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Tous ces jeux sont rangés sur les sommiers ou pieces gravées, en telle sorte que l’organiste laisse aller le vent à tel jeu qu’il lui plaît, en ouvrant le registre qui passe sous les piés des tuyaux, & à tel tuyau de ce jeu qu’il lui plaît, en ouvrant la soûpape qui ferme la gravûre sur laquelle le tuyau répond. Voyez Sommier de grand Orgue, & l’article Orgue.

On laisse partir ordinairement plusieurs jeux à-la-fois, ce qui forme des jeux composés ; le principal des jeux composés s’appelle plein jeu, qui est la montre & le bourdon de 16 piés, le bourdon de 8 piés ouvert, le prestant, la doublette, la fourniture, la cimballe & la tierce.

Les autres jeux composés sont à la discrétion des Organistes qui les composent chacun à leur gré, en prenant dans le nombre presque infini de combinaisons qu’on en peut faire celles qui leur plaisent le plus, ce dont ils s’apperçoivent en tâtant le clavier. Cependant on peut dire que de toutes les combinaisons possibles de ces différens jeux pris 2 à 2, 3 à 3, 4 à 4, &c. quelqu’unes doivent être exclues : telles, par exemple, que celles dont les sons correspondans à une même touche, forment une dissonance comme les tierces & la quarte de nazard. Voyez la table générale du rapport & de l’étendue des jeux de l’orgue.

Jeu, terme de Fauconnerie. On dit donner le jeu aux autours, c’est leur laisser plumer la proie.

Jeu, terme de tripot ; c’est une division d’une partie de paume : les parties sont ordinairement de huit jeux ; chaque jeu contient quatre coups gagnés ou quinze ; le premier se nomme quinze ; le second trente ; le troisieme quarante-cinq ; & le quatrieme jeu. Quand les joueurs ont chacun un quinze, on dit qu’ils sont quinzains ; quand ils ont chacun trente, on dit qu’ils sont trentains ; quand ils ont chacun quarante-cinq, cela s’appelle être en deux ; & pour lors il faut encore deux coups gagnés de suite pour avoir le jeu : le premier se nomme avantage, & le second jeu.

Lorsque les deux joueurs ont chacun sept jeux, ils sont ce qu’on appelle à deux de jeu ; alors la partie est remise en deux jeux gagnés de suite, dont le premier se nomme avantage de jeu.

Cette acception du mot jeu, est commune à presque tous les jeux qui se jouent par parties. La partie est composée de plusieurs jeux, & celui qui le premier a gagné ce nombre de jeux a gagné la partie.

Jeu (l’île d’,) Géog. petite île de l’Océan, sur les côtes de Poitou, à environ 13 lieues de la contrée qu’on nomme l’Arbauge ; c’est à tort que quelques-uns appellent cette île l’île de l’Oie, d’autres l’île des Œufs, d’autres l’île-Dieu, d’autres enfin, l’île de Dieu ; il faut dire l’île-Dieu, suivant M. de Valois, dans sa not. Gall. p. 390. (D. J.)

JEUDI, s. m. (Hist. & Chron.) est le cinquieme jour de la semaine chrétienne, & le sixieme de la semaine judaïque. Ce jour étoit consacré par les payens à la planete de Jupiter, & ils l’appelloient dies Jovis, d’où lui est venu son nom. Voyez Jour & Semaine. (G)

JÉVER, (Géog.) petite ville d’Allemagne en Westphalie, au pays de Jéverland, auquel elle donne son nom. Le Jéverland ne s’étend en long & en large que trois milles, & contient 18 paroisses, plusieurs châteaux, monasteres, & églises ; il appartient à la maison d’Anhalt-Zerbet. (D. J.)

JEUMERANTE, outil de Charron ; c’est une petite planche de bois plat, formant la six ou huitieme partie d’un cercle qui sert aux Charrons de patron pour faire les gentes de roues. Voyez nos Planches du Charron.

