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le banc à couper. Quand on a une quantité suffisante de bouts, on les affile : affiler, c’est passer le fil-de-fer sur la meule, pour en faire la pointe. Pour affiler, l’ouvrier prend une cinquantaine de brins plus ou moins ; il les tient sur ses doigts dans une situation parallele, & leur faisant faire un ou plusieurs tours sur eux-mêmes par le moyen de ses pouces qu’il meut dessus en sens contraire, en conduisant chaque pouce vers le petit doigt, il les affile tous en même tems. Quand les brins sont affilés, on les coupe sur la grande cisoire de la longueur dont on veut les pointes ; de là on les passe dans le mordant pour en faire la tête : si on veut qu’elle soit plate, on laisse un peu excéder la pointe au-dessus du mordant, on frappe un ou deux coups de marteau sur cet excédant ; il est applati, & la tête est faite : si on veut qu’elle soit ronde, on la commence comme si on la vouloit plate ; on ne frappe qu’un coup ; puis on la finit avec le poinçon à estamper. Le clou fini, il faut le chasser du mordant ; c’est ce que l’ouvrier exécute en prenant une autre pointe entre le pouce & l’index, chassant la pointe qui est dans la cannelure avec le petit doigt, & y plaçant celle qu’il tient. Il continue ainsi avec une vîtesse extrème ; & son opération est la même pour les clous de quelque grandeur qu’ils soient. Il en peut fabriquer d’or, de fer, & de cuivre. Quand ils sont de laiton, on les blanchit : pour cet effet, on les découvre d’abord ; les découvrir, c’est les mettre tremper dans une solution de tartre ou de cendre gravelée & d’eau commune, où on les laisse séjourner quelque tems ; après quoi on les vanne. Pour les vanner, on met du son ou du tan dans le vannoir ; on les y agite ; & ils en sortent secs & plus jaunes. On finit par les étamer : pour les étamer, on a un vaisseau plus étroit à chacun de ses bouts qu’au milieu ; on les met dans ce vase ; on a un mêlange d’étain fin & de sel ammoniac ; le sel ammoniac y est en petite quantité : on met ce mêlange en fusion, on y jette les pointes ou épingles, on les y agite jusqu’à ce qu’on s’apperçoive qu’elles soient bien blanchies : le mouvement les empêche de s’attacher les unes aux autres. Quand elles sont refroidies, on en fait des paquets de cent : pour cet effet, on en compte cent ; on jette cette centaine dans un des plats de la balance, & on en jette dans l’autre plat autant qu’il en faut pour l’équilibre ; on continue ainsi jusqu’à ce qu’on ait mis toutes les pointes en paquets de centaines, & en état de vente.

Voyez, fig. 21. Pl. I. des clous à tête ronde. Il y a parmi les clous d’épingle, ceux d’homme & ceux de femme : ils ne different que par la force ; les premiers sont les plus forts.

Les Arquebusiers donnent le nom de clou, au clou du chien de la platine. Voyez Fusil & Platine. On appelle du même nom la graine de girofle ; voyez Girofle : c’est le nom d’une maladie de l’œil. Voyez Clou (Medecine). Le clou a servi quelquefois à marquer les années & les évenemens. Voyez Clou (Hist. anc.) On argente & l’on dore les clous. Voyez Dorer & Argenter.

Clou. (Hist. anc.) Tite-Live rapporte que les anciens Romains, encore grossiers & sauvages, n’avoient pour annales & pour fastes que des clous, qu’ils attachoient au mur du temple de Minerve. Il ajoûte que les Etruriens, peuples voisins de Rome, en fichoient à pareille intention dans les murs du temple de Nortia leur déesse. Tels étoient les premiers monumens dont on se servit pour conserver la mémoire des évenemens, au moins celle des années ; ce qui prouve qu’on connoissoit encore bien peu l’écriture à Rome, & rend douteux ce que les historiens ont raconté de cette ville avant sa prise par les Gaulois. D’autres prétendent que c’étoit une simple cérémonie de religion, & se fondent aussi sur Tite-

Live, qui dit que le dictateur ou un autre premier magistrat, attachoit ce clou mystérieux aux ides de Septembre, idibus Septembr. clavum pungat ; mais ils n’expliquent ni le sens ni l’origine de cette cérémonie, & la regardent seulement comme un secours à l’ancienne chronologie, surabondamment ajoûté aux annales par écrit.

