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produira, de jour comme de nuit, l’heure, la minute, la seconde, donnée par l’horloge régulatrice placée près de la lunette méridienne. Ces appareils battront la seconde aussi régulièrement que la pendule astronomique avec laquelle ils seront en communication par le courant électrique. On éviterait ainsi l’obligation d’avoir plusieurs horloges de grand prix, et la nécessité de régler séparément chaque horloge sur le mouvement des astres.

Quel service immense rendu aux besoins de tous, si, pour une ville, pour des établissements publics, pour des ateliers, pour des chemins de fer, pour les grandes fabriques, dont les divers ateliers sont éloignés les uns des autres, on pouvait répartir l’heure d’une manière parfaitement exacte, au moyen d’un chronomètre unique ! Or, ce grand problème est aujourd’hui résolu ; il ne reste plus qu’à transporter dans la pratique et dans nos usages cette invention admirable. Le jour n’est pas éloigné où à Paris, par exemple, l’horloge de l’Hôtel-de-ville, ou celle du Louvre, répétera cent fois, sur cent cadrans séparés, son heure et sa minute. On fera alors circuler les heures sous le pavé des rues, comme on y fait aujourd’hui circuler l’eau et le gaz. De même que, par des conduits souterrains, aux embranchements innombrables, on distribue maintenant la lumière et l’eau, ces deux besoins, ces deux soutiens de notre existence, ainsi on distribuera le temps, c’est-à-dire la mesure de la vie.

Quel est l’inventeur de l’horloge électrique ?

La mesure du temps par l’électricité était une des applications du principe de la télégraphie électrique qui se présentait le plus naturellement à l’esprit. On ne doit donc pas être surpris que plusieurs physiciens ou artistes de notre temps, se soient occupés simultanément de cette question.

Un titre authentique accorde pourtant la priorité, dans la réalisation pratique de cette idée, à M. Steinheil, de Munich, à qui revient, comme nous l’avons établi dans la notice sur le Télégraphe électrique[1], le mérite d’avoir établi et fait fonctionner la première correspondance connue par un télégraphe électrique. En 1839, le roi de Bavière accorda à M. Steinheil la concession exclusive de la construction d’horloges électriques. C’est donc au physicien de Munich qu’appartient l’honneur de la première exécution pratique de l’horloge électro-télégraphique.

En 1840, le public scientifique de Londres s’émut des vives discussions qui s’élevèrent entre M. Wheatstone, le célèbre physicien qui a créé et établi en Angleterre la télégraphie électrique, et l’un de ses ouvriers mécaniciens, M. Bain, qui s’était fait connaître par la découverte d’un télégraphe imprimant. M. Wheatstone et son ouvrier, M. Bain, se disputaient mutuellement la découverte de l’horloge électrique. M. Bain affirmait, avec la plus vive insistance, avoir imaginé et construit une horloge de ce genre, dès le mois de juin 1840, et accusait le savant de s’être approprié son idée. De son côté, M. Wheatstone repoussait ces imputations avec énergie. Personne n’avait tort dans cette discussion. L’idée d’appliquer l’électro-magnétisme à la mesure du temps était assez naturelle, pour s’être présentée en même temps à l’esprit du maître et à celui de l’ouvrier.

Quoi qu’il en soit, c’est le 26 novembre 1840, que le célèbre physicien lut à la Société royale de Londres un mémoire descriptif sur son invention. Le recueil publié par cette Société donnait en ces termes, l’idée de l’appareil de M. Wheatstone :

« Le but de l’appareil qui est l’objet de la communication de M. Wheatstone, est de rendre une seule horloge propre à indiquer exactement en différents lieux, aussi distants l’un de l’autre qu’on le voudra, l’heure donnée par une seule et même horloge. De cette manière, dans de grands établissements, ou dans des administrations très-nombreuses, il suffira d’une bonne horloge pour indiquer l’heure dans toutes les parties de l’édifice où cette indication

  1. Voir page 101 de ce volume.