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Nous avons déjà remarqué en parlant des docteurs en droit, que cette decrétale ne fut pas d’abord observée ; que quoique le crédit des ecclésiastiques eût beaucoup fait prévaloir le droit canon, cependant il y avoit plusieurs universités où l’on enseignoit le droit civil ; qu’à Paris il y eut beaucoup de variations à ce sujet ; que l’ordonnance de Blois réitéra les défenses de graduer en droit civil à Paris ; enfin que l’étude de ce droit n’y fut rétablie ouvertement que par la déclaration du mois d’Avril 1679. Voyez Corps de Droit, Docteur en Droit, Ecole de Droit, Etudiant en Droit, Faculté de Droit, Professeur en Droit.

C’est une question fort controversée entre les auteurs, de savoir si le droit romain est le droit commun de la France, auquel on doit avoir recours au défaut des coûtumes, ou si c’est à la coûtume de Paris ; M. Bretonnier & plusieurs autres auteurs ont fait de savantes dissertations sur cette matiere. Comme la discussion des raisons pour & contre nous meneroit trop loin, nous nous contenterons d’observer que le droit romain est la loi municipale des provinces appellées pays de droit écrit ; qu’à l’égard des pays coûtumiers on ne doit y avoir recours que comme à une raison écrite au défaut des coûtumes, & lorsqu’elles ne peuvent être interprétées les unes par les autres, ou qu’il s’agit de matieres qu’elles n’ont point du tout prévûes. Voyez Pays de Droit écrit.

Le droit romain est encore le droit commun & général de presque tous les états d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne, & de Portugal : on y a aussi quelquefois recours au défaut des lois du pays, en Pologne, en Angleterre, & en Danemark. A l’égard de la Suede, quoique le droit romain n’y soit pas inconnu, il ne paroît pas y être beaucoup suivi.

Toutes les nations policées, même celles qui ont des lois particulieres, ont toûjours regardé le droit romain comme un corps de principes fondés sur la raison & sur l’équité, c’est pourquoi on y a recours au défaut des lois particulieres du pays.

Il faut néanmoins convenir que malgré toutes les beautés du droit romain, il a de grands défauts ; en effet, le digeste n’est qu’un assemblage de fragmens tirés de différens livres des jurisconsultes, & le code n’est de même composé que de fragmens de différentes constitutions des empereurs. Quelque soin que l’on ait pris pour ajuster ensemble tous ces morceaux détachés, ils ne peuvent avoir entr’eux une suite bien juste ; aussi trouve-t-on plusieurs lois entre lesquelles il paroît une espece de contradiction.

Un autre défaut de ces lois, est que la plûpart, au lieu de contenir des décisions générales, ne sont que des especes singulieres ; & le tout ensemble ne forme point un système méthodique de jurisprudence, si l’on en excepte les institutes, mais qui sont trop abrégés pour renfermer tous les principes du droit.

Il se trouve d’ailleurs dans le digeste des lois qui ont été reformées par le code ; l’un & l’autre renferment des lois qui ont été abrogées par les novelles, & les dernieres novelles ont dérogé sur plusieurs points à quelques-unes des précédentes.

Enfin le droit romain renferme beaucoup de choses qui ne conviennent point à nos mœurs, par exemple, tout ce qui regarde le gouvernement politique & l’administration de la justice, les offices, les formules des actions, & autres actes, les esclaves, les adoptions, &c.

Mais malgré tous ces inconvéniens, il faut aussi convenir que le droit romain est la meilleure source où l’on soit à portée de puiser la science des lois, & qu’un jurisconsulte qui se borneroit à étudier les lois particulieres de son pays, sans y joindre la connoissance du droit romain, ne seroit jamais qu’un

homme superficiel ; disons plûtôt qu’il ne mériteroit point le nom de jurisconsulte, & qu’il ne feroit au plus qu’un médiocre praticien.

Irnerius fut le premier qui mit de petites scholies en tête des textes du droit romain ; ce qui a donné ensuite à d’autres jurisconsultes l’idée de faire des notes, des gloses, des commentaires : d’autres ont fait des paratitles ou abrégés. L’Italie, la France, l’Allemagne & l’Espagne ont produit un grand nombre de jurisconsultes, qui ont fait divers traités sur le droit romain ou sur quelqu’une de ses parties. Voy. Jurisconsulte. (A)

Droit de Sardaigne : les états du roi de Sardaigne duc de Savoie, ne se gouvernent point par les constitutions impériales, mais par des lois particulieres faites par les ducs de Savoie. Victor Amedée II. du nom, fit faire un code ou compilation des ordonnances de ses prédécesseurs & des siennes dans le goût du code de Justinien, où l’on a marqué en marge les anciennes ordonnances dont plusieurs articles ont été tirés. Ce code fut publié pour la premiere fois en 1723, sous le titre de legi e constitutioni di S. M. &c. Il a depuis été revû & augmenté d’un sixieme livre ; le tout est imprimé à deux colonnes ; d’un côté le texte est italien, de l’autre la traduction françoise. Il est divisé en six livres : le premier traite de la Religion, & contient plusieurs titres qui concernent les Juifs : le second traite des fonctions de tous les officiers de justice ; les derniers titres de ce livre regardent les jurisdictions consulaires & le commerce : le troisieme traite de la procédure en matiere civile : le quatrieme, des crimes & de la procédure en matiere criminelle : le cinquieme, des successions, testamens, inventaires, biens de mineurs, donations, des droits des femmes, des ventes forcées, hypotheques, emphitéoses, cens & servis, redevances, lods commise, transactions, prescriptions, des bâtimens & des eaux, des notaires & des insinuations : le sixieme traite des matieres du domaine & féodales, de l’allodialité des biens, &c. Ce code est la loi générale de tous les états du roi de Sardaigne, & au surplus n’a point dérogé aux usages & coûtumes du duché d’Aoste. Voyez codex Fabrianus. (A)

Droit de Savoie. Voyez ci-devant Droit de Sardaigne.

Droit de Suede ; suivant le témoignage des historiens, ce fut Zamolxis disciple de Pythagore, qui fut le premier auteur des lois de ce pays. Le roi Ingon II. y fit quelques changemens en 900, Canut en fit aussi en 1168, Jerlerus les corrigea en 1251 : tous ces changemens furent faits à ces lois pour les accommoder à la religion Chrétienne : ces mêmes lois furent encore réformées par le roi Birgerus en 1295 ; enfin le roi Christophle, en 1441, fit rassembler toutes les lois suédoises en un seul code, qui fut confirmé en 1581. Le droit romain est peu cité en Suede. Pour donner quelque idée de l’esprit des lois du pays, on remarquera que pour la sûreté des acquéreurs l’on tient registre de toutes les ventes & aliénations, aussi-bien que de tous les actes obligatoires. Les biens d’acquêts & de patrimoine passent aux enfans par égale portion ; le garçon en a deux & la fille une. Les parens ne peuvent disposer de leurs biens au préjudice de cette loi, à laquelle on ne peut déroger qu’en vertu d’une sentence judiciaire fondée sur la desobéissance des enfans ; ils peuvent seulement donner un dixieme de leurs acquêts aux enfans ou autres qu’ils veulent avantager. Lorsque la succession se trouve chargée de dettes, l’héritier a deux ou trois mois pour délibérer s’il acceptera ou non ; & s’il renonce, la justice s’empare de la succession. Dans les matieres criminelles, quand le fait n’est pas de la derniere évidence, le défendeur