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en occuper toutes les avenues ; c’est le préliminaire d’un siége.

Investir une place, c’est l’entourer de troupes de tous côtés, comme dans le blocus ; de maniere que la ville ne puisse recevoir aucun secours, soit d’hommes ou de provisions : c’est proprement une préparation pour l’assiéger dans les formes.

L’investissement doit être fait de nuit avec de la cavalerie, afin d’empêcher qu’il ne sorte ou n’entre plus rien dans la place qu’on investit. Il faut aussi le plus promptement qu’il se peut, faire arriver l’infanterie, & mettre les troupes hors la portée du canon pendant le jour, pour qu’elles soient moins exposées au feu de la place ; mais les approcher beaucoup plus pendant la nuit.

On ne doit se montrer d’abord devant la place, que par des détachemens, qui poussant de tous côtés jusqu’aux portes de la ville, enlevent tout ce qui se trouve dehors, hommes & bestiaux. Ces détachemens doivent être soutenus par quelques escadrons qu’on fait avancer autant qu’il est nécessaire. Il est même avantageux d’essuyer quelques volées de canon pour avoir lieu d’en remarquer la portée.

Pendant que cette petite expédition se fait, on doit se saisir de toutes les avenues favorables aux secours qui pourroient se jetter dans la place. On forme pendant la nuit une espece d’enceinte autour de la place, en sorte qu’il ne reste aucun espace par où l’ennemi puisse pénétrer. En cet état on tourne le dos à la place, & on dispose de petites gardes devant & derriere pour n’être point surpris. Enfin, on fait tête à l’ennemi de quelque côté qu’il puisse se présenter, tenant toûjours la moitié de la cavalerie à cheval, pendant que l’autre met pied à terre, pour faire un peu reposer les hommes & les chevaux. Le matin on se retire peu-à-peu avec le jour, faisant souvent halte jusqu’à ce que le lever du soleil donne lieu de se retirer au quartier.

On pose des gardes ordinaires, qui font tête à la place, & d’autres plus fortes sur les côtés par où les secours pourroient arriver. Après quoi les escadrons qui ne sont pas de garde, se retirent au camp pour se reposer, sans se deshabiller, ni deseller les chevaux, qu’autant de tems qu’il est nécessaire pour les panser.

Dès le jour même que la place est investie, l’armée se met en mouvement pour arriver devant avec l’artillerie & les autres choses nécessaires au siége. Lorsque l’armée est prête d’arriver, le lieutenant général qui a fait l’investissement, va au-devant pour rendre compte au général de ce qu’il a fait, lequel, sur le rapport de cet officier, regle la derniere disposition pour le campement de l’armée autour de la place.

Le général fait le lendemain de son arrivée le tour de la place pour en finir la circonvallation, & distribuer les quartiers aux troupes & aux officiers généraux. Il regle aussi le quartier général, celui des vivres, le parc d’artillerie, &c. Ce qui étant fait, les ingénieurs tracent la circonvallation, afin que les troupes puissent marquer leur camp & demeure ; ce qui se fait en établissant le front de bandiere parallélement à la circonvallation & à la distance de 60, 80, 100, ou 120 toises au plus. Voyez Circonvallation, Attaque des Places du maréchal de Vauban.

Investir, (Marine.) se dit parmi les matelots de la Méditerranée pour échouer ou toucher sur une côte ou sur un banc de sable. (Q)

INVESTISSEMENT, dans l’Art militaire, c’est l’action d’entourer une place de troupes pour se préparer à en faire le siége dans les formes. Voyez Investir.

INVESTITURE, s. f. (Jurisprud.) du latin ve-

stire, signifie tradition, mise en possession. Ce terme

se prend quelquefois pour le droit d’investir, quelquefois pour l’action même d’investir, quelquefois enfin pour l’instrument ou acte qui fait mention de cette investiture. Il se prend aussi pour la possession même, comme on le voit en plusieurs endroits de la loi des Lombards.

En matiere féodale, le terme d’investiture se prend quelquefois pour le titre primitif de concession du fief, & plus souvent encore pour la réception en foi & hommage.

Anciennement les investitures & mises en possession ne se faisoient pas simplement de bouche, ni même par écrit ; on y ajoutoit certains signes extérieurs ou symboles, pour exprimer la translation qui se faisoit de la propriété ou possession d’une personne à une autre.

Ces symboles étoient fixés par les lois ou par l’usage, & l’on employoit à cet effet les mêmes choses chez presque toutes les nations ; on se servoit ordinairement des choses qui avoient le plus de rapport avec celle dont on vouloit faire la tradition. Ainsi pour l’investiture d’un champ, on donnoit un morceau de terre ou de gazon taillé en rond, large environ de quatre doigts ; si c’étoit un pré on y ajoutoit de l’herbe, ou plutôt on coupoit un gazon ; si c’étoit une terre, on y fichoit une branche d’arbre haute de quatre doigts, le tout pour faire entendre que ce n’étoit pas seulement le fond & le sol dont on se dépouilloit, mais que l’on cédoit aussi la superficie, c’est-à-dire tout ce qui étoit sur le fonds, comme les bâtimens, les bois, les arbres, vignes, les plantes, moissons, &c.

L’investiture se faisoit aussi per festucam seu per baculum & virgam, c’est à-dire par la tradition d’un petit bâton appellé festuca.

On employoit encore pour symbole de tradition un couteau ou une épée per cultellum, vel per gladium. C’étoit pour désigner la puissance que l’on transmettoit au nouveau propriétaire de changer, détruire, couper, renverser, & faire généralement dans son fond tout ce qu’il jugeroit à propos.

On se servoit enfin quelquefois encore d’autres choses en signe d’investiture, comme d’un anneau que l’on mettoit au doigt, d’une piece de monnoie, d’une pierre, & de diverses autres choses.

Les souverains donnoient l’investiture d’une province per vexillum, c’est-à-dire en remettant une banniere.

On gardoit avec soin ces signes d’investitures, & souvent on les annexoit à l’acte d’investiture, comme quand c’étoit une piece de monnoie ou de petits morceaux de bois, un couteau, &c. & afin que ces sortes de pieces symboliques ne pussent pas servir à d’autres qui s’en empareroient, on les rendoit inutiles en les coupant ou cassant par le milieu. Voyez le Glossaire de du Cange, au mot investitura, où l’on trouve près de 80 manieres différentes de donner l’investiture. (A)

Investiture des Fiefs, est la concession primitive du fief ou acte d’inféodation ; c’est aussi la réception du nouveau vassal en foi & hommage, par le moyen de laquelle le vassal est saisi & investi de son fief.

L’investiture du vassal empêche le seigneur d’user du retrait féodal ; elle sert aussi à faire courir l’année du retrait lignager. Voyez le traité des fiefs de Billecoq, liv. II. chap. xvij. & aux mots Foi & Hommage. (A)

Investiture des Bénéfices, est un acte par lequel on déclare & on confirme le droit résultant de la collation d’un bénéfice, faite par le collateur en faveur d’un nouveau titulaire.

Quelques auteurs confondent l’institution & la