de celle des Persans touchant leur roi Cayumarath, qui régna 1000 ans, & qui fut suivi de quelques autres Rois dont le regne duroit des siecles. Ces opinions, toutes ridicules qu’elles sont, ont été conservées par un assez grand nombre d’auteurs, qui les avoient prises de quelques livres Grecs, où cette prodigieuse antiquité des Assyriens & des Babyloniens étoit établie comme la base de l’histoire.

Diodore dit que lors de la prise de Babylone par Alexandre, ils avoient des observations depuis 43000 ans. Quelques-uns prennent ces années pour des mois, & les réduisent à 3476 ans solaires ; ce qui remonteroit encore jusque bien près de la création du monde, puisque la ruine de l’empire des Perses tombe à l’an du monde 3620. Mais laissant les fables, tenons-nous en à ce que dit Simplicius : il rapporte d’après Porphyre, que Callisthene, disciple & parent d’Aristote, trouva à Babylone, lorsqu’Alexandre s’en rendit maître, des observations depuis 1903 ans ; les premieres avoient donc été faites l’an du monde 1717, peu après le déluge.

Les auteurs qui n’ont pas confondu la fable avec l’histoire, ont donc réduit les observations des Babyloniens à 1900 années ; nombre moins considérable de beaucoup, & qui cependant peut paroître excessif. Ce qu’il y a pourtant de singulier, c’est qu’en comptant ces 1900 ans depuis Alexandre, on remonte jusqu’au tems de la dispersion des nations & de la tour de Babylone, au-delà duquel on ne trouve que des fables. Peut-être la prétendue histoire des observations de 1900 ans signifie-t-elle seulement que les Babyloniens s’étoient appliqués à l’Astronomie depuis le commencement de leur empire. On croit avec fondement que la tour de Babel, élevée dans la plaine de Sennaar, fut construite dans le même lieu où Babylone fut ensuite bâtie. Cette plaine étoit fort étendue, & la vûe n’y étoit bornée par aucunes montagnes ; ce qui a pû donner promptement naissance aux observations astronomiques.

Les Chaldéens n’étoient pas versés dans la Géométrie, & il manquoient des instrumens nécessaires pour faire des observations justes : leur grande étude étoit l’Astrologie judiciaire ; science dont on reconnoît bien aujourd’hui le ridicule. Leur observatoire étoit le fameux temple de Jupiter Belus, à Babylone.

Les longues navigations des Phéniciens n’ont pû se faire sans quelque connoissance des astres : aussi voyons-nous que Pline, Strabon, & quelques autres, rendent témoignage à leur habileté dans cette science : mais nous ne savons rien de certain sur les découvertes qu’ils peuvent avoir faites. Plusieurs historiens rendent aux Egyptiens le témoignage d’avoir cultivé l’Astronomie avant les Chaldéens. Diodore de Sicile avance que les colonies Egyptiennes porterent la connoissance des astres dans les environs de l’Euphrate. Lucien prétend que comme les autres peuples ont tiré leurs connoissances des Egyptiens, ceux-ci les tiennent des Ethiopiens, dont ils sont une colonie. Les moins favorables aux Egyptiens, les joignent pour l’invention de l’Astronomie aux Chaldéens. Il n’est pas aisé de découvrir qui fut l’inventeur de l’Astronomie chez les Egyptiens. Diodore en fait honneur à Mercure ; Socrate, à Thaul ; Diogene Laerce l’attribue à Ninus, fils de Vulcain ; & Isocrate, à Busiris. Les connoissances astronomiques des Egyptiens les avoient conduits à pouvoir déterminer le cours du soleil & de la lune, & à former l’année : ils observoient le mouvement des planetes ; & ce fut à l’aide de certaines hypotheses, & par le secours de l’Arithmétique & de la Géométrie, qu’ils entreprirent de déterminer quel en étoit le cours. Ils inventerent aussi diverses périodes des mouvemens des cieux ; enfin ils s’adonnerent à l’Astrologie. Tout cela est appuyé sur le témoignage d’Hérodote & de Diodore, &c. Nous apprenons de Strabon, que les prêtres Egyptiens, qui étoient les astronomes du pays, avoient renoncé de son tems à cette étude, & qu’elle n’étoit plus cultivée parmi eux. Les Egyptiens, qui prétendoient être le plus ancien peuple de l’univers, regardoient leur pays comme le berceau des sciences, & par conséquent de l’Astronomie.

L’opinion commune est que l’Astronomie passa de l’Egypte dans la Grece : mais la connoissance qu’on en eut, fut d’abord extrèmement grossiere, & on peut en juger par ce que l’on en trouve dans Homere & dans Hésiode ; elle se bornoit à connoître certains astres qui servoient de guides, soit pour le travail de la terre, soit pour les voyages sur mer ; c’est ce que Platon a fort bien remarqué ; ils ne faisoient aucunes observations exactes, & ils ignoroient l’Arithmétique & la Géométrie nécessaires pour les diriger.

Laerce dit que Thalès fit le premier le voyage d’Egypte dans le dessein d’étudier cette science, & qu’Eudoxe & Pythagore l’imiterent en cela. Thalès vivoit vers la quatre-vingt-dixieme olympiade ; il a le premier observé les astres, les éclipses de soleil, les solstices, & les avoit prédits ; c’est ce qu’assûrent Diogène Laerce, d’après l’Histoire Astrologique d’Eudemus ; Pline, liv. II. chap. xij. & Eusebe dans sa Chronique. Il naquit environ 640 ans avant Jesus-Christ. On peut voir dans Stanley (Hist. Philos.) un détail circonstancié de ses connoissances philosophiques. Anaximandre son disciple cultiva les connoissances qu’il avoit reçûes de son maître ; il plaça la terre au centre de l’univers ; il jugea que la lune empruntoit sa lumiere du soleil, & que ce dernier étoit plus grand que la terre, & une masse d’un feu pur. Il traça un cadran solaire, & construisit une sphere. Anaximene de Milet né 530 ans avant Jesus-Christ, regardoit les étoiles fixes comme autant de soleils autour desquelles des planetes faisoient leurs révolutions, sans que nous pussions découvrir ces planetes, à cause de leur grand éloignement. Trente ans après naquit Anaxagoras de Clazomene. Il enseignoit que le soleil étoit une masse de fer enflammée, plus grande que le Peloponese ; que la lune étoit un corps opaque éclairé par le soleil, & qu’elle étoit habitée comme la terre. Il eut pour disciples le fameux Periclès & Archelaüs, qui fut le dernier de la secte Ionique. Pythagore ayant passé sept ans dans le seminaire, & dans une étroite fréquentation des prêtres Egyptiens, fut profondément initié dans les mysteres de leur religion, & éclairé sur le vrai système du monde ; il répandit les connoissances qu’il avoit acquises, dans la Grece & dans l’Italie. Il avança que la terre & les planetes tournoient autour du soleil immobile au centre du monde ; que le mouvement diurne du soleil & des étoiles fixes n’étoit qu’apparent, & que le mouvement de la terre autour de son axe étoit la vraie cause de cette apparence. Plutarque donne à Pythagore l’honneur d’avoir observé le premier l’obliquité de l’écliptique, de Placitis Philosoph. liv. II. chap. xij. On lui attribue aussi les premieres observations pour régler l’année à 365 jours, plus la 59e partie de 22 jours. Ce qu’il y avoit de plus singulier dans son système d’Astronomie, c’est l’imagination qu’il eut que les planetes formoient dans leurs mouvemens un concert harmonieux ; mais que la nature des sons, qui n’étoient pas proportionnés à notre oreille, empêchoit que nous ne pussions l’entendre. Empedocle, disciple de Pythagore, ne débita que des rêveries. Il imaginoit, par exemple, que chaque hémisphere a son soleil ; que les astres étoient de crystal, & qu’ils ne paroissoient lumineux que par la réflexion des rayons de lumiere venans du feu qui environne la terre. Philolaüs de Crotone florissoit vers l’an 450 avant Jesus-Christ. Il crut aussi que le soleil étoit de crystal, & il ajoûta que la terre se mouvoit autour de cet astre. Eudoxe de Cnide qui vivoit 370 ans avant Jesus-Christ, fut au jugement de Ciceron & de Sextus Empiricus, un des plus habiles Astronomes de l’antiquité. Il voyagea en Asie, en Afrique, en Sicile & en Italie, pour faire des observations astronomiques. Nous apprenons de Pline, qu’il trouva que la révolution annuelle du soleil étoit de 365 jours six heures ; il détermina aussi le tems de la révolution des planetes, & fit d’autres découvertes importantes. Ælien fait mention d’Œnopide de Chio, lequel étoit aussi de l’école de Pythagore. Stobée lui attribue l’invention de l’obliquité de l’écliptique ; il exhortoit ses disciples à étudier l’Astronomie, non par simple curiosité, mais pour faciliter aux hommes les voyages, la navigation, &c.

