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année de son regne, qu’il vint au palais de Westminster ; où en présence de la noblesse & des évêques, qui tenoient chacun une bougie allumée à la main, il fit lire la grande chartre, ayant, pendant qu’on la lisoit, la main sur la poitrine ; après quoi il jura solennellement d’en observer le contenu avec une fidélité inviolable, en qualité d’homme, de chrétien, de soldat, & de roi. Alors les évêques éteignirent leurs bougies, & les jetterent à terre, en criant, qu’ainsi soit éteint & confondu dans les enfers quiconque yiolera cette chartre.

La grande chartre est la base du droit & des libertés du peuple Anglois. Voyez Droit & Statut.

On la jugea si avantageuse aux sujets, & remplie de dispositions si justes & si équitables, en comparaison de toutes celles qui avoient été accordées jusqu’alors, que la nation consentit, pour l’obtenir, d’accorder au roi le quinzieme denier de tous ses biens meubles. Chambers. (G)

Chartre, (Medecine.) on dit qu’un enfant est en chartre, lorsqu’il est sec, hectique, & tellement exténué, qu’il n’a que la peau collée sur les os ; maladie à laquelle les Medecins ont donné le nom de marasme. Voyez Marasme. Peut-être l’expression, ces enfans sont en chartre, vient-elle de ce qu’on les voüe aux saints, dont les châsses sont appellées chartres par nos vieux auteurs. Du Verney, traité des maladies des os.

Quelques-uns ont écrit qu’on nomme en France le rachitis, chartre ; mais ils ont confondu deux maladies qui sont très-différentes. Id ibid.

Chartres, (Géog.) ville de France, capitale du pays chartrain & de la Beauce, avec titre de duché, sur l’Eure. Long. 18d 50′ 5″ lat. 48d 26′ 49″.

CHARTRÉES, villes chartrées, c’est-à-dire qui ont des anciens titres de leurs priviléges & franchises. Voyez ci-après Villes. (A)

CHARTREUSE, subst. f. (Hist. mod.) monastere célebre ainsi nommé d’une montagne escarpée de Dauphiné sur laquelle il est bâti, dans un desert affreux, à cinq lieues de Grenoble, & qui a donné son nom à tout l’ordre des Chartreux qu’y fonda saint Bruno, en s’y retirant avec sept compagnons l’an 1086.

Ce nom a passé depuis à tous les monastere, de Chartreux ; on distingue seulement celui de Grenoble par le titre de grande chartreuse.

La chartreuse de Londres qu’on a appellée par corruption carther-house, c’est-à-dire maison des chartres, est maintenant changée en un collége qu’on nomme l’hôpital de Sutton, du nom de son fondateur qui le dota d’abord de 4000 liv. sterling de rente ; & ce revenu s’est depuis augmenté jusqu’à six mille. Ce collége doit être compose d’honnêtes gens, soit militaires, soit commerçans infirmes, & dont les affaires ont mal tourné. Ils sont au nombre de quatre-vingt qui vivent en commun selon l’usage des colléges, & qui sont logés, vêtus, nourris, & soignés dans leurs maladies aux dépens de la maison. Il y a aussi place pour quarante-quatre jeunes gens ou écoliers qui y sont entretenus & instruits : ceux d’entr’eux qui ont de l’aptitude pour les Lettres, sont envoyés aux universités avec une pension de vingt livres sterling pendant huit ans ; on met les autres dans le commerce. La surintendance de cet hôpital est confiée à seize gouverneurs, qui sont ordinairement des personnes de la premiere qualité. Lorsque la place d’un d’entr’eux vient à vaquer, elle est remplie par l’élection d’un nouveau membre faite par les autres gouverneurs. Les officiers de ce collége sont un maître, un prédicateur, un économe, un thrésorier, un maître d’école, &c. Chambers. (G)

CHARTREUX, s. m. (Hist. ecclés.) ordre de religieux institué par S. Bruno en 1086, & remarqua-

ble par l’austérité de la regle. Elle oblige les religieux à une solitude perpétuelle, & l’abstinence totale de viande, même en cas de maladie dangereuse & en danger de mort, & au silence absolu, excepté en certains tems marqués. Voyez Monastique, Moine.

