Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/565

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à exhausser les bords. Voyez Pyroque & Euvage.

VUBARANA, (Ichthyolog. exot.) poisson qu’on prend dans les mers d’Amérique, & qui est excellent à manger ; il ressemble de figure à notre truite de riviere, son corps est partout à-peu-près de la même épaisseur, seulement un peu élevé sur le dos, & un peu plus applati vers la queue ; son épaisseur est d’environ six pouces, & sa longueur d’un pié ; il a la tête petite & pointue, la langue longue & la bouche sans dents ; sa queue est grande & fourchue, ses écailles sont très-petites & rangées également, & si près les unes des autres, qu’elles offrent une surface des plus douces au toucher ; il n’a qu’une nageoire sur le dos, lequel est d’un blanc bleuâtre ; le reste de son corps paroit tantôt de couleur olive, tantôt d’un blanc argentin, selon le jour auquel on le regarde ; son ventre est plat, mais très-blanc, & les couvertures de ses nageoires paroissent par leur blancheur lustrée, comme des plaques d’argent. Maggravii. Hist. Brasil.

VUCH’ANG, (Géog. mod.) grand ville de la Chine, sur le fleuve Kiang, dans la province de Huquand, où elle a le rang de premiere métropole, & renferme dix villes dans son territoire. Elle est de 3. 16. plus occidentale que Pékin, sous le 31 d. O. de latitude septentrionale. (D. J.

VUE, s. f. (Physiolog.) l’action d’appercevoir les objets extérieurs par le moyen de l’œil, ou si vous voulez, c’est l’acte & l’exercice du sens de voir. Voyez Sens & Vision.

La vue est la reine des sens, & la mere de ces sciences sublimes, inconnues au grand & au petit vulgaire. La vue est l’obligeante bienfaitrice qui nous donne les sensations les plus agréables que nous recevions des productions de la nature. C’est à la vue que nous devons les surprenantes découvertes de la hauteur des planetes, & de leurs révolutions autour du soleil, le centre commun de la lumiere. La vue s’étend même jusqu’aux étoiles fixes, & lorsqu’elle est hors d’état d’aller plus loin, elle s’en remet à l’imagination, pour faire de chacune d’elles un soleil qui se meut sur son axe, dans le centre de son tourbillon. La vue est encore la créatrice des beaux arts, elle dirige la main savante de ces illustres artistes, qui tantôt animent le marbre, & tantôt imitent par leur pinceau les voutes azurées des cieux. Que l’amour & l’amitié nous disent les délices que produit après une longue absence la vue d’un objet aimé ! enfin, il n’est guere de sens aussi utile que la vue, & sans contredit, aucun n’est aussi fécond en merveilles. Mais je laisse à Milton la gloire de célébrer ses charmes, pour ne parler que de sa nature.

L’œil, son organe, est un prodige de dioptrique ; & la lumiere, qui est son objet, est la plus pure substance dont l’ame reçoive l’impression par les sens. Voyez donc (Oeil & Lumiere, en vous ressouvenant qu’il faut appliquer à la connoissance de la structure de l’œil tout ce que l’optique, la catoptrique, & la dioptrique, nous démontrent sur ce sujet, d’après les découvertes de Newton, homme d’une si grande sagacité, qu’il paroît avoir passé les bornes de l’esprit humain.

La vue, (comme le dit M. de Buffon qui a répandu tant d’idées ingénieuses & philosophiques dans son application des phénomenes de ce sens admirable) ; la vue est une espece de toucher, quoique bien différente du toucher ordinaire. Pour toucher quelque chose avec le corps ou avec la main, il faut ou que nous nous approchions de cette chose, ou qu’elle s’approche de nous, afin d’être à portée de pouvoir la palper ; mais nous la pouvons toucher des yeux à quelque distance qu’elle soit, pourvu qu’elle puisse renvoyer une assez grande quantité de lumiere, pour faire impression sur cet organe, ou bien qu’elle puisse s’y peindre sous un angle sensible.

