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quarrés, opposés deux à deux, blanchâtres, cotonneux, garnis de feuilles, opposées aussi par paires, longues de plus de deux pouces sur un pouce de largeur, chagrinées, blanchâtres, frisées, veinées, roides, dures, pointillées par-dessous, soutenues par un pédicule long de sept ou huit lignes, cotonneux & sillonné.

Les fleurs naissent en maniere d’épi long d’un pié, rangées par étages, assez serrées ; chaque fleur est longue d’un pouce ou de quinze lignes : c’est un tuyau blanchâtre, gros de quatre ou cinq lignes, évasé en deux levres, dont la supérieure est creusée en cueilleron velu, bleuâtre, plus ou moins foncé, longue de huit ou de dix lignes ; l’inférieure est un peu plus longue, découpée en trois parties, dont les deux latérales bordent l’ouverture de la gorge qui est entre les deux levres ; la partie moyenne s’arrondit & se rabat en maniere de collet, échancrée, bleu-lavé, frisée, marbrée, panachée de blanc vers le milieu.

Les étamines sont blanchâtres, divisées à-peu-près comme l’os hyoïde ; le pistil qui se courbe & se fourche est garni de quatre embryons dans sa partie inférieure, lesquels deviennent autant de graines ovales, noirâtres, longues d’une ligne. Le calice est un tuyau long de demi-pouce, verd-pâle, mêlé de purpurin, découpé irrégulierement en cinq pointes, évasé en maniere de cloche. Cette espece de sauge a une odeur qui participe de la sauge ordinaire & de la lavande.

Les jets de cette plante piqués par des insectes s’élevent en tumeurs de neuf à dix lignes de diametre, dures, charnues, gris-cendrées, cotonneuses, d’un goût agréable. Leur chair est dure, comme de la gelée ; on les appelle pommes de sauge. On en porte des paniers dans les marchés. Cependant, quoique cette espece de sauge vienne fort bien dans les jardins des curieux, on n’y voit jamais de ces sortes de pommes, parce qu’apparemment il n’y a point d’insectes dans nos climats qui se soucient de les piquer. Il se peut faire que la seve du pays contribue à la bonté de ces sortes de productions.

Nous n’avons que de très mauvaises noix-de-galle sur nos chênes, & sur nos plantes pas le moindre tubercule qui soit bon à manger. Ceux qui se forment sur l’églantier & sur le chardon hémorrhoïdial ne servent qu’en médecine, encore leurs vertus paroissent bien suspectes. (D. J.)

Sauge, (Mat. médic.) grande sauge, sauge franche ou ordinaire, & petite sauge, sauge de Catalogne ou de Provence.

On prétend que cette plante a été nommée salvia, du mot latin salvare, comme si elle étoit éminemment salutaire. Aussi est-ce une de celles à laquelle les Pharmacologistes ont prodigué les éloges les plus outrés. Il est dit, dans l’école de Salerne, que si l’usage de la sauge ne rend pas l’homme immortel, c’est qu’il n’y a point de remede contre la mort.

Cur moriatur homo cui salvia crescit in horto ?
Contra vim mortis non est medicamen in hortis.

On dit que les Chinois font tant de cas de la sauge, qu’ils ne peuvent comprendre comment les Européens sont si curieux de leur thé, tandis qu’ils possedent chez eux une plante qui lui est aussi supérieure que la sauge.

Les feuilles & les fleurs, ou plutôt les calices de la sauge, & sur-tout de la petite sauge possedent en un degré distingué toutes les propriétés des substances végétales ameres, aromatiques, balsamiques.

M. Cartheuser dit que la sauge qu’il trouve avec raison fort analogue au romarin, voyez Romarin, contient plus abondamment que cette derniere plante des principes spiritueux-camphré, mais beaucoup moins d’huile essentielle. Cet auteur n’a retiré qu’un

demi-gros, ou tout-au-plus deux scrupules d’huile essentielle d’une livre de feuilles de sauge. Je crois que les calices des fleurs en donneroient davantage. Cette huile nouvellement retirée par la distillation est d’un très-beau verd ; mais elle perd bien-tôt cette couleur, & devient brune ou jaunâtre. Au reste, ce principe distinct de l’huile essentielle, que M. Cartheuser appelle spiritueux-camphre, est un être pour le moins indéfini.

Les fleurs & les feuilles de petite sauge se prennent principalement en infusion théïforme. Cette infusion a un goût légerement amer, aromatique, qui n’est point désagréable, & elle est très-chargée de l’odeur propre de la plante.

Selon une ancienne opinion qui a passé des livres de quelques naturalistes dans ceux des médecins, & ensuite chez le peuple, les crapauds & les serpens qui sont regardés comme des animaux très-venimeux, & qui cependant ne sont qu’horribles ; ces animaux, dis-je, aiment beaucoup à habiter sous la sauge, & ils l’infectent de leur souffle & de leur salive. On prétend, d’après ce préjugé, qu’il faut laver la sauge avant que de l’employer à des usages médicinaux. Les observations pour & contre cette prétention, & l’usage qui en résulte étant mûrement pesés, il paroît à-peu-près démontré que le danger est purement imaginaire.

L’infusion de sauge est mise au rang des remedes les plus éprouvés contre les foiblesses d’estomac, les douleurs & les digestions languissantes qui en sont la suite ; l’expérience & la considération chimique de sa nature lui paroissent également favorables ; mais il s’en faut bien que ces moyens de connoissance soient également avantageux aux autres propriétés qu’on lui attribue en foule, comme d’être très-bonne contre l’apoplexie, l’épilepsie, la paralysie, les vapeurs hystériques, la suppression des regles, la bouffissure, les fleurs blanches, les fievres intermittentes, l’asthme, les affections vermineuses, &c. en général une infusion théïforme quelconque paroît un remede trop léger contre toutes ces maladies ; & l’infusion théïforme de sauge en particulier n’étant chargée que d’un peu de principe odorant, & d’une très-petite quantité de matiere extractive qui n’est douée que d’une foible vertu, selon la remarque de M. Cartheuser ; une pareille infusion, dis-je, ne peut fournir qu’une boisson à-peu-près indifférente, fort innocente, du-moins pour la plûpart des sujets ; car il faut avouer qu’il y en a de si sensibles, que le tonique le plus léger les affecte singulierement, voyez Tonique ; & que la sauge est un des remedes de cette classe qui anime le plus sensiblement ces constitutions éminemment mobiles. Si l’on peut se promettre des effets sensibles dans tous ces cas de l’usage de la sauge, il faudroit les chercher ou dans les feuilles & dans les calices séchés, réduits en poudre & pris dans du vin ou autre liqueur appropriée, ou dans une forte infusion de ces mêmes substances dans le vin ou dans une dose considérable de suc de sauge : mais en ce cas, c’est la grande sauge cultivée qu’il faut prendre ; car la petite sauge sauvage qui croît en Provence ou en Languedoc, est assûrément fort peu succulente. Ce dernier remede, mêlé avec le miel, est recommandé par Aëtius contre le crachement de sang. L’eau distillée de sauge est encore un remede bien plus puissant que son infusion théïforme : & enfin l’oleo-saccharum préparé avec son huile doit être regardé comme un remede très-actif, mais non pas comme possédant évidemment d’autres vertus que celles qui sont communes aux huiles essentielles. Voyez Huile essentielle. Tous ces remedes vraiment efficaces sont presque absolument inusités ; il n’y a que la légere infusion qui soit d’un usage très commun.