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quetins, & quelquefois ils s’y suspendent par les cornes. Voyez Quadrupede. (I)

Chamois. (Matiere médicale.) Les Pharmacologites recommandent le sang, le suif, le foie, le fiel, & la fiente de chamois ; mais toutes les vertus qu’ils leur attribuent leur sont communes avec celles des mêmes matieres que l’on retire de tous les animaux de la même classe, en étendant même cette analogie à deux ordres entiers de quadrupedes, selon la distribution des Zoologistes modernes ; à tous ceux qui sont compris par Linneus dans l’ordre de ses jumenta & dans celui de ses pecora. La seule matiere un peu plus particuliere à cet animal, dont les vertus médicinales soient célébrées, c’est l’ægagropile ou bésoard germanique, qu’on trouve dans son estomac. Voyez Ægagropile. Au reste toutes ces matieres sont très-peu employées en Médecine parmi nous. Voyez Pharmacologie. (b)

* Chamois, (Art méchanique.) La peau de chamois est fort estimée préparée & passée en huile, ou en mégie ; on l’employe à beaucoup d’ouvrages doux & qu’on peut savoner, gants, bas, culottes, gibecieres, &c. On contrefait le véritable chamois avec les peaux de boucs, de chevres, chevreaux, & de mouton. Voyez l’article Chamoiseur. Le chamois est souple & chaud ; il supporte la sueur sans se gâter, & on s’en sert pour purifier le mercure, en le faisant passer à travers ses pores qui sont serrés. Voyez Mercure.

* CHAMOISERIE. s. f. (Art méchanique.) Ce terme a deux acceptions. Il se dit de l’endroit ou de l’attelier où l’on prépare les peaux de chamois, ou celles qu’on veut faire passer pour telles. Voyez l’art. Chamoiseur. Il se dit aussi de la marchandise même préparée par le chamoiseur. Il fait le commerce de chamoiserie.

* CHAMOISEUR, s. m. (Ord. Encyc. entendem. raison, mém. histoire, hist. nat. histoire des arts méchaniques.) ouvrier qui sait préparer, & qui a le droit de vendre les peaux de chamois, pour être employées aux différens ouvrages qu’on en fait. On donne le même nom aux ouvriers qui prennent chez le boucher les peaux de moutons, de brebis, de chevres, de chevreaux & de boucs, couvertes de poil ou de laine, pour en faire le faux chamois. Ils achetent ces peaux par cent.

Voici la maniere exacte de préparer ces peaux ; nous ne séparerons point le travail du Chamoiseur de celui de Mégissier, parce que la manœuvre de l’un differe très-peu de la manœuvre de l’autre, sur-tout dans le commencement du travail.

Quand on a acheté les peaux, on peut les garder, en attendant qu’on les travaille, & qu’on en ait une assez grande quantité. Pour cet effet, on les étend sur des perches où elles se séchent ; il faut avoir soin de les battre pour en chasser les insectes appellés artusons, & autres qui les gâteroient. Cette précaution est sur-tout nécessaire dans les mois de Juin, de Juillet & d’Août, les plus chauds de l’année. On en travaille plus ou moins à la fois, selon qu’on a plus ou moins de peaux & d’ouvriers.

Quand on a amassé des peaux, on les met tremper soit dans une riviere, quand on en a une à sa proximité, soit dans des pierres ou des vaisseaux de bois, qu’on appelle en quelques endroits timbres. Si la peau est fraîche, on peut la laver sur le champ ; il ne faut guere qu’un jour à un ouvrier pour laver un cent de peaux. Si au contraire elle est seche, il faut la laisser tremper un jour entier, sans y toucher. On lave les peaux en les agitant dans l’eau, & en les maniant avec les mains, comme on le voit exécuter, Planche du Chamoiseur, fig. 1. timbre 1. Cette préparation les nettoye.