Meton vers la quatre-vingt-septieme olympiade, publia le cycle de 19 ans, appellé Enneadécatéride. Dans la cent-vingt-septieme olympiade, Aratus composa ses Phénomenes par ordre d’Antigonus Gonathas, fils de Démetrius Poliorcetes, & suivant les observations astronomiques d’Eudoxe, disciple d’Archytas de Tarente & de Platon, qui avoit été quelque tems en Egypte pour s’instruire à fond de l’Astronomie.

Cependant Vitruve expose l’établissement de l’Astronomie en Grece d’une maniere un peu différente. Il prétend que Berose Babylonien l’apporta dans cette contrée immédiatement de Babylone, & qu’il ouvrit une école d’Astronomie dans l’île de Cos. Pline ajoûte, liv. VII. chap. xxxvij. qu’en considération de ses prédictions surprenantes, les Atheniens lui éleverent une statue dans le Gymnasium, avec une langue dorée. Si ce Berose est le même que l’auteur de l’histoire Chaldéenne, il doit avoir existé avant Alexandre.

Après la mort de Pythagore, l’étude de l’Astronomie fut négligée ; la plûpart des observations célestes qu’on avoit apportées de Babylone se perdirent, & Ptolomée qui en fit la recherche, n’en put recouvrer de son tems qu’une très-petite partie. Cependant quelques disciples de Pythagore continuerent de cultiver l’Astronomie : entre ces disciples on peut compter Aristarque de Samos.

Ce dernier eut une haute réputation vers la cent-quarantieme olympiade, & il suivit l’hypothèse de Pythagore & de Philolaüs, touchant l’immobilité de soleil. Il reste quelques fragmens de lui, sur les grandeurs & les distances du soleil & de la lune.

Archimede vivoit dans le même tems, & il ne se rendit pas moins célebre par ses observations, touchant les solstices & les mouvemens des planetes, que par l’ouvrage merveilleux qu’il fit, dans lequel ces mouvemens étoient représentés.

Démocrite & les Eleatiques ne firent pas de grands progrès. Metrodore croyoit la pluralité des mondes, & s’imaginoit que la voie lactée avoit été autrefois la route du soleil : Xenophanes disoit que le soleil étoit une nuée enflammée, & qu’il y en avoit plusieurs, pour éclairer les différentes parties de notre terre.

Leucippe enfin prétendoit que la violence du mouvement des étoiles fixes les faisoit enflammer, qu’elles allumoient le soleil, & que la lune participoit peu-à-peu à cette inflammation.

Chrysippe chef de la secte des Stoïciens qui se forma 400 ans avant Jesus-Christ, croyoit que les étoiles, tant fixes qu’errantes, étoient animées par quelque divinité.

Platon recommande l’étude de l’Astronomie en divers endroits de ses ouvrages : mais il ne paroît pas qu’il ait fait aucunes découvertes dans cette science ; il croyoit que le monde entier étoit un animal intelligent.

Aristote composa un livre sur l’Astronomie, qui n’est pas parvenu jusqu’à nous. Il croyoit comme Platon que l’univers & chacune de ses parties étoient animées par des intelligences. Il a observé Mars éclipsé par la lune, & une comete. Les écoles de Platon & d’Aristote ont produit divers Astronomes distingués. Tel étoit entr’autres Helicon de Cyzique, qui poussa l’étude de l’Astronomie, jusqu’à prédire une éclipse de soleil à Denys de Siracuse.

Numa second roi de Rome, qui vivoit 736 ans avant Jesus-Christ, réforma l’année de son prédécesseur sur le cours du soleil & de la lune en même tems. Tous les deux ans il plaçoit un mois de vingt-deux jours, après celui de Fevrier, afin de regagner les onze jours que la révolution annuelle du soleil avoit de plus que douze révolutions lunaires.

Les savans sont fort partagés sur le tems auquel Pytheas de Marseille a vécu : sans entrer dans cette dispute, remarquons seulement, que c’est lui, qui le premier prit la hauteur du soleil à midi dans le tems du solstice, & qui par ce moyen trouva l’obliquité de l’écliptique ; ce qui est une des plus importantes observations de l’Astronomie. Enfin les Ptolemées, ces rois d’Egypte & ces protecteurs des sciences, fonderent dans Alexandrie une école d’Astronomie.

Les premiers Astronomes de cette école furent Timochares & Aristyllus, qui faisoient leurs observations de concert. Ptolomée nous en a conservé une partie.

Vers l’an 270 avant Jesus-Christ, florissoit Aratus, dont nous avons déja parlé, lequel composa son poëme sur l’Astronomie. Les anciens en ont fait tant de cas, qu’il a eu un grand nombre de commentateurs. Il s’écarte de l’opinion, qui étoit généralement reçûe alors, que le lever & le coucher des astres étoient la cause des changemens de l’air.

Dans le même tems qu’Aristarque, vivoit le fâmeux Euclide. Outre ses ouvrages de Géométrie, on a encore de lui, un livre des principes de l’Astronomie, où il traite de la sphere & du premier mobile. Sous le regne de Ptolemée Philadelphe, parut Phanethon, dont il nous reste un ouvrage, que Jacques Gronovius fit imprimer à Leyde en 1698. Eratosthene fut appellé d’Athènes à Alexandrie par Ptolemée Evergete. Il s’appliqua beaucoup à l’Astronomie relativement à la Géographie : il fixa la distance de la terre au soleil & à la lune, détermina la longitude d’Alexandrie & de Syene, qu’il jugeoit être sous le même méridien ; & ayant calculé la distance d’une de ces deux villes à l’autre, il osa mesurer la circonférence de la terre, qu’il fixa entre 250000 & 252000 stades.

Conon qui vivoit sous les Ptolemées Philadelphe & Evergete, fit plusieurs observations sur les éclipses de soleil & de lune ; & il découvrit une constellation qu’il nomma chevelure de Berenice : Callimaque en fit un poëme, duquel nous avons la traduction par Catulle. Mais à la tête de tous ces Astronomes, on doit placer Hipparque qui entreprit, pour me servir des expressions de Pline, un ouvrage si grand, qu’il eût été glorieux pour un Dieu de l’avoir achevé ; rem etiam deo improbam : c’étoit de nombrer les étoiles, & de laisser, pour ainsi dire, le ciel à la postérité comme un héritage. Il calcula des éclipses de lune & de soleil, pour six cents ans ; & ce fut sur ses observations que Ptolomée établit son fameux traité, intitulé μεγαλὴ σύνταξις. Hypparque commença à paroître dans la cent cinquante-quatrieme olympiade ; il commenta les phénomenes d’Aratus, & il a montré en quoi cet auteur s’étoit trompé.

