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Verre métallique, Nitre, Sel marin, Vitriol, &c. &c. &c. à quel degré de feu il faut exposer chacune de ces substances, ou celles dont elles sont retirées, pour les altérer diversement.

D’ailleurs il n’existe dans l’art que peu de préceptes généraux sur cette matiere : celui qui prescrit, par ex. de commencer toûjours par le degré le plus foible, d’élever le feu insensiblement, de le soûtenir pendant un certain tems à un degré uniforme, & de le laisser ensuite tomber peu-à-peu ; celui-là, dis-je, souffre un grand nombre d’exceptions, quoiqu’il soit établi dans la plûpart des livres de Chimie comme la premiere loi de manuel, & qu’il soit en effet nécessaire de l’observer dans les cas les plus ordinaires, & sur-tout dans toute analyse, par la chaleur seule des substances végétales ou animales. Voyez Substances animales, & Végétal, (Chimie), & qu’il faille même y avoir toûjours égard jusqu’à un certain point, ne fût-ce que pour ménager des vaisseaux fragiles : mais un feu trop foible ou élevé trop lentement, est aussi nuisible dans certains cas à la perfection & même au succès de quelques opérations, que le feu trop fort ou poussé trop brusquement, l’est dans le plus grand nombre. Un feu trop foible long-tems soûtenu rendroit impossible la vitrification de certaines substances métalliques (voyez Verre métallique), & dissiperoit des matieres qu’un feu plus fort retient en les fondant. Voyez Fusion, &c. On ne fait point d’éther vitriolique à un feu trop foible. Voyez Ether.

Quant aux moyens de produire & de varier les degrés du feu, ils se réduisent à ces quatre chefs généraux : on fait essuyer à un sujet chimique une chaleur plus ou moins grande ; 1°. en variant la qualité de l’aliment du feu ; car les divers corps brûlans fournissent, tout étant d’ailleurs égal, des degrés de feu bien différens : ainsi un bon charbon dur & pesant donne bien plus de chaleur que le charbon rare & léger qui est connu à Paris sous le nom de braise ; la flamme d’un bon bois plus que celle de la paille ou de l’esprit de vin ; une flamme vive & claire plus que le brasier le plus ardent : 2°. en en variant la quantité ; personne n’ignore qu’on fait un meilleur feu avec beaucoup de bois ou de charbon qu’avec peu : 3°. en excitant le feu par un courant plus ou moins rapide d’air plus ou moins dense ou froid, plus ou moins humide : 4°. enfin en plaçant le vaisseau ou le corps à traiter dans un lieu tellement disposé, que l’artiste puisse à volonté diriger, autant qu’il est possible, sur sa matiere, la chaleur entiere du corps brûlant, sans la laisser dissiper par une communication trop libre avec l’atmosphere ; ou au contraire de ménager ou de favoriser cette dissipation.

La machine (s’il est permis d’appeller ainsi avec Boerhaave la chose dont il s’agit), à l’aide de laquelle nous graduons le feu avec le plus grand avantage par ces divers moyens, & sur-tout par le dernier, est généralement connue sous le nom de fourneau. Voyez Fourneau.

C’est dans les diverses combinaisons de tous ces moyens, que consiste l’art du feu chimique, sur les quel les préceptes écrits sont absolument insuffisans. Les véritables livres de cette science sont les laboratoires des Chimistes, les différentes usines où l’on travaille les mines, les métaux, les sels, les pierres, les terres, &c. par le moyen du feu ; les boutiques de tous les ouvriers qui exercent des arts chimiques, comme teinturier, émailleur, distillateur, &c. l’office & la cuisine peuvent fournir sur ce point plusieurs leçons utiles. On trouvera cependant dans les articles de ce Dictionnaire, où il est expressément traité des diverses opérations qui s’exécutent par le moyen du feu, les regles fondamentales propres à chacune.

Voyez sur-tout Calcination, Distillation, Sublimation, Fusion, &c.

L’artiste, & sur-tout l’artiste peu expérimenté, qui traite par le secours du feu certaines matieres inflammables, singulierement rarescibles ou fulminantes, doit procéder avec beaucoup de circonspection ; ou même il ne doit entreprendre aucune opération sans s’être fait instruire auparavant de tous les dangers auxquels il peut s’exposer, & même exposer les assistans, en maniant certaines matieres.

Les substances inflammables réduites en vapeur, prennent feu avec une facilité singuliere ; ainsi on risque d’allumer ces vapeurs, si l’on approche imprudemment la flamme d’une bougie du petit trou d’un balon, ou des jointures mal lutées d’un appareil de distillation, fournissant actuellement des produits huileux, comme dans la distillation à la violence du feu des substances végétales & animales ; dans celle du vin, des eaux spiritueuses.

Les plantes mucilagineuses & aqueuses, les corps doux proprement dits, peuvent, comme sujets à être singulierement gonflés par le feu, faire sauter en éclats les vaisseaux dans lesquels on les chausse trop brusquement ; les précautions à prendre contre cet inconvénient, sont de traiter ces matieres dans des vaisseaux hauts, & qu’on laisse vuides aux trois quarts, & d’augmenter le feu insensiblement. Le résidu du mélange qui a fourni l’éther vitriolique lorsqu’il commence à s’épaissir, est singulierement sujet à cet accident. Voyez Éther. L’air dégagé en abondance par le feu de certains corps, tels que les bois très-durs, les os des animaux, la pierre de la vessie, le tartre du vin, &c. feroit sauter avec un effort prodigieux des vaisseaux fermés exactement. L’unique moyen de prévenir cet inconvénient, c’est de ménager une issue à ce principe incoercible dans les appareils ordinaires.

Enfin, non-seulement les poudres explosives généralement connues, telles que la poudre à canon, la poudre fulminante & l’or fulminant, mais même plusieurs mélanges liquides, tels que celui de l’esprit-de-vin & de l’acide nitreux, le baume de soufre, &c. peuvent produire, lorsque leur action est excitée dans des vaisseaux fermés, la plûpart même en plein air, peuvent produire, dis-je, dans l’air qui les environne, une commotion dont les redoutables effets ne sont connus que par trop d’exemples. Voyez Poudre à canon, Fulmination, Ether nitreux, Soufre : l’eau mise soudainement en expansion par un corps très-chaud qui l’entoure exactement, tel que l’huile bouillante ou le cuivre en fusion, lance avec force ces corps brûlans de toute part ; elle fait éclater avec plus de violence que l’air le plus condensé, un vaisseau exactement fermé, dans lequel on l’a fait boüillir. On trouvera un plus grand détail sur ces matieres dans les articles particuliers. Voyez sur-tout à l’article Soufre, l’histoire abregée de l’accident rapporté par Fr. Hoffmann, Obs. Phys. Chimic. Select. lib. 3°. obs. 15. Au reste, on se rend si familieres par l’usage les précautions à prendre contre ces divers accidens, qu’on ne peut les ranger raisonnablement qu’avec les évenemens les plus fortuits, & dont on doit le moins s’allarmer. (b)

Feu central & Feux soûterrains. (Physiq.) Quelques physiciens avoient placé au centre de la terre un feu perpétuel, nommé central, à cause de sa situation prétendue ; ils le regardoient comme la cause efficiente des végétaux, des minéraux & des animaux. Etienne de Clave employe les premiers chapitres du XI. livre de ses traités philosophiques, à établir l’existence de ce feu. René Bary en parle au long dans sa physique, & s’en sert à expliquer entr’autre chose, la maniere dont l’hyver dépouille les arbres de leur verdure. Comme la chaleur du