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crudité, plus le sort des malades reste indécis. La crudité diminue à mesure que les maladies approchent de leur état, & elle cesse à leur déclin, &c.

Voyez l’article Coction, pepsis, dans lequel il est traité de bien de choses concernant la crudité, apepsia, telle qu’on la considere en général dans la théorie médicinale, & qui ne pourroient qu’être répetées ici.

L’usage a restraint, parmi les modernes, l’emploi qu’on fait du mot crudité. On s’en sert particulierement pour signifier les matieres crues, contenues dans les premieres voies, produites par les alimens mal digerés : on les appelle crudités simplement, saburra cruda, ou crudités d’estomac, si elles font sentir leurs mauvais effets dans ce viscere. Voyez Digestion & ses vices.

La crudité que le chyle vicieux porte dans le sang & communique à toutes les humeurs, est ordinairement appellée, quoiqu’improprement, cacochimie, dénomination qui renferme aussi tous les autres vices des fluides du corps humain en général. On dit cependant encore des urines, des sueurs, & de toutes les humeurs excrémenteuses, qu’elles sont crues, lorsqu’elles ne paroissent pas avoir été séparées avec les qualités qui leur conviennent, pour le bien de l’œconomie animale. Les matieres fécales sont aussi appellées crues, lorsqu’elles n’ont pas éprouvé, par l’action de la digestion, une dissolution des solides, & une expression des bons sucs qui s’y trouvent mêlés, aussi parfaites qu’elles en auroient été susceptibles par elles-mêmes. Voyez Urine, Sueur, Crachat, Secrétions, Digestion, Excrément, Déjection, Matiere fécale. (d)

CRUE. Voyez Croissance.

Crue des meubles au-dessus de leur prisée, (Jurisp.) tire son étymologie du mot croître. C’est un supplément de prix, qui, dans quelques pays & en certains cas, est dû, outre le montant de la prisée des meubles, par ceux qui en doivent rendre la valeur. On écrivoit autrefois creüe, à présent on écrit & on prononce crue. Elle a été introduite pour suppléer ce qui est présumé manquer à la prisée, pour porter les meublés à leur juste valeur. Les auteurs la nomment en latin incrementum mobilium, quinum assem, accretionem, accessionem ; & en françois quelques-uns l’appellent plus value ou plus valeur des meubles, quint en sus ou cinquieme denier parisis ; mais plus communément on dit crue, & ce nom lui convient mieux en général, parce que la crue n’est pas par-tout du parisis ou quart en-sus, comme on le dira dans un moment. Cet usage étoit inconnu aux Romains. Le nom de parisis des meubles, qui paroît le plus ancien qu’on lui ait donné, vient du rapport que la crue a ordinairement avec la monnoie parisis, qui valoit un quart en-sus plus que la monnoie tournois ; la seule coûtume qui en fasse mention est celle de Berry, réformée en 1539, qui en parle à l’occasion des tuteurs, curateurs, & autres administrateurs, qu’elle charge, lorsqu’ils rendront compte, d’augmenter la prisée du tournois au parisis, pour les meubles prisés dans la ville & septaine de Bourges ; ainsi cela n’est pas ordonné pour toutes sortes de personnes ni dans toute l’étendue de la coûtume, mais seulement pour la ville & septaine de Bourges, ce qui est apparemment fondé sur ce que dans la ville & septaine de Bourges, il y a plus d’enchérisseurs, & que les meubles s’y vendent plus cher que dans le reste de la province, & qu’on a présumé que si les meubles prisés eussent été vendus, ils auroient été portés au-dessus de la prisée. C’est donc parce que la prisée est censée faite à-bas prix, que l’on y ajoûte la crue, ce qui paroît un circuit assez inutile ; il seroit plus naturel d’estimer tout d’un coup les meubles à leur juste valeur : cependant comme les huissiers & autres qui font la prisée des meubles ont peur de la faire trop haute, que l’édit

d’Henri II, du mois de Février 1556, les rend garans de leur prisée, & que les meubles ne peuvent être vendus au-dessous sans une ordonnance de justice ; pour éviter ces inconvéniens, on fait ordinairement la prisée à bas prix, & c’est sans doute de-là qu’est venu l’usage de la crue.