Au sortir du timbre, on les met sur le chevalet,

on les y étend, & on les passe an fer ou couteau à deux manches. Voyez de ces couteaux Pl. du Mégissier, fig. 11. 12. 14. même Pl. On voit en c un chevalet, une peau dessus, & un ouvrier occupé à la travailler. Cette opération s’appelle retaler. Son but est de blanchir la laine & de la nettoyer de toutes ses ordures.

Quand une peau a été retalée une fois, on la jette dans de l’eau nouvelle & dans un nouveau timbre ; ainsi il est à propos que dans un attelier de Chamoiseur il y en ait plusieurs. Un ouvrier peut retaler en un jour vingt douzaines. Quand sa tâche est faite, il prend toutes ses peaux retalées & mises en un tas, & il les jette toutes dans l’eau nouvelle : il les y laisse passer la nuit, en quelque tems que ce soit ; cependant l’eau étant plus chaude ou moins dure en été, le lavage se fait mieux. Le premier retalage se fait de poil ou de laine. Le second jour il se fait un second retalage ; à ce second retalage, on les étend sur le chevalet, comme au premier ; on y passe le fer, mais sur le côté de la chair ; cette opération nettoye ce côté & rend la peau molle. Il est à propos que ce second retalage ait été précédé d’un lavage, & que les peaux aient été maniées dans l’eau. Il ne faut pas moins de peine & de tems pour ce second retalage que pour le premier.

A mesure que le second retalage s’avance, l’ouvrier remet ses peaux en tas les unes sur les autres ; & au bout de la journée, il remplit les timbres de nouvelle eau, y jette ses peaux, les y laisse une nuit, & les retale le lendemain pour la troisieme fois. Ce troisieme retalage ne differe aucunement des précédens ; il se fait sur le chevalet, & se donne du côté de la laine.

Il est à propos d’observer que ces trois retalages de fleur & de chair ne sont que pour les peaux seches. Lorsque les peaux sont fraîches, on les retale trois fois, à la vérité, mais seulement du côté de la laine ; le côté de la chair étant frais, il n’a besoin d’aucune préparation ; l’ouvrage est alors bien abregé, puisqu’un ouvrier pourroit presque faire en un jour ce qu’il ne fait qu’en trois.

Après le troisieme retalage des peaux, on les rejette dans l’eau nouvelle, dans laquelle on les lave sur le champ ; il faut bien se garder de les laisser en tas, car elles s’échaufferoient & se gâteroient. Quand elles sont lavées, on les fait égoutter ; pour cet effet, on les étend sur un treteau, toutes les unes sur les autres, & on les y laisse pendant trois heures.

Au bout de ce tems, on les met en chaux. Pour mettre en chaux, on est deux ; on prend une peau, on l’étend à terre, la laine contre la terre, & la chair en-haut ; on étend bien la tête & les pattes d’un côté, la queue & les pattes de l’autre ; on prend une seconde peau qu’on étend sur la premiere, tête sur tête, queue sur queue ; la laine de la seconde est sur la chair de la premiere ; la laine de la troisieme sur la chair de la seconde, & ainsi de suite jusqu’à la concurrence de dix à douze douzaines. Quand elles sont toutes étendues, comme nous venons de le dire, on a à côté de soi un baquet ; il y a dans ce baquet de la chaux, cette chaux est fondue & délayée à la consistence de celle dont les maçons se servent pour blanchir. Alors on prend une peau sans laine, cette peau s’appelle un cuiret : on saisit ce cuiret avec la tenaille par le milieu, après l’avoir plié en plusieurs doubles ; ou on l’attache à l’extrémité d’un bâton, à-peu-près sous la forme d’un torchon, comme on voit Pl. du Mégissier, fig. 1. On plonge ce cuiret dans la chaux, on frotte ensuite avec cette peau empreignée de chaux la premiere peau du tas, ce qu’on appelle enchaussener. Il faut que la peau soit enchaussenée par-tout, c’est-à-dire