Les plus illustres Astronomes qui sont venus ensuite, ont été Géminus de Rhode, dans l’olympiade 178 ; Théodore Tripolitain ; Sosigenes, dont César se servit pour la réformation du calendrier ; Andromaque de Crete ; Agrippa Bithynien dont parle Ptolomée, Liv. VII, chap. iij. Ménelaüs sous Trajan ; Théon de Smyrne ; & enfin Claude Ptolomée, qui vivoit sous Marc Aurele, & dont les ouvrages ont été jusqu’aux derniers siecles le fondement de toute l’Astronomie, non-seulement parmi les Grecs, mais encore parmi les Latins, les Syriens, les Arabes & les Persans. Il naquit à Peluse en Égypte, & fit la plus grande partie de ses observations à Alexandrie. Profitant de celles d’Hipparque, & des autres anciens Astronomes, il forma un système d’Astronomie, qui a été suivi pendant plusieurs siecles. Sextus Empiricus, originaire de Cheronée & neveu du fameux Plutarque, qui vivoit dans le même siecle, & qui dans les ouvrages qui nous restent de lui se moque de toutes les Sciences, n’a cependant osé s’attaquer à l’Astronomie. Bien plus, le cas qu’il en fait le porte à réfuter solidement les Chaldéens, qui abusant de l’Astronomie, la rendoient méprisable. Nous trouvons encore au deuxieme siecle Hypsicles d’Alexandrie, auteur d’un livre d’Astronomie qui nous reste.

On ne trouve pas que dans un assez long espace de tems, il y ait eu parmi les anciens Romains de grands Astronomes. Les défauts de l’année de Numa, & le peu d’ordre qu’il y eut dans le calendrier, jusqu’à la réformation de Jules César, doivent être regardés plûtôt comme un effet de l’incapacité des Pontifes, que comme une marque de leur négligence. L’an 580 de Rome, Sulpicius Gallus, dans la guerre contre les Perses, voyant les soldats troublés par une éclipse de lune, les rassûra en leur en expliquant les causes. Jules César cultiva l’Astronomie ; Macrobe & Pline assûrent même qu’il composa quelque chose sur cette science. Elle fut aussi du goût de Cicéron, puisqu’il fit la version du poëme d’Aratus sur l’Astronomie. Terentius Varron, cet homme universel, fut aussi Astronome. Il y en eut même qui firent leur unique étude de cette science. Tel fut P. Rigodius, qui donna dans l’Astrologie judiciaire, & qui, à ce qu’on prétend, prédit l’empire à Auguste, le jour même de sa naissance. Manilius qui florissoit sous cet empereur, fit un poëme sur cette science. Nous avons aussi l’ouvrage de Caius Julius Hyginus, affranchi d’Auguste. Cependant le nombre des Astronomes fut fort petit chez les Romains, dans des tems où les arts & les sciences paroissoient faire les délices de ce peuple. La véritable cause de cette négligence à cultiver l’Astronomie, est le mépris qu’ils en faisoient. Les Chaldéens, qui l’enseignoient à Rome, donnoient dans l’Astrologie ; en falloit-il d’avantage pour dégoûter des gens de bon sens ? aussi les Magistrats chasserent-ils diverses fois ces fourbes.

Seneque avoit du goût pour l’Astrologie, comme il paroît par quelques endroits de ses ouvrages. Pline le Naturaliste, dans son important ouvrage, paroît n’avoir pas ignoré l’Astronomie. Il a même beaucoup contribué aux progrès de cette science, en ce qu’il nous a conservé un grand nombre de fragmens des anciens Astronomes. Sous le regne de Domitien, Agrippa fit diverses observations astronomiques en Bithynie. L’on trouve dans les écrits de Plutarque divers passages, qui marquent qu’il n’étoit pas ignorant dans cette science. Ménélaüs étoit Astronome de profession. Il fit ses observations à Rome. Ptolomée en faisoit grand cas. Il composa trois livres des figures sphériques, que le P. Mersenne a publiés. Enfin il faut encore placer dans ce siecle Théon de Smyrne déja nommé. Il écrivit sur les diverses parties des Mathématiques du nombre desquelles est l’Astronomie. Les Astrologues, nommés d’abord Chaldéens, & ensuite Mathématiciens, étoient fort en vogue dans ce siecle à Rome. Les empereurs & les grands en faisoient beaucoup de cas.

Censorin, qui vivoit sous les Gordiens, vers l’an 238 de J. C. a renfermé dans son petit traité de Die natali, un grand nombre d’observations qui ne se trouvent point ailleurs.

Anatolius qui fut évêque de Laodicée, composa un traité de la Pâque, où il fait voir son habileté dans ce genre. Septime Severe favorisa au commencement du troisieme siecle les Mathématiciens ou Astrologues : mais sur la fin de ce siecle Dioclétien & Maximien leur défendirent la pratique de leur art.

Macrobe, Marcianus Capella, & quelques autres, n’ont parlé qu’en passant de l’Astronomie.

Nous avons de Firmicus huit livres sur l’Astronomie : mais comme il donnoit beaucoup dans les rêveries des Chaldéens, son ouvrage n’est pas fort instructif. Théon le jeune d’Alexandrie fit diverses observations, & composa un commentaire sur un ouvrage de Ptolomée, dont les savans font cas encore aujourd’hui. Hypatia se distingua dans la même science : mais il ne nous reste rien d’elle. Paul d’Alexandrie s’appliqua à la science des horoscopes, & nous avons son introduction à cette science prétendue.

Pappus est connu par divers fragmens, qui font regretter la perte de ses écrits. On place aussi dans le quatrieme siecle, Théodore Manlius, consul Romain, qui, au rapport de Claudien, fit un ouvrage, qui s’est perdu, sur la nature des choses & des astres ; & Achilles Tatius, dont nous avons un commentaire sur les phénomenes d’Aratus.

Synésius, évêque de Ptolémaïde, fut disciple de la célebre Hypatia. Il nous reste de lui un discours à Pœonius, où il fait la description de son astrolabe ; c’étoit une espece de globe céleste. Rufus Festus Avienus fit une paraphrase en vers hexametres des phénomenes d’Aratus, qui est parvenue jusqu’à nous. Le commentaire de Macrobe sur le songe de Scipion, fait voir qu’il n’étoit pas ignorant dans l’Astronomie. Capella, qui fut proconsul, écrivit sur cette science l’ouvrage que nous connoissons, sous le nom de Satyricon. Proclus Lycius, cet ennemi du Christianisme, étoit savant dans l’Astronomie, comme plusieurs ouvrages, qui nous restent de lui, en font foi.

Parmi les Astronomes du sixieme siecle, il faut placer Boëce ; car ses écrits prouvent qu’il s’étoit appliqué à cette science. Thius fit des observations à Athènes, au commençement du même siecle. Elles ont été imprimées pour la premiere fois à Paris, en 1645, sur un manuscrit de la bibliotheque du Roi. Les progrès de Denys le Petit à cet égard son connus. Laurentius de Philadelphie, composa quelques ouvrages d’Astronomie, qui ne subsistent plus. Ce que Cassiodore a écrit est trop peu de chose pour lui donner rang parmi les Astronomes. Il en faut dire autant de Simplicius ; son commentaire sur le livre d’Aristote de Cælo, montre pourtant une teinture de cette science.

Dans les siecles VII. & VIII. nous trouvons Isidore de Séville, à qui l’Astronomie ne doit aucune découverte. Léontius, habile dans la méchanique, construisit une sphere en faveur d’un de ses amis, & composa un petit traité pour lui en faciliter l’usage. L’on trouve dans les ouvrages du vénérable Bede diverses choses relatives à l’Astronomie. Alcuin, son disciple, cultiva aussi cette science, & porta Charlemagne, dont il avoit été précepteur, à favoriser les savans.

Les auteurs qui ont écrit depuis Constantin jusqu’au tems de Charlemagne, & depuis, réduisoient toute leur étude à ce qui avoit rapport au calendrier & au comput ecclésiastique. Charlemagne, suivant le témoignage d’Eginhard & de la plûpart des historiens, étoit savant dans l’Astronomie : il donna aux mois & aux vents, les noms allemands qui leur restent encore avec peu de changement. L’ambassade que lui envoya Aaron Rechild est fameuse dans l’histoire à cause des présens rares dont elle étoit accompagnée, parmi lesquels on marque une horloge, ou selon d’autres un planisphere.

