Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879.djvu/522

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que s’est élevée cette violente tempête. » Je n’ignore pas que c’est pour mon châtiment que les éléments sont bouleversés, que le monde est dans la confusion, que la colère me poursuit, que le naufrage sévit contre vous : ces flots mêmes vous commandent de me jeter à la mer. Si je porte le poids de la tempête, vous recouvrerez la tranquillité, Admirable magnanimité de notre fugitif ! il ne tergiverse pas, il ne dissimule rien, il ne nie pas ; il a fait l’aveu de sa faite, il en accepte volontiers la peine : il aspire à périr, de peur que d’autres ne périssent à cause de toi, et qu’au péché de sa fuite ne s’ajoute encore la responsabilité de la mort d’autrui, Voila pour l’histoire, D’autre part, on n’ignore pas que les vents courroucés, auxquels l’Évangile nous dit que Notre-Seigneur commanda de s’apaiser, Mat. 6, 1, seqq. et la barque en péril, dans laquelle Jésus dormait, et la mer grossissante, qu’il gourmandait ainsi : « Tais-toi, rentre dans le silence », doivent être rapportés au Sauveur réveillant l’Église en danger do périr, ou les Apôtres qui, en l’abandonnant dans sa Passion, le précipitaient en quelque sorte dans les flots. Ce Jonas nous dit : « Je sais, que c’est à cause de moi que cette tempête terrible est venue fondre sur vous », parce que les vents me voient aller avec vous en Tharsis, C’est-à-dire naviguer vers la contemplation de la joie, pour vous conduire avec moi a cette joie, et, afin que là où nous sommes, mon Père et moi, vous soyez vous aussi. Jn. 14, 3. Voila pourquoi les vents sont en fureur, pourquoi frémit le monde, qui est sous l’empire du malin esprit ; 1Jn. 5, 19 ; c’est pour cela quo les éléments sont troublés, que la mort veut me dévorer, pour vous faire périr en même temps, et elle ne comprend point, semblable qu’elle est au poisson qui mord a l’hameçon, qu’elle mourra par ma mort, « Prenez-moi et me jeter à la mer. » Il ne nous appartient pas de recourir à la mort, mais nous devons la recevoir volontiers d’une autre main que la nôtre. De là vient que, dans les persécutions, il n’est pas permis de se donner la mort, hors le cas où la chasteté est en péril, mais on doit tendre le cou au fer de celui qui frappe. Apaisez ainsi les vents, nous dit-il, versez mon sang en libations dans la mer : moi mourant, la tempête qui sévit contre vous a cause de moi, s’apaisera,

« Cependant les mariniers ramaient pour retourner vers le sol ferme, et ils ne pouvaient point, parce que la mer continuait A se soulever contre eux. » Jon. 1, 13. Les Septante : « Les mariniers s’efforçaient de regagner la terre, et ils ne pouvaient point, parce que la mer continuait à s’insurger contre eux. » Le Prophète avait prononcé la sentence contre lui-même ; mais eux, apprenant qu’il était un adorateur de Dieu, n’osaient pas porter les mains sur lui, et c’est pour cela qu’ils s’efforçaient de regagner la terre ferme et d’éviter cette dure extrémité de verser