comme l’air cesse de l’être à des degrés de chaleur très-supérieurs à celle de l’atmosphere ? Qu’au degré de chaleur de l’eau bouillante, l’eau soit dégagée des autres principes par de nouvelles combinaisons, elle passera immédiatement à l’état d’expansibilité : de même l’air dégagé & rendu à lui même dans la décomposition des mixtes, n’a besoin que du plus petit degré de chaleur connu, pour devenir expansible : il le deviendra encore, sans l’application d’un intermede chimique, par l’effet de la seule chaleur, lorsqu’elle sera assez forte pour vaincre l’union qu’il a contractée avec les principes du mixte : c’est précisément de la même maniere que l’eau dans la distillation se sépare des principes avec lesquels elle est combinée, parce que malgré son union avec eux, elle est encore réduite en vapeurs par un degré de chaleur bien inférieur à celui qui pourroit élever les autres principes : or dans l’un & l’autre phénomene, c’est également la chaleur qui donne à l’air & à l’eau toute leur expansibilité, & il n’y a aucune différence que dans le degré de chaleur qui vaporise l’une & l’autre substance ; degré qui dépend bien moins de leur nature particuliere, que de l’obstacle qu’oppose à l’action de la chaleur l’union qu’elles ont contractée avec les autres principes, ensorte que presque toûjours l’air a besoin, pour devenir expansible, d’un degré de chaleur fort supérieur à celui qui vaporise l’eau. Il résulte de ces faits, 1°. que l’air perd son expansibilité par son union avec d’autres corps, comme l’eau perd, dans le même cas, son expansibilité & sa liquidité ; 2°. qu’ainsi, ni l’expansibilité, ni la fluidité n’appartiennent aux élémens de ces deux substances, mais seulement à la masse ou à l’aggrégation formée de la réunion de ces élémens, comme l’a remarqué M. Venel dans son mémoire sur l’analyse des eaux de Selters (Mém. des corresp. de l’acad. des Sciences, tome II.) ; 3°. que la chaleur donne également à ces deux substances l’expansibilité, par laquelle leur union, avec les principes des mixtes, est rompue ; 4°. enfin, que l’analogie entre l’expansibilité de l’air & celle de l’eau, est complete à tous égards ; que par conséquent, nous avons eu raison de regarder l’air comme un fluide actuellement dans l’état de vapeur, & qui n’a besoin, pour y persévérer, que d’un degré de chaleur fort au-dessous du plus grand froid connu. Si je me suis un peu étendu sur cette matiere, c’est afin de porter le dernier coup à ces suppositions gratuites de corpuscules branchus, de lames spirales, dont on composoit notre air, & afin de substituer à ces rêveries, honorées si mal-à-propos du nom de méchanisme, une théorie simple, qui rappelle tous les phénomenes de l’expansibilité dans différentes substances, à ce seul fait général, que la chaleur tend à écarter les unes des autres les parties de tous les corps. Je n’entreprends point d’expliquer ici la nature de la chaleur ni la maniere dont elle agit : le peu que nous savons sur l’élément qui paroît être le milieu de la chaleur, appartient à d’autres articles. V. Chaleur, Feu électrique, Froid, & Température. Nous ignorons si cet élément est, ou n’est pas lui même un fluide expansible, & qu’elles pourroient être en ce dernier cas les causes de son expansibilité ; car je n’ai prétendu assigner la cause de cette propriété, que dans les corps où elle est sensible pour nous. Quant à ces fluides qui se dérobent à nos sens, & dont l’existence n’est constatée que par leurs effets, comme le fluide magnétique, le fluide électrique, & l’élément même de la chaleur, nous connoissons trop peu leur nature, & nous ne pouvons en parler autrement que par des conjectures ; à la vérité, ces conjectures semblent nous conduire à penser qu’au moins le fluide électrique est éminemment expansible. Voyez les articles Feu électrique, Magnétisme, Ether, & Température.