L’auteur anonyme de la chronique des rois Francs, Pepin, Charlemagne, & Louis, cultiva l’Astronomie. Il a inséré plusieurs de ses observations dans sa chronique. Une preuve de son habileté & de ses progrès, c’est qu’il prédit une éclipse de Jupiter par la lune, & qu’il l’observa. Sur la fin du dixieme siecle, on trouve le moine Gerbert, qui fut évêque & ensuite pape sous le nom de Sylvestre II. Il étoit savant dans l’Astronomie & dans la méchanique, ce qui lui attira le soupçon de magie. Il fit une horloge d’une construction merveilleuse, & un globe céleste. Il faut placer dans le onzieme siecle Jean Campanus de Novarre ; Michel Psellus, sénateur de Constantinople ; Hermannus Contractus, moine de Reichenau, & Guillaume, abbé de S. Jacques de Wurtzbourg. Ils ont tous écrit sur l’Astronomie. Dans le douzieme siecle, Sigebert de Gemblours s’attacha à marquer les tems, selon le cours du soleil & de la lune. Athélard, moine Anglois, fit un traité de l’astrolabe ; & Robert, évêque de Lincoln, un autre de la sphere. Jean de Seville traduisit l’Alfragan de l’Arabe en Latin.

Une des principales causes du peu de progrès que l’Astronomie a fait pendant plusieurs siecles, fut l’ordre que donna Omar III. calife des Sarrasins, de brûler tous les livres qui se trouvoient en orient, vers le milieu du septieme siecle : le nombre de ceux qui se trouvoient à Alexandrie étoit immense ; cependant comme il fallut employer plus de six mois pour exécuter l’ordre du calife, qui achevoit pour lors la conquête de la Perse, les ordres qu’il avoit envoyés ne furent pas si rigoureusement exécutés en Egypte, qu’il n’échappât quelques manuscrits. Enfin la persécution que les différentes sectes qui s’étoient élevées parmi les Mahométans, avoient fait naître tant en Afrique qu’en Asie, ayant cessé presque entierement, les mêmes Arabes ou Sarrasins recueillirent bientôt après un grand nombre d’écrits que les premiers califes Abbassides firent traduire d’après les versions Syriaques, & ensuite du Grec en leur langue, laquelle est devenue depuis ce tems, la langue savante de tout l’orient.

On sait qu’en général les Arabes ont fort cultivé les Sciences : c’est par leur moyen qu’elles ont passé aux Européens. Lorsqu’ils se rendirent maîtres de l’Espagne, ils avoient traduit en leur langue les meilleurs ouvrages des Grecs. C’est sur ces traductions que les Occidentaux se formerent d’abord quelque idée des sciences des Grecs. Ils s’en tinrent à ces traductions jusqu’à ce qu’ils eussent les originaux. L’Astronomie n’étoit pas la science la moins cultivée parmi ces peuples. Ils ont écrit un grand nombre de livres sur ce sujet. La seule bibliotheque d’Oxford en contient plus de 400, dont la plûpart sont inconnus aux savans modernes. L’on n’en sera pas surpris, si l’on fait attention que les califes eux-mêmes s’appliquoient à l’Astronomie, & récompensoient en princes magnifiques ceux qui se distinguoient dans cette science. Le plus illustre parmi les princes Mahométans qui ont contribué à perfectionner l’Astronomie, non-seulement par la traduction des livres Grecs, mais encore par des observations astronomiques, faites avec autant d’exactitude que de dépense, a été le calife Almamoun, septieme de la famille des Abbassides, qui commença son empire en 813. Il étoit fils de cet Aaron Rechild dont nous avons parlé à l’occasion de Charlemagne. On dressa sur les observations qu’il fit faire, les tables astronomiques qui portent son nom. Il en fit faire d’autres pour la mesure de la terre dans les plaines de Sinjar ou Sennaar, par trois freres très habiles Astronomes, appellés les enfans de Mussa : le détail de ces observations est rapporté par différens auteurs, cités par Golius dans ses savantes notes sur l’Alfragan. Il ramassa de tous côtés les meilleurs ouvrages des Grecs, qu’il fit traduire en Arabe. Il les etudioit avec soin ; il les communiquoit aux savans de son empire : il eut sur-tout un grand soin de faire traduire les ouvrages de Ptolomée. Sous son regne fleurirent plusieurs savans Astronomes ; & ceux qui sont curieux de connoître leurs ouvrages, & ce que l’Astronomie leur doit, trouveront dequoi se satisfaire dans Abulfarage, d’Herbelot, Hottinger, &c. qui sont entrés sur ce sujet dans un assez grand détail.

Quelques savans se sont appliqués à traduire quelques-uns de leurs ouvrages, ce qui a répandu beaucoup de jour sur l’Astronomie. Il seroit à souhaiter que l’on prît le même soin de ceux qui n’ont pas encore été traduits. Depuis ce tems les Arabes ont cultivé l’Astronomie avec grand soin. Alfragan, Abumassar, Albategni, Geber, &c. ont été connus par nos auteurs, qui les ont traduits & commentés sur des traductions hébraïques faites par des Juifs : car jusqu’aux derniers siecles, presque aucune traduction n’avoit été faite sur l’Arabe. Il y en a encore un grand nombre d’autres qui ne le cedent point à ceux que nous connoissons. De plus à l’exemple d’Almamoun, divers princes ont fait renouveller les observations astronomiques pour fixer les tems, ainsi que fit Melikschah le plus puissant des sultans Seljukides, lorsqu’il établit l’époque gélaléenne, ainsi appellée à cause que Gelaleddin étoit son surnom. Les califes Almanzor & Almamoun, étant souverains de la Perse, inspirerent aux Persans du goût pour cette science. Depuis eux, il y a eu dans cette nation de tems en tems des Astronomes célebres. Quelques-uns des monarques Persans ont pris des soins très-loüables pour la réformation du calendrier. Aujourd’hui même ces princes font de grandes dépenses pour le progrès de cette science, mais avec fort peu de succès : la raison est qu’au lieu de s’appliquer à l’Astronomie, ils n’étudient les astres que pour prédire l’avenir. On trouve dans les voyages de Chardin, un long passage tout-à-fait curieux, qui donne une juste idée de l’état de cette science chez les Persans modernes.

Les Tartares descendans de Ginghischan & de Tamerlan, eurent la même passion pour l’Astronomie. Nassireddin, natif de Tus dans le Corasan, auteur d’un commentaire sur Euclide, qui a été imprimé à Rome, a dressé des tables astronomiques fort estimées : il vivoit en 1261. Le prince Olugbeg qui étoit de la même maison, fit bâtir à Samarcande un collége & un observatoire, pour lequel il fit faire de tres grands instrumens ; il se joignit à ses Astronomes pour faire des observations. Les Turcs disent qu’il fit faire un quart de cercle, dont le rayon avoit plus de 180 piés : ce qui est plus sûr, c’est qu’à l’aide de ses Astronomes il fit des tables pour le méridien de Samarcande, dressa un catalogue des étoiles fixes visibles dans cette ville, & composa divers ouvrages, dont quelques-uns sont traduits en Latin, & les autres sont encore dans la langue dans laquelle ils ont été composés. Il y a tout lieu de croire que les observations astronomiques, trouvées dans le siecle dernier entre les mains des Chinois, y avoient passé de Tartarie : car il y a des preuves certaines que Ginghiskan entra dans la Chine, & que ses descendans furent maitres d’une grande partie de ce vaste empire, où ils porterent vraissemblablement les observations & les tables qui avoient été faites par les Astronomes de Corasan. Au reste, l’Astronomie a été cultivée presque de tems immémorial à la Chine. Les missionnaires Jésuites se sont fort appliqués à déchiffrer les anciennes observations. L’on en peut voir l’histoire dans les observations du pere Souciet. Environ 400 ans avant J. C. les sciences furent négligées chez les Chinois. Cette négligence alla en croissant jusqu’à l’empereur Tsin-Chi-Hoang. Celui-ci fit brûler, 246 avant J. C. tous les livres qui traitoient des sciences, à l’exception de ceux de Medecine, d’Astrologie, & d’Agriculture : c’est par-là que périrent toutes les observations antérieures à ce tems : 400 ans après, Licou-Pang rétablit les sciences dans son empire, & érigea un nouveau tribunal de Mathématiques. L’on fit quelques instrumens pour observer les astres, & l’on régla le calendrier. Depuis ce tems-là l’Astronomie n’a point été négligée chez ce peuple. Il semble que les observations faites depuis tant de siecles, sous les auspices & par les ordres de puissans monarques, auroient dû fort enrichir l’Astronomie.

