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gner l’action de l’ouvrier sur cet instrument. Les Tanneurs chevalent ou quiossent. Voyez Quiosser & Tanner. Les Drapiers chevalent ou drousent. Voyez les articles Drap & Drouser. Les Corroyeurs chevalent les cuirs. Voyez Corroyer. Les Scieurs de bois chevalent ou placent sur des treteaux les pieces qu’ils ont à débiter en bois de sciage. Les Maçons entendent par chevaler un mur, l’étayer. Voy. Chevalement ; & les Charpentiers par chevaler un pan de charpente, soit pour le redresser, soit pour l’avancer, soit pour le reculer, lui appliquer des étais doubles & arcboutés l’un contre l’autre. Voyez aussi aux articles Megissiers, Chamoiseur, ce qu’ils entendent par chevaler, & l’article Chevalet.

CHEVALERIE, s. f. (Hist. mod.) ce terme a bien des significations ; c’est un ordre, un honneur militaire, une marque ou dégré d’ancienne noblesse, la récompense de quelque mérite personnel. Voyez Chevalier & Noblesse.

Il y a quatre sortes de chevalerie ; la militaire, la réguliere, l’honoraire, & la sociale.

La chevalerie militaire est celle des anciens chevaliers, qui s’acquéroit par des hauts faits d’armes. Voyez Chevalier.

Ces chevaliers sont nommés milites dans les anciens titres : on leur ceignoit l’épée & on leur chaussoit les éperons dorés, d’où leur vient le nom de équites aurati, chevaliers dorés.

La chevalerie n’est point héréditaire : elle s’obtient. On ne l’apporte pas en naissant comme la simple noblesse ; & elle ne peut point être révoquée. Les fils des rois & les rois même, avec tous les autres souverains, ont reçu autrefois la chevalerie, comme une marque d’honneur ; on la leur conféroit d’ordinaire avec beaucoup de cérémonies à leur baptême, à leur mariage, à leur couronnement, avant ou après une bataille, &c.

La chevalerie réguliere est celle des ordres militaires où on fait profession de prendre un certain habit, de porter les armes contre les infideles, de favoriser les pélerins allant aux lieux saints, & de servir aux hôpitaux où ils doivent être reçus. Tels étoient jadis les Templiers, & tels sont encore les chevaliers de Malthe, &c. Voyez Templier, Malthe, &c.

La chevalerie honoraire est celle que les princes conferent aux autres princes, aux premieres personnes de leurs cours, & à leurs favoris. Tels sont les chevaliers de la jarretiere, du S. Esprit, de la toison d’or, de S. Michel, &c. Voyez Jarretiere, &c. mais cette chevalerie est aussi une association à un ordre qui a ses statuts & ses réglemens.

La chevalerie sociale est celle qui n’est pas fixe, ni confirmée par aucune institution formelle, ni réglée par des statuts durables. Plusieurs chevaleries de cette espece ont été faites pour des factions, des tournois, des masquarades, &c.

L’abbé Bernardo Justiniani a donné au commencement de son histoire des ordres de chevalerie, un catalogue complet de tous les différens ordres, qui selon lui, sont au nombre de 92. Favin en a donné deux volumes sous le titre de théatre d’honneur & de chevalerie. Ménénius publia les deliciæ equestrium ordinum ; & André Mendo a écrit de ordinibus militaribus. Beloy a traité de leur origine ; & Gelyot, dans son indice armorial, nous en a donné les institutions. A ceux-là on peut ajoûter le Pere Menestrier sur la chevalerie ancienne & moderne. Le trésor militaire de Michieli. La theologia regolare de Caramuel. Origines equestrium sive militarium ordinum de Miræus ; & sur-tout l’Historie chronologiche del l’origine de gl’ordini militari, & di tutte le relligioni cavaleresche de Justiniani : l’édition la plus ample est celle de Venise en 1692. 2. vol. in-folio. On peut voir aussi le