JEUNE, voyez l’article Jeunesse.

Jeune, (Jardinage.) comme on compte l’âge d’un bois, on dit un jeune, un vieux bois, & de même un jeune arbre, un vieil arbre.

Jeune, (Vénerie.) les jeunes cerfs sont ceux qui sont à leur deuxieme, troisieme, & quatrieme tête ; ils peuvent pousser jusqu’à huit, dix, & douze andouilleres, suivant les pays.

JEÛNE, s. m. (Littérat.) abstinence religieuse, accompagnée de deuil & de macération.

L’usage du jeûne est de la plus grande antiquité ; quelques théologiens en trouvent l’origine dans le paradis terrestre, où Dieu défendit à Adam de manger du fruit de l’arbre de vie ; mais c’est-là confondre le jeûne avec la privation d’une seule chose. Sans faire remonter si haut l’établissement de cette pratique, & sans parler de sa solemnité parmi les Juifs, dont nous ferons un article à part, nous remarquerons que d’autres peuples, comme les Egyptiens, les Phéniciens, les Assyriens, avoient aussi leurs jeûnes sacrés ; en Egypte, par exemple, on jeûnoit solemnellement en l’honneur d’Isis, au rapport d’Hérodote.

Les Grecs adopterent les mêmes coûtumes : chez les Athéniens il y avoit plusieurs fêtes, entr’autres celle d’Eleusine, & des Thesmophories, dont l’observation étoit accompagnée de jeûnes, particulierement pour les femmes, qui passoient un jour entier dans un équipage lugubre, sans prendre aucune nourriture. Plutarque appelle cette journée, la plus triste des Thesmophories : ceux qui vouloient se faire initier dans les mysteres de Cybèle, étoient obligés de se disposer à l’initiation par un jeûne de dix jours ; s’il en faut croire Apulée, Jupiter, Cérès, & les autres divinités du paganisme, exigeoient le même devoir des prêtres ou prêtresses, qui rendoient leurs oracles ; comme aussi de ceux qui se présentoient pour les consulter ; & lorsqu’il s’agissoit de se purifier de quelque maniere que ce fût, c’étoit un préliminaire indispensable.

Les Romains, plus superstitieux que les Grecs, pousserent encore plus loin l’usage des jeûnes ; Numa Pompilius lui-même observoit des jeûnes périodiques, avant les sacrifices qu’il offroit chaque année, pour les biens de la terre. Nous lisons dans Tite-Live, que les Décemvirs, ayant consulté par ordre du sénat, les livres de la sybille, à l’occasion de plusieurs prodiges arrivés coup-sur-coup, ils déclarerent que pour en arrêter les suites, il falloit fixer un jeûne public en l’honneur de Cérès, & l’observer de cinq en cinq ans : il paroît aussi qu’il y avoit à Rome des jeûnes réglés en l’honneur de Jupiter.

Si nous passons aux nations asiatiques, nous trouverons dans les Mémoires du P. le Comte, que les Chinois ont de tems immémorial, des jeûnes établis dans leur pays, pour les préserver des années de stérilité, des inondations, des tremblemens de terre, & autres desastres. Tout le monde sait que les Mahométans suivent religieusement le même usage ; qu’ils ont leur ramadan, & des dervis qui poussent au plus haut point d’extravagance leurs jeûnes & leurs mortifications.

Quand on réfléchit sur une pratique si généralement répandue, on vient à comprendre qu’elle s’est établie d’elle-même, & que les peuples s’y sont d’abord abandonnés naturellement. Dans les afflictions particulieres, un pere, une mere, un enfant chéri, venant à mourir dans une famille, toute la maison étoit en deuil, tout le monde s’empressoit à lui rendre les derniers devoirs ; on le pleuroit ; on lavoit son corps ; on l’embaumoit ; on lui faisoit des obseques conformes à son rang : dans ces occasions, on ne pensoit guere à manger, on jeûnoit sans s’en appercevoir.

De même dans les desolations publiques, quand