Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/294

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l’envoi d’une armée avec Arinthée pour chef, afin de secourir l’Arménie, au cas où les Perses y recommenceraient les hostilités.

(14) Cependant Sapor, dont l’astuce était sans égale, et qui savait très bien, quand il y avait intérêt pour lui, prendre des façons insinuantes, travaillait à circonvenir Papa par ses émissaires. Sous l’appât de son alliance, qu’il lui montrait en expectative, il le gourmandait avec une bienveillance hypocrite sur l’ascendant excessif qu’il laissait prendre à Cylace et à Arrabanne, dont il n’était, disait Sapor, que l’esclave sous une ombre de royauté. Le crédule prince donna tête baissée dans le piège que couvraient ces avances, fit mettre à mort ses deux ministres, et envoya leurs têtes à Sapor, en signe de sa soumission.

(15) Cette sanglante exécution fut bientôt divulguée de tous côtés. C’en était fait de l’Arménie, si les Perses, intimidés par l’approche d’Arinthée, n’eussent discontinué leurs entreprises. Ils se contentèrent donc d’envoyer une ambassade à l’empereur, pour lui demander, aux termes du traité conclu avec Jovien, de ne pas intervenir.

(16) Cette réclamation fut repoussée ; et Térence, avec douze légions, alla replacer Sauromace sur le trône d’Ibérie. Le prince expulsé arrivait au fleuve Cyrus, lorsque Aspacuras, qui était son cousin, vint le supplier de consentir à ce qu’ils régnassent concurremment en bonne intelligence, comme étant du même sang. Il appuyait sa proposition sur l’impossibilité pour lui, qui avait son fils Ultra en otage chez les Perses, de faire abandon de son droit et cause commune avec les Romains.

(17) L’empereur, sur cette ouverture, jugea qu’il était de la prudence de ne pas envenimer la querelle par une opposition de sa part, et acquiesça au partage de l’Ibérie. Le Cyrus, qui coule au milieu du pays, fut fixé comme ligne de démarcation réciproque. Sauromace régna sur les Lazis et le territoire limitrophe de l’Arménie ; Aspacuras, sur celui qui confine à l’Albanie et à la Perse.

(18) Sapor se récria sur ces procédés, qu’il qualifiait d’indignes ; sur l’intervention des Romains en Arménie, au mépris des traités ; sur l’avortement de ses négociations pour obtenir un redressement ; enfin sur le partage, ainsi fait à son insu, du royaume d’Ibérie. Considérant le pacte comme rompu, il fit appel aux nations voisines, et se préparait à entrer en campagne au printemps, jurant de détruire de fond en comble tout ce qui venait de se faire sans son aveu.

Traduction sous la direction de M. Nisard, Paris Firmin Didot, 1860
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