Pere Honoré de sainte Marie, Carme déchaussé, dans ses dissertations historiques & critiques sur la chevalerie ancienne & moderne ; ouvrage qu’il a fait à la sollicitation de l’envoyé du duc de Parme, dont le souverain François, duc de Parme & de Plaisance, cherchoit à ressusciter l’ordre de Constantin dont il se disoit le chef. (G) (a)

C’est dans les lois du combat judiciaire, voyez Champion, que l’illustre auteur de l’esprit des lois cherche l’origine de la chevalerie. Le desir naturel de plaire aux femmes, dit cet écrivain, produit la galanterie qui n’est point l’amour ; mais le délicat, le leger, le perpétuel mensonge de l’amour. Cet esprit de galanterie dut prendre des forces, dit-il, dans le tems de nos combats judiciaires. La loi des Lombards ordonne aux juges de ces combats, de faire ôter aux champions les herbes enchantées qu’ils pouvoient avoir. Cette opinion des armes enchantées étoit alors fort enracinée, & dut tourner la tête à bien des gens. De-là, le système merveilleux de la chevalerie ; tous les romans se remplirent de magiciens, d’enchantemens, de héros enchantés ; on faisoit courir le monde à ces hommes extraordinaires pour défendre la vertu & la beauté opprimées ; car ils n’avoient en effet rien de plus glorieux à faire. De-là naquit la galanterie dont la lecture des romans avoit rempli toutes les têtes ; & cet esprit se perpétua encore par l’usage des tournois. Voyez Tournois. (O)

Chevalerie. (Jurisprud.) Le cas de chevalerie, c’est-à-dire quand le seigneur fait son fils chevalier, est un de ceux où il peut dans certaines coûtumes lever la taille aux quatre cas. Voyez Taille aux quatre cas.

Aide de chevalerie, est la même chose que la taille qui se leve lorsque le seigneur fait son fils chevalier. Voyez Aide.

Chevalerie, terme de Coûtumes, se dit de quelques lieux, terres, ou métairies, chargés de logement de gens de guerre à cheval.

Chevalerie s’est aussi dit de certains fiefs ou héritages nobles, dont le tenancier devoit au seigneur l’hommage lige. (A)

* CHEVALET, s. m. nom qu’on a donné à une infinité d’instrumens différens, dont nous parlerons dans la suite de cet article. Le chevalet ordinaire est une longue piece de bois soûtenue horisontale par quatre piés, dont deux sont assemblés entre eux & avec la piece à chacun de ses bouts ; d’où il s’ensuit que cet assemblage a la forme d’un triangle dont les côtés sont les piés, où la piece de bois soûtenue est au sommet, & dont la base est une barre de bois qui empêche les piés de s’écarter. Les deux triangles sont paralleles l’un à l’autre ; & la piece qu’ils soûtiennent projettée sur les bases des triangles, leur seroit perpendiculaire, & les diviseroit en deux parties égales.

Chevalet, (Hist. anc.) c’étoit dans les anciens tems une sorte de supplice ou d’instrument de torture, pour tirer la vérité des coupables. Mais l’usage de ces sortes de supplices a été reprouvé par d’habiles jurisconsultes ; & de nos jours, le roi de Prusse en a par ses lois aboli l’usage dans ses états. Il est souvent arrivé qu’un criminel qui avoit de la force & de la résolution, soûtenoit les tortures sans rien avoüer ; & souvent aussi l’innocent s’avoüoit coupable, ou dans la crainte des supplices, ou parce qu’il ne se sentoit pas assez de force pour les soûtenir. Le chevalet fut d’abord un supplice qui ne s’employoit que pour des esclaves : c’étoit une espece de table percée sur les côtés de rangées de trous, par lesquels passoient des cordes qui se rouloient ensuite sur un tourniquet. Le patient étoit appliqué à cette table. Mais par la suite on s’en servit pour tourmenter les