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dix piés de tige de fer, ajustée à un manche de bois de dix-huit pouces de longueur. Si plusieurs bourées s’arrêtoient d’un même côté, il pourroit arriver que toute une partie de la fournée se brûleroit, qu’une autre partie ne seroit qu’à demi-cuite, & qu’il en résulteroit un grand dommage pour le maître.

4°. Que le feu qu’on entretient dans le four est très-violent ; que le soin qu’on a de boucher la bouche du four avec une bourée, le concentre & le porte en-haut ; qu’il blanchit le fer du fourgon en quatre à cinq secondes ; & qu’il écarteroit avec fracas les murs du fourneau, s’ils étoient trop légers.

5°. Qu’il faut que ce feu soit poussé sans intermission, sans quoi la fournée entiere seroit perdue, du moins au témoignage de Palissi, qui raconte que passant dans les Ardennes il trouva sur son chemin un four à chaux, dont l’ouvrier s’étoit endormi au milieu de la calcination ; & que, comme il travailloit à son reveil à le rallumer, Palissi lui dit qu’il brûleroit toute la forêt d’Ardennes, avant que de remettre en chaux la pierre à demi-calcinée.

6°. Que la chaux sera bien cuite, si la pierre est devenue d’un tiers plus légere après la calcination qu’auparavant, si elle est sonore quand on la frappe, & si elle bouillonne immédiatement après avoir été arrosée ; & qu’on l’aura d’autant meilleure, que les pierres qu’on aura calcinées seront dures : les anciens calcinoient les fragmens de marbre, & prenoient, quand il étoit question de la mêler au ciment & de l’éteindre, toutes les précautions imaginables. Voyez Ciment.

7°. Que la maniere de faire la chaux, que nous venons de décrire, n’est pas la seule en usage. Au lieu de fourneaux, il y a des endroits où l’on se contente de pratiquer des trous en terre, où l’on arrange les pierres à calciner, les unes à côté des autres ; on y pratique une bouche & une cheminée ; on recouvre les trous & les pierres avec de la terre glaise ; on allume au centre un feu qu’on entretient sept à huit jours, & lorsqu’il ne sort plus ni fumée ni vapeurs, on présume que la pierre est cuite.

8°. Qu’il faut creuser un puits aux environs du four à chaux, 1° pour le besoin des ouvriers : 2° pour la petite maçonnerie qu’on fait à l’entrée de la tourelle : 3° en cas d’incendie ; car il peut arriver qu’un grand vent rabatte le cone de feu sur les bourées, & les enflamme.

9°. Que pour transporter la chaux dans des voitures, il faut avoir grand soin de les bien couvrir de bannes tendues sur des cerceaux ; que les chaufourniers allument du feu avec la chaux assez commodément : ils en prennent une pierre grosse comme le poing, la trempent dans l’eau, & quand elle commence à fumer, ils la couvrent légerement de poussiere de bruyere, & soufflent sur la fumée jusqu’à ce que le feu paroisse ; & qu’on ne fait guere de chaux pendant l’hyver.

Quant à l’emploi de la chaux dans la maçonnerie, voici la méthode que Philibert de Lorme prescrit. Amassez dans une fosse la quantité de chaux que vous croyez devoir employer ; couvrez-la également partout d’un pié ou deux de bon sable ; jettez de l’eau sur ce sable, autant qu’il en faut pour qu’il soit suffisamment abreuvé, & que la chaux qui est dessous puisse fuser sans se brûler ; si le sable se fend, & donne passage à la fumée, recouvrez aussi-tôt les crevasses ; cela fait, laissez reposer deux ou trois ans ; au bout de ce tems vous aurez une matiere blanche, douce, grasse, & d’un usage admirable tant pour la maçonnerie que pour le stuc.