Leurs maisons sont ordinairement baties dans des deserts, quoiqu’il s’en trouve à la proximité des villes, ou dans les villes mêmes. La ferveur & la piété monastique se sont toûjours mieux conservées dans cet ordre que dans les autres. M. l’abbé de la Trape (Rancé) a cependant tâché de prouver que les Chartreux s’étoient relâchés de cette extrème austérité qui leur étoit prescrite par les constitutions de Guigues I. leur cinquieme général. Mais dom Innocent Masson, élû général en 1675, dans une réponse à M. l’abbé de Rancé, a montré que ce que celui-ci appelle statuts ou constitutions de Guigues, n’étoit que des coûtumes compilées par le P. Guigues, & qui ne devinrent lois que long-tems après. En effet, S. Bruno ne laissa aucunes regles écrites à son ordre. Guigues élu en 1110, en mit les coûtumes & les statuts par écrit ; & ce fut Basile leur huitieme général, élu en 1151, qui dressa leurs constitutions telles qu’elles furent approuvées par le saint siége. Les Chartreux ont donné à l’Eglise plusieurs saints prélats, & grand nombre de sujets illustres par leur doctrine & par leur piété. Leur général ne prend que le titre de prieur de la Chartreuse. (G)

Chartreux, (Hist. nat.) sorte de chat dont le poil est d’un gris cendré tirant sur le bleu. C’est une des peaux dont les Pelletiers font négoce, & qu’ils employent dans les fourrures. Voyez Chat.

Chartreux, (pelle de) Comm. espece de laine très-fine, que nos manufacturiers en draps & autres étoffes tirent d’Epagne. Voy. le Dictionn. de Comm.

CHARTRIER, s. m. (Jurisprud.) signifie ordinairement le lieu où sont renfermés les chartes & anciens titres des abbayes, monasteres, & des grandes seigneuries. On appelloit autrefois chartrier du roi ou de France, ce que l’on appelle aujourd’hui thrésor des chartes : mais ce chartrier étoit moins un lieu où l’on renfermoit les chartes de la couronne, que le recueil & la collection de ces chartes que l’on portoit alors par-tout à la suite du roi. Richard roi d’Angleterre, ayant défait l’armée de Philippe-Auguste entre Châteaudun & Vendôme, en 1194, enleva tout son bagage, & notamment le chartrier de France. Cette perte fut cause que l’on établit à Paris un dépôt des chartes de la couronne, que l’on appella le thrésor des chartes. Voyez Thrésor des chartes.

Chartrier, (Jurisp.) signifioit aussi en quelques endroits prisonnier ; ce qui vient du mot charte, qui se disoit anciennement pour prison. Voyez l’ancienne chronique de Flandre, ch. lxvj. & le glossaire de M. de Lauriere, au mot charte. (A)

CHARTULAIRE, s. m. (Hist. ecclés.) on prétend que le chartulaire étoit dans l’église Latine, ce que le chartophylax étoit dans l’église Grecque. Voyez l’article Chartophylax. Quoi qu’il en soit des prérogatives de ces dignités, il est évident que leurs noms venoient de la garde des chartes & titres, confiés particulierement à ceux qui les possédoient.

Chartulaire, se dit encore du volume où l’on a transcrit les chartes principales d’une abbaye ou d’une seigneurie.

* CHARYBDE, s. f. (Myth.) femme qui habitoit & voloit le long des côtes de la Sicile ; elle fut frappée de la foudre & métamorphosée en monstre marin, pour avoir détourné les bœufs d’Hercule. Ce monstre attend près d’un écueil de Sicile, les passans pour les dévorer : là les eaux tournoyoient, entraînant les vaisseaux dans des gouffres, & les renvoyant du fond à la surface trois fois, à ce que dit