Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
HISTOIRE DE FRANCE

eût conduit cette guerre ? L’héritier, le jeune et violent comte de Charolais, c’est-à-dire que tout fût tombé dans les mains de sa mère, qui aurait chassé les Croy.

Les conseillers de Charles VII n’ignoraient rien de tout cela. Ils étaient si persuadés que le duc n’oserait faire la guerre, que si le roi les eût crus, ils auraient hasardé un coup de main pour enlever le dauphin au fond du Brabant. Ils avaient décidé le roi à marier sa fille au jeune Ladislas, roi de Bohême et de Hongrie, issu de la maison de Luxembourg, et à occuper le Luxembourg comme héritage de son gendre. Déjà le roi avait déclaré prendre Thionville et le duché sous sa protection. Déjà l’ambassade hongroise était à Paris, et elle allait emmener la jeune princesse, lorsqu’on apprit que Ladislas venait de mourir.

Ce hasard ajournait la guerre[1], que d’ailleurs les deux ennemis étaient loin de désirer. Ils s’en firent une qui allait mieux à deux vieillards, une aigre petite guerre d’écrits, de jugements, de conflits de tribunaux. Avant d’entrer dans ce détail, il faut expliquer, une fois pour toutes, ce que c’était que la puissance de la maison de Bourgogne et faire connaître en général le caractère de la féodalité de ce temps.

Le duc de Bourgogne était chez lui, était en France même, le chef d’une féodalité politique qui n’avait rien de vraiment féodal. Ce qui avait fait le droit de la féodalité primitive, ce qui l’avait fait respecter, aimer de ceux mêmes sur qui elle pesait, c’est qu’elle était pro-

  1. Le roi ne lâcha pas prise ; il acheta du duc de Saxe les droits sur le Luxembourg qu’il tenait de l’héritière de Ladislas. App. 176.