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est légitimement fondé sur leur puissance, sur leur amour, sur leur raison ; tout cela est vrai, tant que les enfans sont dans l’état d’ignorance, & les passions dans l’état d’ivresse : mais quand les enfans ont atteint l’âge où se trouve la maturité de la raison, ils peuvent disposer de leur personne dans l’acte où la liberté est la plus nécessaire, c’est-à-dire dans le mariage ; car on ne peut aimer par le cœur d’autrui. En un mot, le pouvoir paternel consiste à élever & gouverner ses enfans, pendant qu’ils ne sont pas en état de se conduire eux-mêmes, mais il ne s’étend pas plus loin dans le droit de nature. Voyez Pere, Mere, Pouvoir paternel.

3°. On demande si les enfans, ceux-là même qui sont encore dans le ventre de leur mere, peuvent acquérir & conserver un droit de propriété sur les biens qu’on leur transfere. Les nations civilisées l’ont ainsi établi ; de plus, la raison & l’équité naturelle autorisent cet établissement.

4°. Enfin on demande, si les enfans peuvent être punis pour le crime de leur pere ou de leur mere. Mais c’est-là une demande honteuse : personne ne peut être puni raisonnablement pour un crime d’autrui, lorsqu’il est lui-même innocent. Tout mérite & démérite est personnel, ayant pour principe la volonté de chacun, qui est le bien le plus propre & le plus incommunicable de la vie ; ce sont donc des lois humaines également injustes & barbares, que celles qui condamnent les enfans pour le crime de leur pere. C’est la fureur despotique, dit très-bien l’auteur de l’esprit des lois, « qui a voulu, que la disgrace du pere entraînât celle des enfans & des femmes : ils sont déjà malheureux sans être criminels ; & d’ailleurs il faut que le prince laisse entre l’accusé & lui des supplians, pour fléchir sa clémence ou pour éclairer sa justice ». Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Enfant, (Jurisprudence.) Outre celui qui doit la naissance à quelqu’un ; sous le nom d’enfans on comprend encore les petits-enfans & arriere-petits-enfans.

La principale fin du mariage est la procréation des enfans, c’est la seule voie légitime pour en avoir. Ceux qui naissent hors le mariage ne sont que des enfans naturels ou bâtards. Chez les Romains il y avoit une autre sorte d’enfans légitimes qui étoient les enfans adoptifs : mais parmi nous il reste peu de vestige des adoptions. Voyez Adoption.

C’étoit une maxime chez les Romains, que l’enfant suivoit la condition de sa mere & non celle du pere, ce que les lois expriment par ces termes, partus sequitur ventrem : ainsi l’enfant né d’une esclave étoit aussi esclave, quoique le pere fût libre ; & vice versâ, l’enfant né d’une femme libre l’étoit pareillement, quoique le pere fût esclave, ce qui a encore lieu pour les esclaves que nous avons dans les îles.

Mais en France, dans la plûpart des pays où il reste encore des serfs & gens de main-morte, le ventre n’affranchit pas ; les enfans suivent la condition du pere.

Il en est de même par rapport à la noblesse ; autrefois en Champagne le ventre anoblissoit, mais cette noblesse utérine n’a plus lieu.

Le droit naturel & le droit positif ont établi plusieurs droits & devoirs réciproques entre les pere & mere & les enfans.

Les pere & mere doivent prendre soin de l’éducation de leurs enfans, soit naturels ou légitimes, & leur fournir des alimens, du moins jusqu’à ce qu’ils soient en état de gagner leur vie, ce que l’on fixe communément à l’âge de 7 ans.

Les biens des pere & mere décedés ab intestat, sont dévolus à leurs enfans ; où s’il y a un testament, il faut du moins qu’ils ayent leur légitime, & les en-

fans naturels peuvent demander des alimens.

Les enfans de leur part doivent honorer leurs pere & mere, & leur obéir en tout ce qui n’est pas contraire à la religion & aux lois. Ils sont en la puissance de leurs pere & mere jusqu’à leur majorité ; & même en pays de droit écrit, la puissance paternelle continue après la majorité, à moins que les enfans ne soient émancipés.

Suivant l’ancien droit romain, les peres avoient le pouvoir de vendre leurs enfans & de les mettre dans l’esclavage ; ils avoient même sur eux droit de vie & de mort, & par une suite de ce droit barbare ils avoient aussi le pouvoir de tuer un enfant qui naissoit avec quelque difformité considérable : mais ce droit de vie & de mort fut réduit au droit de correction modérée, & au pouvoir d’exhéréder les enfans pour de justes causes : il en est de même parmi nous, quoique les Gaulois eussent aussi droit de vie & de mort sur leurs enfans. Voyez Puissance paternelle & Emancipation.

Les mineurs n’étant pas réputés capables de gouverner leur bien, on leur donne des tuteurs & curateurs ; ils tombent aussi en garde noble ou bourgeoise. Voyez Garde, Tutelle, Curatelle

Les enfans mineurs ne peuvent se marier sans le consentement de leurs pere & mere ; les fils ne peuvent leur faire les sommations respectueuses qu’à 30 ans, & les filles à 25, à peine d’exhérédation.

Si les pere & mere & autres ascendans tombent dans l’indigence, leurs enfans leur doivent des alimens ; ils doivent même en pays de droit écrit, une légitime à leurs ascendans.

Le nombre des enfans excuse le pere de la tutelle ; trois enfans suffisoient à Rome, il en falloit quatre en Italie, & cinq dans les provinces : ceux qui avoient ce nombre d’enfans joüissoient encore de plusieurs autres priviléges. Parmi nous trois enfans excusent de tutelle & curatelle.

Par deux Edits de 1666 & de 1667, il avoit été accordé des pensions & plusieurs autres priviléges à ceux qui auroient dix ou douze enfans nés en loyal mariage, non prêtres, ni religieux ou religieuses, & qui seroient vivans ou décedés en portant les armes pour le service du roi ; mais ces priviléges ont été révoqués par une déclaration du 13 Janvier 1683.

Les enfans ne peuvent être obligés de déposer contre leur pere, & le témoignage qu’ils donnent en sa faveur est rejetté : un notaire ou autre officier public ne peut même prendre ses enfans pour témoins instrumentaires.

Le pere est civilement responsable du délit de ses enfans étant en sa puissance ; anciennement les enfans étoient aussi punis pour le délit de leur pere. Tassillon roi de Baviere ayant été condamné par le Parlement en 788, fut renfermé dans un monastere avec son fils, qui fut jugé coupable par le malheur de sa seule naissance.

Présentement les enfans ne sont point punis pour le délit du pere, si ce n’est pour crime de lése-majesté : lorsque Jacques d’Armagnac duc de Nemours eut la tête tranchée le 4 Août 1477 sous Loüis XI. on mit sous l’échaffaut les deux enfans du coupable, afin que le sang de leur pere coulât sur eux.

Chez les Romains, les enfans des décurions étoient obligés de prendre le même état que leur pere, qui étoit une charge très-onéreuse ; au lieu que parmi nous il est libre aux enfans d’embrasser tel état que bon leur semble, &c. Voyez le traité des minorités, tutelles & curatelles, ch. xj. (A)

Enfant adoptif, est celui qui est considéré comme l’enfant de quelqu’un, quoiqu’il ne le soit pas réellement, au moyen de l’adoption que le pere adoptif a fait de lui. Voyez Adoption. (A)

Enfant adultérin, est celui qui est né d’un