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Docteur en Théologie, (Hist. ecclés.) titre qu’on donne à un ecclésiastique qui a pris le degré de docteur dans une faculté de Théologie, en quelque université. Voyez Degrés.

Le tems d’étude nécessaire pour parvenir à ce degré, la cérémonie de l’inauguration ou prise de bonnet, ne sont pas tout-à-fait les mêmes dans toutes les universités du royaume. Voici ce qui s’observe à ces deux égards dans la faculté de Théologie de Paris.

Le tems d’études nécessaire est de sept années ; deux de Philosophie, après lesquelles on reçoit communément le bonnet de maître-ès-arts ; trois de Théologie, qui conduisent au degré de bachelier en Théologie ; & deux de licence, pendant lesquelles les bacheliers sont dans un exercice continuel de theses & d’argumentations sur l’Ecriture, la Théologie scholastique, & l’Histoire ecclésiastique.

Lorsque les bacheliers ont reçu du chancelier de l’université la bénédiction de licence, ceux d’entre eux qui veulent prendre le bonnet de docteur, vont demander jour au chancelier, qui le leur assigne. Il faut être prêtre pour prendre le bonnet. Le licentié pour lors a deux actes à faire ; l’un le jour même de la prise de bonnet, l’autre la veille. Dans celui-ci il y a deux theses : la premiere soûtenue par un jeune candidat, qu’on appelle aulicaire. Voyez Aulique. Deux bacheliers du second ordre disputent contre lui ; le licentié est auprès de lui ; & le grand-maître d’études qui a ouvert l’acte en disputant contre le candidat, préside à cette these qu’on nomme expectative, & qui dure environ trois heures. Le second acte qui suit immédiatement, se nomme vespérie, actus vesperiarum, parce qu’il se fait toûjours le soir. Deux docteurs qu’on appelle l’un magister regens, & l’autre magister terminorum interpres, y disputent contre le licentié, chacun pendant une demi-heure, sur un point de l’Ecriture-sainte, ou de la morale. L’acte est terminé par un discours que fait le grand-maître d’études, & qui roule ordinairement sur l’éloge du savoir & des vertus du licentié. Voyez Expectative & Vespérie.

Le lendemain matin sur les dix heures, le licentié revêtu de la fourrure de docteur, précédé des massiers de l’université (& dans les maisons de Sorbonne & de Navarre, du cortege des bacheliers en licence, revêtus de leurs fourrures), & accompagné de son grand-maître d’études, se rend à la salle de l’archevêché ; il se place dans un fauteuil, le chancelier ou le sous-chancelier à sa droite, & le grand-maître d’études à sa gauche. La cérémonie commence par un discours que prononce ou lit le chancelier, ou le sous-chancelier. Le récipiendaire y répond par un autre discours ; après lequel le chancelier lui fait préter les sermens accoûtumés, & lui met son bonnet sur la tête. Il le reçoit à genoux, se releve, reprend sa place, & préside à une these qu’on nomme aulique, parce qu’on la soûtient dans la salle (aulâ) de l’archevêché. Le nouveau docteur y dispute pendant environ une heure contre son aulicaire ; ensuite il va dans l’église de Notre-Dame, à l’autel des martyrs, jurer sur les SS. Evangiles qu’il répandra son sang, s’il est nécessaire, pour la défense de la religion. Enfin son cortege le reconduit à sa maison.

Au primâ mensis suivant, c’est-à-dire à la plus prochaine assemblée de la faculté, il paroît, prete les sermens accoûtumés, & dès-lors il est inscrit au nombre des docteurs. Mais il ne joüit pas encore pour cela de tous les priviléges, droits, émolumens, &c. attachés au doctorat ; il ne peut ni assister aux assemblées, ni présider aux theses, ni exercer les fonctions d’examinateur, censeur, &c. qu’au bout de six ans : alors il soûtient une derniere these qu’on nomme resumpte, & il entre en pleine joüissance de tous les droits du doctorat. Voyez Resumpte.

