Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’établit en conséquence, empêche qu’il ne se fasse aucun amas d’eaux : ces malades au contraire meurent entierement dessechés. Voyez Colliquation, Fievre hectique, Colliquative, Diarrhée, Diabetes.

Il n’est aucun des symptomes de l’hydropisie, qui ne puissent être regardés comme les effets d’une des deux sortes de causes différemment modifiées, sur lesquelles on vient d’établir toute la théorie de cette maladie, où il y a complication de ces deux différens principes dans un même individu.

Ce qui dispose principalement à produire l’hydropisie dans quelque cas que ce soit, c’est le défaut de régime : d’ailleurs cette maladie peut être formée immédiatement, ou être la suite d’une autre maladie ; ce dernier cas est plus ordinaire que le premier. Quand l’hydropisie est la maladie primitive, elle est quelquefois l’effet d’une disposition héréditaire ; mais elle est ordinairement causée par la lésion des fonctions dans les premieres voies qui ne produit que des digestions imparfaites ; ou par la dégénération du sang & de la masse des humeurs, qui ne fournit qu’une lymphe trop épaisse, qui engorge les vaisseaux qui la reçoivent, ou une sérosité trop abondante qui les relâche, les distend & les force à se rompre ; ou, par l’effet du froid, sur l’habitude du corps qui donne lieu à une suppression de la transpiration, dont la matiere reflue dans la masse des humeurs, & produit ensuite une sorte de pléthore dans le système des vaisseaux séreux & lymphatiques ; lorsqu’elle ne se fait pas une issue par quelqu’autre voie d’excrétion : la résidence dans des lieux humides, marécageux, exposés au vent du midi, qui occasionnent un relâchement dans l’habitude du corps toûjours comme plongé dans un bain de vapeurs, dont il ne cesse de s’imbiber par les pores absorbans de la peau, a souvent aussi les mêmes suites : une boisson abondante d’eau froide, sur-tout lorsqu’elle est prise, le corps étant échauffé par quelque cause que ce soit, ou dans la nuit pendant le relâchement que procure le sommeil, peut produire intérieurement les mêmes effets ; si elle n’est pas évacuée d’une maniere proportionnée à sa quantité, par la voie du vomissement ou des selles, des urines ou des sueurs.

L’hydropisie, qui succede à une autre maladie, peut avoir autant de différentes causes, qu’il y a de différentes maladies qui peuvent la faire naître : telles sont toutes les fiévres accompagnées de beaucoup d’ardeur & de soif, suivies d’une boisson proportionnée, & même sans boisson par la seule acrimonie dissolvante qu’elles occasionnent dans la masse des humeurs : les fiévres intermittentes, invétérées, surtout la fiévre quarte, lorsqu’elle n’a pas été bien traitée, & qu’on s’est trop hâté de la couper par l’usage du quinquina ; les obstructions des viscères rebelles à la nature & aux remedes, comme les skirrhes du foie, de la rate, du pancréas, du mésentere, des intestins, des reins, de la matrice, & même les tubercules des poumons aussi-bien que l’asthme : les trop grandes évacuations de quelque espece qu’elles soient, comme les hémorrhagies, les saignées trop répétées, trop abondantes, la diarrhée, la dyssenterie opiniâtre, invétérée ; les vomitifs, les purgatifs trop violens & trop souvent employés, ainsi que les sudorifiques, les diurétiques, les ptyalisans qui produisent de trop grands effets : la suppression des évacuations nécessaires, comme des urines, des menstrues, des hémorrhoïdes : la mélancolie, la jaunisse, le scorbut & autres de semblable nature : à toutes ces causes prédisponentes de l’hydropisie, on doit ajoûter la grossesse qui, par le volume de la matrice, établit souvent une disposition à cette maladie ; entant qu’elle comprime les troncs des vei-

nes, qui rapportent le sang des extrémités inférieures

& des visceres de la région hypogastrique.

Quant aux effets & aux progrès de l’hydropisie, on observe en général que, dans toutes les especes de cette maladie, il y a communément enflure, ou au-moins tumeur sensible dans quelque partie de l’habitude du corps ; & un sentiment de pesanteur dans l’intérieur, lorsque la collection d’humeurs se forme dans quelque capacité : on remarque que la couleur de la peau est toûjours viciée dans l’un & l’autre cas, en ce qu’elle est fort pâle, tirant sur le verdâtre ; que les malades ont un grand dégoût des alimens, & sont tourmentés par une soif continuelle, qui les porte à boire abondamment sans que la boisson les soulage à cet égard, ce qui a fait dire au poëte par rapport à cette circonstance :

Quò plus sunt potæ, plus sitiuntur aquæ.

Mais chaque espece d’hydropisie a ses symptomes particuliers, à raison des différentes parties qui sont affectées. Voyez Hydrocéphale, Hydropisie de poitrine, Hydrocele, Leucophlegmatie, &c.

Pour ce qui est de l’ascite dont il s’agit ici plus particulierement, il s’annonce ordinairement ainsi : les piés commencent à s’enfler autour des talons & des malléoles d’une tumeur œdémateuse, plus ou moins séreuse, qui conserve pendant quelque tems l’enfoncement qui s’y fait par l’impression un peu forte des doigts ou de quelqu’autre corps mousse qui y a été appliqué. Dans les commencemens, cette enflure disparoît entiérement pendant la nuit, c’est-à-dire lorsque les malades étant couchés, le corps est dans une situation à peu près horisontale, ou les humeurs n’ayant plus à remonter contre leur propre poids, qui l’emporte sur l’action des vaisseaux ou du tissu cellulaire, relâché, forcé, retournent plus aisément dans le torrent de la circulation ; en sorte que le matin il ne reste plus de tumeur, ou au-moins elle est considérablement diminuée, mais elle se forme de nouveau pendant le jour ; paroît le soir, de plus en plus considérable, & gagne peu à peu les jambes & les cuisses au point de s’étendre jusqu’à la hauteur des reins, dans les bourses, & le tissu cellulaire des tégumens de la verge qui se tuméfient toûjours davantage, tellement qu’elle est quelquefois comme ensevelie dans l’enflure : en même tems l’humeur commence à se jetter dans la capacité du bas-ventre, & y devient toûjours plus abondante au point qu’elle distend bientôt les parois de l’abdomen jusques par-dessus l’estomac, & cause un sentiment de fluctuation & de murmure par les eaux contenues qui augmentent le volume du bas-ventre, du côté où elles sont portées par leur poids, à mesure que le malade étant couché, se releve en différens sens à droite & à gauche : & cette fluctuation est encore plus sensible, lorsque l’on frappe le ventre avec une main à l’opposite de l’autre qui le presse par côté ; car alors les mains sont affectées, comme du choc ondulatoire d’une colonne de liquide mis en mouvement.

Ces différens symptomes suivent ordinairement cette marche, lorsque la cause de l’hydropisie ascite dépend d’un vice général dans les solides & dans les fluides ; mais lorsque la cause est dans quelque viscere du bas-ventre, l’enflure se forme souvent sans être précédée de celle des extrémités inférieures, survient insensiblement & presque sans que les malades s’en apperçoivent ; c’est ce qui arrive, surtout dans les hydropisies enkistées : d’autres fois l’enflure se forme en très-peu de tems, & comme subitement ; c’est le cas de l’ascite proprement dit : outre cela, il y a encore à remarquer que quelquefois l’enflure n’occupe pas toute l’étendue du bas ventre, mais seulement une partie plus ou moins considérable, de maniere que le ventre paroît, dans quel-