Le plus petit angle sous lequel les hommes puissent voir les objets, est d’environ une minute ; il est rare de trouver des yeux qui puissent appercevoir un objet sous un angle plus petit : cet angle donne pour la plus grande distance, à laquelle les meilleurs yeux peuvent appercevoir un objet, environ 3436 fois le diametre de cet objet : par exemple, on cessera de voir à 3436 piés de distance un objet haut & large d’un pié ; on cessera de voir un homme haut de cinq piés à la distance de 17180 piés, ou d’une lieue & d’un tiers de lieue, & en supposant même que ces objets soient éclairés au soleil. Cette estimation de la portée des yeux est néanmoins plutôt trop forte que trop foible, parce qu’il y a peu d’hommes qui puissent appercevoir les objets à d’aussi grandes distances.

Mais il s’en faut bien qu’on ait par cette estimation une idée juste de la force & de l’étendue de la portée de nos yeux ; car il faut faire attention à une circonstance essentielle, c’est que la portée de nos yeux diminue & augmente à proportion de la quantité de lumiere qui nous environne, quoi qu’on suppose que celle de l’objet reste toujours la même ; ensorte que si le même objet que nous voyons pendant le jour à la distance de 3436 fois son diametre, restoit éclairé pendant la nuit de la même quantité de lumiere dont il l’étoit pendant le jour, nous pourrions l’appercevoir à une distance cent fois plus grande, de la même façon que nous appercevons la lumiere d’une chandelle pendant la nuit, à plus de deux lieues ; c’est-à-dire, en supposant le diametre de cette lumiere égal à un pouce, à plus de 316800 fois la longueur de son diametre ; au-lieu que pendant le jour, on n’appercevra pas cette lumiere à plus de 10 ou 12 mille fois la longueur de son diametre, c’est-à-dire, à plus de deux cens toises, si nous la supposons éclairée aussi-bien que nos yeux par la lumiere du soleil.

Il y a trois choses à considérer pour déterminer la distance à laquelle nous pouvons appercevoir un objet éloigné ; la premiere, est la grandeur de l’angle qu’il forme dans notre œil ; la seconde, le degré de lumiere des objets voisins & intermédiaires que l’on voit en même-tems ; & la troisieme, l’intensité de lumiere de l’objet lui-même. Chacune de ces causes influe sur l’effet de la vision, & ce n’est qu’en les estimant & en les comparant, qu’on déterminera dans tous les cas la distance à laquelle on peut appercevoir tel ou tel objet particulier.

Au reste, la portée de la vue, ou la distance à laquelle on peut voir le même objet, est assez rarement la même pour chaque œil ; il y a peu de gens qui ayent les deux yeux également forts. Lorsqu’ils sont également bons, & que l’on regarde le même objet des deux yeux, il semble qu’on devroit le voir une fois mieux qu’avec un seul œil ; cependant il n’y a pas de différence sensible entre les sensations qui résultent de l’une & de l’autre façon de voir ; & après avoir fait sur cela des expériences, on a trouvé qu’avec deux yeux égaux en force, on voyoit mieux qu’avec un seul œil, mais d’une treizieme partie seulement ; ensorte qu’avec les deux yeux, on voit l’objet comme s’il étoit éclairé de treize lumieres égales, au-lieu qu’avec un seul œil, on ne le voit que comme s’il étoit éclairé de douze lumieres.

Avant que de résoudre la question qu’on propose sur la vue, il faut considérer quel est ce sens au moment de la naissance.

Les yeux des enfans nouveaux nés n’ont point encore les brillans qu’ils auront dans la suite ; leur cornée est plus épaisse que dans les adultes ; elle est plus plate & un peu ridée ; leur humeur aqueuse est en petite quantité, & ne remplit pas entiérement les chambres. Il est aisé d’imaginer d’où vient