Les fonctions des docteurs en Théologie dans l’intérieur de la faculté, sont d’examiner les candidats, de présider aux theses, d’y assister avec droit de suffrage en qualité de censeurs, qu’on nomme par semaine & en certain nombre ; de diriger les études des jeunes théologiens, de veiller sur les mœurs des bacheliers en licence, d’assister aux assemblées ordinaires ou extraordinaires de la faculté, d’y opiner suivant leurs lumieres & leur conscience sur la censure des livres, & les autres affaires qu’on y agite, &c.

Leurs fonctions par rapport à la religion & à la société, sont de travailler dans le saint ministere à instruire les peuples, d’aider les évêques dans le gouvernement de leurs diocèses, d’enseigner la Théologie, de consacrer leurs veilles à l’étude de l’Ecriture, des Peres, & du Droit canon ; de décider des cas de conscience, de défendre la foi contre les hérétiques, & d’être par leurs mœurs l’exemple des fideles, comme par leurs lumieres ils en sont les guides dans les voies du salut.

Les frais de la prise de bonnet de docteur montent à environ cent écus pour les réguliers, au double pour les séculiers-ubiquistes, & à près de cent pistoles pour les docteurs des maisons de Sorbonne & de Navarre. Voyez Ubiquiste, Navarre, Sorbonne, Théologie. (G)

Docteur en Droit, (Jurisprud.) est celui qui après avoir obtenu les degrés de baccalauréat & de licence dans la faculté de Droit, y a ensuite obtenu le titre & le degré de docteur. Pour y parvenir, il est obligé de soûtenir un acte public qu’on appelle la these de doctorat. Cet acte n’est point probatoire : on n’y donne point de suffrages ; de sorte que ce n’est proprement qu’une these d’apparat qui précede la réception ; le président de l’acte pourroit néanmoins, s’il ne trouvoit pas le récipiendaire assez instruit, remettre, de l’avis de la faculté, la séance à un autre tems. Il faut au moins un an d’intervalle entre le degré de licence & la these de doctorat.

Il y avoit autrefois trois sortes de docteurs en Droit : savoir des docteurs en droit civil, des docteurs en droit canon, & des docteurs in utroque jure, c’est-à-dire en Droit civil & canon. Mais depuis la révocation de l’édit de Nantes, on n’est plus admis à prendre des grades en droit civil seulement, quoiqu’on puisse en prendre en droit canon seulement ; il y a pourtant une exception en faveur des étrangers faisant profession de la religion protestante, qui sont admis à prendre des degrés dans le seul droit civil ; ce qui paroît résulter d’une déclaration du Roi du 14 Mai 1724 : au moyen dequoi les regnicoles ne peuvent être que docteurs in utroque jure, ou bien seulement en droit canon, supposé qu’ils soient ecclésiastiques, & qu’ils ne prennent leurs degrés qu’en droit canonique. Leur grade & leur titre dépend des inscriptions qu’ils ont prises, & des actes qu’ils ont soûtenus.

Ils reçoivent tous par les mains du professeur qui a présidé à l’acte de doctorat, d’abord la robe d’écarlate, telle que les docteurs la portoient anciennement, avec le chaperon herminé aussi suivant l’ancienne forme, ensuite la ceinture ; puis le président leur remet entre les mains le livre, ce que l’on appelle traditio libri, c’est-à-dire le corps de Droit civil & canonique, qu’on leur présente d’abord fermé & ensuite ouvert ; il leur donne après cela le bonnet de docteur, leur met au doigt un anneau, embrasse le récipiendaire, & déclare publiquement sa nouvelle qualité. Toute cette cérémonie est précédée d’un discours du président, lequel, en donnant au récipiendaire la robe de docteur, & les autres marques d’honneur, explique à mesure quel en est l’objet.

Le nouveau docteur, après avoir été embrassé par le président, va à son tour embrasser tous les autres membres de la faculté, & à l’assemblée suivante il