On avoit encore coûtume à Rome, dans les calamités publiques, d’attacher un clou dans le temple de Jupiter. Dans une peste qui desola Rome, le clou sacré fut placé par le dictateur, & la contagion cessa. En cas de troubles intestins & de sécession, c’est-à-dire de schisme de la populace, on avoit recours à ce clou. Et dans une circonstance singuliere où les dames Romaines donnoient à leurs maris des philtres qui les empoisonnoient, on pensa que le clou qui dans les tems de troubles avoit affermi les hommes dans le bon sens, pourroit bien produire le même effet sur l’esprit des femmes. On ignore les cérémonies qu’on employoit dans cet acte de religion, Tite-Live s’étant contenté de marquer qu’il n’appartenoit qu’au dictateur, ou à son défaut au plus considérable des magistrats de placer le clou. Manlius Capitolinus fut le premier dictateur créé pour cette fonction. Mém. de l’acad. des Bell. Lett. tom. VI. (G)

Clou, (Med.) maladie de l’œil ; espece de staphylome, en Grec ἑλος, en Latin clavus oculi.

On donne le nom de clou au staphylome, quand par un ulcere de la cornée, l’uvée s’étant avancée en-dehors, s’endurcit & se resserre à la base de la tumeur qu’elle forme ; ou lorsque la cornée s’endurcit pareillement, & se resserre de telle maniere que la base de la tumeur étant fort retrécie, la tumeur en paroît éminente & arrondie en forme de tête sphérique d’un clou. Cette tumeur détruit la vûe, & ne se guérit point, parce qu’aucun staphylome n’est guérissable. Voyez Staphylome. Voyez aussi l’art. Clavus. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

CLOUÉ, adj. (Maréchal.) être cloüé à cheval, signifie être très-ferme & ne se point ébranler, quelque violens que soient ses mouvemens.

Cloué, terme de Blason, qui se dit d’un collier de chien, & des fers à cheval dont les clous paroissent d’un autre émail.

Montferrier, d’or à trois fers de cheval de gueules, cloüés d’or. (V)

CLOUET, s. m. espece de petit ciseau mousse de fer, à l’usage des Tonneliers : ils s’en servent pour enfoncer la neille dans le jable d’une piece de vin, à l’endroit où elle suinte ; il a environ un demi-pouce de largeur par en-bas, & a par en-haut une tête sur laquelle on frappe légerement avec le maillet, afin de faire entrer la neille.

CLOUIERE, ou CLOUVIERE, ou CLOUTIERE (le plus usité est cloüiere), s. f. instrument de fer qui sert au cloutier, principalement à former la tête du clou, quoique le clou soit rond ou quarré, selon que le trou de la cloüiere est rond ou quarré. Voyez l’article Clou. On a des cloüieres de différentes formes & de toutes sortes de grandeurs. Les Serruriers les forgent, & ils en ont aussi pour former la tête de leur vis & autres ouvrages. Les cloüieres des Serruriers sont des especes d’estampes en creux, rondès, quarrées, barrelongues, &c.

Clouiere, (Serrurerie & Clouterie.) c’est une piece de fer quarrée, à l’extrémité de laquelle on a pratiqué un ou plusieurs trous quarrés ou ronds, dans lesquels on fait entrer la tige du clou de force ; de sorte que la partie qui excede la cloüiere, se rabat & forme la tête du clou.

Les Maréchaux ont leurs cloüieres : ces clouieres sont montées sur des billots, & servent pour les clous de charrette.

Sans la clouiere, l’ouvrier ne pourroit que très-dif-