Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/116

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protecteur.

(4) Là se trouvait aussi la majeure partie des archers comtes, corps qui se recrute de barbares de condition libre, choisis pour leur vigueur et leur adresse au maniement des armes.

Chapitre X

(1) Sapor, au moment de ce succès inopiné de son avant-garde, mettait à profit le conseil d’Antonin, et, en quittant Bebase, se dirigeait sur la droite par Horren, Meiacarire et Charcha, comme s’il n’avait eu aucun dessein sur Amida. Il rencontra sur sa route deux forts romains, Reman et Busan ; et il apprit d’un transfuge que la force de ces deux places avait déterminé plusieurs particuliers à y faire déposer leurs richesses, comme en lieu sûr. Outre les trésors, il s’y trouvait, disait-on, une femme de beauté singulière, avec sa jeune fille. C’était l’épouse de Craugase, membre influent et distingué du corps municipal de Nisibe.

(2) L’appât du butin anima Sapor, qui attaqua sans délai les deux forts, ne doutant pas de les enlever. Les garnisons en effet, consternées à la vue de tant d’ennemis, ne songèrent qu’à rendre les places, en livrant avec elles tous les réfugiés. À la première sommation, elles en remirent les clefs, en ouvrirent les portes, et tout ce qu’elles renfermaient fut abandonné au vainqueur. On vit alors paraître à la file des femmes tremblantes, des enfants sur les bras de leurs mères, et faisant, dans un âge si tendre, l’apprentissage du malheur.

(3) Le roi s’informa de l’épouse de Craugase, lui fit dire d’approcher sans crainte, et, la voyant couverte d’un voile noir des pieds à la tête, l’assura d’un air de bonté qu’on respecterait sa pudeur, et qu’elle reverrait son mari. Il savait que ce dernier avait pour elle une passion extraordinaire, et comptait négocier à ce prix la reddition de Nisibe.

(4) Il étendit cependant la même protection à des vierges consacrées, suivant le rite des chrétiens, au culte des autels ; leur permettant de continuer sans crainte leurs pratiques religieuses. Cette affectation de clémence avait pour but de ramener à lui ceux qu’effrayait sa réputation de barbarie. Il comptait leur persuader, par ces exemples, que ses mœurs s’étaient adoucies, et que sa haute fortune ne l’élevait pas au-dessus des sentiments de l’humanité.


Traduction sous la direction de M. Nisard, Paris Firmin Didot, 1860
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