Cependant les missionnaires qui pénétrerent dans cet empire sur la fin du xvi. siecle, trouverent que l’état où étoit cette science parmi les Chinois, ne répondoit point à la longue durée de leurs observations. Ceux d’entre les missionnaires Jésuites qui entendoient les Mathématiques, s’insinuerent par ce moyen dans l’esprit du monarque. Les plus habiles devinrent présidens du tribunal de Mathématiques, & travaillerent à mettre l’Astronomie sur un meilleur pié qu’elle n’avoit été auparavant. Ils firent des instrumens plus exacts que ceux dont on s’étoit servi jusqu’alors, rendirent les observations plus justes, & profiterent des connoissances des Occidentaux. Voyez les relations du P. Verbiest, & des autres missionnaires, ou bien la description de la Chine, par le P. Duhalde.

A l’égard des Juifs, quoiqu’ils ayent composé un assez grand nombre d’ouvrages sur la sphere, dont quelques-uns ont été imprimés par Munster en Hébreu & en Latin, il y a peu de choses néanmoins où ils puissent être considérés comme originaux. Cependant comme la plûpart d’entr’eux savoient l’Arabe, & que ceux qui ne le savoient pas trouvoient des traductions hébraïques de tous les anciens Astronomes Grecs, ils pouvoient aisément avec ce secours faire valoir leur capacité parmi les Chrétiens. Depuis la naissance de J. C. quelques-uns de leurs docteurs ont étudié l’Astronomie, pour régler seulement le calendrier, & pour s’en servir à l’Astrologie, à laquelle ils sont fort adonnés. Celui qui paroît avoir fait le plus de progrès dans cette science, c’est R. Abraham Zachut. Il vivoit sur la fin du xv. siecle, & fut professeur en Astronomie à Carthage en Afrique, & ensuite à Salamanque : on a de lui divers ouvrages sur cette science.

Les Sarrasins avoient pris en conquérant l’Egypte, une teinture d’Astronomie, qu’ils porterent avec eux d’Afrique en Espagne ; & ce fut-là le circuit par lequel cette science rentra dans l’Europe après un long exil. Voici les plus fameux Astronomes qui se soient distingués en Europe depuis le xii. siecle. Clément de Langhton, prêtre & chanoine Anglois, écrivit vers la fin du xii. siecle sur l’Astronomie. Le xiii. siecle offre d’abord Jordanus Vemoracius, & ensuite l’empereur Fréderic II. qui fit traduire de l’Arabe en Latin les meilleurs ouvrages de Philosophie, de Medecine & d’Astronomie. Il avoit beaucoup de goût pour cette derniere science, jusque-là qu’il disoit un jour à l’abbé de Saint-Gal, qu’il n’avoit rien de plus cher au monde que son fils Conrad, & une sphere qui marquoit le mouvement des planetes. Jean de Sacro-Bosco vivoit dans le même tems ; il étoit Anglois de naissance, & professeur en Philosophie à Paris, où il composa son livre de la sphere qui fut si estimé, que les professeurs en Astronomie l’expliquoient dans leurs leçons. Albert le grand, évêque de Ratisbonne, s’acquit aussi une grande réputation : il composa un traité d’Astronomie, & se distingua dans la Méchanique par l’invention de plusieurs machines surprenantes pour ce tems-là. Depuis ce siecle l’Astronomie a fait des progrès considerables : elle a été cultivée par les premiers génies, & protégée par les plus grands princes. Alphonse, roi de Castille, l’enrichit même des tables qui portent toûjours son nom. Ces tables furent dressées en 1270 ; & ce furent des Juifs qui y eurent la plus grande part. Voyez Table. Roger Bacon, moine Anglois, vivoit dans le même tems. Guido Bonatus, Italien, de Frioul, en 1284. En 1320, Pretus Aponensis, qui fut suivi de quelques autres moins considérables en comparaison de Pierre d’Ailly, cardinal & évêque de Cambrai, & du cardinal Nicolas de Cusa, Allemand, en 1440 ; Dominique Maria, Bolonois, précepteur de Copernic ; George Purbachius, ainsi appellé du bourg de Burbach sur les frontieres d’Autriche & de Baviere, qui enseigna publiquement la Philosophie à Vienne, est un de ceux qui ont le plus contribué au rétablissement de l’Astronomie. Il fit connoissance avec le cardinal Bessarion pendant sa légation vers l’empereur. Par le conseil de Bessarion, Purbachius alla en Italie pour apprendre la langue Greque, & aussi-tôt il s’appliqua à la lecture de l’Almageste de Ptolomée, qu’on n’avoit lû depuis plusieurs siecles que dans ces traductions imparfaites, dont il a été parlé ci-dessus, faites sur les hébraïques, qui avoient été faites sur les Arabes, & celles-ci sur les Syriaques. Il avoit commencé un abregé de l’almageste sur l’original Grec : mais il ne put aller qu’au sixieme livre, étant mort en 1461, âgé seulement de 39 ans. Son principal disciple fut George Muller, appellé communément Regiomontanus, parce qu’il étoit natif de Konisberg en Prusse. Il fut le premier qui composa des éphémerides pour plusieurs années, & divers autres ouvrages très-estimés, entr’autres les Théoriques des planetes. Après la mort de Purbachius il passa en Italie avec le cardinal Bessarion ; après avoir visité les principales académies d’Italie, il revint à Vienne, d’où le roi de Hongrie l’appella à Bude : mais la guerre allumée dans ce pays inquiétant Régiomontanus, il se retira à Nuremberg en 1471, & s’y lia d’amitié avec un riche bourgeois nommé Bernard Walther, qui avoit beaucoup de goût pour l’Astronomie. Cet homme fit la dépense d’une Imprimerie & de plusieurs instrumens astronomiques, avec lesquels ils firent diverses observations. Sixte IV. appella Régiomontanus à Rome pour la réforme du calendrier : il partit au mois de Juillet 1475, après avoir été créé évêque de Ratisbonne : il ne fit pas long séjour à Rome, y étant mort au bout d’un an. Régiomontanus avoit donné du goût pour l’Astronomie à plusieurs personnes, tant à Vienne qu’à Nuremberg : ce qui fit que cette science fut cultivée avec soin dans ces deux villes après sa mort. Divers Astronomes y parurent avec éclat dans le xvii. siecle.

Jean Bianchini, Ferrarois, travailla presque en même tems avec réputation à des tables des mouvemens célestes. Les Florentins cultiverent aussi en ce tems-là l’Astronomie, mais ils ne firent aucun ouvrage comparable à ces premiers ; & Marsile Ficin, Jovianus Pontanus, Joannes Abiosus, & plusieurs autres, s’adonnerent un peu trop à l’Astrologie.

Le Juif Abraham Zachut, Astrologue du roi de Portugal D. Emmanuel, & dont nous avons déjà parlé, composa un calendrier perpétuel, qui fut imprimé en 1500, & qui lui acquit une grande réputation : mais il n’y mit rien de lui-même que l’ordre & la disposition, le reste étant tiré des anciennes tables que plusieurs autres Juifs avoient faites quelque tems auparavant, & qui se trouvent encore dans les bibliotheques.

Enfin Nicolas Copernic parut. Il naquit à Thorn au commencement de l’an 1472. Son inclination pour les Mathématiques se manifesta dès l’enfance. Il fit d’abord quelques progrès à Cracovie ; & à 23 ans il entreprit le voyage d’Italie. Il alla d’abord à Bologne, où il fit diverses observations avec Dominicus Maria. De-là il passa à Rome, où sa réputation égala bien-tôt celle de Regiomontanus. De retour dans sa patrie, Luc Wazelrodius, son oncle maternel, évêque de Warmie, lui donna un canonicat dans sa cathédrale. Ce fut alors qu’il se proposa de réformer le système reçu sur le mouvement des planetes. Il examina avec soin les opinions des anciens, prit ce qu’il y avoit de bon dans chaque système, & en forma un nouveau, qui porte encore aujourd’hui son nom. Il fut enterré à Warmie en Mai 1543. Son système établit l’immobilité du soleil & le mouvement de la terre autour de cet astre, à quoi il ajoûta le mouvement de la terre sur son axe, qui étoit l’hypothese d’Heraclide de Pont & d’Ecphantus Pythagoricien.

