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CINQUIÈME ENNÉADE.


localement, et elle existe en puissance dans le tout[1]. L’Intelligence demeure en elle-même, et, en se possédant tranquillement elle-même, elle est la plénitude éternelle de toutes choses. Si on la concevait antérieure à l’Être, il faudrait dire que c’est son action, sa pensée qui a produit et engendré les êtres. Mais, comme il faut au contraire admettre que l’Être est antérieur à l’Intelligence, on doit, dans le principe pensant, concevoir d’abord les êtres, ensuite l’acte et la pensée, comme à l’essence du feu vient se joindre l’acte du feu, en sorte que les êtres ont l’intelligence innée[2] comme leur acte. Or l’être est un acte ; donc l’être et l’intelligence sont un seul acte, ou plutôt tous deux ne font qu’un[3]. Ils ne forment par conséquent qu’une seule nature, comme les êtres, l’acte de l’être et l’intelligence ; dans ce cas, la pensée est l’idée (εἶδος (eidos)), la forme (μορφὴ (morphê)), l’acte de l’être. En séparant par la pensée l’être et l’intelligence, nous concevons un des principes comme antérieur à l’autre. L’intelligence qui opère cette séparation est en effet différente de l’être dont elle se sépare[4] ; mais l’Intelligence qui est inséparable de l’Être et qui ne sépare pas de l’être la pensée est l’être même est toutes choses.

IX. Quelles sont donc les choses contenues dans l’unité de l’Intelligence et que nous divisons en les pensant ? Il faut les énoncer sans en troubler le calme, et contempler ce que contient l’Intelligence par une science qui reste en quelque sorte dans l’unité. Puisque ce monde sensible est un animal qui embrasse tous les animaux, puisqu’il tient son existence et son essence d’un principe différent de

  1. Voy. la même comparaison plus développée Enn. IV, liv. IX, § 5 ; t. II, p. 501-502.
  2. Nous lisons ἔνοντα (enonta), comme Ficin, au lieu de ἓν ὄντα (hen onta), que Creuzer a eu le tort de maintenir dans le texte, puisqu’il a reconnu lui-même dans ses notes que la leçon suivie par Ficin était plus conforme à la suite des idées.
  3. Voy. Enn. III, liv. IX, n° 1 ; t. II, p. 239.
  4. Voy. Enn. III, liv. IX, n° 1 ; t. II, p. 240.