Quoique l’expansibilité des vapeurs & de l’air, doive être attribuée à la chaleur comme à sa véritable cause, ainsi que nous l’avons prouvé, l’expérience nous montre une autre cause capable, comme la chaleur d’écarter les parties du corps, de produire une véritable répulsion, & d’augmenter du moins l’expansibilité, si elle ne suffit pas seule pour donner aux corps cette propriété ; ce qui ne paroît effectivement pas par l’expérience. Je parle de l’électricité : on sait que deux corps également électrisés se repoussent mutuellement, & qu’ainsi un système de corps électriques fourniroit un tout expansible : on sait que l’eau électrisée sort par un jet continu de la branche capillaire d’un syphon, d’où elle ne tomboit auparavant que goutte à goutte ; l’électricité augmente donc la fluidité des liqueurs, & diminue l’attraction de leurs parties, puisque c’est par cette attraction que l’eau se soûtient dans les tuyaux capillaires (voyez Tuyaux capillaires) : on ne peut donc douter que l’électricité ne soit une cause de répulsion entre les parties de certains corps, & qu’elle ne soit capable de produire un certain degré d’expansibilité ; soit qu’on lui attribue une action particuliere, indépendante de celle du fluide de la chaleur, soit qu’on imagine, ce qui est peut-être plus vraissemblable, qu’elle produit cette répulsion par l’expansibilité que le fluide électrique reçoit lui-même du fluide de la chaleur, comme les autres corps de la nature.
Plusieurs personnes seront peut-être étonnées de me voir distinguer ici la répulsion produite par l’électricité, de celle dont la chaleur est la véritable cause ; & peut-être regarderont-elles cette ressemblance dans les effets de l’une & de l’autre, comme une nouvelle preuve de l’identité qu’elles imaginent entre le fluide électrique & le fluide de la chaleur, qu’elles confondent très-mal à-propos avec le feu, avec la matiere du feu, & avec la lumiere, toutes choses cependant très différentes. Voyez Feu, Lumiere, & Phlogistique. Mais rien n’est plus mal fondé que cette identité prétendue entre le fluide électrique & l’élément de la chaleur. Indépendamment de la diversité des effets, il suffit pour se convaincre que l’un de ces élémens est très-distingué de l’autre, de faire réflexion que le fluide de la chaleur pénetre toutes les substances, & se met en équilibre dans tous les corps, qui se communiquent tous réciproquement les uns par les autres, sans que jamais cette communication puisse être interrompue par aucun obstacle : le fluide électrique, au contraire, reste accumulé dans les corps électrisés & autour de leur surface, s’ils ne sont environnés que des corps qu’on a appellés électriques par eux-mêmes, c’est-à-dire qui ne transmettent pas l’électricité, du moins de la même maniere que les autres corps ; comme l’air est de ce nombre, le fluide électrique a besoin, pour se porter d’un corps dans un autre, & s’y mettre en équilibre, de ce qu’on appelle un conducteur (voyez Conducteur) ; & c’est à la promptitude du rétablissement de l’équilibre, dûe peut-être à la prodigieuse expansibilité de ce fluide, qu’il faut attribuer l’étincelle, la commotion, & les autres phénomenes qui accompagnent le rétablissement subit de la communication entre le corps électrisé en plus, & le corps électrisé en moins. Voyez Electricité & Coup foudroyant. J’ajoûte que si le fluide électrique communiquoit universellement d’un corps à l’autre, comme le fluide de la chaleur, ou même s’il traversoit l’air aussi librement qu’il traverse l’eau, il seroit resté à jamais inconnu, comme il le seroit nécessairement pour un peuple de poissons, quelque philosophes qu’on pût les supposer ; le fluide existeroit, mais aucun des phénomenes de l’électricité ne seroit produit, puisqu’ils se réduisent tous à l’accumulation du fluide électrique aux environs de cer-