Il est encore inconnu dans plusieurs provinces du royaume, telles que les parlemens de Droit écrit, dans le Roussillon & l’Alsace, & dans plusieurs coûtumes, comme Artois, Normandie, Blois, Lorraine.

A Paris la crue est du quart en-sus ; il en est de même dans les coûtumes d’Abbeville, Amiens, Anjou, Beauvais, Berry, Bourbonnois, Bourgogne, Chalons, Chartres, Chaumont-en-Bassigny, Dourdan, Mantes & Meulan, Montdidier, Roie & Peronne, Orléans, Montargis, Nivernois, Poitou, Ponthieu, Reims, Senlis, Sens, Vitry, & quelques autres.

On observe la même chose dans les provinces de Lyonnois, Forez, Beaujolois & Maconnois, qui suivent le Droit écrit, & sont du ressort du parlement de Paris.

Dans quelques coûtumes la crue n’est que du demi-parisis ou huitieme en-sus de la prisée, comme au bailliage de Melun, dans celui d’Etampes, & à Troyes.

A Meaux elle n’est que de trois sols pour livre.

Lorsqu’il s’agit de regler si la crue est dûe, & sur quel pié, on doit suivre l’usage du lieu où les meubles ont été inventoriés.

Les prisées faites à juste valeur entre majeurs, ne sont pas sujettes à crues. Il en est de même des prisées qui ne sont pas destinées à être suivies de la vente des meubles, telles que celles qui se font par contrat de mariage ; parce que ces sortes de prisées sont toûjours réputées faites à juste valeur.

Il y a certains meubles qui ne sont point sujets à la crue, tels que ceux qui sont mis pour perpétuelle demeure, parce qu’on ne les estime pas avec les meubles ; ils sont censés faire partie du fonds. Tels sont encore ceux qui ont un prix certain, comme les especes monnoyées, la vaisselle, & les matieres d’or & d’argent, les billets, obligations, sentences, & autres jugemens ; les actions de la compagnie des Indes, les gros fruits, lorsqu’ils sont estimés suivant les mercuriales, le sel, les glaces, le verre, le bois & le charbon, & les fonds de librairie & imprimerie, attendu qu’ils sont toûjours prisés à juste valeur.

Quoique la crue paroisse avoir été introduite d’abord en faveur des mineurs contre leurs tuteurs, présentement les majeurs peuvent aussi la demander, quand même ils auroient fait faire la prisée ou prisé eux-mêmes les meubles, & qu’il y auroit eu un expert-priseur de part & d’autre ; les créanciers peuvent la demander contre l’héritier de leur débiteur, aussi-bien que ceux qui ont droit de propriété aux meubles.

Tous tuteurs, curateurs, gardiens, & autres administrateurs, doivent tenir compte de la crue lorsqu’ils n’ont pas fait vendre les meubles, à moins qu’ils n’eussent droit d’en profiter.

Les héritiers légataires universels, exécuteurs testamentaires, curateurs à succession vacante, sequestres, gardiens, sont aussi tenus de la crue envers les créanciers & envers leurs co-partageans, faute d’avoir fait vendre les meubles, & de les représenter en nature & en bon état.

Entre conjoints ou entre le survivant & les héritiers du prédécedé, la crue n’est pas dûe pour les meubles prisés par contrat de mariage, mais seulement pour ceux inventoriés après décès, au cas qu’ils ne soient pas vendus ou représentés en bon état.

On stipule ordinairement entre conjoints un préciput pour le survivant, en meubles, pour la prisée & sans crue, auquel cas le survivant peut prendre jus-