Il ne faut pas oublier Jérome Cardan, né à Pavie en 1508. Il s’appliqua à la Medecine & aux Mathématiques. Comme il étoit fort entêté de l’Astrologie, il voulut remettre cette prétendue Science en honneur, en faisant voir la liaison qu’elle avoit avec la véritable Astronomie. Il composa divers ouvrages sur cette idée, & mourut à Milan en 1575. Guillaume IV. Landgrave de Hesse mérite aussi de tenir sa place parmi les Astronomes célebres du même siecle. Il fit de grandes dépenses à Cassel, pour faciliter les observations. Il avoit à ses gages Juste Byrgius, Suisse très-habile dans la Méchanique, qui lui fit quantité d’instrumens astronomiques ; & Christophe Rothman savant astronome, de la principauté d’Anhalt, aidoit le Landgrave dans ses observations.

Vers le même tems, Tycho-Brahé contribua aussi beaucoup à perfectionner l’Astronomie, non-seulement par ses écrits, mais par l’invention de plusieurs instrumens qu’il mit dans son château d’Uranibourg, auquel il donna ce nom à cause de l’observatoire qu’il y fit construire. Il publia, d’après ses propres observations, un catalogue de 770 étoiles fixes. Tycho-Brahé étoit d’une famille illûstre de Danemarck. Une éclipse de soleil qu’il vit à Copenhague en 1560, lorsqu’il n’étoit encore âgé que de 14 ans, lui donna un tel goût pour l’Astronomie, que dès ce moment il tourna ses études de ce côté-là. Ses parens vouloient le faire étudier en Droit : mais il s’appliquoit à sa Science favorite, & consacroit à l’achat des livres qui y étoient relatifs l’argent destiné à ses plaisirs. Il fit ainsi de grands progrès à l’aide de son propre génie ; & dès qu’il ne fut plus gêné, il visita les principales universités d’Allemagne, & les lieux où il savoit qu’il y avoit de savans Astronomes. Après ce voyage il revint en Danemarck en 1571, où il se procura toutes les commodités qu’un particulier peut avoir pour faire de bonnes observations. Quatre ans après il fit un nouveau voyage en Allemagne & en Italie. Il vit les instrumens dont se servoit le Landgrave de-Hesse, & il en admira la justesse & l’utilité. Il pensoit à se fixer à Bâle : mais le roi Fréderic II. l’arrêta en lui donnant l’île d’Ween, où il lui bâtit un observatoire & lui fournit tous les secours nécessaires à ses vûes. Il y resta jusqu’en 1597, que le roi étant mort, la cour ne voulut plus subvenir à cette dépense. L’empereur Rodolphe l’appella à Prague l’année suivante, & il y mourut en 1601, âgé de 55 ans. On sait qu’il inventa un nouveau système d’Astronomie, qui est une espece de conciliation de ceux de Ptolomée & de Copernic. Il n’a pas été adopté par les Astronomes : mais il sera toûjours une preuve des profondes connoissances de son auteur. Le travail de Tycho conduisit, pour ainsi dire, Kepler à la découverte de la vraie théorie de l’Univers & des veritables lois que les corps célestes suivent dans leurs mouvemens. Il naquit en 1571. Après avoir fait de grands progrès dans l’Astronomie, il se rendit en 1600 auprès de Tyeho-Brahé, qui l’attira en lui faisant des avantages. Il eut la douleur de perdre ce maître dès l’année suivante : mais l’empereur Rodolphe le retint à son service, & il fut continué sur le même pié par Matthias & Ferdinand. Sa vie ne laissa pas d’être assez traversée : il mourut en 1636. Il avoit une habileté peu commune dans l’Astronomie & dans l’Optique. Descartes le reconnoît pour son maître dans cette derniere Science, & l’on prétend qu’il a été aussi le précurseur de Descartes dans l’hypothese des tourbillons. On sait que ses deux lois ou analogies sur les révolutions des planetes ont guidé Newton dans son système. V. Planete, Periode, Gravitation.

Galilée introduisit le premier l’usage des telescopes dans l’Astronomie. A l’aide de cet instrument, les satellites de Jupiter furent découverts par lui-même, de même que les montagnes dans la lune, les taches du soleil, & sa révolution autour de son axe. Voyez Telescope, Satellite, Lune, Taches, &c. Les opinions de Galilée lui attirerent les censures de l’inquisition de Rome : mais ces censures n’ont pas empêché qu’on ne l’ait regardé comme un des plus grands génies qui ait paru depuis long-tems. Ce grand homme étoit fils naturel d’un patricien de Florence, & il naquit dans cette ville en 1564. Ayant oüi parler de l’invention du telescope en Hollande (voyez Telescope) sans savoir encore comment l’on s’y prenoit, il s’appliqua à en faire un lui-même ; il y réussit & s’en servit le premier & très-avantageusement pour observer les astres. A l’aide de ce secours, il découvrit dans les cieux des choses qui avoient été inconnues à tous les anciens Astronomes. Il prétendoit trouver les longitudes par l’observation des éclipses des satellites de Jupiter : mais il mourut en 1642 avant que de parvenir à son but. On peut voir une exposition de ses vûes & de ses découvertes, que M. l’abbé Pluche met dans la bouche de Galilée même, tome IV. de son spectacle de la nature.

Hevelius parut ensuite ; il donna d’après ses propres observations un catalogue des étoiles fixes beaucoup plus complet que celui de Tycho. Gassendi, Horrox, Bouillaud, Ward contribuerent aussi de leur côté à l’avancement de l’Astronomie. Voy. Saturne, Anneau, Ecliptique, Micrometre.

L’Italie possédoit alors J. B. Riccioli & Fr. Ma. Grimaldi, tous deux de la Compagnie de Jesus, & associés dans leurs observations. Le premier, à l’imitation de Ptolomée, composa un nouvel Almageste, dans lequel il rassembla toutes les découvertes astronomiques, tant anciennes que modernes. Les Hollandois qui ont tant d’intérêt à cultiver cette Science à cause de la navigation, eurent aussi dans ce xviie siecle d’habiles Astronomes. Le plus illustre est Huyghens ; c’est à lui qu’on doit la découverte de l’anneau de Saturne, d’un de ses satellites, & l’invention des horloges à pendule. Il fit un livre sur la Pluralité des mondes, accompagné de conjectures sur leurs habitans. Il mourut en 1695, âgé de 76 ans.

Newton, d’immortelle mémoire, démontra le premier, par des principes physiques, la loi selon laquelle se font tous les mouvemens célestes ; il détermina les orbites des planetes, & les causes de leurs plus grands ainsi que de leurs plus petits éloignemens du soleil. Il apprit le premier aux savans d’où naît cette proportion constante & réguliere observée, tant par les planetes du premier ordre, que par les secondaires, dans leur revolution autour de leurs corps centraux, & dans leurs distances comparées avec leurs révolutions périodiques. Il donna une nouvelle théorie de la lune, qui répond à ses inégalités, & qui en rend raison par les lois de la gravité & par des principes de méchanique. Voy. Attraction, Lune, Flux & Reflux, &c.

Nous avons l’obligation à M. Halley de l’Astrononomie des cometes, & nous lui devons aussi un catalogue des étoiles de l’hémisphere méridional. L’Astronomie s’est fort enrichie par ses travaux. Voy. Comete, Table, &c.

M. Flamsteed a observé pendant quarante ans les mouvemens des étoiles, & il nous a donné des observations très-importantes sur le soleil, la lune, & les planetes, outre un catalogue de 3000 étoiles fixes, nombre double de celui du catalogue d’Hevelius. Il paroît qu’il ne manquoit plus à la perfection de l’Astronomie, qu’une théorie générale & complete des phénomenes célestes expliqués par les vrais mouvemens des corps & par les causes physiques, tant de ces mouvemens que des phénomenes ; Gregori a rempli cet objet. Voyez Centripete, Centrifuge, &c.