Les particuliers ne pouvant prendre tant de précautions, il seroit à souhaiter que ceux qui veulent bâtir trouvassent de la chaux toute préparée, & vieille, & que quelqu’un se chargeât de ce commer-

ce. Quand on veut avoir du mortier incontinent, on pratique un petit bassin en terre ; on en creuse au-dessous dans le voisinage un plus grand ; on met dans le petit la chaux qu’on veut employer ; on l’arrose d’eau sans crainte de la noyer ; s’il y avoit à craindre, ce seroit de la brûler, en ne l’humectant pas assez ; on la fait boire à force de bras avec le rabot ; quand elle est liquide & bien délayée, on la fait couler dans le grand bassin par une rigole ; on la tire de-là pour la mêler au sable, & la mettre en mortier. On met ou de sable sur un tiers ou de chaux mesurée vive. Voyez Mortier. Vitruve prescrit l’épreuve suivante, pour s’assûrer si la chaux est bien éteinte. Si on y rencontre des grumeaux ou parties solides, elle n’est pas encore bonne, elle n’est pas bien éteinte ; si elle en sort nette, elle n’est pas assez abreuvée. Nous venons d’exposer ce qu’il y a de méchanique à savoir sur la cuisson de la chaux commune, c’est maintenant au Chimiste à examiner les caracteres, les propriétés générales & particulieres de cette substance ; c’est ce que M. Venel va exécuter dans la suite de cet article.


Qualités extérieures de la chaux. Les qualités extérieures & sensibles de la chaux vive, par lesquelles on peut définir cette substance à la façon des naturalistes, sont celles-ci : la chaux vive est friable, blanche, ou grisâtre, légere, seche, d’un goût acre & caustique, & d’une odeur qu’on pourroit appeller de feu, empyreumatique, ou phlogistique.

Propriétés physiques de la chaux. Les propriétés physiques générales de la chaux sont, 1° toutes les propriétés communes des alkalis fixes, soit salins, soit terreux ; 2° quelques-unes des qualités particulieres aux alkalis terreux ; 3° quelques-unes de celles qui ne se rencontrent que dans les alkalis fixes salins ; 4° enfin quelques propriétés spéciales & caractéristiques.

Les propriétés communes aux alkalis fixes que possede la chaux, sont ; la fixité, voyez Fixité ; la solubilité par les acides, voyez Menstrue ; la faculté de changer en verd la couleur bleue des violettes, & celle de précipiter les substances métalliques unies aux acides. On découvriroit peut-être que cette derniere propriété seroit au moins réciproque entre certaines terres calcaires, & quelques substances métalliques, comme elle l’est entre la terre de l’alun & le fer, si on examinoit dans cette vûe tous les sels à base calcaire, & tous les sels métalliques ; mais ces expériences nous manquent encore. Voyez Rapport.

Les propriétés des alkalis terreux qui se rencontrent dans la chaux, sont : l’infusibilité, ou ce degré de difficile fusibilité, par le secours des fondans, que les Chimistes prennent pour l’infusibilité absolue, voyez Fusible & Vitrifiable : l’opacité & la couleur laiteuse qu’elle porte dans les verres, lorsqu’on l’a mêlée dans les frites en une certaine quantité, voyez Verre : la difficile solubilité par l’eau ; (les alkalis terreux ne sont pas parfaitement insolubles dans ce menstrue, V. Eau & Terre) la précipitabilité par les alkalis salins, tant fixes que volatils : l’utilité dans la fonte des mines de fer, dans les cementations de ce métal, faites dans la vûe de le rendre plus doux, ou de le convertir en acier, voyez Fer, Acier, & Castine : la qualité singuliere découverte par M. Pott, par laquelle elle dispose le régule d’antimoine, préparé par son moyen, à former avec le mercure un amalgame solide, voyez Mercure : la faculté de fixer, d’améliorer, & même d’augmenter les métaux, que beaucoup d’habiles Chimistes prétendent lui avoir reconnue par des faits, voyez substances métalliques, au mot Métallique : & enfin la propriété remarquable de précipiter les alka-