plus deshonorant, auquel on condamnoit les voleurs de grand-chemin, les traîtres, & les esclaves, que les Romains regardoient à peine comme des hommes. Aussi les lois romaines en exemptoient-elles nommément les citoyens ; & l’on peut voir dans Cicéron quel crime il fait à Verrès d’avoir fait crucifier un citoyen, contre la disposition des ces mêmes lois.
Sous les empereurs payens ce genre de mort continua d’être le supplice des scélérats : mais l’impératrice Hélene mere du grand Constantin ayant retrouvé la vraie croix de Jesus-Christ à des indices confirmés par des miracles éclatans, cet empereur abolit entierement le supplice de la croix, & défendit qu’à l’avenir on y condamnât aucun criminel dans l’étendue de l’empire ; ce qui a été depuis observé dans tout le Christianisme. Ainsi ce qui avoit été l’instrument d’un supplice réputé infâme, est devenu l’objet de la vénération & du culte des Chrétiens ; si l’on en excepte les Calvinistes, qui à l’exemple de leur chef ont tâché de répandre des doutes affectés, tant sur les clous avec lesquels Notre Seigneur fut attaché, que sur le bois de la vraie croix. Sans entrer dans une dispute qui n’est point du ressort de ce Dictionnaire, il suffit de dire que les Catholiques ont des preuves convaincantes de l’authenticité de ces pieuses reliques, & que le culte qu’ils leur rendent pris dans le véritable esprit de l’Eglise, n’est rien moins qu’une idolatrie, comme le leur reprochent les prétendus Réformés.
CRUCIFIX, s. m. (Théologie.) croix sur laquelle Jesus-Christ est représenté attaché. Les catholiques romains honorent le crucifix en mémoire de la mort & passion de Notre Seigneur Jesus-Christ. Les protestans ont ôté les crucifix des églises, & ce ne fut qu’avec beaucoup de peine que du tems de la réformation en Angleterre, la reine Elisabeth put en conserver un dans sa chapelle. (G)
CRUCIFORME, adj. (Géom.) hyperbole cruciforme, est une hyperbole du troisieme ordre, ainsi appellée par M. Newton, parce qu’elle est formée de deux branches qui se coupent en forme de croix. Voyez Courbe. (O)
CRUDITÉ, s. f. (Medecine.) c’est proprement la qualité des fruits & des viandes par rapport à leur destination pour la nourriture de l’homme, qui n’ont pas été préparés à cet usage par la coction, c’est-à-dire par l’action du feu, de quelque maniere qu’elle soit appliquée. Voyez Aliment, Fruit, Viande, Coction proprement dite, ou Cuisson.
Le terme de crudité est employé dans la théorie médicinale, d’après les anciens, par opposition à celui de coction, dont ils se servoient pour signifier 1°. l’altération qu’éprouvent dans le corps humain la substance des alimens & de leurs parties fécales ; celle des humeurs, qui en sont formées ; des recrémens & excrémens de toute espece qu’elles fournissent ; par laquelle ces substances reçoivent (chacune différemment selon sa disposition particuliere), les qualités qui leur conviennent pour le bien de l’œconomie animale : 2°. le changement qui se fait dans les humeurs morbifiques, qui les dispose à être moins nuisibles, & à être évacuées des parties, dont elles troublent les fonctions : effets qu’ils croyoient être produits par la chaleur naturelle, calidum innatum, le seul agent qu’ils sembloient reconnoître comme suffisant pour ces opérations. Voyez Chaleur.
C’est conséquemment à cette idée qu’ils appelloient par la raison du contraire crudité en général, 1°. les mauvaises qualités des alimens considérés dans le corps humain, entant qu’ils ne sont pas suffisamment préparés par la digestion, pour fournir un chyle de bonne nature & séparé convenablement de leurs parties grossieres, soit parce qu’ils n’en sont pas suscep-
la puissance concoctrice, c’est-à-dire selon eux, la chaleur naturelle, ne produit pas l’effet nécessaire pour cette élaboration : les vices du chyle mal formé, ceux du sang & des autres humeurs, que ce chyle vicié ne renouvelle qu’imparfaitement, & ceux de tous les excrémens qui en sont séparés & en lesquels elles se résolvent, dont les parties n’ont pas été suffisamment élaborées & sont mal assimilées. 2°. L’état dans lequel les matieres morbifiques nuisent actuellement à l’exercice des fonctions, en constituant des causes de maladies, & n’ont point encore été disposées par la coction à être portées hors du corps.
Ainsi la crudité prise dans l’un & l’autre sens., est une qualité vicieuse dont peuvent être affectées les matieres contenues dans les premieres voies, c’est-à-dire celle de la digestion des alimens, dans le système des vaisseaux sanguins, qui constitue les secondes voies, & dans celui des vaisseaux séreux, lymphatiques, nourriciers, nerveux, secrétoires & excrétoires, qui constitue les troisiemes voies ; par conséquent il peut être contenu des matieres crues dans toutes les parties du corps, puisqu’il peut y avoir partout des matieres qui pechent par défaut de coction ; d’autant plus que celles qui ont contracté ce vice, par une suite de la mauvaise digestion des alimens, qui est la premiere coction, ne peuvent pas être corrigées par la sanguification, qui est la seconde coction, & les matieres qui pechent par le défaut de celle-ci ne peuvent pas le réparer par la troisieme coction, qui se fait par l’élaboration & la secrétion des humeurs de différente espece, dans tout le système des vaisseaux, excepté les sanguins. Ainsi les vices des fluides, en général, proviennent le plus souvent des crudités des premieres voies.
Quelqu’étendue que soit la signification du mot crudité, telle qu’elle vient d’être exposée, puisqu’elle concerne toutes les matieres qui peuvent être contenues dans les parties solides du corps humain, Hippocrate & les anciens qui l’ont suivi employent quelquefois ce terme dans un sens encore plus générique, qui comprend sans distinction toutes les altérations nuisibles qui troublent l’ordre de l’œconomie animale ; ainsi ils appellent cru, tout ce qui peut causer ou augmenter une maladie ; & crudité de la maladie, l’état dans lequel subsistent les phénomenes qui dépendent de la cause morbifique : par conséquent tout effet qui s’écarte des conditions requises pour la conservation ou pour le rétablissement de la santé, forme un état de crudité dans les maladies, & la crudité est d’autant plus contraire à l’œconomie animale, que les qualités des maladies sont plus différentes de celles de la santé ; par où l’on doit distinguer les effets provenans de ce qui est étranger au corps malade, & qui en trouble les fonctions, de ceux qui sont produits par l’action de la vie, qui tend à détruire la cause morbifique : ceux-là sont une suite nécessaire de la crudité, ceux-ci une disposition à la coction, un travail pour opérer ce changement salutaire.
Tant que la crudité subsiste en son entier, la maladie est dans toute sa force. C’est sur-tout au commencement des maladies que la crudité est à son plus haut degré, qui est plus ou moins dangereux, selon la différente nature de la cause morbifique, c’est-à-dire selon qu’elle est plus ou moins disposée à la coction, & que l’action de la vie est plus ou moins proportionnée pour produire cette préparation à la crise. La durée de la crudité dépend de ce que la matiere morbifique résiste aux effets de la puissance concoctrice, ou de ce que cette puissance ne peut être mise en action, ou ne l’est qu’imparfaitement. Les effets qui tendent à procurer la coction peuvent seuls procurer la guérison : plus ils tardent à paroître, ou à produire des changemens salutaires en détruisant la