Charles II. roi d’Angleterre, ayant formé en 1660 la Société royale des Sciences de Londres, fit construire six ans après un observatoire à Greenwich. Flamsteed, qui commença à y faire des observations en 1676, est mort en 1719. Il a eu pour successeur l’illustre Edmond Halley, mort en 1742, & remplacé par M. Bradley, célébre par sa découverte sur l’aberration des étoiles fixes.

L’Académie royale des Sciences de Paris, protegée par Louis XIV. & par Louis XV. a produit aussi d’excellens Astronomes, qui ont fort enrichi cette Science par leurs observations & par leurs écrits. M. Cassini, que Louis XIV. fit venir de Bologne, s’est distingué par plusieurs découvertes astronomiques. M. Picard mesura la terre plus exactement que l’on ne l’avoit fait jusqu’alors ; & M. de la Hire publia en 1702 des tables astronomiques. Depuis ce tems les membres de cette compagnie n’ont point cessé de cultiver l’Astronomie en même tems que les autres Sciences qui font son objet. Aidés des instrumens dont l’observatoire de Paris est abondamment fourni, ils ont fait prendre une nouvelle face à l’Astronomie. Ils ont fait des tables exactes des satellites de Jupiter ; ils ont déterminé la parallaxe de Mars, d’où l’on peut tirer celle du soleil ; ils ont corrigé la doctrine des réfractions des astres ; enfin ils ont fait & font tous les jours un grand nombre d’observations sur les planetes, les étoiles fixes, les cometes, &c. L’Italie n’est pas demeurée en arriere, & pour le prouver il suffit de nommer Mrs Gulielmini, Bianchini, Marsigli, Manfredi, Ghisleri, Capelli, &c. Le Nord a aussi eu de savans Astronomes. M. Picard ayant amené Olaüs Roemer, de Copenhague à Paris, il ne tarda pas à se faire connoître avantageusement aux Académiciens. Il construisit diverses machines qui imitoient exactement le mouvement des planetes. Son mérite le fit rappeller dans sa patrie, où il continua à fournir glorieusement la même carriere. Le roi de Suede Charles XI. observa lui-même le soleil à Torneo, dans la Bothnie, sous le cercle polaire arctique. L’on sait avec quels soins & quelles dépenses on cultive depuis quelque-tems l’Astronomie à Petersbourg, & le grand nombre de savans que la liberalité du souverain y a attirés. Enfin les voyages faits au Nord & au Sud pour déterminer la figure de la terre avec la plus grande précision, immortaliseront à jamais le regne de Louis XV. par les ordres & les bienfaits de qui ils ont été entrepris & terminés avec succès.

Outre les observatoires dont nous avons déjà parlé, plusieurs princes & plusieurs villes en ont fait bâtir de très-beaux, & fort bien pourvûs de tous les instrumens nécessaires. La ville de Nuremberg fit bâtir un observatoire en 1678, qui a servi successivement à MM. Eimmart, Muller, & Doppelmayer. Les curateurs de l’Académie de Leyde en firent un en 1690 : l’on y remarque la sphere armillaire de Copernic.

Frederic I. roi de Prusse, ayant fondé au commencement de ce siecle une Société royale à Berlin, fit construire en même-tems un observatoire ; M. Kirch s’y est distingué jusqu’à sa mort, arrivée en 1740. Le comte de Marsigli engagea en 1712 le senat de Bologne à fonder une académie & à bâtir un observatoire. Voyez Institut. L’année suivante l’académie d’Altorf fit aussi la dépense d’un pareil édifice. Le Landgrave de Hesse suivit cet exemple en 1714 ; le roi de Portugal en 1722, & la ville d’Utrecht en 1726 ; enfin en 1739 & l’année suivante le P. d’Evora en a fait construire un à Rome ; le roi de Suede un à Upsal ; l’on en a fait un troisieme dans l’académie de Giesse.

Nous trouverons quelques dames qui ont marché sur les traces de la célebre Hypatia ; telle a été Marie Cunitz, fille d’un Medecin de Silésie, laquelle fit imprimer en 1650 des tables astronomiques suivant les hypotheses de Kepler. Maria Clara, fille du savant Eimmart & femme de Muller, tous deux habiles Astronomes, fut d’un grand secours à son pere & à son mari, tant dans les observations que dans les calculs. Jeanne du Mée fit imprimer à Paris, en 1680, des entretiens sur l’opinion de Copernic touchant la mobilité de la terre, où elle se propose d’en démontrer la vérité. Mademoiselle Winkelman, épouse de M. Godefroi Kirch, partageant le goût de l’Astronomie avec son mari, se mit à l’étudier & y fit d’assez grands progrès pour aider M. Kirch dans ses travaux. Elle donna au public en 1712 un ouvrage d’Astronomie.

Il paroît par les lettres des missionnaires Danois, que les Brachmanes qui habitent la côte de Malabar ont quelque connoissance de l’Astronomie : il y en a qui savent prédire les éclipses. Leur calendrier approche du calendrier Julien : mais ces connoissances sont obscurcies par quantité d’erreurs grossieres, & en particulier par un attachement superstitieux à l’Astrologie judiciaire : ils abusent étrangement le peuple par ces artifices. Il en faut dire autant des habitans de l’île de Madagascar, où les prêtres sont tous Astrologues. Les Siamois donnent aussi dans ces superstitions. M. de Laloubere, à son retour de Siam en France, apporta leurs tables astronomiques sur les mouvemens du soleil & de la lune. M. Cassini trouva la méthode suivant laquelle ils les avoient dressées, assez ingénieuse, & après quelques changemens, assez utile. Il conjectura que ces peuples les avoient reçûes des Chinois.

Les peuples de l’Amérique ne sont pas destitués de toutes connoissances astronomiques. Ceux du Pérou régloient leur année sur le cours du soleil ; ils avoient bâti des observatoires, & ils connoissoient plusieurs constellations.

Quoique cet article soit un peu long, on a crû qu’il feroit plaisir aux lecteurs ; il est tiré des deux extraits qu’un habile journaliste a donnés de l’histoire de l’Astronomie, publiée en latin par M. Weidler, Wittemb. 4°. 1740. Ces extraits se trouvent dans la Nouvelle Bibliotheque, mois de Mars & d’Avril 1742 ; & il nous ont été communiqués par M. Formey, historiographe & secrétaire de l’Académie royale des Sciences & Belles-Lettres de Prusse ; à qui par conséquent nous avons obligation de presque tout cet article.

Ceux qui voudront une histoire plus détaillée de l’origine & des progrès de l’Astronomie, peuvent consulter différens ouvrages, entr’autres ceux d’Ismaël Bouillaud, & de Flamsteed ; Jean Gerard Vossius, dans son volume de Quatuor artibus popularibus ; Horrius, dans son Histoire philosophique, imprimée à Leyde en 1655, in-4°. Jonsius, de Scriptoribus historiæ philosophicæ, imprimé à Francfort, in-4°. 1659. On peut encore consulter les vies de Regiomontanus, de Copernic, & de Tycho, publiées par Gassendi. Feu M. Cassini a composé aussi un traité de l’origine & du progrès de l’Astronomie, qu’il a fait imprimer à la tête du recueil des voyages de l’Académie, qui parut en 1693.

M. l’Abbé Renaudot nous a laissé sur l’origine de la sphere, un Memoire que nous avons déjà cité, & dont nous avons fait beaucoup d’usage dans cet article ; on peut encore consulter, si l’on veut, les préfaces des nouvelles éditions faites en Angleterre, de Manilius & d’Hesiode. Parmi les anciens écrivains, Diogene Laerce & Plutarque, sont ceux qu’il est le plus à propos de lire sur ce même sujet.

On distribue quelquefois l’Astronomie relativement à ses différens états, en Astronomie nouvelle, & Astronomie ancienne.

L’Astronomie ancienne, c’est l’état de cette science sous Ptolomée & ses successeurs ; c’est l’Astronomie avec tout l’appareil des orbes solides, des épicycles, des excentriques, des déférents, des trépidations, &c. Voyez Ciel, Epycicle, &c.

Claud. Ptolemée a exposé l’ancienne Astronomie dans un ouvrage que nous avons de lui, & qu’il a intitulé μεγαλὴ σύνταξις. Cet ouvrage, dont nous avons déja parlé, a été traduit en arabe en 827 ; & Trapezuntius l’a donné en latin.

Purbachius & son disciple Regiomontanus, publierent en 1550 un abrégé du μεγαλὴ σύνταξις, à l’usage des commençans. Cet abrégé contient toute la doctrine des mouvemens célestes, les grandeurs des corps, les éclipses, &c. L’arabe Albategni compila aussi un autre ouvrage sur la connoissance des étoiles ; cet ouvrage parut en latin en 1575.

L’Astronomie nouvelle, c’est l’état de cette science depuis Copernic, qui anéantit tous ces orbes, épicycles & fictices, & réduisit la constitution des cieux à des principes plus simples, plus naturels & plus certains. Voyez Copernic, Voyez aussi Système, Soleil, Terre, Planete, Orbite, &c. Voyez de plus Sphere, Globe, &c.

L’Astronomie nouvelle est contenue : 1°. dans les six livres des révolutions célestes publiées par Copernic l’an de J. C. 1566. C’est dans cet ouvrage que, corrigeant le système de Pythagore & de Philolaüs sur le mouvement de la terre, il pose les fondemens d’un système plus exact.

2°. Dans les commentaires de Kepler, sur les mouvemens de Mars, publiés en 1609 : c’est dans cet ouvrage qu’il substitue aux orbites circulaires qu’on avoit admis jusqu’alors, des orbites elliptiques qui donnerent lieu à une théorie nouvelle, qu’il étendit à toutes les planetes dans son abrégé de l’Astronomie de Copernic, qu’il publia en 1635.

3°. Dans l’Astronomie Philolaïque de Bouillaud, qui parut en 1645 ; il s’y propose de corriger la théorie de Kepler, & de rendre le calcul plus exact & plus géometrique. Seth Ward fit remarquer dans son examen des fondemens de l’Astronomie Philolaïque, quelques erreurs commises par l’auteur, qu’il se donna la peine de corriger lui-même dans un ouvrage qu’il publia en 1657, sous le titre d’exposition plus claire des fondemens de l’Astronomie Philolaïque.

4°. Dans l’Astronomie géometrique de Ward, publiée en 1656, où cet auteur propose une méthode de calculer les mouvemens des planetes avec assez d’exactitude, sans s’assujettir toutefois aux vraies lois de leurs mouvemens, établies par Kepler. Le comte de Pagan donna la même chose l’année suivante. Il paroît que Kepler même avoit entrevû cette méthode, mais qu’il l’avoit abandonnée, parce qu’il ne la trouvoit pas assez conforme à la nature.

5°. Dans l’Astronomie Britannique publiée en 1657, & dans l’Astronomie Caroline de Stret, publiée en 1661 ; ces deux ouvrages sont fondés sur l’hypothese de Ward.

6°. Dans l’Astronomie Britannique de Wings, publiée en 1669, l’auteur donne d’après les principes de Bouillaud des exemples fort bien choisis de toutes les opérations de l’Astronomie pratique, & ces exemples sont mis à la portée des commençans.

Riccioli nous a donné dans son Almageste nouveau, publié en 1651, les différentes hypotheses de tous les Astronomes tant anciens que modernes ; & nous avons dans les élémens de l’Astronomie physique & géometrique de Gregori, publiés en 1702, tout le système moderne d’Astronomie, fondé sur les découvertes de Copernic, de Kepler & de Newton.

Taquet a écrit un ouvrage intitulé : la Moelle de l’Astronomie ancienne. Whiston a donné ses Prélections astronomiques, publiées en 1707. Au reste les ouvrages les plus proportionnés à la capacité des commençans, sont les Institutions astronomiques de Mercator, publiées en 1606 : elles contiennent toute la doctrine du ciel, tant ancienne que moderne ; & l’Introduction à la vraie Astronomie de Keill, publiée en 1718, où il n’est question que de l’Astronomie moderne. Ces deux ouvrages sont également bien faits l’un & l’autre, & également propres au but de leurs auteurs. Le dernier de ces traités a été donné en françois par M. le Monnier en 1746, avec plusieurs augmentations très-considérables, relatives aux nouvelles découvertes qui ont été faites dans l’Astronomie ; il a enrichi cet ouvrage de nouvelles tables du soleil & de la lune, & des satellites, qui seront d’une grande utilité pour les Astronomes. Enfin, il a mis à la tête un essai en forme de préface, sur l’histoire de l’Astronomie moderne, où il traite du mouvement de la terre, de la précession des équinoxes, de l’obliquité de l’écliptique, & du moyen mouvement de Saturne. M. Cassini, aujourd’hui pensionnaire vétéran de l’Académie royale des Sciences, a aussi publié des Elémens d’Astronomie, en deux volumes in-4°. qui répondent à l’étendue de ses connoissances & à la réputation qu’il a parmi les Savans.

Le ciel pouvant être considéré de deux manieres, ou tel qu’il paroît à la vûe simple, ou tel qu’il est conçû par l’esprit, l’Astronomie peut se diviser en deux parties, la sphérique, & la théorique ; l’Astronomie sphérique est celle qui considere le ciel tel qu’il se montre à nos yeux ; on y traite des observations communes d’Astronomie, des cercles de la sphere, des mouvemens des planetes, des lieux des fixes, des parallaxes, &c.

L’Astronomie théorique est cette partie de l’Astronomie qui considere la véritable structure & disposition des cieux & des corps célestes, & qui rend raison de leurs différens phénomenes.

On peut distinguer l’Astronomie théorique en deux parties : l’une est, pour ainsi dire purement astronomique, & rend raison des différentes apparences ou phénomenes qu’on observe dans le mouvement des corps célestes ; c’est elle qui enseigne à calculer les éclipses, à expliquer les stations, directions, rétrogradations des planetes, les mouvemens apparens des planetes tant premieres que secondaires, la théorie des cometes, &c.

L’autre se propose un objet plus élevé & plus étendu ; elle rend la raison physique des mouvemens des corps célestes, détermine les causes qui les font mouvoir dans leurs orbites, & l’action qu’elles exercent mutuellement les unes sur les autres. Descartes est le premier qui ait tenté d’expliquer ces différentes choses avec quelque vraissemblance. Newton qui est venu depuis, a fait voir que le système de Descartes ne pouvoit s’accorder avec la plupart des phénomenes, & y en a substitué un autre, dont on peut voir l’idée au mot Philosophie newtonienne. On peut appeller cette seconde partie de l’Astronomie théorique, Astronomie physique, pour la distinguer de l’autre partie qui est purement géométrique. David Gregori a publié un ouvrage en deux volumes in-4o. qui a pour titre : Elemens d’Astronomie physique & géométrique, Astronomiæ physicæ & geometricæ elementa. Voyez les différentes parties de l’Astronomie théorique sous les mots Système, Soleil, Etoiles, Planete, Terre, Lune, Satellite, Comete, &c.

On peut encore diviser l’Astronomie en terrestre & en nautique : la premiere a pour objet le ciel, en tant qu’il est considéré dans un observatoire fixe & immobile sur la terre ferme : la seconde a pour objet le ciel vû d’un observatoire mobile ; par exemple, dans un vaisseau qui se meut en pleine mer. M. de Maupertuis, aujourd’hui Président perpétuel de l’Académie des Sciences de Berlin, a publié à Paris en 1743 un excellent ouvrage, qui a pour titre, Astronomie nautique, ou Elemens d’Astronomie, tant pour un observatoire fixe, que pour un observatoire mobile.

L’Astronomie tire beaucoup de secours de la Géométrie pour mesurer les distances & les mouvemens tant vrais qu’apparens des corps célestes ; de l’Algebre pour résoudre ces mêmes problèmes, lorsqu’ils sont trop compliqués ; de la Méchanique & de l’Algebre, pour déterminer les causes des mouvemens des corps célestes ; enfin des arts méchaniques pour la construction des instrumens avec lesquels on observe. V. Trigonometrie, Gravitation, Secteur, Quart de cercle, &c. & plusieurs autres articles, qui seront la preuve de ce que l’on avance ici. (O)